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culture et histoire - Page 1325

  • Contre la république à la française

    Chantal Delsol, professeur de philosophie politique à l’Université de Marne-la-Vallée et auteur de plusieurs ouvrages dont deux sont particulièrement importants et intéressants (« L’état subsidiaire » et « Le principe de subsidiarité » publiés aux PUF) est une très brillante élève du professeur Julien Freund (dont l’ouvrage le plus important « L’essence du politique », va être réédité aux éditions Dalloz) ; elle est la principale philosophe du fédéralisme en France et elle vient de publier aux PUF un petit essai très dense intitulé « La république : une question française » dans lequel elle fait une analyse philosophique de la république à la française.

    Une république nobiliaire

    Une des thèses essentielles de cet ouvrage est que le régime politique français n’est pas réellement une démocratie mais qu’il s’apparente à une république nobiliaire, c’est-à-dire à un régime dans lequel une élite (choisie par les partis politiques dans le cas présent) convaincue de détenir la vérité en matière de connaissance du bien commun impose une politique conforme à cette conception du bien commun sans se soumettre directement aux desiderata du peuple (lequel peuple est suspect de mauvaises pensées et d’égarements auxquels l’élite n’est bien entendu pas sujette). La république française bien qu’élective (le peuple a un seul droit : celui de choisir au sein de l’élite éclairée l’équipe dirigeante du moment) serait ainsi en fait un despotisme qui se veut éclairé.

    Cette élite dirigeante (qui vit à Paris, loin du peuple réel, en particulier de ce peuple provincial qui sent le moisi et qui reste attaché à un passé et à des traditions sans intérêt) est l’héritière et le vecteur de l’idéologie de la révolution française dont les ingrédients sont : l’égalitarisme, l’individualisme et leur corollaire, l’universalisme. Le but de cette élite est de conduire le peuple français sur la voie de l’universalisme, c’est-à-dire sur la voie de l’indifférenciation ; le peuple français a ainsi pour vocation de montrer l’exemple au reste de l’humanité en oubliant les miasmes de son héritage culturel et historique particulier et en s’efforçant de devenir l’avant-garde d’un peuple mondial indifférencié d’un bout à l’autre de la planète.

    Ainsi, le peuple français a l’insigne honneur d’être un peuple expérimental et avant-gardiste comme le fût le peuple soviétique dans un passé récent.

    Pour illustrer ce propos, donnons la parole à un membre éminent de notre noblesse d’état, Michel Barat grand maître de la Grande Loge de France qui écrivait dans le Figaro Magazine du 4 mai 2002 : « La République, pour moi, constitue un idéal de la raison. J’entends sa signification dans son sens originel de « chose publique », c’est-à-dire ce qui concerne tous et chacun sans jamais être le fait d’un seul. Une République tend vers un idéal universel, supérieur même à la nation, elle exige une vertu citoyenne sans confondre patriotisme et nationalisme. Le bien public ne saurait se réduire en un bien particulier, fût-il celui de la nation. La République ne constitue pas une communauté particulière, mais participe ainsi de la République universelle par la singularité de son œuvre et de sa culture. Ainsi, à mes yeux, la République peut et doit avoir de la grandeur. Mais c’est bien de grandeur d’âme dont il s’agit. Il me semble impossible qu’il puisse y avoir une République sans une morale républicaine dont le coeur consiste à préférer l’universel au particulier. Si une République doit trouver son assise dans la démocratie, elle ne se confond pas avec elle. La démocratie est un régime politique qui fait du peuple l’origine du pouvoir, elle implique tout simplement que les citoyens choisissent ses gouvernants. Il m’apparaît clairement que dans un Etat républicain moderne, la démocratie est une exigence quant à l’origine du pouvoir : les gouvernants doivent être librement choisis au suffrage universel. Le vote de chacun, quelles que puissent être les communautés auxquelles il appartient, vaut autant que celui d’un autre appartenant à des communautés différentes. Il y a bien là une ascèse qui fait préférer la singularité de la personne à la particularité de la communauté et l’universalité des principes à la singularité de la personne. Un gouvernement simplement démocratique est donc un gouvernement de l’opinion. Un gouvernement républicain est celui d’un gouvernement qui trouve son assise dans l’opinion, mais qui transcende cette opinion en volonté publique. Une démocratie qui oublierait l’idée de République pourrait engendrer des régimes monstrueux la détruisant. L’opinion n’est nullement républicaine quand elle préfère les intérêts des communautés au bien public. Le communautarisme conduit à l’obscurantisme et à la barbarie. Plus qu’une forme de gouvernement, la République est une morale, une philosophie pratique de construction de l’homme comme citoyen. Elle exige de tous et de chacun l’effort de formation, l’ascèse quasi spirituelle par laquelle, dépassant nos particularismes, nous élevons notre singularité en universalité. La République, en construisant la cité, construit un citoyen pièce maîtresse de l’univers ».

