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culture et histoire - Page 1329

  • Bernays, praticien et théoricien des relations publiques

    En janvier 1919, Bernays participe en tant que membre de l’équipe de presse de la Commission Creel, il ouvre à New York un bureau qu’il nomme d’abord de « Direction publicitaire » avant de se désigner lui-même, dès 1920, « conseiller en relations publiques », sur le modèle de l’expression « conseiller juridique », et de renommer son bureau « Bureau de relations publiques ». 
         Entre 1919 et 1929, alors qu’éclate la crise économique, les relations publiques vont susciter aux Etats-Unis un attrait immense et sans cesse grandissant. 
         Bernays n’est sans doute pas le seul à pratiquer ce nouveau métier durant les booming twenties. Mais il se distingue nettement de ses confrères par trois aspects. Le premier est l’énorme et souvent spectaculaire succès qu’il remporte dans les diverses campagnes qu’il mène pour ses nombreux clients. Le deuxième tient au souci qu’il a d’appuyer sa pratique des relations publiques à la fois sur les sciences sociales (psychologie, sociologie, psychologie sociale et psychanalyse, notamment) et sur diverses techniques issues des sciences (sondages, interrogation d’experts ou de groupes de consultation thématique, et ainsi de suite). Le troisième est son ambition de fournir un fondement philosophique et politique aux relations publiques et des balises éthiques à leur pratique. C’est par cette double visée que Bernays reste le plus original des théoriciens et praticiens des relations publiques. 
         Entre sa sortie de la Commission Creel et la publication de Propaganda, Bernays a réalisé un très grand nombre de campagnes de relations publiques qui ont contribué à définir le domaine et à fixer les grands axes de sa pratique. On trouvera un indice de cette activité bouillonnante dans le fait que presque toutes les campagnes de relations publiques menées avec succès qu’il évoque dans ce livre, souvent en les décrivant sur un mode passif, ont en fait été réalisées par lui.
         C’est notamment le cas du concours de sculptures sur barres de savon Ivory, conçu pour Proctor & Gamble, qui consommera un million de barres chaque année pendant ses 37 ans d’existence ; de la promotion du petit déjeuner aux œufs et au bacon vanté comme étant la forme typiquement américaine du petit déjeuner copieux et que de nombreux médecins (consultés par Bernays, bien entendu) ont recommandé ; de la promotion de la vente de pianos par la défense de l’idée que l’on devait absolument avoir chez soi une salle de musique ; de l’organisation de la très suivie conférence de 1920 de la National Association for the Advancement of Colored People (NAACP) ; de l’organisation à la Maison-Blanche et pour le président Coolidge de déjeuners en présence de vedettes de la chanson et du cinéma afin de transformer la perception du public du président comme d’un homme froid et distant ; et de très nombreuses autres campagnes dont un bon nombre sont évoquées dans le texte. 
         Après la publication de Propaganda, Bernays réalisera un grand nombre d’autres campagnes, dont plusieurs restent légendaires – telles que l’organisation en 1929, pour General Electric, d’un anniversaire prenant prétexte de l’invention de la lampe à incandescence par Thomas Edison (1847-1931), événement que certains tiennent toujours pour un des plus spectaculaires exemples de propagande accomplis en temps de paix. 
         Mais on peut soutenir que le succès le plus retentissant de Bernays sera d’avoir amené les femmes américaines à fumer. Cet épisode, si éclatant sur sa manière de penser et de travailler, mérite d’être raconté en détail. 
         Nous sommes toujours en 1929 et, cette année-là, George Washington Hill (1884-1946), président de l’American Tobacco Co., décide de s’attaquer au tabou qui interdit à une femme de fumer en public, un tabou qui, théoriquement, faisait perdre à sa compagnie la moitié de ses profits. Hill embauche Bernays, qui, de son côté, consulte aussitôt le psychanalyste Abraham Arden Brill (1874-1948), une des premières personnes à exercer cette profession aux Etats-Unis. Brill explique à Bernays que la cigarette est un symbole phallique représentant le pouvoir sexuel du mâle : s’il était possible de lier la cigarette à une forme de contestation de ce pouvoir, assure Brill, alors les femmes, en possession de leurs propres pénis, fumeraient. 
         La ville de New York tient chaque année, à Pâques, une célèbre et très courue parade. Lors de celle de 1929, un groupe de jeunes femmes avait caché des cigarettes sous leurs vêtements et, à un signal donné, elles les sortirent et les allumèrent devant des journalistes et des photographes qui avaient été prévenus que des suffragettes allaient faire un coup d’éclat. Dans les jours qui suivirent, l’événement était dans tous les journaux et sur toutes les lèvres. Les jeunes femmes expliquèrent que ce qu’elles allumaient ainsi, c’était des « flambeaux de la liberté » (torches of freedom). On devine sans mal qui avait donné le signal de cet allumage collectif de cigarettes et qui avait inventé ce slogan ; on devine aussi qu’il s’était agi à chaque fois de la même personne et que c’est encore elle qui avait alerté les médias. 
         Le symbolisme ainsi créé rendait hautement probable que toute personne adhérant à la cause des suffragettes serait également, dans la controverse qui ne manquerait pas de s’ensuivre sur la question du droit des femmes de fumer en public, du côté de ceux et celles qui le défendaient – cette position étant justement celle que les cigarettiers souhaitaient voir se répandre. Fumer étant devenu socialement acceptable pour les femmes, les ventes de cigarettes à cette nouvelle clientèle allaient exploser. 
