culture et histoire - Page 1328
-
Bibliothēca #7 : Les amitiés françaises, de Maurice Barrès
-
Éric Filiol sur la cyberguerre et la souveraineté française
-
Ile De France - Solidaire Et Fier
-
Les Brigandes - Chevaucher le dragon
-
« Une chimère cornue... »
Quelle ombre d'analogie peut-il bien y avoir entre la Constitution des États-Unis d'Amérique et le rêve éculé des États-Unis d'Europe déjà préconisés par Victor Hugo ? La question est posée par Maurras.
L'unité de l'Europe représente une vieille nuée démocratique. Victor Hugo a écrit sur ce sujet des pages d'un grotesque puissant à la mesure de ses dons verbaux qui étaient aussi immenses que son manque de discernement. Après la guerre de 1914-1918, il s'esquissa à la Société des Nations, ancêtre de l'ONU, des projets d'Union européenne auxquels Aristide Briand prêta sa voix qu'on disait de violoncelle. Il adjurait les Européens de fonder des États-Unis. Charles Maurras répondit à Aristide :
« Quelle ombre d'analogie peut-il bien y avoir entre la Constitution des États-Unis d'Amérique et le rêve éculé des Etats-Unis d'Europe que vient de regonfler ce malfaiteur public ?
Les États-Unis de l'histoire sont formés de provinces d'un même peuple parlant une même langue, associées dans la même loi puritaine, toutes tendues à lutter contre un même oppresseur. Cet oppresseur était leur véritable fédérateur. C'est ainsi que le duc d'Autriche fédérait contre lui-même les cantons de la Suisse antique. C'est ainsi que se sont formées toutes les fédérations de l'histoire. Où est le commun oppresseur de l'Europe moderne ? Où est la communauté fondamentale des Européens ? [...]
L'on rêve d'étroite confédération avec des gens dont on ne comprend pas les idées essentielles, même quand elles sont rendues dans un français approximatif, et l'on doute de l'importance des biens nationaux (certains, nets, positifs, bienfaisants, anciens, sacrés, faiseurs d'ordre et de paix intérieure), et l'on se laisse aller à les défaire ou les relâcher avec une imprudence et une étourderie criminelles. » 1
Les nations européennes diffèrent par la langue ; bien que leurs castes dirigeantes communient dans l'idéal du Grand Architecte de l'Univers, les peuples possèdent un passé chrétien , mais tantôt catholique, tantôt protestant, tantôt encore "orthodoxe". La France s'est créée en marge de l'empire, rêve germanique. Si l'Allemagne et l'Espagne possèdent de fortes traditions régionales, la République jacobine a brisé les provinces et centralisé à outrance ; sa déconcentration administrative, imposée par le haut, n'est qu'un leurre. Les intérêts des différents pays de l'Union divergent, historiquement et géographiquement. Du Luxembourg à la France, les États se révèlent disparates en taille, population, richesses. Et on veut faire une communauté de tout cela ! La France en mourrait !
« La doctrine du libre échange nous a diminués pour le moins autant que l'a pu faire la doctrine des nationalités. Le libre échange, tel que nous l'avons pratiqué depuis 1860, nous a rendus malades : aggravé d'une bonne fédération continentale, il nous tuerait. » 2
La technocratie bruxelloise représente, avec la finance internationale, anonyme et vagabonde, le seul facteur d'unité. Cet organe étranger, froid, ne saurait qu'imposer une dictature de bureaux rappelant l'administration soviétique. Au-delà d'une longue période de misère, je ne vois pas un tel organisme supranational se terminer, après une pénible agonie, autrement que par des guerres de sécession. « Mais, demandait déjà Maurras dans L'AF du 23 octobre 1925, aurons-nous encore des canons et des munitions ? Nous restera-t-il un seul canonnier ? »
GÉRARD BAUDIN L’ACTION FRANÇAISE 2000 du 2 au 15 juillet 2009
1 - L'Action Française, 23 février 1928
2 - L'Action Française, 28 juillet 1929
-
Bibliothēca #5 : L'Histoire sous surveillance, de Marc Ferro
-
Chronique de livre : Stuart McRobert - "Beyond brawn"
Enfin, je viens de finir le "beyond brawn" de Stuart McRobert. Si je dis "enfin", c'est n'est pas à cause d'une lecture trop longue, car malgré les presque 500 pages, c'est un livre qui se lit rapidement, même en anglais; mais parce que cela faisait bien longtemps que je m’intéressais à cet auteur et à ses positions à contre-courant à propos de l'entraînement en musculation, sans me plonger dans une lecture complète et investie d'un de ses ouvrages.