    Un nationalisme sans nation

    Ce texte est une illustration presque parfaite de la pensée de l’élite républicaine pour laquelle :

    – l’idéal (idéologie serait plus adéquat) est supérieur à la nation et à la personne ;

    – le bien public ne doit pas se limiter à la nation mais doit concerner l’univers ; – l’universel prévaut sur le particulier ;

    – la démocratie doit être surplombée par une caste républicaine chargée d’empêcher les divagations du peuple et d‚imposer les orientations politiques (la volonté publique qui est transcendantale !!!)

    – les communautés d‚origine doivent être dépassées ;

    – le but de la république n’est pas de chercher à réaliser le bien commun d’un peuple particulier mais de construire l’homme nouveau universel et indifférencié. On retrouve là un thème développé dans le passé par le bolchevisme (qui fût un autre héritier de la révolution française ; ce qui explique la difficulté à critiquer le communisme qu’ont toujours eue les républicains français) ;

    – il faut faire une distinction entre patrie (ce que les intellectuels néo-républicains, tels Taguieff ou Schnapper, appellent la nation civique par opposition à la nation ethnique) qui fait l’objet du patriotisme constitutionnel (J. Habermas) et nation (en l’occurrence la nation concrète avec sa culture, son histoire et ses traditions).

    La patrie de Barat, comme celle de tous les républicains, est une patrie abstraite susceptible de rassembler l’humanité entière (pour les républicains, la France peut devenir la patrie de tout homme qui veut devenir français et le peuple autochtone n’a rien à dire à ce sujet ; dans son livre récemment publié, Raffarin écrit que le devoir de la France est d’accueillir les étrangers : il ne nous consultera jamais sur ce point !). Chevènement n’utilise jamais le mot de nation, mais les mots de république et moins souvent de patrie (ils sont pour lui synonymes) ; par contre certains républicains, tel Taguieff, pensent qu’il ne faut pas abandonner le mot « nation » aux hérauts de la nation ethnique et qu’il faut par conséquent l’utiliser en y incorporant le sens de la nation civique républicaine. Il y a là une source d’incompréhension et de quiproquo, ainsi qu’une velléité de terrorisme sémantique.

    La république et sa crise d’identité

    La république française connaît une crise d’identité depuis une dizaine d‚années ; cette crise est liée à la construction européenne qui provoque une confrontation avec des systèmes politiques dont la philosophie est très différente de celle qui prévaut à Paris ; au développement de la volonté d’émancipation des communautés ethniques périphériques ; à la montée en puissance d’un populisme identitaire en rupture avec la pensée unique parisienne. Le malaise est si important dans les élites républicaines qu’on a le sentiment qu’elles sont sur la défensive (cela se traduit entre autres par une agressivité totalitaire à l’encontre de tous les mouvements défendant une cause identitaire en rupture avec l’universalisme de rigueur) et qu’elles ne savent plus comment maîtriser les votes incorrects et la montée de l’abstention et des particularismes. Face à cette situation, les républicains ont tendance à devenir hystériques et à mettre en place une propagande digne des régimes totalitaires.

    Chantal Delsol écrit : « La république n’accepte donc le débat démocratique qu’à l’intérieur des présupposés qui sont les siens. Et parce que ces présupposés sont assez précis et dessinent une figure du bien commun clairement déterminée, le champ du débat demeure toujours limité, voire exigu, en tout cas par rapport aux démocraties occidentales voisines. Dans la république française, la démocratie ne peut fonctionner seulement tant que les différents courants de pensée acceptent les présupposés républicains, et par là elle ne fonctionne jamais que sous une forme atténuée, puisque l’éventail des figures permises du bien commun est restreint. Si, pour des raisons diverses, un nombre significatif de citoyens récusent certains présupposés républicains et veulent exprimer cette récusation au nom de la démocratie, alors la république se trouve déstabilisée et sommée de donner une réponse à cette contradiction. Soit il lui faudra remettre en cause ses propres principes au nom de la démocratie, ce qui lui paraît impensable parce que ses valeurs sont sacralisées ; soit elle cherchera les moyens d’empêcher ces courants de s’exprimer, au nom de ses principes. La difficulté, dans ce deuxième cas, est qu’elle ne peut pas condamner ouvertement la démocratie pluraliste, faute de se voir rejetée dans le camp des ennemis de la liberté. La réponse à ce dilemme s’annonce tortueuse ».