         On peut le constater avec cet exemple : Bernays aspire à fonder sur des savoirs (ici, la psychanalyse) sa pratique des relations publiques. Cette ambition, est le deuxième trait qui le distingue de ses collègues. Bernays, et là réside en grande partie l’originalité de sa démarche, est en effet convaincu que les sciences sociales peuvent apporter une contribution importante à la résolution de divers problèmes sociaux et donc, a fortiori, aux relations publiques. Il consulte donc ces disciplines et leurs praticiens, s’en inspire, et leur demande des données, des techniques, des stratégies, des concepts et des théories. 
         Un de ses maîtres à penser sur ce plan – et revendiqué comme tel – est le très influent Walter Lippman (1889-1974) – en dialogue avec lequel certains ouvrages de Bernays semblent avoir été écrits. En 1922, dans Public Opinion, Lippmann rappelait que « la fabrication des consentements [...] fera l’objet de substantiels raffinements » et que « sa technique, qui repose désormais sur l’analyse et non plus sur un savoir-faire intuitif, est à présent grandement améliorée [par] la recherche en psychologie et [les] moyens de communication de masse ». Comme en écho, Bernays écrit ici : « L’étude systématique de la psychologie des foules a mis au jour le potentiel qu’offre au gouvernement invisible de la société de manipulation des mobiles qui guident l’action humaine dans un groupe. Trotter et Le Bon d’abord, qui ont abordé le sujet sous un angle scientifique, Graham Wallas, Walter Lippmann et d’autres à leur suite, qui ont poursuivi les recherches sur la mentalité collective, ont démontré, d’une part, que le groupe n’avait pas les mêmes caractéristiques psychiques que l’individu, d’autre part, qu’il était motivé par des impulsions et des émotions que les connaissances en psychologie individuelle ne permettaient pas d’expliquer. D’où, naturellement, la question suivante : si l’on parvenait à comprendre le mécanisme et les ressorts de la mentalité collective, ne pourrait-on pas contrôler les masses et les mobiliser à volonté sans qu’elles s’en rendent compte ? » 
         Mais Bernays cherche également dans les sciences sociales, comme on le pressent dans le passage précédent, une justification (à prétention) scientifique de la finalité politique du travail accompli par le conseiller en relations publiques. Il la trouve dans l’adhésion d’une part importante des théoriciens des sciences sociales naissantes qu’il consulte et respecte à l’idée que la masse est incapable de juger correctement des affaires publiques et que les individus qui la composent sont inaptes à exercer le rôle de citoyen en puissance qu’une démocratie exige de chacun d’eux : bref, que le public, au fond, constitue pour la gouvernance de la société un obstacle à contourner et une menace à écarter. 
         Cette thèse, à des degrés divers, est celle de Walter Lippmann, de Graham Wallas (1858-1932) ou de Gustave Le Bon (1841-1931), dont Bernays ne cessera de se réclamer, et elle rejoint un important courant antidémocratique présent dans la pensée politique américaine et selon lequel que la « grande bête doit être domptée » – pour reprendre l’expression d’Alexander Hamilton (1755-1804). Cette perspective était déjà celle de James Madison (1752-1836), qui assurait que « le véritable pouvoir, celui que procure la richesse de la nation », doit demeurer entre les mains des « êtres les plus capables » et que la première et principale responsabilité du gouvernement est de « maintenir la minorité fortunée à l’abri de la majorité ». Bernays se fait l’écho de ces idées quand il écrit qu’avec « le suffrage universel et la généralisation de l’instruction » on en est arrivé au point où « la bourgeoisie se mit à craindre le petit peuple, les masses qui, de fait, se promettaient de régner ». 
         Se profile alors un projet politique que Bernays va assumer et s’efforcer de réaliser. Il s’agit, selon les termes de Lippmann, de faire en sorte que la masse se contente de choisir, parmi les membres des « classes spécialisées », les « hommes responsables », auxquels il reviendra de protéger la richesse de la nation. Pour que la masse se contente de jouer ce rôle, il sera nécessaire d’opérer ce que Lippmann décrit comme une « révolution dans la pratique de la démocratie », à savoir la manipulation de l’opinion et la « fabrication des consentements », indispensables moyens de gouvernement du peuple. « Le public doit être mis à sa place, écrit Lippmann, afin que les hommes responsables puissent vivre sans craindre d’être piétinés ou encornés par le troupeau de bêtes sauvages. » 
         Bernays veut lui aussi « organiser le chaos » et il aspire à être celui qui réalise en pratique le projet théorique formulé par Lippmann et les autres : c’est que les nouvelles techniques scientifiques et les médias de masse rendent justement possible de « cristalliser l’opinion publique », selon le titre d’un livre de Bernays datant de 1923, et de « façonner les consentements », selon le titre d’un ouvrage de 1955. Dans Propaganda, il écrit : « La manipulation consciente, intelligente, des opinions et des habitudes organisées des masses joue un rôle important dans une société démocratique. Ceux qui manipulent ce mécanisme social imperceptible forment un gouvernement invisible qui dirige véritablement le pays. » 
         Cette idée que cette forme de « gouvernement invisible » est tout à la fois souhaitable, possible et nécessaire est et restera omniprésente dans les idées de Bernays et au fondement même de sa conception des relations publiques : « La minorité a découvert qu’elle pouvait influencer la majorité dans le sens de ses intérêts. Il est désormais possible de modeler l’opinion des masses pour les convaincre d’engager leur force nouvellement acquise dans la direction voulue. Etant donné la structure actuelle de la société, cette pratique est inévitable. De nos jours la propagande intervient nécessairement dans tout ce qui a un peu d’importance sur le plan social, que ce soit dans le domaine de la politique ou de la finance, de l’industrie, de l’agriculture, de la charité ou de l’enseignement. La propagande est l’organe exécutif du gouvernement invisible. » 

