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culture et histoire - Page 1330

  • Henri Guillemin sur les causes de la guerre de 14-18 : « Morts pour la (Banque de) France »

    La République des banquiers : conférences d'Henri Guillemin sur l'avant-1914

    « Croire à l'histoire officielle, c'est croire des criminels sur parole. »

    Simone Weil (Philosophe)

    « Faites attention à l'histoire que l'imposture se charge d'écrire. »

    Chateaubriand

    « En réalité, pour dire les choses telles qu'elles sont, et sous une apparence peut-être véhémente mais pourtant exactement fidèle à la vérité, la IIIe République était, sous une apparence de démocratie, pratiquement une oligarchie financière. Et je sais bien qu'il n'y a pas très longtemps encore, un journal sérieux disait : ‘C'est une rengaine de parler de la toute-puissance de l'argent.’ Il est facile d'appeler rengaine la constatation obstinée d'une évidence.  »

    Henri Guillemin, La République bourgeoise

    « En dépit des apparences démocratiques en France, le peuple ne contrôle pas ses gouvernements. Un groupe étroit s’est emparé des conseils d’administration des grandes sociétés financières. Ces quelques hommes tiennent entre leurs mains les banques, les mines, les chemins de fer, les compagnies de navigation, bref, tout l’outillage économique de la France. Sans oublier la sidérurgie et les fabriques d’armes d’où ils tirent de croissants profits. Ils dominent le parlement et ont à leur solde la grande presse. La guerre ne leur fait pas peur, ils la considèrent même avec intérêt. (…) Nos banques ont gardé le souvenir des bénéfices énormes réalisés par elles en 1871. »

    Francis Delaisi, La guerre qui vient, 1911

    Conférences indispensables de Henri Guillemin :

    (1) L’autre avant guerre - 1871-1914 - L’ordre moral - Henri Guillemin

    (2) L’autre avant guerre - 1871-1914 - La république des républicains - Henri Guillemin 

    (3) L’autre avant guerre - 1871-1914 - Début du colonialisme - Henri Guillemin 

    (4) L’autre avant guerre - 1871-1914 - Le général Boulanger - Henri Guillemin

     (5) L’autre avant guerre - 1871-1914 - De Boulanger à Dreyfus - Henri Guillemin  

    (6) L’autre avant guerre - 1871-1914 - L’affaire Dreyfus - Henri Guillemin

    (7) L’autre avant guerre - 1871-1914 - La défense républicaine - Henri Guillemin 

    (8) L’autre avant guerre - 1871-1914 - L’occident dévore le monde - Henri Guillemin

    (9) L’autre avant guerre - 1871-1914 - La république bourgeoise - Henri Guillemin 

    https://www.youtube.com/watch?v=hClDN2ojrAY

     (10) L’autre avant guerre - 1871-1914 - Le Maroc - Henri Guillemin 

    https://www.youtube.com/watch?v=6XSipRliZ5Y 

    (11) L’autre avant guerre - 1871-1914 - La guerre qui vient - Henri Guillemin  

    https://www.youtube.com/watch?v=qIGvjmxyzmg

    (12) L’autre avant guerre - 1871-1914 - Le socialisme, Jaurès - Henri Guillemin 

    https://www.youtube.com/watch?v=I8Ao1e9RYyk

    (13) L’autre avant guerre - 1871-1914 - L’explosion de 1914 - Henri Guillemin

    https://www.youtube.com/watch?v=72PtZve-Yvc

     http://www.agoravox.tv/actualites/europe/article/henri-guillemin-sur-les-causes-de-50396

  • III.- Coutumes et communauté

    Nous continuons aujourd'hui notre cycle "Patrie" commencé le 8 juin, destiné aux jeunes militants et à ceux qui iront au CMRDS 2015, à partir des cours de philo d'André Bridoux (1893-1982). Voici la troisième des quatre lectures espacées de quinze jours.

    I.- Terroirs et frontières
    II.- Race, langage
    III.- Coutumes et communauté
    IV.- Patrie et humanité

    Préambule
    Le lien territorial que nous avons évoqué dans la première lecture se double naturellement d'un lien économique au sens large. Un territoire met à la disposition du peuple qui l'occupe des ressources dont l'exploitation et l'augmentation sont régies par un ensemble de règles d'intérêt général, le principe de base étant celui de propriété. Mais le foisonnement d'intérêts communs en un lieu donné ne suffit pas à constituer une patrie ni à fusionner un peuple, le désenchantement européen est là pour nous le prouver s'il en était besoin. Nous n'approfondirons pas l'élément économique de la patrie car il est secondaire dans sa formation. Il y aura d'autres occasions¹.
    C'est maintenant le chapitre le plus épineux de la série depuis qu'affluent sur notre territoire des étrangers bien décidés à continuer leurs propres coutumes jusqu'à parfois les valoriser en extrayant des règlements sociaux les bénéfices inattendus chez la grande majorité des autochtones. On n'est pas obligé non plus de croire dur comme fer à l'inintégration des immigrants, l'exotisme a beaucoup de pertes en ligne finalement et que ce soit dans les domaines cultuels ou culturels il est de bon ton dans les milieux de droite de minimiser la quantité de "fuyards" qui cherchent par tous les moyens à s'assimiler. Bref, qu'en dit André Bridoux ?
    31.- La communauté d'habitudes