    Et elle poursuit : « S’il le faut, c’est donc contre la démocratie elle-même qu’il faudrait sauver la voie républicaine. Dans les anciennes républiques nobiliaires, le peuple était considéré comme inapte pour se représenter le destin commun. Aujourd‚hui, on continue de justifier le monopole d’une élite à décider du destin commun, non seulement par la différence de compétences, mais par la différence morale : le peuple n’est plus simplement inculte, il est archaïque, ou séparateur. L’aristocratie vertueuse, désireuse d’élever le peuple, s’est transformée en une idéocratie éclairée, dépositaire d’une idée du Bien sui generis, seule capable de juger si la décision populaire est ou non valable, et repoussant sans cesse un peuple encore barbare qui argue de la démocratie pour imposer sa barbarie. Si bien que l’application de la peine de mort dans certains états américains peut apparaître comme le résultat d’une démocratie démagogique, dominée par un peuple barbare, ce qui n’empêche pas l’élite républicaine de s’appuyer sur l’opinion populaire quand cela sert son point de vue. Ainsi, le peuple a tort ou raison selon qu’il sert ou non la pensée dominante. Forte de son bon droit, la république devient le bras armé d’un ordre moral qui soutient et dirige la politique. L’opinion populaire ne lui agrée que si elle garantit sa vision du monde. Autrement dit, elle se sert de la démocratie comme moyen, tant qu’elle demeure utilisable ».

    Pour une démocratie fédérale

    Chantal Delsol plaide en faveur d’une démocratie, c’est-à-dire en faveur de la prise en compte de l’opinion majoritaire sans filtre républicain (celui de l’élite éclairée autoproclamée).

    De plus, elle considère, en bonne disciple d’Althusius, que les décisions doivent être prises au plus bas niveau possible, au plus près des gens et à ce titre elle refuse le centralisme étatique français. Pour elle, le fédéralisme est un complément de la démocratie ; le fédéralisme complète et achève le régime démocratique en permettant une expression et une satisfaction des besoins locaux indépendamment les uns des autres.

    Par ailleurs, le fédéralisme permet aux minorités de maintenir et de faire vivre leurs particularités, ce qui confirme l’esprit de la démocratie en ce qu’elle est le régime politique qui privilégie la pluralité (contrairement à la république à la française qui recherche l’unité et l’indifférenciation).

    Il faut dire à ce sujet que les régionalistes qui cherchent à concilier la république et le fédéralisme (ou l’autonomie) au nom d’un prétendu fédéralisme girondin commettent une erreur fondamentale (certains font ce mauvais calcul depuis trente années !), car il n’y a aucun linéament philosophique dans l’héritage de la révolution française qui puisse fonder une évolution fédérale de la France.

    Mona Ozouf, historienne spécialiste de la période révolutionnaire, écrivait dans le « Monde des débats » de janvier 2001 : « A l’origine, girondins et jacobins n’étaient que deux factions qui se disputaient le pouvoir. (…) Les girondins ont tous été jacobins à un moment quelconque, si on entend par là l’appartenance au Club de la rue Saint-Honoré ; jacobins aussi si on définit le jacobinisme par le patriotisme exclusif et le rêve fiévreux d‚une France guerrière rédemptrice de l’humanité ; jacobins encore, au moins jusqu’au procès du roi, par leurs provocants défis à la royauté ; jacobins toujours par leur obsession du complot. (…) Les girondins avaient-ils voulu fédéraliser la France ? Ce qui donne de la consistance à la charge, c’est la révolte qui, après le coup de force du 2 juin 1793, dresse une trentaine de départements contre la Convention : celle-ci vient d’exclure et de promettre à la mort vingt-deux députés girondins. L’insurrection est pourtant vite réprimée, circonscrite à quelques grandes villes, et on y chercherait en vain un esprit de dissidence régionale : les départements ne s’étaient associés que par haine de Paris, des exactions jacobines et des hommes en qui elles s’incarnaient. Ils n’étaient animés d’aucun projet séparatiste, ne récusaient pas l’existence d’un centre national. Girondins et jacobins étaient convaincus que l’esprit de la révolution réside dans la force de s’arracher à l’horizon villageois. Ni chez les uns, ni chez les autres, il n’y avait de tendresse pour les libertés locales ».

    La démocratie fédérale et la république à la française sont rigoureusement incompatibles ; s’engager sur la voie du fédéralisme et de la démocratie la plus directe possible, exige de changer de cap et de tourner le dos à ce système confiscateur des aspirations populaires et négateur de toutes les particularités. L’universalisme abstrait, l’obsession de l’unité, la recherche de l’indifférenciation, le centralisme technocratique et le gouvernement par une élite simplement élective sont les opposés du particularisme concret, de l’approbation de la diversité, de l’amour des différences, du polycentrisme politique et du gouvernement de la majorité du peuple par elle-même.