    Normand Baillargeon, préface de Propaganda, Edward Bernays

    http://www.oragesdacier.info/2015/07/bernays-praticien-et-theoricien-des.html

  • L’horreur islamique n’a pas d’âge: Témoignage de Marie-Jeanne Busceddu qui a assisté au massacre d’El Halia

    Cazeneuve Djihad

    El-Halia est attaqué entre 11 h 30 et midi le 25 août 1955.

    C’est un petit village proche de Philippeville, sur le flanc du djebel El-Halia, à trois kilomètres environ de la mer. Là vivent 130 Européens et 2000 musulmans. Les hommes travaillent à la mine de pyrite, les musulmans sont payés au même taux que les Européens, ils jouissent des mêmes avantages sociaux. Ils poussent la bonne intelligence jusqu’à assurer leurs camarades Degand, Palou, Gonzalès et Hundsbilcher qu’ils n’ont rien à craindre, que si des rebelles attaquaient El-Halia, « on se défendrait » au coude à coude.

    A 11 h 30, le village est attaqué à ses deux extrémités par quatre bandes d’émeutiers, parfaitement encadrés, et qui opèrent avec un synchronisme remarquable. Ce sont, en majorité, des ouvriers ou d’anciens ouvriers de la mine et, la veille encore, certains sympathisaient avec leurs camarades européens… Devant cette foule hurlante, qui brandit des armes de fortune, selon le témoignage de certains rescapés, les Français ont le sentiment qu’ils ne pourront échapper au carnage. Ceux qui les attaquent connaissent chaque maison, chaque famille, depuis des années et, sous chaque toit, le nombre d’habitants. A cette heure-là, ils le savent, les femmes sont chez elles à préparer le repas, les enfants dans leur chambre, car, dehors, c’est la fournaise et les hommes vont rentrer de leur travail. Les Européens qui traînent dans le village sont massacrés au passage. Un premier camion rentrant de la carrière tombe dans une embuscade et son chauffeur est égorgé. Dans un second camion, qui apporte le courrier, trois ouvriers sont arrachés à leur siège et subissent le même sort. Les Français dont les maisons se trouvent aux deux extrémités du village, surpris par les émeutiers, sont pratiquement tous exterminés. Au centre d’EI- Halia, une dizaine d’Européens se retranchent, avec des armes, dans une seule maison et résistent à la horde. En tout, six familles sur cinquante survivront au massacre.

    Cazeneuve-racines-chrétiennes-de-France

    Dans le village, quand la foule déferlera, excitée par les « you you » hystériques des femmes et les cris des meneurs appelant à la djihad, la guerre sainte, certains ouvriers musulmans qui ne participaient pas au carnage regarderont d’abord sans mot dire et sans faire un geste. Puis les cris, l’odeur du sang, de la poudre, les plaintes, les appels des insurgés finiront par les pousser au crime à leur tour. Alors, la tuerie se généralise. On fait sauter les portes avec des pains de cheddite volés à la mine. Les rebelles pénètrent dans chaque maison, cherchent leur « gibier » parmi leurs anciens camarades de travail, dévalisent et saccagent, traînent les Français au milieu de la rue et les massacrent dans une ambiance d’épouvantable et sanglante kermesse. Des familles entières sont exterminées: les Atzei, les Brandy, les Hundsbilcher, les Rodriguez. Outre les 30 morts il y aura 13 laissés pour morts et deux hommes, Armand Puscédu et Claude Serra, un adolescent de dix-neuf ans qu’on ne retrouvera jamais. Quand les premiers secours arrivent, El-Halia est une immense flaque de sang.

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  • "La machine à abrutir

    Jusqu’à présent, la qualité des médias audiovisuels, public et privé confondus, n’était pas vraiment un sujet. Puis le président de la République découvre que la télévision est mauvaise. Il exige de la culture. En attendant que la culture advienne, l’animateur Patrick Sabatier fait son retour sur le service public. En revanche, des émissions littéraires disparaissent. C’est la culture qui va être contente.

    Avec l’alibi de quelques programmes culturels ou de quelques fictions « créatrices », les défenseurs du service public le trouvaient bon. Ils ne sont pas difficiles. Comme si, à l’instar d’une vulgaire télévision commerciale, on n’y avait pas le regard rivé à l’Audimat. Comme si la démagogie y était moins abondante qu’ailleurs.

    Les médias ont su donner des dimensions monstrueuses à l’universel désir de stupidité qui sommeille même au fond de l’intellectuel le plus élitiste. Ce phénomène est capable de détruire une société, de rendre dérisoire tout effort politique. A quoi bon s’échiner à réformer l’école et l’Université ? Le travail éducatif est saccagé par la bêtise médiatique, la bouffonnerie érigée en moyen d’expression, le déferlement des valeurs de l’argent, de l’apparence et de l’individualisme étroit diffusées par la publicité, ultime raison d’être des grands groupes médiatiques. Bouygues envoie Jules Ferry aux oubliettes de l’histoire.