    Le sentiment de la patrie procède pour une bonne part du sentiment d'être ou de se retrouver chez soi : sentiment particulièrement vif quand, après un long séjour à l'étranger, on rentre dans son pays, au milieu d'hommes qui ont les mêmes goûts, se plaisent aux mêmes conversations, aux mêmes divertissements. Tout change d'un pays à l'autre : la nourriture, le vêtement, le coucher, la manière de distribuer la journée, de travailler, de se distraire, de sentir, de penser.
    Avec le temps, se tissent des habitudes communes qui se stabilisent et constituent un des principes d'union les plus solides. Les peuples se cristallisent dans leurs coutumes traditionnelles et finissent par apparaître sous les traits d'images familières dans lesquelles ils se reconnaissent, se contemplent, et se comparent. Un Français, un Anglais, un Allemand ne vivent pas seulement pour eux-mêmes, mais pour l'opinion qu'ils prêtent aux autres sur la France, sur l'Angleterre, sur l'Allemagne. 
    Ces dissemblances d'habitudes et de physionomies créent des oppositions souvent difficiles à vaincre, rendent délicates les ententes de peuple à peuple, hasardeux les mariages entre étrangers et très pénibles des épreuves telles que l'exil ou la transplantation : épreuve bien connue des missionnaires. Malgré toute leur charité et malgré l'accueil souvent affectueux qu'ils reçoivent, ils ne tardent pas à se trouver très isolés au milieu de populations dont les habitudes leur restent impénétrables.
    32.- Le sentiment d'être chez soi
    Se sentir chez soi, ce n'est pas seulement jouir d'habitudes familières ou de les retrouver, mais avoir conscience d'être son maître et de ne pas subir la loi de l'étranger (ndlr : c'est justement ce que nous sommes en train de perdre en Europe occidentale). Être Français, c'est avoir la certitude que la France est à nous, que chacun la possède en entier et qu'en conséquence, ses institutions et ses lois, qui sont comme des règlements d'administration, ne sauraient procéder d'une autorité étrangère, mais ne peuvent se concevoir que s'ils sont approuvés par nous et même que s'ils émanent de nous. A cette seule condition ils nous apparaissent non comme une contrainte insupportable, mais comme une protection de tous les instants.
    Les institutions peuvent beaucoup pour développer le sens de la patrie. Ce sens s'est prodigieusement accru au moment de la Révolution, par le fait d'une législation égalitaire qui associait l'ensemble des habitants à la vie du pays, mettait en œuvre toutes les énergies et éveillait la conscience d'une destinée commune. Ce sens peut au contraire être mis cruellement à l'épreuve quand les lois d'un pays donnent à une partie de ses habitants l'impression qu'ils sont dépossédés de leur patrie. Chacun sait par exemple tout ce que la Révocation de l'Edit de Nantes a coûté à la France.
    33.- La communauté des souvenirs et des aspirations
    La patrie, c'est aussi l'ensemble des souvenirs qui composent une histoire commune : souvenirs grâce auxquels les racines de notre être plongent dans le plus lointain passé et nous rendent solidaires de tous ceux qui vécurent avant nous, si bien que, pour reprendre un mot d'Auguste Comte, la patrie se compose de plus de morts que de vivants.
    Ces souvenirs ressuscitent pour nous des triomphes et des deuils qui nous causent toujours des émotions très vives ; et à l'évocation de ces temps révolus répond nécessairement la pensée d'un avenir dont nous ne pouvons imaginer l'interruption, mais dont la prolongation nous est assurée par l'ardeur d'un vouloir vivre commun. L'homme se sent ainsi relié à quelque chose qui le dépasse de beaucoup, non seulement dans l'espace, mais dans le temps.
    34.- Les sentiments que la patrie nous inspire
    L'amour de la patrie est naturel en nous. D'origine complexe, ainsi que nous venons de le voir, c'est un sentiment très fort. Il n'a pas moins de pouvoir sur l'homme que les sentiments familiaux avec lesquels il a maintes affinités, et il a beaucoup plus d'ampleur. L'homme qui est ému par l'amour de la patrie, sans cesser d'être lui-même (ndlr : on notera la réserve post-nazisme), se sent pénétré d'une réalité plus haute, plus large, meilleure que lui dont il est cependant dépositaire, qu'il doit défendre et faire durer. Insistons sur ce point.
    A la différence des valeurs religieuses ou scientifiques, par exemple, qui participent toujours de l'éternel et demeurent, dans ce qu'elles ont sans doute d'essentiel, indépendantes de nous, la patrie est une valeur d'ordre humain, de caractère temporel et historique. Elle nous dépasse dans le temps et dans l'espace, c'est entendu, nous venons de le dire ; mais elle dépend de nous. On se fait aisément illusion. Parce qu'elle nous a précédés, on croit que la patrie nous survivra ; on la croit même éternelle. La vérité est qu'elle peut mourir ; il suffit que se relâchent un instant l'union des peuples, leur vigilance et leur esprit de sacrifice.

    La patrie est la création continue de tous ses enfants. Chacun peut sentir et expérimenter sa responsabilité envers elle ; il dépend de lui, à chaque instant, de l'affaiblir ou de la sauver.
    La prochaine lecture élargira la réflexion à l'humanité.

    (1) L'histoire de notre pays nous fait assister à un riche développement de dons variés, mais elle ne nous fournit qu'une traduction incomplète des aptitudes de la France. Nos générations auraient tort de se complaire au spectacle du passé au point d'oublier que dans nos montagnes, nos fleuves, nos mers, bien des énergies attendent encore leur tour (AB). En 1945 on ne parlait pas encore des Zones économiques exclusives dont la France maritime est si riche (clic), mais vu le profond silence des pouvoirs sur ces richesses maritimes inexploitées, on peut penser que le caractère cul-terreux de la classe politique française l'empêche de se projeter au-delà de l'horizon réel, celui sur lequel on "pose" un sextant.

    http://royalartillerie.blogspot.fr/

  • L’art contemporain est un mécanisme provocateur et financier

    Aude de Kerros, artiste et auteur de Sacré art contemporain, répond à L'Homme Nouveau à propos de la réalisation d’Anish Kapoor dans les jardins du château de Versailles : le « Vagin de la Reine ». Extrait :

    "C’est un piège, comme d’habitude. C'est un chef-d'œuvre dans son genre puisque son but est de piéger les médias et le spectateur. Cela implique de générer un scandale, de créer de l'événement et un intérêt médiatique : le « Vagin de la Reine » fonctionne très bien. Lorsqu’une œuvre contemporaine est fabriquée, l'artiste pense « les Français seront blessés si l’on s’attaque à leur patrimoine ». Celle-ci a été faite il y a longtemps, et elle a changé de nom pour l'occasion, afin qu’elle ait un rapport avec son contexte.

    Chaque réaction augmente la valeur de cet objet, qui n'est en réalité qu'un produit financier. L'art contemporain se résume à ça. [...] C’est pour l'artiste la seule manière de créer un produit financier : il faut choquer. [...] Le scandale ne réside pas dans le « Vagin » lui-même, mais dans la complicité de l’État français. L’art contemporain n’en est pas un : il est conceptuel, et veut profiter de son contexte, mais l’œuvre en soi est sans intérêt. Tout cela constitue un vaste montage financier et mondain entre le grand collectionneur, les institutions et l’artiste, ou devrais-je dire le producteur car en lui-même et sans les autres acteurs il n'existe pas. Il n'a aucune autonomie.

    L’artiste dit lui-même qu’il voulait mettre du "chaos" dans l'ordre : la provocation est-elle une caractéristique de l'art contemporain ?

    L’art contemporain est effectivement un mécanisme provocateur et financier. Le but est de fabriquer de la médiatisation pour avoir de la cote. Lorsque les gens l’auront compris, ils pourront faire la différence avec l'Art. [...]

    Tout cela relève d'une entreprise de destruction de la civilisation, au sein d'un marché financier gigantesque. Et ça continuera aussi longtemps que les gens ne voudront pas comprendre.

    [...] Le problème est qu’il faudrait démonter intégralement le système, et se tourner vers le gouvernement : il doit se justifier ! Combien est-ce que cela coûte aux contribuables ? Pourquoi les artistes français ne sont-ils pas sollicités, si ce n’est parce que leurs œuvres n'atteignent pas le million de dollars ? Nous devons leur demander des comptes. Et pourquoi Anish Kapoor a-t-il eu droit à la légion d'honneur ? Pourquoi lui a-t-on livré Versailles sur un plateau d’argent ? [...]"