Ces positions quelles sont-elles ? Selon notre auteur, les grandes théories de l'entraînement qui sont nées dans les années 60, lors de l'arrivée massive des anabolisants, et qui visent à inclure dans les programmes un gros volume d'effort sur des exercices nombreux appliqués à chaque muscle, ne seraient pas efficaces pour la grande majorité des pratiquants. Toujours selon l'auteur, il y aurait trois types de pratiquants : le champion, gars super doué qui progressera quoi qu'il fasse de toute façon (5%); le gars assez doué, qui obtient plutôt rapidement des résultats mais sans devenir un champion; et le "hardgainer", qui représente la majorité, environ 80% des pratiquants, et sur qui les méthodes conventionnelles ne fonctionnent pas. Nous reviendrons sur les bases de cette théorie à la fin de l'article.
Il y a donc de grandes chances pour que vous aussi soyez un "hardgainer". Notez que toutes ces observations sont valables dans le cas d'une musculation naturelle, car dans le cas contraire l'ordre des choses peut être inversé. Donc si vous ne prenez pas de stéroïdes et que vous n'êtes pas de nature à prendre facilement du muscle, ce livre s’adresse à vous.
Commençons par parler du livre en lui-même. Ce n'est pas le premier livre de l'auteur, mais il semblerait que ce soit le plus complet, il reprend la thèse qui de toute façon est la même tout au long de sa bibliographie. Le livre ne contient pas de photographies, ou très peu, et est plutôt épais pour un livre sur la musculation. C'est d'ailleurs la principale critique que l'on peut adresser à l'ouvrage qui aurait mérité d'être condensé. Il y a beaucoup de redondances et le tout aurait facilement été regroupé en trois fois moins de pages. Je crois cependant qu'il s'agit d'un parti-pris de l'auteur de vouloir écrire une sorte de bible, où le même message est répété parfois à l'excès dans un développement souvent mal ficelé et confus. Cela donne en effet un côté « biblique », ou je dirai plutôt « livre de chevet », sur lequel on peut revenir souvent, piquer des pensées ça et là, en lire des extraits pour entretenir sa motivation. Si certains principes sont répétés très souvent, c'est aussi parce que les méthodes contre lesquelles l'auteur se bat sont très implantées dans les milieux de la musculation, autant chez les débutants que dans les programmes des diplômes d'état. Nous y reviendrons à la fin de l'article.
Ce n'est donc pas un livre technique. On n'y trouve aucune étude scientifique, aucun programme précis, peu de données physiologiques ou anatomiques. Il s'agit plutôt de conclusions faîtes sur la base d'observations et d'expérimentations personnelles. Le but de cet ouvrage est essentiellement de nous remettre en question, de nous faire réfléchir à propos de notre éventuelle stagnation ou renoncement. C'est un livre qui se veut motivant et qui prend en compte les aspects psychologiques de la pratique.
Heureusement, on trouve quand même toute une partie qui propose d'apprendre à faire son propre programme de musculation. L'auteur donne même des exemples mais ne rentre jamais dans les détails, il nous ait toujours possible d'adapter le nombre de répétitions, de séries, et les temps de repos, en restant évidement dans le cadre des principes énoncés dans l'ensemble du bouquin.