    Lorsqu’on les attaque sur l’ineptie de leurs programmes, les marchands de vulgarité répliquent en général deux choses : primo, on ne donne au public que ce qu’il demande ; secundo, ceux qui les critiquent sont des élitistes incapables d’admettre le simple besoin de divertissement. Il n’est pas nécessairement élitiste de réclamer juste un peu moins d’ineptie. Il y a de vrais spectacles populaires de bonne qualité. Le public demande ce qu’on le conditionne à demander. On a presque abandonné l’idée d’un accès progressif à la culture par le spectacle populaire. Victor Hugo, Charlie Chaplin, Molière, René Clair, Jacques Prévert, Jean Vilar, Gérard Philipe étaient de grands artistes, et ils étaient populaires. Ils parvenaient à faire réfléchir et à divertir. L’industrie médiatique ne se fatigue pas : elle va au plus bas.

    Chacun a le droit de se détendre devant un spectacle facile. Mais, au point où en sont arrivées les émissions dites de « divertissement », il ne s’agit plus d’une simple distraction. Ces images, ces mots plient l’esprit à certaines formes de représentation, les légitiment, habituent à croire qu’il est normal de parler, penser, agir de cette manière. Laideur, agressivité, voyeurisme, narcissisme, vulgarité, inculture, stupidité invitent le spectateur à se complaire dans une image infantilisée et dégradée de lui-même, sans ambition de sortir de soi, de sa personne, de son milieu, de son groupe, de ses « choix ». Les producteurs de télé-réalité — « Loft story », « Koh-Lanta », « L’île de la tentation » —, les dirigeants des chaînes privées ne sont pas toujours ou pas seulement des imbéciles. Ce sont aussi des malfaiteurs. On admet qu’une nourriture ou qu’un air viciés puissent être néfastes au corps. Il y a des représentations qui polluent l’esprit.

    Si les médias des régimes totalitaires parviennent, dans une certaine mesure, à enchaîner les pensées, ceux du capitalisme triomphant les battent à plate couture. Et tout cela, bien entendu, grâce à la liberté. C’est pour offrir des cerveaux humains à Coca-Cola que nous aurions conquis la liberté d’expression, que la gauche a « libéré » les médias. Nous, qui nous trouvons si intelligents, fruits de millénaires de « progrès », jugeons la plèbe romaine bien barbare de s’être complu aux jeux du cirque. Mais le contenu de nos distractions télévisées sera sans doute un objet de dégoût et de dérision pour les générations futures.

    On a le choix ? Bien peu, et pour combien de temps ? La concentration capitaliste réunit entre les mêmes mains les maisons d’édition, les journaux, les télévisions, les réseaux téléphoniques et la vente d’armement. L’actuel président de la République est lié à plusieurs grands patrons de groupes audiovisuels privés, la ministre de la culture envisage de remettre en cause les lois qui limitent la concentration médiatique, la machine à abrutir reçoit la bénédiction de l’Etat (1). Les aimables déclarations récentes sur l’intérêt des études classiques pèsent bien peu à côté de cela.

    Quelle liberté ? La bêtise médiatique s’universalise. L’esprit tabloïd contamine jusqu’aux quotidiens les plus sérieux. Les médias publics courent après la démagogie des médias privés. Le vide des informations complète la stupidité des divertissements. Car il paraît qu’en plus d’être divertis nous sommes informés. Informés sur quoi ? Comment vit-on en Ethiopie ? Sous quel régime ? Où en sont les Indiens du Chiapas ? Quels sont les problèmes d’un petit éleveur de montagne ? Qui nous informe et qui maîtrise l’information ? On s’en fout. Nous sommes informés sur ce qu’il y a eu à la télévision hier, sur les amours du président, la garde-robe ou le dernier disque de la présidente, les accidents de voiture de Britney Spears. La plupart des citoyens ne connaissent ni la loi, ni le fonctionnement de la justice, des institutions, de leurs universités, ni la Constitution de leur Etat, ni la géographie du monde qui les entoure, ni le passé de leur pays, en dehors de quelques images d’Epinal.

    Un des plus grands chefs d’orchestre du monde dirige le Don Giovanni de Mozart. Le journaliste consacre l’interview à lui demander s’il n’a pas oublié son parapluie, en cas d’averse. Chanteurs, acteurs, sportifs bredouillent à longueur d’antenne, dans un vocabulaire approximatif, des idées reçues. Des guerres rayent de la carte des populations entières dans des pays peu connus. Mais les Français apprennent, grâce à la télévision, qu’un scout a eu une crise d’asthme.