    Michel Janva

  • Réédition d’ « Islam et kabbale contre l’Occident chrétien », d’Alain Pascal

    islam-et-kabbale-alain-pascal.jpgLe catholique Alain Pascal s’est fait connaître dans les années 90 et 2000 par une série d’articles (dans le Libre Journal de Serge de Beketch) et d’ouvrages originaux, s’évertuant à dévoiler la face cachée de grands phénomènes historiques.
    Il met en lumière dans ses divers livres (disponibles ici) des liens relativement étonnants entre des événements et des courants d’idées « novateurs » d’un côté et la gnose, la kabbale, la franc-maçonnerie et les ésotérismes de l’autre.
    Ses livres regorgent d’informations et peuvent susciter d’utiles débats.

    Introuvable depuis des années, son livre politiquement incorrect Islam et kabbale contre l’Occident chrétien, 2e volume de sa Guerre des gnoses, vient d’être réédité pour le plus grand bonheur des afficionados d’Alain Pascal.

    Éditions des Cimes, 442 p.  Index des noms et des mots-clés, table des matières détaillée. Disponible ici.

    4e de couverture :

    « L’islam est une religion golem dont l’ésotérisme véhicule la gnose anti-chrétienne codifiée par le Talmud.
    A partir de ce constat anticonformiste, Alain Pascal montre que l’islam a toujours servi d’instrument aux forces occultes pour détruire l’Occident chrétien, la civilisation qui sanctifie par la foi le passé païen européen.
    De tout temps, la guerre est politique, mais aussi culturelle.
    Aux Temps féodaux, l’islam est contenu par les Carolingiens et la gnose rejetée par la tradition chrétienne. Tandis que les rois d’Europe s’unissent dans les guerres défensives que sont les Croisades, l’Église écarte le nominalisme dans la querelle des Universaux.
    Tout change après le XIIe siècle, c’est-à-dire avec l’existence officielle de la Kabbale, mouvement ésotérique, mais aussi complot politico-financier.

    Dans un premier temps, la France et l’Église résistent à la Kabbale.
    La croisade contre les Albigeois et l’Inquisition sauvent la civilisation occidentale menacée par la révolution cathare. L’Occident peut connaître l’apogée du XIIIe siècle. Les cathédrales sont dressées vers le ciel et la grande scolastique offre la Raison à l’humanité parce que le Talmud qui inspire la philosophie judéo-musulmane est condamné.
    Malheureusement, la Kabbale a déjà des complices : les ésotéristes qui ont infiltré les mouvements littéraires avant les universités et certains monastères. La théosophie juive du Zohar séduit les premiers « illuminés ». Un cabalisme « chrétien » ouvre la voie à l’ésotérisme cosmopolite de la Renaissance, c’est-à-dire à la Révolution moderne.
    La subversion des mentalités a préparé la nouvelle conquête. De nos jours, la gnose triomphe dans la philosophie maçonnique et, par le biais de l’immigration, l’islam achève l’oeuvre de la Révolution, faire table rase de l’Occident chrétien.
    Telle est l’actualité de la Guerre des gnoses. »

    http://www.contre-info.com/reedition-d-islam-et-kabbale-contre-loccident-chretien-dalain-pascal#more-38629

  • Révolution dite française : oppression de la classe ouvrière

    Au nom de l’idéologie égalitaire, la Révolution supprime les corporations, ces sociétés qui, non seulement assuraient la protection des hommes de métier, mais leur procuraient avec l’amour de leur travail, honneur et dignité. Monseigneur FREPPEL dénonce donc la Révolution française comme source de l’oppression de la classe ouvrière et comme cause de cette autre plaie des temps modernes : l’antagonisme capital/travail.

    Préface de VLR

    Le document suivant est tiré du livre de Mgr Freppel :

    La Révolution française, à propos du centenaire de 1789, A.Roger et F.Chernoviz éditeurs, 7 rue des grands-augustins, Paris 1889. 23e édition.

    Le chapitre original a pour titre : La Révolution française et le travail.

    Pour faciliter la publication en ligne, la rédaction de VLR a ajouté des intertitres qui ne figurent pas dans l’œuvre originale

    Les corporations, expression du droit naturel

    L’idée fondamentale de la Révolution française en matière économique est contenue dans cette maxime économique de Turgot, tant applaudie à la fin du siècle dernier :

    La source du mal est dans la faculté même accordée aux artisans d’un même métier de s’assembler et de se réunir en corps

    [1].

    On croit rêver en lisant aujourd’hui de pareilles inepties tombées de la plume d’un homme d’esprit. Ce que Turgot, fidèle interprète des opinions de son temps, appelait la source du mal n’est autre chose qu’un principe rigoureux de droit naturel. Car il est dans la nature des choses que les artisans d’un même métier et les ouvriers d’une même profession aient la faculté de s’assembler pour débattre et sauvegarder leurs intérêts ; ou bien il faut renoncer à toutes les notions de la solidarité et de la sociabilité humaines.

    C’est ce qu’on avait parfaitement compris jusqu’à la veille de 1789. Après avoir proclamé les principes qui devaient amener graduellement l’esclavage au colonat et au servage, puis enfin à l’affranchissement complet du travailleur, l’Église avait fini par faire triompher dans la classe ouvrière, comme ailleurs, la loi si éminemment féconde de l’association.

    Les corporations, solidarité et honneur des hommes de métier

    Sous l’influence des idées de rapprochement et de charité fraternelle qu’elle répandait dans le monde, il s’était opéré pour chaque métier, pour chaque profession, un groupement des forces et des volontés individuelles autour d’un seul et même centre d’action. L’on avait senti que pour être fort, il fallait s’unir, et que, dans cette union morale des travailleurs d’un même ordre, il y avait une garantie et une protection pour tous : Vincit Concordia fratum, selon l’antique devise des arts et métiers de Paris. Sans absorber l’individu dans le corps social et tout en lui laissant la liberté de se mouvoir et d’agir à son gré, le travail devenait plus ou moins une chose commune à laquelle chacun apportait son énergie propre, en même temps qu’il y trouvait sa fortune et son honneur. Des hommes aussi étroitement unis par les liens professionnels ne pouvaient qu’être solidaires les uns des autres, soit que leur intérêt fût en jeu ou leur réputation.

    Dans un tel état de choses, il y avait place pour les faibles à côté des forts ; et la richesse ou l’intelligence, au lieu d’être une cause de ruine pour personne, tournait au profit de tout le monde. Bref, le même métier était dans une même ville, pour ceux qui l’exerçaient, un signe de ralliement et le principe d’une association où tous se rencontraient, se respectaient et s’aimaient. Tel a été, six siècles durant l’aspect de cette grande et belle institution qui s’est appelée, dans l’histoire de l’économie politique et sociale, la corporation ouvrière.