On pourra donc reprocher à ce livre son aspect peu synthétique et son manque de précision, mais il est une source de questionnement et c'est sans doute cela qu'il faut retenir. Le programme universel n'existe pas, et jusqu'à présent la science ne nous l'a pas apporté. Au final, nous avons peut-être tort d'imaginer que la science pourra trouver le secret de l'anabolisme naturel alors que plusieurs générations de pousseurs de fontes se sont succédé sous les barres. Ils n'étaient pas tous des monstres de génétique, et certains ont sûrement obtenu de bons résultats sans appliquer les méthodes courantes, soit parce qu'elles n'avaient pas encore été théorisées, soient parce qu'ils ne les connaissaient même pas ou qu'ils ont décidé de s'en affranchir. Les salles de musculation sont en quelque sorte un laboratoire vivant où l'on peut observer des centaines de cobayes et expérimenter soi-même tous les protocoles possibles. Nous aurions tort de faire plus confiance à des études qui ont encore du mal à limiter les facteurs confondants et de ne pas accorder de crédit à la somme des expériences des passionnés. Notons tout de même que les théories énoncées dans le bouquins ne vont pratiquement jamais à l'encontre des bases scientifiques, cela reste dans tous les cas une méthode rationnelle.
Ici, on ne vous vendra pas de méthode miracle, le temps et la persévérance sont des piliers du succès selon McRobert, et les gains promis en terme de force restent dans la limite de l'envisageable pour un athlète non-dopé. Cet ouvrage aura donc sa place dans votre bibliothèque, si vous lisez l'anglais, et aura le pouvoir de vous faire poser des questions, car il y a de grandes chances que vous appliquiez des méthodes qui n'ont pas vraiment prouvé leur efficacité autrement que sur le papier. Comme nous avons parfois tendance à vouloir en faire trop, et que le mieux est souvent l'ennemi du bien, ce livre remettra un peu de bon sens dans votre réflexion sur la pratique de la musculation.
Méthodes « conventionnelles » VS méthode « hardgainer » :
Revenons un instant sur les théories promues par l'auteur face à ce qui est le plus souvent pratiqué.
Le « split-routine », c'est à dire le fait de n'entraîner que un ou deux groupes musculaires par séances et le nombre élevé d'exercice et de séries, se sont imposés depuis plusieurs décennies à travers le règne des frères Weider dans l'industrie du fitness. Ce règne s'est étendu au niveau mondial et à tout ce qui touche au monde de la forme et du culturisme (compétitions, matériel, presse spécialisée, méthodes d'entraînement, promotion des champions, etc). Ce monopole a longtemps étouffé l’émergence de méthodes « dissidentes » en imposant un modèle, et seul le domaine de la préparation physique (sportifs de haut niveau ou militaires) a parfois conservé des techniques plus anciennes et sortant du cadre du culturisme.
Récemment, la grande mode du Crossfit a eût le mérite de nous montrer des performances et des physiques solides en sortant complètement de ces standards théoriques. Force est de constater, sans pour l'instant conclure que les méthodes classiques sont inefficaces, qu'il existe d'autres moyens d'obtenir des résultats.
Les bases théoriques qui composent encore les programmes des diplômes d'état aujourd'hui sont plus ou moins imprégnées de ces méthodes à haut volume d'entraînement. Dans les clubs de musculation, je peux confirmer que 90% (minimum) des adhérents s'entraînent à la « weider » (sauf dans les salles de type « crossfit » bien sûr) et en effet, peu parviennent à de bons résultats. Le split-routine avec 4 à 5 séances par semaine, de nombreux exercices et de nombreuses séries est pratiqué de la même façon par le débutant ou par le champion à la génétique hors-norme et à l'assistance chimique irraisonnée.
Stuart McRobert conseille de s'entraîner deux fois par semaine (jusqu'à trois fois, dans certains cas) et de ne faire que des exercices « de base », c'est à dire les grands classiques que sont le développé couché, le squat, le soulevé de terre, les dips, etc, et de limiter à la fois de nombre d'exercices et le nombre de séries. En revanche, les répétitions peuvent s'adapter aux muscles sollicités et au ressenti, l'important étant de pouvoir mesurer ses performances et d'établir une progression planifiée.
Je crois que le meilleur moyen de se faire une idée serait finalement d'essayer soi-même de se construire un programme sur les bases de la méthode « hardgainer » et d'en tirer ses propres conclusions. Personnellement, si je n'ai encore jamais appliqué ce type d'entraînement « minimaliste », toutes mes expériences s'en approchant ont été dans ce sens. Les protocoles de très haut volume (deux fois chaque muscle par semaine par exemple) m'ont très vite mené à la régression, tandis qu'une simplification des séances m'a toujours mené à de bons résultats. Le plus difficile dans cette histoire est finalement de vaincre la peur de la régression et de ne pas être tenté d'ajouter des exercices ou des séances.