    Le plus important, ce sont les gens qui tapent dans des balles ou qui tournent sur des circuits. Après la Coupe de France de football, Roland-Garros, et puis le Tour de France, et puis le Championnat d’Europe de football, et puis... Il y a toujours une coupe de quelque chose. « On la veut tous », titrent les journaux, n’imaginant pas qu’on puisse penser autrement. L’annonce de la non-sélection de Truc ou de Machin, enjeu national, passe en boucle sur France Info. Ça, c’est de l’information. La France retient son souffle. On diffuse à longueur d’année des interviews de joueurs. On leur demande s’ils pensent gagner. Ils répondent invariablement qu’ils vont faire tout leur possible ; ils ajoutent : « C’est à nous maintenant de concrétiser. » Ça, c’est de l’information.

    On va interroger les enfants des écoles pour savoir s’ils trouvent que Bidule a bien tapé dans la balle, si c’est « cool ». Afin d’animer le débat politique, les journalistes se demandent si Untel envisage d’être candidat, pense à l’envisager, ne renonce pas à y songer, a peut-être laissé entendre qu’il y pensait. On interpelle les citoyens dans les embouteillages pour deviner s’ils trouvent ça long. Pendant les canicules pour savoir s’ils trouvent ça chaud. Pendant les vacances pour savoir s’ils sont contents d’être en vacances. Ça, c’est de l’information. A la veille du bac, on questionne une pharmacienne pour savoir quelle poudre de perlimpinpin vendre aux étudiants afin qu’ils pensent plus fort. Des journalistes du service public passent une demi-heure à interroger un « blogueur », qui serait le premier à avoir annoncé que Duchose avait dit qu’il pensait sérieusement à se présenter à la présidence de quelque machin. Il s’agit de savoir comment il l’a appris avant les autres. Ça, c’est de l’information. Dès qu’il y a une manifestation, une grève, un mouvement social, quels que soient ses motifs, les problèmes réels, pêcheurs, enseignants, routiers, c’est une « grogne ». Pas une protestation, une colère, un mécontentement, non, une grogne.La France grogne. Ça, c’est de l’information.

    On demande au premier venu ce qu’il pense de n’importe quoi, et cette pensée est considérée comme digne du plus grand intérêt. Après quoi, on informe les citoyens de ce qu’ils ont pensé. Ainsi, les Français se regardent. Les journalistes, convaincus d’avoir affaire à des imbéciles, leur donnent du vide. Le public avale ? Les journalistes y voient la preuve que c’est ce qu’il demande.

    Cela, c’est 95 % de l’information, même sur les chaînes publiques. Les 5 % restants permettent aux employés d’une industrie médiatique qui vend des voitures et des téléphones de croire qu’ils exercent encore le métier de journalistes. Ce qui est martelé à la télévision, à la radio envahit les serveurs Internet, les journaux, les objets, les vêtements, tout ce qui nous entoure. Le cinéma devient une annexe de la pub. La littérature capitule à son tour.Le triomphe de l’autofiction n’est qu’un phénomène auxiliaire de la « peopolisation » généralisée, c’est-à-dire de l’anéantissement de la réflexion critique par l’absolutisme du : « C’est moi, c’est mon choix, donc c’est intéressant, c’est respectable. »

    La bêtise médiatique n’est pas un épiphénomène. Elle conduit une guerre d’anéantissement contre la culture. Il y a beaucoup de combats à mener. Mais, si l’industrie médiatique gagne sa guerre contre l’esprit, tous seront perdus.