    Réformer les corporations et non les détruire

    Que des abus s’y soient glissés à la longue, qu’il y ait eu nécessité d’introduire plus d’air, plus de jour, plus de mouvement, dans ces institutions devenues trop étroites, et faire une plus large part à la liberté du travail, personne ne le conteste. Là encore, il s’agissait d’opérer l’une de ces réformes justifiées par la marche du temps et par les progrès de l’industrie.

    Car nous ne cesserons de distinguer sur tous les points, — c’est l’idée mère de cet opuscule, — le mouvement réformateur et le mouvement révolutionnaire de 1789. Améliorer, à la bonne heure ; mais détruire sans rien mettre à la place, c’est de la folie. On ne déracine pas un arbre encore vigoureux uniquement pour le débarrasser d’une branche morte. On ne renverse pas une maison à cause de quelques mauvaises herbes qui croissent le long de ses murs. On ne démolit pas une cathédrale parce qu’avec le temps il s’est amassé sous ses voûtes de la poussière et des toiles d’araignées. C’est le bon sens qui dit cela, et le bon sens est le maître de la vie humaine pour les peuples comme pour les individus.

    Mais les hommes de 1789, — car c’est d’eux qu’il s’agit et non pas des énergumènes de 1793, — ne comprenaient pas ce langage ; détruire, détruire encore, détruire toujours, c’était leur devise. Sur ce point, comme sur toutes choses, ils n’avaient qu’une idée, qu’une passion, ne rien laisser debout de ce qu’une existait jusqu’alors. Cette organisation du travail, qui était l’œuvre du temps, de l’expérience et de la raison ; qui avait valu au pays de longs siècles de paix et de prospérité ; qui avait réussi à maintenir la concorde entre les travailleurs d’un même ordre ; qui avait tant contribué au bon renom et à la gloire de l’industrie française ; cette organisation, qu’il eût fallu rajeunir, améliorer, mettre en rapport avec les besoins et les intérêts de l’époque, les disciples de Turgot et de Rousseau la brisèrent en un jour d’aveugle fureur, au risque de léguer à l’âge suivant, sans aucun élément de solution, le plus redoutable des problèmes.

    Les corporations sacrifiées sur l’autel de l’égalité

    À vrai dire, — et c’est la condamnation la plus formelle des doctrines économiques de la Révolution française, — ils ne pouvaient agir autrement sans renoncer à tout ce qui fait le fond du système. Appliquant avec une rigueur de logique que je suis loin de méconnaître, les idées du Contrat social de Rousseau, la Révolution française ne conçoit que deux facteurs dans l’ordre économique comme dans tout le reste : l’individu et l’État. Pas de corps intermédiaires entre l’un et l’autre, pas de groupes particuliers possédant leur autonomie, pas d’organismes sociaux vivant de leur vie propre, pas d’associations autres que celles qui émanent de la volonté générale envisagée comme la source de tout droit et de tout pouvoir, en d’autres termes, une masse d’individus ayant des droits absolument égaux, en dehors de toute hiérarchie naturelle ou sociale, et l’État leur imposant à tous sa volonté ; voilà toute la théorie imaginée et formulée en 1789 et en 1791.

    La Révolution crée l’oppression de la classe ouvrière

    Les conséquences allaient en découler d’elles-mêmes ; et nous les avons sous les yeux. Oubliant que le principe de la liberté du travail, appliqué d’une façon absolue, sans le complément et le correctif de l’association, dans laquelle Turgot plaçait « toute la source du mal », ne saurait avoir d’autre résultat que de mettre, les pauvres et les faibles à la discrétion des riches et des forts, les théoriciens de 1789 s’étaient absolument mépris sur les conditions du problème social.

    Sous une apparence de liberté, c’est l’isolement qu’on apportait à l’ouvrier, et, avec l’isolement, la faiblesse. L’individu seul restait en face de lui-même, n’ayant plus aucune des ressources matérielles ou morales qu’il tirait auparavant d’un corps dont il était le membre.

    Dès lors, plus une ombre de hiérarchie ; plus de paternité sociale ; plus de charge d’âmes ; plus de fraternité professionnelle ; plus de règles communes ; plus de solidarité d’intérêt, plus d’honneur et de réputation plus de rapprochement entre les maîtres, les ouvriers et les apprentis ; plus de garanties pour les faibles contre les forts ; plus de protection des grands à l’égard des plus petits.

    Une concurrence effrénée, une lutte pour la vie où chacun, réduit à ses seules forces, cherche à l’emporter sur les autres, au risque d’entraîner leur ruine ; une mêlée où l’on se coudoie, où l’on s’écrase, où l’on se foule aux pieds, c’est-à-dire, en résumé, l’oppression en haut, la servitude en bas, l’antagonisme partout et l’union nulle part : telle est la situation que la Révolution française est venue créer à la classe ouvrière.

    Des tentatives de résistance

    Sans doute, on a cherché depuis lors à réagir contre un pareil état de choses ; et cette réaction a été couronnée de succès sur plus d’un point. Mais la question est de savoir si, pour obtenir ces résultats encore très incomplets, il n’a pas fallu rompre en visière avec la Révolution française. Oui, malgré les anathèmes de Turgot et des autres économistes de 1789 contre le régime corporatif, nous avons vu se former successivement des sociétés de secours mutuels, des caisses de pension de retraite, des banques populaires, des associations coopératives, et même des syndicats professionnels, forçant, pour ainsi dire, la tolérance des pouvoirs publics en attendant la sanction légale. Puis, enfin, nous avons vu un parlement obligé, sous la pression de l’opinion, d’abroger la loi du 27 juin 1791 et de rétablir le principe de l’association dans la loi du 21 mars 1884.

    Mais toutes ces réactions en faveur du principe d’association si étrangement méconnu en 1789 sont autant de conquêtes sur la Révolution française dont c’est l’erreur fondamentale de ne concevoir et de n’admettre aucun organisme intermédiaire entre l’individu et l’État.

    Le sophisme de l’amélioration des conditions matérielles

    Et que l’on ne vienne pas se rabattre sur un sophisme grossier pour attribuer au mouvement révolutionnaire la moindre part d’influence dans les progrès économiques qui ont pu s’accomplir depuis cent ans. Ce sophisme qui ne tient pas contre une minute de réflexion, nous nous attendons bien à l’entendre sous peu répéter à l’envi par les panégyristes de la Révolution.

    Voyez, nous dira-t-on, quel progrès économique s’est réalisé depuis la fin progrès du siècle dernier : l’ouvrier est mieux vêtu, mieux nourri, mieux logé que par le passé : pur bienfait de la Révolution française.

    Pur sophisme, dirons-nous à notre tour ! Si les conditions économiques, du temps actuel sont meilleures à certains égards que celles de l’âge précédent : cela est dû à des causes toutes différentes : cela est dû au progrès des sciences naturelles, physiques et chimiques, aux inventions et aux découvertes de l’industrie, à l’application de la vapeur et de l’électricité aux diverses catégories du travail humain, à une plus grande facilité dans les moyens de communication, à la multiplication des relations commerciales, à l’amélioration des routes, à la création des chemins de fer, au mouvement général de l’art et de la pensée.