    La république et les identités

    Il est devenu habituel dans les milieux médiatique et politique de condamner, au nom du républicanisme individualiste et universaliste, tout ce qui fait référence aux identités collectives. Seule l’identité individuelle a le droit de cité et encore !.. à condition seulement qu’elle soit associée a un cosmopolitisme sans faille.

    Toute affirmation d’identité communautaire (ethnique, nationale, régionale…) est dénoncée comme une offense et même une menace envers la république.

    Pour les républicains, l’identité de la France doit être une identité idéologique et non pas une identité ethno-culturelle. Le peuple français est conçu par nos élites dirigeantes comme un peuple avant-gardiste, pionnier du civisme planétaire ; les Français (qu’ils soient franciens, bretons ou provençaux) sont ainsi appelés à se détourner de leur passé et à transcender leurs appartenances communautaires. Chantal Delsol écrit à ce sujet : « La république française entretient à la fois et de façon liée, une vision mystique du citoyen et une vision idéologique de l’éducation à la citoyenneté. Elle a tendance à croire, ou croit communément, que le citoyen est un homme nouveau, un homme doté d’une seconde nature, par l’arrachement au particulier et l’accession à l’universel, deux termes dont elle radicalise la séparation. Par l’éducation républicaine, l’enfant devrait être littéralement arraché à ses appartenances, au monde frelaté et provincial du particulier… L’école est censée purifier l’enfant du particulier pour le faire accéder à l’universel. Comme si les humains que nous sommes pouvaient s’abstraire de la particularité, de l’inscription dans le concret… En voulant purifier l’individu de toute particularité, la république ne le rend pas libre de penser par lui-même : elle le rend républicain. En voulant le désinscrire, elle l’inscrit dans une pensée officielle ».

    Le 19 septembre 2002, le maire socialiste de Rennes, au cours d’un colloque intitulé « Identité et démocratie » a insisté « sur les valeurs qui transcendent l’identité, dont le respect de l’autre » ; quant à Josselin de Rohan (président du Conseil régional de Bretagne), il mit en garde son auditoire : « l’exaltation de l’identité peut être très éloignée de la démocratie. La démocratie, c’est avant tout la reconnaissance de l’autre ». Dans ces deux discours républicains (l’un de « droite » et l’autre de « gauche »), on retrouve la même idée : l’autre est plus important que le proche (celui qui partage avec vous son identité).

    C’est une bonne illustration de la démonstration faite par Chantal Delsol : la classe politique et médiatique, toutes nuances confondues, partage la même vision républicaine, unitaire et universaliste.

    Il est intéressant de remarquer qu’au cours de ce même colloque, l’homme politique irlandais John Hume (Prix Nobel de la paix) affirmait quant à lui : « La différence est l’essence de l’humanité » ; ce qui est une position bien éloignée de celle de Rohan et Hervé : méfiance à l’encontre de l’identité d’un côté, approbation des différences de l’autre…

    Bruno Guillard, 01/10/2002

    SOURCE : Bulletin du MRB, 10/2002

    La république : une question française, Chantal Delsol, PUF 2002, 15 euros.

    http://www.polemia.com/contre-la-republique-a-la-francaise/

  • La décroissance pour les nuls par Guillaume LE CARBONEL

    Qu’est-ce que la décroissance ? Ni une insulte, ni un gros mot, ni même une nouvelle variété de légumes transgéniques. Pour reprendre la belle formule de Serge Latouche, il s’agit plus sûrement d’un slogan politique aux implications théoriques. Un drapeau en quelque sorte, une bannière sous laquelle se rassemblent toutes celles et tous ceux qui luttent contre la société de l’illimité et le développement effréné.

    « Comme le mot socialisme à ses débuts, celui de décroissance reste incertain, polémique et scandaleux, étirable dans des directions contraires. C’est sa force et sa richesse de ne pas être enfermé dans une doxasclérosante, tout en offrant un vocabulaire alternatif à la novlangue envahissante du management » écrit fort justement François Jarrige, maître de conférences en histoire contemporaine à l’Université de Bourgogne (1).

    De fait, la décroissance n’est ni de droite ni de gauche, si tant est que ces notions ont encore un sens pour certains. Elle est par contre radicalement anticapitaliste car opposée à la croissance pour la croissance, c’est-à-dire à l’accumulation illimitée du capital, et à l’exploitation des gens ordinaires par des minorités oligarchiques. Elle s’oppose avec force à l’idéologie du progrès et au modernisme, vus par certains comme émancipateurs, mais fabriquant en réalité, à la chaîne, un être abstrait arraché à toutes ses racines, un zombie pousseur de caddie guidé par ses seuls intérêts.