    Pierre Jourde

    Professeur à l’université Stendhal - Grenoble - III. Auteur, notamment, de La Littérature sans estomac, réédition Pocket, Paris, 2003. "

    sourcehttp://www.monde-diplomatique.fr/2008/08/JOURDE/16204

    http://france-licratisee.hautetfort.com/

  • De l’occultisme et du nazisme

    Les mots « occultisme » et « nazisme » sont souvent associés dans une littérature marginale occultisante et/ou extrémiste de droite dont il est possible d’établir une typologie sommaire : 1) celle condamnant l’occultisme, vu comme une manifestation du Diable, et qui fait l’amalgame avec le nazisme ; 2) celle, partisane de la théorie du complot, percevant le nazisme comme une émanation de société(s) secrète(s) ; 3) celle exonérant le nazisme au nom du combat contre les sociétés secrètes (anti-judéo-maçonnisme) ; 4) enfin, celle des adeptes stricto sensu de l’« occultisme nazi ». Pour les auteurs de ces textes, il existe donc une lecture « occulte » du nazisme, qui fait de Hitler au choix ou simultanément un médium, un agent de forces occultes, un initié aux doctrines occultistes, une personne en contact avec des voyants, des astrologues ou avec des moines tibétains, etc., de la politique raciale nazie une politique magique, ouvertement occultiste, et de la SS un ordre chevaleresque païen qui aurait collectionné les objets mystiques comme le Graal.

    Erreur

    Manipulations de symboles
    Les éléments constitutifs du mythe occultiste du nazisme sont à chercher dans des faits historiques largement sur-interprétés, comme les spéculations sur les rapports entre les nazis et la Société Thulé, assimilée à une société secrète aux objectifs racialo-occultistes, ou sur le sens de l’utilisation faite par les nazis du svastika inversé, sens supposé maléfique, voire dans l’intérêt de certains dignitaires nazis, notamment Hess, Himmler et Hitler, pour l’occultisme et l’ésotérisme, en particulier pour les runes, les symboles religieux, la réincarnation, l’Atlantide, l’Hyperborée, l’astrologie, etc. Ainsi, les nazis utilisèrent des symboles occultistes marqués comme le svastika, qui a été utilisé par les occultistes et les francs-maçons dès le XVIIIe siècle. Mais il se retrouvait également au début du XXe siècle dans toute une littérature aryaniste, pseudo-scientifique et occultisante traitant la préhistoire germanique dont les principaux représentants étaient Guido von List et Jörg Lanz von Liebenfels, références de certains dignitaires nazis.
    Enfin, les derniers éléments « occultes » sont à chercher au sein de la SS, à son utilisation de symboles issus de l’antiquité germano-scandinave, en particulier les runes. Himmler désirait recréer une pseudo-culture germanique primitive, nordiciste, à partir d’un passé mal compris interprété par le prisme de l’occultisme völkisch afin de justifier ses prétentions à une nouvelle domination du monde. Pour cela, il créa en 1935 un institut de recherche, dépendant de la SS, l’Ahnenerbe Institut (« héritage des ancêtres »), qui associait scientifiques de renom et auteurs völkisch, recherches archéologiques scientifiques et spéculations aryanistes. Il nomma aussi à des grades élevés de nombreux occultistes, néo-païens et racistes, les aryosophes. Certains, comme Karl Maria Wiligut ou Otto Rahn, jouèrent un rôle important, dans l’élaboration après guerre du mythe de l’« occultisme nazi ». C’est Wiligut qui conçut dès 1931 le dessin des bagues runiques à tête de mort et qui élabora, plus tard, des rituels SS « païens », notamment de mariage et d’enterrement afin de donner à l’idéologie SS un aristocratisme mâtiné d’antiquité nordique. Ces idées seront reprises sans recul après guerre, par ses détracteurs comme par ses partisans, donnant corps à un nordicisme occultisant.