    Mais tout cela n’a rien de commun avec les doctrines ni avec les pratiques de la Révolution française. Autant, vaudrait faire bénéficier des recherches du docteur Jenner la révolution anglaise de 1688, ou bien mettre au profit de la constitution française de 1875 la découverte de la vaccination antirabique par M. Pasteur. Il n’y a aucune espèce de rapport entre des choses d’ordre si différent.

    Et la preuve que la Révolution française n’est absolument pour rien dans les améliorations dont je viens de parler, c’est que dans les pays les plus réfractaires à ses doctrines, comme l’Angleterre par exemple, le progrès économique est à tout le moins aussi considérable que dans le nôtre. Par conséquent, une pareille déduction ne serait pas légitime, alors même qu’on l’agrémenterait la phrase si connue de La Bruyère, à laquelle l’auteur de Germinal n’a pas eu de peine à trouver un pendant bien autrement pittoresque, en décrivant la condition des mineurs de nos jours.

    La calamité révolutionnaire de l’antagonisme Capital-Travail

    Laissons donc là ce sophisme et disons ce qui est l’évidence même : la Révolution française n’a rien fait pour améliorer la condition des classes laborieuses ; bien au contraire,
    elle a jeté le trouble et la confusion dans le monde du travail ;
    elle a détruit, sans y rien substituer, ces corporations ouvrières, ces groupes sociaux si bien organisés, où petits et grands, faibles et forts, pauvres et riches étaient unis entre eux par les mêmes liens professionnels, dans une vaste hiérarchie de services et de fonctions ;
    elle n’a pas su donner à la liberté du travail, dans la liberté d’association, un correctif et un complément indispensables ;
    elle a désagrégé les masses ouvrières, en les soustrayant à la direction de leurs chefs naturels, pour les livrer sans défense à l’action des sociétés secrètes, de ces ligues ténébreuses où elles deviennent la proie de politiciens sans aveu et sans scrupule ;
    elle a créé l’antagonisme du capital et du travail, cette grande plaie des temps modernes ;

    et chaque fois qu’il est question de remédier à un état de choses si lamentable, on est obligé de remonter le courant de la Révolution, pour reprendre une à une les œuvres qu’elle a détruites, et pour corriger les erreurs de son symbole économique et social.

    [1] Édit du 12 mars 1776.

    Source Vive le Roy

    http://www.democratie-royale.org/2015/06/revolution-dite-francaise-oppression-de-la-classe-ouvriere.html

  • Halford John Mackinder ( 1861-1947 )

    Né à Gainsborough dans le Lincolnshire le 15 février 1861, Halford John Mackinder se sentira attiré par les études géographiques dès son plus jeune âge. Formé à l'Epsom College, puis, à partir de 1880, à Oxford, il étudie successivement la biologie (sous la direction de H.N. Moseley, un anatomiste s'inscrivant dans le sillage de Darwin et de Huxley), l'histoire, la géologie et le droit. Il sera reçu au barreau de Inner Temple en 1886, après avoir acquis une expérience en droit maritime, c'est-à-dire, à ses yeux, la branche du droit la plus proche de la géographie. De 1887 à 1905, il enseigne la géographie à Oxford, notamment dans le cadre de la Oxford University Extension, qui prodiguait un enseignement itinérant, ouvert à tous mais plus particulièrement aux instituteurs et aux enseignants des écoles secondaires.

    Erreur

    La géographie était, à l'époque, une discipline négligée dans le monde universitaire britannique. Depuis le XVIième siècle, au temps où enseignait le géographe Richard Hakluyt, plus aucune chaire de géographie n'avait été attribuée à Oxford. Mackinder a donc été le premier successeur de Hakluyt, après une parenthèse de quatre siècles. L'objectif premier de Mackinder était de réhabiliter la géographie aux yeux du monde académique britannique en suivant l'exemple allemand (Ritter, Richthofen, Ratzel). Pour réaliser cette tâche, il reçut l'appui de Sir John Scott Keltie, qui avait ramené d'Allemagne une collection impressionnante de matériels didactiques (cartes, atlas, etc.), puis de la Royal Geographical Society. 
    Entre 1892 et 1903, il sera le directeur du University College de Reading, une université qu'il créera presque de toutes pièces. De 1903 à 1908, Mackinder est directeur de la London School of Economics and Political Sciences, où il avait commencé à enseigner dès 1895. En 1899, il avait été nommé directeur de l'école de géographie d'Oxford. La même année, il s'embarque pour l'Afrique afin d'explorer les abords du Kilimanjaro au Kenya et l'escalader. A son retour, il entame une carrière politique dans les rangs des "libéraux-impérialistes". Cette carrière ne lui rapportera un siège aux Communes, celui de Glasgow, qu'en 1910 et qu'il conservera jusqu'en 1922. Les "libéraux-impérialistes" soutenaient la politique impériale britannique mais souhaitaient des réformes sociales. Leur chef de file était Lord Rosebery et, parmi leurs membres les plus illustres, on a compté Haldane, Grey et Asquith. Mais, quand le 15 mai 1903, Joseph Chamberlain renonce officiellement à la politique de libre-échange libérale au profit d'une politique tarifaire préférentielle autarcisante, interne à l'Empire, de façon à fermer celui-ci aux concurrences américaine et allemande, les "libéraux-impérialistes" se scindent en deux groupes: ceux qui donnent la préséance au libéralisme économique et ceux qui accordent davantage d'importance à la consolidation de l'Empire en tant qu'entité politique homogène. Mackinder rejoint les seconds, plus sensibles aux argumentations d'ordre géopolitique (parmi eux: Hewins, Amery, Maxse). Il rejoint par la suite les Unionistes, puis les Conservateurs. En 1904, Mackinder amorce ses réflexions géopolitiques proprement dites en rédigeant un texte très important sur le "pivot géographique de l'histoire", c'est-à-dire le fameux heartland, la "Terre du Milieu", inaccessible aux instruments de mobilité dont dispose la puissance thalassocratique britannique: les navires de guerre et leurs canons à longue portée, les fameux dreadnoughts. 
    A partir de 1906, Mackinder, sous l'impulsion de Haldane devenu Secrétaire d'Etat à la Guerre, commence à dispenser ses cours aux officiers d'état-major. En 1908, il accompagne le Prince de Galles au Canada et en revient convaincu de l'impérieuse nécessité d'appliquer les tarifs préférentiels dans le domaine céréalier en Amérique du Nord, de façon à ce que le dominion du Canada ne soit pas absorbé par la puissance montante des Etats-Unis. Une absorption du Canada signifierait la création d'un grand espace nord-américain autonome, capable de se substituer à l'Angleterre comme première puissance maritime du globe. 

