L'histoire de Karlee n'a rien d'anecdotique. En France, le nombre de patients qui a subi traitements hormonaux et interventions chirurgicales pour changer de sexe a triplé entre 2011 et 2020. 70% d'entre eux ont entre 18 et 35 ans. Il y aurait, selon l'association Objectif Trans, 15 000 individus intégralement pris en charge pour transidentité en 2020. Un chiffre revu à la baisse par l'assurance maladie qui en dénombre 8 952 pour la même année mais qui n'a depuis pas été réactualisé. L'effet "contagion sociale" via les réseaux sociaux et l'augmentation du nombre de jeunes touchés par ce qui s'apparente à un véritable phénomène de société fait craindre une accélération.
Comme un coup de pied dans la fourmilière et quoi qu'il en coûte, Katlee veut justement « en finir avec tous ces influenceurs aux centaines de milliers d'abonnés qui se répandent sur la Toile pour propager l’idéologie transaffirmative et précipiter nombre de jeunes comme elle dans des mutilations chirurgicales qui font les affaires juteuses de spécialistes du corps médical ».
« Aucun médecin n'a demandé l’accord de mes parents »
Son histoire débute dans les années 2010. Karlee, qui se décrit comme « un garçon à tendance homosexuelle » à l'époque, découvre, comme beaucoup d'autres jeunes de sa génération, l'existence de personnes trans via les réseaux sociaux et des reportages sur YouTube : « C'est alors devenu une évidence : au fond de moi, je me sentais femme, je pensais qu’en devenant une "femme trans", je rentrerais plus dans la norme. Mais c’est tout le contraire. » Elle comprend aussi que, pour celui ou celle qui souhaite changer de sexe, l'aventure débute avec le Planning familial qui l'oriente vers des spécialistes et lui explique que « tout sera pris en charge » par la Sécurité sociale.
À seulement 17 ans, sans accord de ses parents - aucunement exigé par les professionnels qui la suivent -, Karlee débute ainsi son parcours de transition : deux années de suivi auprès d'un endocrinologue qui lui administre des bloqueurs de puberté (« une dose de cheval ! », précise-t-elle à BV) et d'un psychologue à raison d'une rencontre hebdomadaire. Des consultations peu convaincantes pour Karlee qui, avec le recul, estime avoir eu affaire à « un piètre spécialiste sans aucune compétence ni formation particulière ». Avec lui, elle parle « de la pluie et du beau temps et de [s]a transition sans qu'à aucun moment il ne cherche à savoir pourquoi [elle] souhaitait entamer ce parcours ni ne remette une seul fois en question [s]a décision ». Au point que, « dans le fond, c’était pour lui le moyen d’arrondir ses fins de mois », juge-t-elle.
Pourtant, Karlee souffre de nombreux désordres psychologiques proches de la dépression chronique et de l'anxiété sociale : « J'ai été diagnostiquée borderline », tient-elle à préciser à BV. Cet aveuglement des spécialistes laissant de côté les pathologies des demandeurs de transition pour les précipiter dans des opérations de changement de sexe est régulièrement dénoncée. Psychiatre de l'enfant et de l'adolescence, le Dr Vincent Rouyer, régulièrement interrogé dans nos colonnes, déplore « ces diagnostics non posés de ces jeunes souffrant souvent de troubles de la personnalité, de traumatismes complexes ou du trouble du spectre de l'autisme, et plus rarement de schizophrénie », que l'on précipite dans des parcours de transition sans les soigner réellement. C'est par ailleurs un des reproches majeurs faits aux professionnels du fameux Tavistock Center en Angleterre qui, après enquête, a été fermé.
« On se croirait vraiment dans une industrie »
Quelques années après, Karlee subit trois opérations mammaires à l’hôpital de Lille : « Toutes étaient prises en charge, j’étais plutôt contente, ma transition avançait », explique-t-elle. Lorsqu'elle est acceptée pour un suivi à Lyon par l'équipe du GRETTIS [Groupe de recherche, d'étude et de traitement des troubles de l'identité sexuelle, NDLR], spécialisée dans les traitements de changements de sexe, Karlee découvre un monde bien particulier. Victimes de leur succès, les membres de l'équipe médicale sont confrontés à un afflux de demandes. Les salles d'attente sont bondées de « personnes trans défigurées par des chirurgies poussées à l’extrême », mais la jeune femme trans est bien accueillie par une « équipe bienveillante, un peu trop, même », qui lui « explique qu'elle est très jolie, qu'elle coche les bonnes cases et l'encourage à enchaîner les interventions ». Mais Katlee n'en pense pas moins : « On se croirait vraiment dans une industrie. Je me suis sentie comme poussée à l’achat par le spécialiste qui me précisait que ce n’était pas à moi de payer. »
« J'ai été bien naïve »
Une première chirurgie de féminisation faciale, intégralement remboursée par la Sécurité sociale, est donc réalisée. Les choses se corsent lorsque Katlee subit une vaginoplastie. « Le chirurgien m’a bien vendu le truc en me disant que ce serait très réussi et que j’allais vraiment devenir une femme. J’ai été bien naïve. Dès les premières heures de mon réveil de l’opération, je souffrais beaucoup et c’est comme si j’avais une révélation : j’ai commencé à regretter, j’étais allée trop loin, je me suis demandée ce que j’avais fait et pourquoi. » La réaction d'une infirmière à qui elle se confie reste à jamais gravée dans sa mémoire : « Ce n'est rien, elles disent toutes qu'elles regrettent au début ».
Les suites de l'opération sont indescriptibles, le suivi post-opératoire « catastrophique » et les dommages corporels irrémédiables : « J'ai une plaie béante à vie entre les deux jambes », nous explique-t-elle. Elle raconte des souffrances permanentes (parmi lesquelles des épreuves de dilatation subies jusqu’à 4 fois par jour pendant toute une vie) et des effets secondaires difficiles à décrire ici (écoulements de liquide nauséabond et risques d’infection permanents). Un calvaire qui précipitera Karlee dans trois tentatives de suicide, dont une l'a plongée dans le coma pendant 15 jours : elle a bien failli ne jamais revenir.
« Si je n'avais pas vécu la vaginoplastie, j'aurais détransitionné »
Karlee a désormais décidé de donner un nouveau sens à sa vie : faire passer un message via ses réseaux TikTok et Instagram. Parce qu'un « homme reste un homme et qu'une femme reste une femme », elle est déterminée à apporter son contre-témoignage à « ces influenceuses et youtubeuses qui vendent du rêve en faisant croire qu'on peut devenir des femmes et des hommes et dont les messages cartonnent sur les réseaux sociaux. Et pour toutes les personnes qui se sont suicidées parce qu'elles regrettaient leurs opérations et leur transition et dont personne ne parle. » Elle n'hésite pas à évoquer ce « lobby pharmaceutique, l'argent qui est derrière toute cette industrie ». Un message comme un cri d'alarme, sincère et à contre-courant.
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*vaginoplastie : création d'un vagin