Si vous êtes dans la situation du pratiquant en salle qui a du mal à progresser, vous savez ce qu'il vous reste à faire. Rien ne vous coutera d'essayer. Pour ma part, je vais me mettre au point une planification pour le mois de septembre et je ferai un retour détaillé sur le blog après trois mois d'entraînement, donc sans doute vers la fin de l'année 2015.
En attendant, profitez bien de l'été.
Source : Les Briseurs de Chaînes (association sportive du MAS Méditerranée)
-
La formation d’une autre contre-culture par Georges FELTIN-TRACOL
Avocat franco-croate et responsable de l’Institut de géopolitique de Zagreb, Jure George Vujic s’est fait connaître dans le domaine francophone par de nombreux articles pertinents parus dans les périodiques de la dissidence enracinée. Après avoir publié en 2011 Un ailleurs européen. Hestia sur les rivages de Brooklyn(Avatar) et La Modernité à l’épreuve de l’image. L’obsession visuelle de l’Occident (L’Harmattan, 2013), ce penseur hétérodoxe issu de l’aire danubienne sort Nous n’attendrons plus les barbares. Une fois encore, son éditeur, les éditions Kontre Kulture, montre son attention pour l’auteur, son œuvre et le lecteur en leur offrant une belle couverture, une mise en page soignée et des réflexions de qualité. Ces attentions deviennent si rares de nos jours chez les gros éditeurs officiels où le livre se conçoit comme un sac de patates imprimé.Infatigable lecteur d’auteurs français (Julien Freund, Guy Debord, Michel Clouscard, Louis Althusser…), allemands (Heidegger, Peter Sloterdijk…), anglo-saxons (Christopher Lasch, T.S. Eliot…), italiens (Vico, Julius Evola, Augusto Del Noce…), russes (Troubetzkoy…), Jure George Vujic remarque que « l’ensemble de la production culturelle contemporaine est au service de la construction d’un véritable network socialplanétaire qui, via la dé-liaison sociale, en fait propage une grammaire politique cosmopolite et s’efforce de consolider un chaînage quotidien du particulier indifférent et de l’universel non différencié constitutif de notre sentiment d’appartenance à un monde commun planétaire illusoire (p. 86) ». Prenant aussi acte que « la “ tolérance répressive ” récupère et neutralise… (p. 32) », il relève que « le réel se fond dans l’hyperfestif et aboutit à un consensus consumériste, segmenté entre travail et divertissement, obéissant à la même logique de profit et de rentabilité (p. 17) ». Pis, à la différence des fameuses « Grandes Invasions » germaniques des IIIe – Ve siècles qui provoquèrent la chute de l’Empire romain d’Occident et facilitèrent une remarquable synthèse culturelle, matrice du Moyen Âge européen, « il suffit de constater que les barbares sont déjà là, bien existants, établis et bien présents dans toutes les structures de la société dite civile, dans les médias, dans les institutions politiques et culturelles, et, ce qui est plus grave, qu’ils ont colonisé le mental, l’imaginaire individuel et collectif européen de sorte que l’on peut parler de colonisation interne pure et simple. En effet, la culture dominante de notre époque est éminemment une culture de la quantité, de l’aliénation de la volonté et de l’asservissement des esprits (p. 8.) ».
L’Occident phagocyte
Dorénavant, « la modernité est indéniablement placée sous le signe de la fragmentation dans tous les domaines de l’existence individuelle et collective (p. 82) ». Vujic s’inquiète de la cybercrétinisation et du rôle de plus en plus envahissant du numérique, des ordinateurs et des écrans dans notre quotidien. Cette invasion technique et psychique occidentalise l’individu et l’assujettit aux nouvelles normes de la conformité. On les retrouve à propos de l’effondrement de l’esthétique et de cette purulence fétide que représente le non-art (néo-dégénéré) contemporain. Tous les symptômes décrivent une crise majeure d’un certain esprit en voie de disparition.