    La guerre mondiale accentue sa germanophobie, latente depuis la politique maritime du Kaiser, commencée pendant la dernière décennie du XIXième siècle. Dans le débat sur la décentralisation des institutions en Grande-Bretagne, qui reprend en 1919, Mackinder suggère un plan de partition de l'Angleterre en trois régions, de façon à obtenir des entités égales en dimensions et en poids démographique. 
    La même année, paraît à l'attention des diplomates qui négocient à Versailles, un ouvrage incisif et capital, concis comme tous les ouvrages de base de la discipline géopolitique: Democratic Ideals and Reality. Mackinder y remet en exergue l'importance du territoire russe, masse continentale compacte impossible à contrôler depuis la mer et à envahir complètement. 
    Ce petit livre attire l'attention des diplomates du Foreign Office: Lord Curzon nomme Mackinder Haut Commissaire britannique en "Russie du Sud", où une mission militaire anglaise appuyait les Blancs de Denikine. Ceux-ci reculent. Les Britanniques les obligent à reconnaître de facto la nouvelle république ukrainienne et à forger une alliance entre Blancs, Polonais, Bulgares et Ukrainiens contre les Rouges. Cette ébauche d'alliance jette les bases du fameux "cordon sanitaire", destiné à séparer les Allemands des Russes et à empêcher l'union de la "Terre du Milieu" sous la double impulsion du génie technique germanique et de la "brutalité élémentaire" des Bolchéviks. 
    Mackinder, en élaborant cette stratégie, crée la politique anglo-saxonne de containment, reprise plus tard par les Américains. Les puissances thalassocratiques anglo-saxonnes doivent tout mettre en oeuvre, explique Mackinder, pour empêcher l'unification eurasienne sous la double égide allemande et russe. Pour parvenir à cet objectif, il faut balkaniser l'Europe orientale, priver la Russie de son glacis baltique et ukrainien, empêcher la domination d'une et une seule alliance sur les mers intérieures (Mer Baltique et Mer Noire), contenir la Russie et le bolchévisme en Asie de façon à ce que les peuples cavaliers de la steppe ne puissent pas débouler en Perse et en Inde, zones d'influence britanniques. 
    La leçon sera aussitôt retenue mais inversée par les géopoliticiens (l'école de Haushofer) et les diplomates allemands (von Seeckt, Groener, Rathenau, von Brockdorff-Rantzau) et par les idéologues nationaux-révolutionnaires et nationaux-bolchéviques (Niekisch, Paetel, Schauwecker, les frères Jünger, Hielscher, etc.), tous partisans d'une alliance germano-russe dirigée contre les thalassocraties et le capitalisme anglo-saxons. 
    Plus tard, après la seconde guerre mondiale, les principes de Mackinder, soit organiser les rimlands (les zones littorales bordant la "Terre du Milieu") pour contenir les forces issues du heartland (la "Terre du Milieu"), seront instrumentalisés par les Américains, qui entoureront l'URSS et la Chine d'un réseau d'alliances défensives et "contenantes" (OTAN, OTASE, ANZUS, CENTO). Sous Reagan, l'idéologie est remise au goût du jour pas Colin S. Gray. Mackinder meurt à l'âge de 86 ans à Bournemouth le 6 mars 1947. 
    Les Iles Britanniques et les mers britanniques (Britain and the British Isles) 1902
    Livre de géographie pure, cet ouvrage consiste en une exploration méthodique de la géologie des Iles Britanniques. Le sol britannique est né de plissements géologiques successifs et d'un abaissement du niveau de l'Océan. Résultat: les Iles Britanniques sont reliés au Continent pas le promontoire du Kent, le Pas-de-Calais et l'estuaire de la Tamise; la Manche permet à un courant chaud, le Gulf Stream de réchauffer le climat et de libérer les eaux des glaces en hiver. Le Nord-Est de la grande île est ouvert aux influences venues de la Scandinavie et de la zone baltique. Le Sud-Est, situé juste en face de la frontière linguistique entre langues romanes et langues germaniques, reçoit les influences venues d'Europe centrale par le Rhin et celles venues du Midi méditerranéen et hispanique. 
    Géologiquement, les Iles Britanniques ont été formées par des terrains ayant glissés le long d'un axe nord-ouest. Politiquement, le Royaume-Uni s'est formé à partir du promontoire du Kent, situé dans le Sud-Est. Historiquement, la communauté britannique est passée d'une dépendance européenne, due au poids du Sud-Est, à une maîtrise du large, affranchie de l'Europe, qui a permis le peuplement britannique de l'Amérique du Nord. Terminus de beaucoup d'invasions venues d'Europe, les Iles Britanniques ont été le tremplin du peuplement multi-ethnique de l'Amérique du Nord. Les Iles Britanniques sont donc à la fois la pointe terminale du Vieux Monde et l'amorce du Nouveau Monde. L'addition de ces deux qualités a donné à l'Angleterre du XIXième siècle un maximum de puissance. 
    Dans sa conclusion, Mackinder écrit que cette position dominante ne sera pas éternelle car de nouvelles puissances sont en train de s'organiser sur de vastes étendues continentales, dotées d'immenses ressources. Pour conserver une position honorable, l'Angleterre doit organiser méthodiquement son empire, de façon à bénéficier d'autant de ressources que les puissances continentales montantes et permettre à ses dominions de disposer d'une flotte, de façon à ce qu'elles puissent, de concert, damer le pion des challengeurs (allemands et russes). 
    Le pivot géographique de l'histoire (The Geographical Pivot of History) 1904