    L’idée maîtresse de la décroissance réside dans l’analyse qu’une croissance infinie est incompatible avec un monde fini. D’après l’O.N.G. W.W.F., l’humanité est entrée en situation de dette écologique depuis les années 70. Depuis, le phénomène n’a fait que s’aggraver. Aujourd’hui, notre empreinte écologique excède de 50 % la bio-capacité de la Terre, autrement dit sa faculté à régénérer les ressources naturelles et absorber le C.O.2. La revue Science estime que la planète atteint de nos jours ses limites dans quatre domaines : changement climatique, érosion de la biodiversité, changement rapide d’usage des sols et perturbation des cycles de l’azote et du phosphore (2).

    La décroissance appelle donc à une remise en cause de notre mode vie et à la construction d’un société conviviale, autonome et économe. La simplicité volontaire doit remplacer la servitude volontaire. Pour ce faire, un simple changement de cap ne saurait suffire. Décoloniser notre imaginaire nécessitera une véritable révolution culturelle et anthropologique. Une subversion totale.

    Comme le rappelait André Gorz, la critique de la croissance n’a de sens, et de portée révolutionnaire, qu’en référence à un changement social total.

    Certains s’imaginent que décroissance rime avec archaïsme, retour à la bougie ou au primitivisme. D’autres fantasment sur une croissance négative, expression absurde. Décroître pour décroître est aussi ridicule que croître pour croître.

    Il s’agit en réalité de sortir de la logique de l’accumulation illimitée et du toujours plus. Il nous faut retrouver des limites pour donner un sens à notre vie étriquée, malmenée par l’hyper-technologie et l’obsession du changement. Serge Latouche parle de réaliser l’abondance frugale, autrement dit la prospérité sans croissance. 

    À l’origine de la décroissance, on trouve deux sources quasi simultanées et convergentes : la remise en question de la société de consommation, animée dans les années 60 par des hommes comme André Gorz, Jacques Ellul, Bernard Charbonneau ou encore Ivan Illitch, et la prise de conscience de la crise de l’environnement sur laquelle travaillera notamment Nicholas Georgescu-Roegen au cours des années 70.

    En 2002, le slogan sera repris par Vincent Cheney et Bruno Clémentin au travers de la revue Silence.

    Toutes ces études montrent à quel point nous vivons dans une véritable addiction à la croissance et comment l’homme s’est transformé en consommateur illimité. François Hollande affirmait encore le 5 janvier 2015 sur France Inter : « Ce que je veux, c’est que la France crée durablement des emplois. Or elle ne le fera que si la croissance dépasse 1 % ». Le moins que l’on puisse dire c’est que nous sommes loin de les atteindre. Malgré l’action de la Banque centrale européenne, l’estimation pour le mois d’avril signale un ralentissement de l’activité globale dans la zone euro par rapport au plus haut de onze mois enregistré en mars (3).

    Serge Latouche est parmi les objecteurs de croissance celui qui a le mieux définit ce que peut être une société de décroissance. Pour lui, la société moderne est basée sur une triple illimitation : dans la production de marchandises (avec destruction des ressources), dans la consommation (besoins artificiels, obsolescence programmée) et dans la production de déchets. Il appelle donc à sortir de ce piège mortifère au travers d’étapes indispensables. Ce sont ce qu’il nomme les « 8 R » : réévaluer, reconceptualiser, redistribuer, relocaliser, réduire, restructurer, réutiliser et recycler.

    Le but étant de retrouver une empreinte écologique égale ou inférieure à une planète, de relocaliser les activités, de restaurer l’agriculture paysanne et de lancer la production de biens relationnels, c’est à dire réinventer le bien commun en retrouvant une autonomie économique locale. 

    L’ancrage anthropologique de l’homo œconomicus doit disparaître au profit d’une société plus humaine. Il n’est plus question de « sauver des emplois » mais de sortir de la société travailliste et productiviste. André Gorz parle de bâtir la civilisation du temps libéré. Il faut changer les valeurs sur lesquelles repose la société, réduire l’incitation à la consommation ostentatoire, définir un projet collectif enraciné, encourager le commerce local, réduire le tourisme de masse, lutter contre le bougisme obsessionnel et la marchandisation du vivant, contre l’isolement engendré par le numérique et contre les grands projets inutiles. 