La pensée européenne est en effet en crise de sens et de limite. « L’Europe d’aujourd’hui est une contrefaçon occidentale, elle oscille dans l’ordre politique entre des néo-nationalismes et des néo-cosmopolitismes. N’est plus européenne une civilisation qui s’est coupée de ses propres racines et a cessé d’ancrer sa tradition dans un principe transcendant. Privée de ses racines et de son élément structurel transcendant et métapolitique, l’Europe est privée de son système immunitaire, et reste dépourvue de défenses efficaces face aux assauts des éléments anti-européens, qui par une stratégie globalisante ont fini par disséminer le poison d’un mensonge global aux sources nominalistes, mécanistes, économicistes et athéistes (p. 36). » L’auguste et ancestrale civilisation européenne se dissout dans un nouvel Occident qui, « bien avant un espace homogène géopolitique aux contours indéfinis, est avant tout réalité “ mentale ” planétaire, recouvrant des réseaux, des espaces, des cultures disparates, regroupant des sociétés diverses, organisées en cercles d’appartenance concentrique, ayant au centre un noyau dur qui alimente la périphérie : le modèle américain. Pour Raymond Abellio, le modèle californien constitue l’essence et l’épicentre de l’Occident, ouest extrême, symbole d’une civilisation crépusculaire et vieillissante, où la lumière déclinante du jour fait place progressivement à l’obscurité de la nuit (pp. 80 – 81) ».
Dans ce nouveau contexte occidental-mondial, il devient logique que « la démocratie parlementaire “ traditionnelle ” tend à être supplantée par le modèle de la polyarchie qui révèle l’existence d’une multitude de centres décisionnels du pouvoir politique, directement rattachés aux centrales et aux grands groupes économiques et financiers (pp. 20 – 21) », ce qui aboutit à la neutralisation, puis à l’éviction du politique pressentie par Carl Schmitt, d’autant que « la flibusterie transnationale brade les souverainetés politiques nationales débordées au niveau du repérage géographique par les nouvelles supra-souverainetés économiques (pp. 42 – 42) ». L’auteur insiste sur le fait que « nos sociétés modernes sont prisonnières du quintuple caducée du dieu global : internationalisme, intégration, individualisation, informatisation et infantilisation. Le globalisme finit de niveler culturellement et d’uniformiser politiquement et idéologiquement les peuples européens privés de leur identité et de leur faculté réactive (pp. 38 – 39) ». Pis, « l’ordre marchand global dominant utilise comme rouages les “ hommes moyens ”, réplique sérielle du dernier homme nietzschéen (p. 43) ».
Toutefois, « la culture dominante de notre monde, souligne Vujic, ne s’effondrera pas d’elle-même, et il ne suffit pas de guetter et d’attendre. L’alibi de l’inaction, du silence et de l’immobilité s’évanouit. L’homme, sans perspective claire de disparition, est placé devant la nécessité de continuer (p. 10) ». L’auteur « persiste à croire que les maux qui accablent l’Europe et les peuples européens d’aujourd’hui, ne viennent pas d’un ennemi externe, elles ne viennent pas des barbares eux-mêmes, car la crise morale, démographique, politique et civique actuelle n’est qu’un épiphénomène d’un mal intérieur plus insidieux et dévastateur : celui du fatalisme, de l’entropie, de l’inaction, de la vieillesse et de l’attentisme (p. 9) ». Cela ne doit pas empêcher les Européens sains d’affronter « l’occidentalo-américanisme culturel, qui s’appuie sur les puissances de l’argent, les forces mondialistes de nivellement et d’indifférenciation active, et la mentalité économiciste qui leur est sous-jacente (pp. 10 – 11) ». Mais le combat serait vain si on ne réfléchissait pas enfin à « la nécessité d’une contre-culture authentique et refondateur, qui serait en mesure de combler le vide laissé par les contre-cultures libertaires dites de “ gauche ” des années 60 à nos jours, récupérées par le système dominant (p. 6) ». Bien sûr, « le grand défi de cette résistance culturelle sera de maintenir à la fois la charge subversive contre-culturelle et de refonder un tissu social et culturel en rupture radicale avec le système, là où les valeurs contestataires et transgressives des années 60 ont été assimilées et récupérées par la postmodernité et le capitalisme néo-libéral (pp. 69 – 70) ».