    Article paru dans le Geographical Journal en 1904, ce texte capital contient toute la pensée géopolitique de Mackinder. Pour ce dernier, à l'aube du siècle, l'Europe vivait la fin de l'âge colombien, qui avait vu l'expansion européenne sur tout le globe, sans résistance sérieuse de la part des autres peuples. A cette ère d'expansion succèdera l'âge postcolombien, caractérisé par un monde désormais fermé dans lequel "chaque explosion de forces sociales, au lieu d'être dissipée dans un circuit périphérique d'espaces inconnus, marqués du chaos du barbarisme, se répercutera avec violence depuis les coins les plus reculés du globe, si bien que les éléments les plus faibles au sein des organismes politiques du monde seront ébranlés en conséquence". 
    Mackinder, en écrivant ces phrases prophétiques, demandait à ses lecteurs de se débarrasser de leur européocentrisme et de considérer que toute l'histoire européenne dépendait de l'histoire des immensités continentales asiatiques. La perspective historique de demain, écrivait-il, sera "eurasienne" et non plus confinée à la seule histoire des espaces carolingien et britannique. 
    Pour étayer son argumentation, Mackinder esquisse une géographie physique de la Russie, ce qui le conduit à constater que l'histoire russe est déterminée par deux types de végétation, la steppe et la forêt. Les Slaves ont élu domicile dans les forêts tandis que les peuples de cavaliers nomades règnaient sur les espaces déboisés des steppes centre-asiatiques. A cette mobilité des cavaliers, se déployant sur un axe est-ouest, s'ajoute une mobilité nord-sud, prenant pour pivots les fleuves de la Russie d'Europe. Ces fleuves ont été empruntés par les guerriers et les marchands scandinaves qui ont créé l'empire russe et donné leur nom au pays. La steppe centre-asiatique, zone de départ des mouvements des peuples-cavaliers, est la "Terre du Milieu", entourée de deux zones en "croissant": le croissant intérieur (inner crescent) qui la jouxte territorialement et le croissant extérieur (outer crescent), constitué d'îles de diverses grandeurs. Ces "croissants" sont caractérisés par une forte densité de population, au contraire de la Terre du Milieu. L'Inde, la Chine, le Japon et l'Europe sont des parties du croissant intérieur qui, à certains moments de l'histoire, subissent la pression des nomades cavaliers venus des steppes de la Terre du Milieu. Telle a été la dynamique de l'histoire eurasienne à l'ère pré-colombienne et partiellement aussi à l'ère colombienne où les Russes ont progressé en Asie Centrale. 
    Cette dynamique perd de sa vigueur au moment où les peuples européens se dotent d'une mobilité navale, inaugurant ainsi la période proprement "colombienne". Les terres des peuples insulaires comme les Anglais et les Japonais et celles des peuples des "nouvelles Europes" d'Amérique, d'Afrique australe et d'Australie deviennent des bastions de la puissance navale inaccessibles aux coups des cavaliers de la steppe. Deux mobilités vont dès lors s'affronter, mais pas immédiatement: en effet, au moment où l'Angleterre, sous les Tudor, amorce la conquête des océans, la Russie s'étend inexorablement en Sibérie. A cause des différences entre ces deux mouvements, un fossé idéologique et technologique va se creuser entre l'Est et l'Ouest, dit Mackinder. Il écrit: "C'est sans doute l'une des coïncidences les plus frappantes de l'histoire européenne que la double expansion continentale et maritime de cette Europe recoupe, en un certain sens, l'antique opposition entre Rome et la Grèce... Le Germain a été civilisé et christianisé par le Romain; le Slave l'a été principalement par le Grec. Le Romano-Germain, plus tard, s'est embarqué sur l'océan; le Greco-Slave, lui, a parcouru les steppes à cheval et a conquis le pays touranien. 
    En conséquence, la puissance continentale moderne diffère de la puissance maritime non seulement sur le plan de ses idéaux mais aussi sur le plan matériel, celui des moyens de mobilité". Pour Mackinder, l'histoire européenne est bel et bien un avatar du schisme entre l'Empire d'Occident et l'Empire d'Orient (an 395), répété en 1054 lors du Grand Schisme opposant Rome à Byzance. La dernière croisade fut menée contre Constantinople et non contre les Turcs. Quand ceux-ci s'emparent en 1453 de Constantinople, Moscou reprend le flambeau de la chrétienté orthodoxe. De là, l'anti-occidentalisme des Russes. Dès le XVIIième siècle, un certain Kridjanitch glorifie l'âme russe supérieure à l'âme corrompue des Occidentaux et rappelle avec beaucoup d'insistance que jamais la Russie n'a courbé le chef devant les aigles romaines. Plus tard, Mackinder dira que la Russie a choisi le communisme parce que ses réflexes religieux étaient collectifs, tandis que l'Ouest a opté pour le capitalisme parce que ses religions évoquent sans cesse le salut individuel. Le chemin de fer accélerera le transport sur terre, écrit Mackinder, et permettra à la Russie, maîtresse de la Terre du Milieu sibérienne, de développer un empire industriel entièrement autonome, fermé au commerce des nations thalassocratiques. L'antagonisme Terre/Mer, héritier de l'antagonisme religieux et philosophique Rome/Byzance, risque alors de basculer en faveur de la terre, russe en l'occurrence. 
    Idéaux démocratiques et réalité (Democratic Ideals and Reality) 1919
    Ouvrage de base de la géopolitique anglo-saxonne, Democratic Ideals and Reality part d'un constat: les guerres sont les cataractes du fleuve de l'histoire; elles sont le résultat, direct ou indirect, de la croissance inégale des nations. Cette croissance inégale est due à l'inégale distribution des terres fertiles et des atouts stratégiques entre les nations. Face à cette inégalité incontournable, l'idéalisme démocratique connaît des tragédies successives: il retombe toujours, tarabusté, à pieds joints dans la réalité par l'impulsion de grands organisateurs (Napoléon après 1789, Bismarck après 1848). Dans ce constat, posé par Mackinder, on retrouve la marque de Hobbes: le Léviathan gère le réel en limitant le zèle libertaire, en refroidissant les espoirs extatiques d'aboutir à une liberté illimitée et définitive. Grâce au travail politique, au modelage de léviathans, la liberté s'ancre dans de "bonnes habitudes". C'est pourquoi la pensée des grands organisateurs est essentiellement stratégique tandis que celle des purs démocrates est éthique. Bismarck, que Mackinder, pourtant germanophobe, admire beaucoup, a été supérieur à Napoléon. Il a réussi son travail d'organisateur/unificateur en ne menant que de petites guerres périphériques contre le Danemark pour acquérir la position de Kiel et contre l'Autriche-Hongrie pour asseoir la prééminence de la Prusse dans le monde germanique. Bismarck a été plus psychologue que Napoléon: il n'a jamais accepté les annexions susceptibles de froisser l'ancien adversaire. Il a refusé d'annexer la Bohème après Sadowa et c'est à contre-coeur qu'il a dû accepter, sous la pression des militaires, la réincorporation de l'Alsace et de la Lorraine thioise dans le Reich. Bismarck se disait qu'il allait avoir besoin, plus tard, de l'alliance autrichienne et du concours de la France. Bismarck a réussi ainsi une politique d'équilibre inégalée, en fâchant la France contre l'Angleterre et celle-ci contre la Russie. Avec Bismarck, explique Mackinder, il n'y aurait pas eu 1914, ou la crise d'août 1914 n'aurait été qu'un orage passager. 