    Une interprétation ancienne, au succès récent
    Cependant, les spéculations occultistes sur le sens du racisme nazi sont apparues dès l’avènement de ce régime. À l’origine, cet amalgame a été le fait de milieux catholiques hostiles au nazisme, voire d’opposants au régime comme l’ancien nazi Hermann Rauschning. Après la Seconde Guerre mondiale, ce thème a été repris et diffusé auprès du grand public, en 1960, par le best-seller de Louis Pauwels et Jacques Bergier, Le matin des magiciens, puis par leurs épigones, adeptes d’une interprétation occultiste de l’histoire, l’« histoire mystérieuse ». Depuis cette époque, ce thème a largement dépassé le cercle restreint des spéculations occultistes pour se diffuser dans la culture de masse contemporaine : littérature populaire, bandes dessinées, jeux vidéo, jeux de rôle, voire le cinéma avec les premier et troisième opus de la série des Indiana Jones (Les Aventuriers de l’Arche perdue – 1981 – et La dernière croisade –1989) dans lesquels le héros se trouve confronté à des scientifiques SS partis à la recherche de l’Arche d’Alliance puis du Graal.
    Parallèlement à ces canaux de diffusion, profitant de ce succès éditorial, l’« occultisme nazi » a été repris et largement propagé par certains milieux néo-nazis, très hétérodoxes, composés d’anciens SS et d’occultistes néo-nazis comme Savitri Devi, qui fit de Hitler un avatar d’une divinité indienne, et Miguel Serrano, à l’origine de la théorie de la fuite de Hitler en soucoupe volante. Dès les années 1950, ces auteurs ont cherché à utiliser stratégiquement le thème de l’« occultisme nazi ». Ceux-ci suivent trois buts :
    1) en faisant une apologie plus ou moins détournée du national-socialisme, notamment en entérinant l’idée que la SS était un ordre chevaleresque néo-païen occultiste, une élite raciale et intellectuelle ;
    2) en produisant un travail de révisionnisme, voire de négationnisme, en montrant la validité globale de l’idéologie nazie, du nordicisme et de la mystique de la race.Selon les partisans de cette doctrine, les Aryens sont d’origine hyperboréenne. Race primordiale, supérieure intellectuellement et racialement, les Aryens, fuyant le cercle polaire, auraient transmis leur sagesse aux autres peuples. Ces auteurs dénient donc la faculté de fonder des civilisations aux peuples non-blancs ;
    3) enfin en réécrivant l’histoire, le nazisme et les dignitaires nazis subissant un processus de « mythologisation ». Les personnages, les faits historiques disparaissent au profit d’une image mythique et le nazisme se « folklorise » : la politique génocidaire nazie reste globalement condamnée, bien que largement euphémisée mais devient un élément important de la politique magique nazie, tandis que les nazis deviennent des personnes spirituellement intéressantes.
    En dépit des démonstrations des partisans ou des détracteurs de l’« occultisme nazi », le nazisme ne fut pas un mouvement occulte. Les nazis étant le produit de leur époque, très sensible à l’occultisme, leur intérêt pour l’occultisme aryanisant apparaît donc moins comme un facteur d’influence que comme un symptôme précurseur du nazisme. Mais, à décharge, il faut reconnaître que Himmler a tout fait pour entretenir ce mythe.
    Après un vif intérêt durant les décennies 1960 et 1970, et après s’être diffusée dans la culture populaire, cette littérature a décliné dans les années 1980 pour réapparaître sur Internet au début des années 2000. Cela peut s’expliquer par l’ensemble des éléments structuraux et historiques qui ont été précédemment soulignés, mais aussi par le fait que les sociétés occidentales sont avides de révélations « occultisantes ».