    On le voit, la décroissance est un projet révolutionnaire infiniment plus dense que ses détracteurs veulent bien le laisser croire. Il est surtout le seul paradigme véritablement nouveau qui offre un contre-projet de société viable et sans cesse en évolution. C’est la nouvelle utopie du XXIe siècle, un art de vivre, une vocation à reprendre la main et à façonner littéralement son mode de vie (4). 

    Guillaume Le Carbonel

    Notes

    1 : cf. La Décroissance, n° 118, avril 2015. 

    2 : cf. Le Monde, le 15 janvier 2015.

    3 : cf. Challenge.fr, mis en ligne le 23 avril 2015.

    4 : cf. Clara Breteau, La Décroissance, n° 114, novembre 2014.

    • D’abord mis en ligne sur Cercle non conforme, le 25 mai 2015.

    http://www.europemaxima.com/

  • Institut Tavistock : « Techniques de manipulation mentale et de contrôle social » (Audio)

    http://www.fdesouche.com/610869-institut-tavistock-techniques-de-manipulation-mentale-et-de-controle-social#more-374451

  • Féroces et féminines, drôles et cruelles, ce sont les brigandes !

    Elles sont jeunes, belles, sensuelles et de droite, tendance "cathos-tradis" et font de plus en plus parler d’elles sur la toile ! On les appelle les "brigandes", ce groupe musical féminin qui devient de plus en plus populaire dans les milieux que le système classe ’à la droite de la droite’ ! Ce n’est pas tant leurs sujets de prédilection, qu’il s’agisse des politicards de la franc-maçonnerie ou encore de l’islam, qui interpellent que leur ’style’ qui détonne. Car ces demoiselles ont un reel talent tant sur le plan musical (très ’sixties’) que sur le plan de l’écriture avec des textes mélangeant l’ironie, la cruauté et, parfois, la gauloiserie, le tout accompagné par de belles voix douces et féminines contrastant avec la violence desdits textes ce qui contribue a accentuer leur force de frappe !

    Par ailleurs, lorsqu’on écoute leurs chansons, on s’aperçoit que ces demoiselles semblent contredire l’impression que l’on a vis-a-vis des milieux dits "cathos" qui n’ont pas la réputation d’avoir un humour particulièrement développé !

    Bref, pour toutes ces raisons, ces charmantes jeunes femmes méritaient bien un article !

    Interview de Marianne, leader du groupe des Brigandes

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  • Gaulois contre Romains : pour en finir avec le mythe de la "Pax romana"


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    Afin d'en finir une bonne fois pour toutes avec le mythe ô combien galvaudé de la prétendue "Pax romana", la lecture d'un ouvrage fort bien documenté de Joël Schmidt, paru en 2004, pourra s'avérer des plus édifiantes et des plus profitables, même aux personnes les plus sceptiques et/ou les plus conditionnées dans le cadre d'un sujet historique de plus en plus controversé. Le titre de l'ouvrage en question, pour être des plus sobres, n'en est pas moins particulièrement éloquent : "LES GAULOIS CONTRE LES ROMAINS : LA GUERRE DE 1000 ANS". Au fil des pages de ce livre captivant, l'auteur s'emploie méthodiquement à démonter la fable éculée d'une période "de paix et de prospérité" qui, cinq cents ans durant, aurait suivi l'invasion romaine de la Gaule à partir de son accomplissement en l'an 52 avant l'ère chrétienne, pour ne s'achever que dans la tourmente des "Invasions barbares" et de la chute de l'Empire, en l'an 476 de l'ère vulgaire. Références précises et vérifiables à l'appui, Joël Schmidt expose ici avec brio le déroulement d'événements aussi bien ignorés du grand public que volontairement passés sous silence par l'historiographie officielle. 
    Si les données archéologiques témoignent indiscutablement du fait que les centres urbains des Gaules, pour la plupart fondés par l'Occupant à partir d'oppida gaulois préexistants, furent profondément marqués par l'empreinte romaine, si ces mêmes données archéologiques attestent l'existence d'une indéniable "fusion" civilisationnelle, et même d'un syncrétisme religieux assimilant une grande partie du panthéon celtique local au panthéon romain, elles ne doivent pas pour autant occulter le fait que ces quelques siècles de domination latine n'entraînèrent en aucune façon la disparition totale de l'identité et des particularismes culturels des autochtones, pas plus qu'ils ne mirent un point final au velléités de ces derniers de recouvrer leur indépendance perdue. N'en déplaise aux adeptes inconditionnels de la romanité et de l'héritage civilisationnel gréco-latin, l'irrédentisme gaulois n'est pas, tant s'en faut, qu'une plaisante invention inhérente aux bandes dessinées d'Astérix et Obélix, mais correspond bel et bien à une réalité historique. 
    La vérité est que les cinq siècles que durèrent la soi-disant "Pax romana", loin de correspondre au cliché idyllique d'une période de stabilité et de "progrès" civilisationnel sans précédent, loin d'asseoir la supériorité définitive des fondements de la civilisation romaine sur l'identité culturelle rudimentaire, forcément primitive et grossière, de prétendus "barbares", furent sans cesse émaillés d'actes de rébellion, d'insurrections et de soulèvements armés qui, jusqu'au bout, n'eurent de cesse de mettre à mal l'autorité de l'Empire sur les diverses régions placées sous son joug. Non seulement ces actes d'insoumission et de révolte se succédèrent à un rythme effréné durant toute la période d'occupation, mais de surcroit, les différents peuples gaulois essayèrent toujours, dès les premiers signes d'affaiblissement de l'autorité impériale apparus au cours du IIIème siècle de l'ère chrétienne, de faire purement et simplement sécession avec l'Empire, afin de recouvrer leur souveraineté perdue. C'est ainsi que l'on vit même se produire, au cours des derniers siècles de l'Empire moribond, des initiatives plus ou moins éphémères émanant d' "empereurs gaulois" qui, s'ils se refusèrent toujours à rompre avec les valeurs romaines, n'acceptèrent pas, de facto, de prêter allégeance à l'autorité centrale, et entendirent ainsi, au-delà de leurs ambitions personnelles, affranchir leurs peuples respectifs de la tutelle de Rome.
    Pour conclure au mieux cette brève présentation du remarquable ouvrage de Joël Schmidt, voici à présent une reproduction du résumé figurant en quatrième de couverture :

