Dans l’émission La France en face, sur CNews, Gabriel Attal a affirmé, ce 26 novembre, s’être « battu » avec les députés de son groupe « contre les augmentations d'impôts proposées par le RN et LFI, ces dernières semaines ». Quelques heures plus tôt, c’est Éric Ciotti qui faisait les frais de ces accusations. En séance à l’Assemblée nationale, Sébastien Lecornu a répondu vertement au député des Alpes-Maritimes qui revendiquait « aucune augmentation des prélèvements obligatoires sur les particuliers comme les entreprises ». « N’hésitez pas à en parler en intergroupe avec le groupe du Rassemblement national, qui a accompagné ce budget avec 35 milliards supplémentaires d’impôts sur les entreprises, sur les ménages », s’est alors écrié le chef du gouvernement, en dénonçant un « double discours ».
« Nous nous sommes battus contre toutes les augmentations fiscales »
Le député des Alpes-Maritimes lui a répliqué par le biais d’une vidéo publiée sur les réseaux sociaux : il reproche à Sébastien Lecornu d’avoir « menti éhontément […] en répandant des fake news dans l’Hémicycle ». « Nous nous sommes battus contre toutes les augmentations fiscales, quelles qu’elles soient », affirme Éric Ciotti, qui s’appuie sur la grande cohérence de son groupe parlementaire qui n’a effectivement voté aucune des dispositions participant aux hausses d’impôts, y compris celles soutenues ou proposées par le RN. En effet, sous l’impulsion du député de la Somme, Jean-Philippe Tanguy, le référent en économie de la formation patriote, plusieurs amendements ont été adoptés avec le soutien du RN, qui a mêlé ses voix à La France insoumise sur certaines dispositions comme l’abaissement du seuil de déclenchement de l’impôt minimum sur les entreprises, la hausse de la taxe sur les GAFAM ou un impôt « sur la fortune improductive ». Des votes qui ont semé un trouble et créé une brèche dans laquelle s’est engouffré Sébastien Lecornu face à Éric Ciotti. Ce dernier soutient pourtant son allié : « C’est un mensonge absolu, le RN a défendu 45 milliards d’euros de baisse de la fiscalité et 52 milliards d’euros de baisse de la dépense publique », a assené Ciotti, au micro de Sonia Mabrouk. « Nous n’avons pas de leçons à recevoir d’un pouvoir aux résultats calamiteux, ils feraient mieux de regarder leur bilan épouvantable », cingle le RN Julien Odoul. Interrogé par Boulevard Voltaire, le député défend la politique budgétaire du Rassemblement national, « parti de la paix fiscale ». « Nous voulons libérer l’économie des contraintes et des normes qui entravent les entreprises, moteur de notre économie », explique le député de l’Yonne, qui fustige « le taux de prélèvements obligatoires » de notre pays et plaide pour une baisse drastique de la pression fiscale. Des propos qui n'expliquent pas pour autant les hausses d’impôts votées par le parti à la flamme dans l’Hémicycle.
Tensions autour de la ligne portée par Jean-Philippe Tanguy
Portées par Jean-Philippe Tanguy et validées par Marine Le Pen, qui préside le groupe RN à l’Assemblée, ces hausses incarnent la ligne économique du RN du Nord attaché aux questions sociales et aux mesures en faveur d’une plus grande « justice fiscale ». Il en est ainsi lorsque la fille de Jean-Marie Le Pen assume « ne pas être de droite » mais « patriote », revendiquant d’être élue dans une terre socialo-communiste (le Pas-de-Calais). Pour autant, la politique économique défendue par Jean-Philippe Tanguy ne fait pas l’unanimité, au Rassemblement national. Dans les couloirs de l’Assemblée, il est fréquent d’entendre des députés marinistes regretter une ligne qui brouille le message du RN d’autant qu’elle n’est pas débattue en interne. Avoir voix au chapitre semble parfois difficile, dans la formation patriote. Dénoncer une fiscalité confiscatoire et voter des hausses d’impôts ? Inaudible pour le grand public, malgré la communication du parti qui s’est évertué à marteler le message initial : le RN s’oppose à la politique fiscale du gouvernement qui étouffe le pays et plaide pour une baisse majeure de la dépense publique.
Des contradictions symbolisées par la prise de position de Jordan Bardella. « Quoi qu’il arrive, nous voterons contre le budget, nous voterons contre le projet de loi de finances de la Sécurité sociale », a-t-il déclaré, il y a dix jours, sur France 3. Pour justifier ce rejet, le président du RN dénonce « les augmentations d’impôts » et l’absence d’économies dans les textes en discussion. Une déclaration qui peut être interprétée comme un désaveu de la ligne portée par Jean-Philippe Tanguy alors que Jordan Bardella multiplie les clins d’œil à la droite et au monde de l’entreprise. Très haut dans les sondages, le dauphin de Marine Le Pen doit reprendre la main pour clarifier une ligne économique incomprise qui prête inutilement le flanc aux attaques de l'adversaire, plaident tout bas des élus RN. Un adversaire trop heureux de relancer le procès en incompétence économique fait au RN depuis des décennies.