Retour aux communautés organiques réelles
En fin connaisseur de l’histoire des activismes politiques, Jure George Vujic avertit que « toute forme de résistance qui s’institutionnalise, se consensualise perd inévitablement de sa vigueur et de sa force. Les leçons de la contre-culture de gauche récupérée et commercialisée par le système sont exactement les mêmes pour toute autre forme de contre-culture qui cédera à la propagande marchande (p. 146) ». En politique, le risque majeur se nomme technocratisation. « En tant que parfait produit du progrès technologique et de l’éthique scientifique, la technocratie échappe à toutes les catégories et qualifications politiques traditionnelles, car elle a la propriété de se rendre idéologiquement invisible, indolore et neutre. La technocratie représente le règne des spécialistes, qui usent d’institutions clefs, tel que le “ réservoir de pensée ”, en tant que gigantesque entreprise industrielle de brassage de cerveaux (p. 27). » Il exhorte au contraire à la restauration de l’imperium et de l’auctoritas, de la puissance et de la justice, de la primauté du politique et de la mission prioritaire de servir son peuple afin de favoriser l’indispensable enracinement et de redynamiser une salutaire autochtonie communautaire. En effet, « ce que redoute le système, c’est le groupe, la communauté d’idéaux et de valeurs vertébrantes et stabilisatrices, déterminées et structurées, la communauté de rupture radicale avec les fondements de la société contemporaine : le matérialisme et le financialisme oligarchique, la consommation et l’hyper-individualisme, valeurs que partagent aussi bien la gauche libérale que la droite conservatrice (p. 149) ». Il va de soi que « cette démarche communautaire sous-entend bien entendu le réaménagement culturel de l’Europe dans le cadre d’un ensemble organique coordonnant une pluralité de communautés charnelles autogérées, respectueux de l’hétérogénéité sociale culturelle et ethnique. Néanmoins, cette réaction contre les structures politiques administratives verticales et centralisées ne doit pas ignorer la dynamique propre des forces productives qui nécessitent l’organisation, la rationalisation et la planification dans de grandes unités et de vastes espaces (p. 161) ».
Vujic estime que plutôt espérer dans le néo-eurasisme, « il est plus important aujourd’hui, dans le vaste marasme spirituel et moral du néolibéralisme capitaliste triomphant, que les peuples européens se réapproprient la notion de “ sens ” national et européen, un impératif téléologique de refondation, à la fois communautaire, social, culturel, politique et économique (pp. 94 – 95) ». « La refondation culturelle, ajoute-t-il, supposera de renouer avec une authentique vision radicalement anti-progressiste de l’histoire (p. 129). » Or, « l’histoire, pour nous, n’est que le prétexte pour l’affirmation et la réalisation des êtres d’exception, qui ne demandent que la fidélité et un honneur froid, par pure nécessité, et non pas par gloire (p. 131) ». Audacieux pronostic anticonformiste !
Pour Jure George Vujic, « être non conformiste de nos jours, ce serait refuser un certain ordre naturel des choses qui constitue le fondement de la pensée dominante, et autour duquel s’articule l’ordre public qui lui-même se confond avec la vérité officielle. À l’inverse, il s’agit de proclamer la pluralité générale des productions humaines, des mœurs, des idéaux, des règles morales, des tendances esthétiques, comme autant de valeurs et de formes humaines (pp. 104 – 105) ». Ce non conformisme intrinsèque exige aussi que l’État organique identitaire – populaire, continental ou non, restauré ne soit ni Big Brother, ni une marâtre maternante excessive, mais ce « lieu de la décision souveraine ainsi que force ordonnatrice (p. 110) ».
Nous n’attendrons plus les barbares est un essai métapolitique majeur ainsi qu’un appel vibrant au soulèvement intellectuel contre la « Mégamachine » occidentale mondialiste. Cet ouvrage demeure une redoutable arme de destruction ciblée et les éditions Kontre Kulture un efficace état-major qui sait saper les bases du Désordre établi.
Georges Feltin-Tracol
• Jure George Vujic, Nous n’attendrons plus les barbares. Culture et Résistance au XXIe siècle, Kontre Kulture, Saint-Denis, 2015, 173 p., 13 €.
-
Ile De France - SOS Indigene
-
Chroniques de la Monarchie populaire - 1