    Stéphane François

    Fragments sur les temps présents :: lien

    http://www.voxnr.com/cc/dh_autres/EuFykEuZZFBACgIMoP.shtml

  • L’islam se fout de la vérité, de l’histoire et de l’identité des peuples

    Boutih propose non une réhabilitation, mais un révisionnisme visant à gommer l’indicible d’une histoire musulmane anxiogène pour l’esprit humaniste occidental.

    Dans l’article qu’il consacre, sur Boulevard Voltaire, au rapport présenté par Malek Boutih, Aristide Leucate juge fort pertinemment que l’ancien président de SOS Racisme, selon lequel « la réhabilitation de l’histoire musulmane » devrait permettre « aux jeunes musulmans de se sentir en phase avec les lois et modes de vie de notre pays », est un « idiot utile de l’islamisme ».

    Boutih propose non une réhabilitation, mais un révisionnisme visant à gommer l’indicible d’une histoire musulmane anxiogène pour l’esprit humaniste occidental. Car la question du contrôle de l’histoire est aujourd’hui essentielle pour l’avenir du Vieux Continent. George Orwell écrivit que « celui qui contrôle le passé contrôle le futur », et ce futur pourrait bien être islamique pour des Européens qui se laissent déposséder de l’orgueil que confère un glorieux passé.

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