    "Sur le conflit qui oppose les Gaulois aux Romains, on ne connaît généralement que l'épisode de la conquête des Gaules racontée par César et qui se déroula pendant huit ans au milieu du 1er siècle av. J. -C. Or, c'est dès 390 av. J. -C. que le Gaulois Brennus et ses troupes occupèrent durablement Rome et prononcèrent l'humiliant " Vae victis ", " Malheur aux vaincus ". La prise de Rome fut la cause d'un traumatisme irréductible, sans cesse rappelé par tous les historiens de Rome, notamment par le plus grand d'entre eux, Cicéron. A partir de cet événement majeur, se succédèrent les péripéties d'une lutte inexpiable au cours de laquelle les Gaulois, rêvant toujours de réoccuper Rome, s'allièrent par les armes et la diplomatie à tous les adversaires des Romains : Carthaginois avec Hannibal, Grecs avec le roi Persée, Germains ou Barbares lors des grands invasions des IIe et IIIe siècles de notre ère.
    L'auteur démontre également que la prétendue romanisation de la Gaule, thème sans cesse rabâché par les historiens, fut un leurre ou tout au moins une légende : en réalité, il y eut sans cesse des révoltes gauloises contre l'Empire romain. Pendant dix siècles, liberté et indépendance furent les mots d'ordre constants des chefs gaulois. Si les Gaulois furent toujours vaincus parce qu'ils opposaient leur masse aux tactiques éprouvées des légionnaires romains, ils ne renoncèrent jamais à harceler par tous les moyens possibles l'occupant romain, jusqu'à la chute de Rome au Ve siècle de notre ère."

    Enfin, pour approfondir la question, on pourra également lire avec profit la non moins remarquable étude de Maurice Bouvier-Ajam publiée pour la première fois au début de l'année 2000, et consacrée précisément  au phénomène des "empereurs gaulois" au cours de la seconde moitié du IIIème siècle de notre ère, entre l'an 260 et 274. Quatrième de couverture :
    "260 après J.-C : l'Empire romain est en crise. L'époque où la grandeur de Rome s'affirmait de l'Angleterre au désert de Judée est révolue. Les incursions barbares se font de plus en plus fréquentes, le pouvoir impérial risque de vaciller. Coupées de l'Italie par l'invasion des Alamans, les provinces gauloises et les légions stationnées sur le Rhin proclament empereur un noble d'origine gallo-romaine, Postumus. Ce général s'empare du pouvoir et installe sa capitale à Trèves, il domine alors les Gaules, l'Espagne et la Bretagne. Pendant quinze ans, Postumus et ses successeurs, Victorinus (268- 270) et Tetricus (270 -274), se comporteront en souverains légitimes, refusant toutefois de rompre avec les valeurs romaines. Ils revêtiront les pouvoirs et titres des empereurs, frappant monnaie, organisant la vie civile, assurant la protection du pays. Toléré un temps parce qu'il protégeait l'Italie des peuplades germaniques, l'Empire gaulois représentait un véritable défi à l'autorité de Rome. Aurélien, symbole de la restauration du pouvoir impérial autoritaire, vint à bout de cette sécession en 274. L'Empire gaulois avait cessé d'exister. Fortement influencée par les auteurs latins, l'Histoire présenta souvent la Gaule comme une simple province romaine. C'était faire abstraction de l'esprit de résistance révélé par cet épisode trop souvent absent de nos manuel. Le rapport de force étant défavorable à l'Empire gaulois, ce dernier fut anéanti. Il mit pourtant en évidence la fragilité de l'Etat romain, annonçant sa chute prochaine. "

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    Même s'il convient bien évidemment, dans un souci d'honnêteté intellectuelle, d'établir une certaine distinction entre ce qui relève d'une part des multiples révoltes gauloises, empreintes d'un esprit profondément celtique, et d'autre part des expériences sécessionnistes opérées sous l'égide d' "empereurs gaulois" successifs, plus ou moins romanisés, le même souci d'honnêteté intellectuelle impose également la déduction suivante : loin d'avoir disparu corps et âme en se fondant dans le creuset civilisationnel dit gallo-romain, le sentiment identitaire gaulois, d'essence celtique continentale, a non seulement survécu -au moins en partie- à la conquête romaine, mais s'est de surcroit maintenu plus ou moins ouvertement pendant toute la période qu'aura duré l'occupation des Gaules. Et plus encore, il parvint même à survivre à la désintégration de l'Empire romain d'Occident en l'an 476 de l'ère chrétienne, alors même que ladite civilisation gallo-romaine avait commencé, dès le IIIème siècle, à intégrer en son sein un nombre conséquent d'éléments ethno-culturels germaniques, portés jusqu'à elle par diverses vagues de peuplement venues d'outre-Rhin.
    La prise en compte des faits historiques brièvement évoqués dans le cadre du présent article -et développés dans celui des deux études qui y sont présentées- nous invite donc à l'abandon d'un certain nombre d'idées reçues. Au premier rang de ces idées reçues figure le fait que l'histoire de l'espace territorial qui allait par la suite devenir la France, comme beaucoup plus tard le royaume de Belgique actuel, ne saurait commencer avec la conquête romaine. D'autre part, les divers peuples constituant l'actuel "Hexagone" ne sont aucunement dépositaires d'un héritage ethno-culturel et civilisationnel qui ne serait que d'essence romaine, et donc latine. Toute l'histoire de l'opposition multiséculaire entre Gaulois et Romains, entre monde celtique et monde latin, le démontre de façon on ne peut plus claire. A ce titre, même en ne se bornant qu'au domaine linguistique, la bonne foi la plus élémentaire devrait obliger tout un chacun à admettre une évidence des plus criantes : si, de par sa structure générale, il convient certes de classer le français parmi les langues dites romanes, cette langue française, issue de la fusion de langues d'Oc et de langues d'Oïl, elles-mêmes comprenant de nombreux apports germaniques et celtiques continentaux, est incontestablement la moins latine de toutes les langues romanes. 
    Même s'il convient bien entendu d'écarter l'excès inverse, qui consisterait à nier purement et simplement tout apport romain/latin dans la substance de l'actuelle identité française, force est d'y reconnaître également la présence tout aussi persistante qu'importante d'un vieux fond celtique continental (gaulois). Ce sont précisément ces trois éléments constitutifs, celtique/gaulois, latin/romain, puis germanique, qui en constituent les piliers fondamentaux et qui, par là-même, en font toute la spécificité. Faire fi d'une partie ou de l'autre de cet héritage triple, ce n'est ni plus ni moins qu'un déni de réalité, sur fond de parti pris et d'amnésie plus ou moins volontaire. 
    Monde celtique et monde latin, s'ils peuvent dans une certaine mesure fusionner, voire se compléter, n'en constituent pas moins deux pôles diamétralement opposés de l'indo-européanité . Le paradoxe, la singularité de la civilisation dite gallo-romaine (et belgo-romaine), c'est d'être parvenu à faire une synthèse de ces deux pôles opposés, tout en demeurant fondamentalement elle-même, en ne reniant jamais totalement son vieux fond gaulois, et tout en l'enrichissant, par la suite, d'une part non-négligeable de germanité. Mais c'est aussi parce que les Celtes des Gaules, les Gaulois et autres Celto-Germains comme les Belges, ne succombèrent jamais totalement à l'assimilation et à l'acculturation romaines qu'ils purent, au final, préserver un héritage ancestral qui reste en grande partie le nôtre.
    Hans CANY
    2 juillet 2015 E.V.

    http://etoilenoire.hautetfort.com/archive/2015/07/01/gaulois-contre-romains-pour-en-finir-avec-le-mythe-de-la-pax-5649455.html