    Cette faculté d'organiser, d'harmoniser et d'équilibrer provient de la Kultur allemande, dont l'essence est stratégique, dynamique et dialectique. C'est une leçon que l'esprit allemand-prussien a retenu de la défaite d'Iéna: la belle mécanique du despotisme éclairé s'était effondrée devant le dynamisme révolutionnaire français. La France, pays d'artistes, est la terre de l'idéalisme (Mackinder donne au terme "idéalisme" le sens de "non réaliste"), qui offre l'enthousiasme mais non l'endurance. Fichte est le philosophe qui a su doser correctement idéalisme et organicisme, souci du détail et sens de l'organisation dans la pensée allemande et dans l'appareil prussien brisé par Napoléon. Pour répondre à la France et au militarisme bonapartiste, les Prussiens, galvanisés par les discours et la pensée de Fichte, ont repensé le service militaire universel, ont imposé l'éducation obligatoire pour tous et fusionné l'université avec l'état-major (ce est vrai pour la géographie puisque Carl Ritter enseignait à la fois à l'Université de Berlin et à l'Ecole de guerre). 
    En Prusse, cette collusion de l'université et de l'armée a permis d'élaborer une géographie pratique redoutable qui permettait aux diplomates, aux négociants et aux militaires de visualiser le monde et de voir en idée les axes possibles de développement économique ou les opportunités de man¦uvre qu'offre le terrain. C'est ainsi que la géographie prussienne a permit l'éclosion d'une intuition géostratégique très efficace et vu ce que rapporterait un renforcement des communications par air, fer et eau entre Berlin et Bagdad, Berlin et Hérat, Berlin et Pékin. Trois générations de Prussiens se sont essayés à ce Kriegspiel sur carte, crayon en main. C'est ce qui explique les succès de la politique commerciale allemande avant 1914. 
    Mackinder conclut: l'Allemagne produit une pensée qui pense la vie en détail; la Grande-Bretagne produit, elle, une pensée absorbée par le principe négatif du "laisser-vivre". C'est ce qui a conduit Guillaume II à dire: "1914 est une guerre entre deux visions du monde". L'utilisation du mot "vision" implique "voir de haut", comme le géographe regarde le monde et le met en cartes. C'est, dit Mackinder admiratif, une vision d'"organisateur". Le conflit qui vient de se dérouler oppose l'idéaliste, qui refuse la stratégie et l'action dans un but précis, et l'organisateur, qui planifie puis observe et analyse le réel, comme l'architecte trace son ébauche et tient compte de la résistance des matériaux. Pour sauver la démocratie de mouture anglo-saxonne, il faut donc se donner une stratégie à la mode prussienne et devenir "organisateur".
    Dans un second chapitre, Mackinder explique comment le marin voit le monde. Pour lui, la première réalité géographique, c'est l'unité de l'océan, fait que Mahan avait déjà mis en exergue. L'océan est aujourd'hui une unité connue et close comme le Nil était une unité connue et fermée pour les Egyptiens et comme la Méditerranée l'était pour les Romains. L'Italie s'est transformée au cours des Guerres Puniques en base navale. Elle a d'abord conquis le bassin occidental de la Méditerranée puis le bassin oriental. Dès l'achèvement de cette clôture, Rome est redevenue une puissance militaire essentiellement terrestre. L'objet de la Guerre des Gaules a été d'empêcher le rassemblement d'une flotte ennemie de Rome dans le Golfe de Gascogne, la Manche et la Mer du Nord, qui aurait pu pénétrer par Gibraltar dans le bassin occidental de la Méditerranée. La défaite navale des Veneti (côte sud de l'Armorique) et le débarquement de César en Grande-Bretagne sont les événements les plus saillants de cette campagne, aux yeux du marin contemporain. Sans s'attarder sur les tentatives de Carausius, des Saxons et du Vandale Genséric, Mackinder démontre que les Normands réalisent ce que César a empêché: ils ferment à leur profit la Mer du Nord, contrôlent la côte atlantique jusqu'au Cap Saint Vincent, pénètrent en Méditerranée occidentale et, plus tard, conquièrent la Sicile et Malte. Les Sarazins, nomades dont les instruments de mobilité sont le cheval et le chameau, s'emparent de la Sicile et de l'Espagne mais non des voies maritimes qui restent aux mains des Normands. La Méditerranée se transforme en douve, en barrière séparant deux mondes hostiles. Dans ce cadre naissent les cinq grands "royaumes" héritiers de Rome et de Charlemagne (Angleterre, Allemagne, France, Italie, Espagne). Mackinder regrette la décision romaine de ne pas avoir entrepris la conquête et la latinisation de la Germanie, auquel cas l'Europe aurait été unifiée, serait devenue une péninsule homogène ouverte sur le monde. La logique de l'histoire romaine a été de contenir les Germains au-delà de la ligne Rhin/Danube. Cette logique était méditerranéenne et non européenne. L'Europe est un promontoire eurasien fermé au Nord (Arctique), à l'Est (steppe; à l'exception de la trouée mésopotamienne, route des caravanes, verrouillée par les Arabes puis les Turcs) et au Sud (désert saharien) mais ouvert à l'Ouest (Atlantique). Les Portugais ont été les pionniers du renouveau européen: ils ont contourné les Arabes par le Cap et ont surgi dans leurs dos, dans l'Océan Indien. Ils inauguraient de la sorte l'ère de la domination du marin européen sur les "continentaux" africains et asiatiques. Le rôle de l'Angleterre, seule base navale européenne isolée et sans ennemis immédiats à ses frontières, a été de participer à l'aventure à la suite des Portugais, puis, à partir de Trafalgar, d'envelopper la péninsule ibérique comme l'avaient fait les Normands et de contrôler les deux bassins de la Méditerranée pour maîtriser la route des Indes dès l'ouverture du Canal de Suez. 
    En bout de course, l'Angleterre ferme l'Océan Indien comme Rome avait fermé la Méditerranée: l'Inde, pièce centrale, y est devenue son Italie. La seule menace qui pesait sur cet Océan Indien, devenu mer britannique, était l'installation d'une base navale non britannique au fond du Golfe Persique, relié au coeur de l'Europe par chemin de fer et par voie fluviale (Danube). Si Trafalgar a donné à l'Angleterre la faculté d'être ubiquitaire, de débarquer des troupes partout, la clef de sa puissance réside dans la division de l'ex-oekoumène latin/carolingien entre plusieurs puissances antagonistes. La capacité navale d'envelopper toute la péninsule gallo-hispanique a donné la victoire aux Franco-Britanniques en 1918. Mais les Etats-Unis, depuis la guerre de 1898 qui les a opposés à l'Espagne dans les Caraïbes et le Pacifique, sont en train de devenir une puissance maritime égale sinon supérieure à l'Angleterre, vu l'inaccessibilité de leurs bases navales métropolitaines, situées dans le Nouveau Monde panaméricain transformé en île. Mais si l'Allemagne avait vaincu, elle aurait transformé, grâce à son alliance avec les Ottomans et le retournement des Russes, l'Eurasie/Afrique en une île gigantesque, que Mackinder appelle la World Island. Cette île aurait de surcroît été organisée par un réseau interne de chemin de fer, accentuant à l'extrême la mobilité sur terre. Les Etats-Unis croient qu'ils lieront leur sort à l'Europe au sein d'un grand Occident mais ne voient pas que l'Europe est indissolublement liée à l'Afrique et à l'Asie. 
    Dans un troisième chapitre, Mackinder explique comment l'"homme de la terre" voit le monde. La conscience de l'unité territoriale eurasienne, écrit notre géographe, est arrivée après la conscience de l'unité océanique. En Angleterre et aux Etats-Unis, poursuit-il, on pense toujours en termes de côtes et on n'a qu'une vague idée de ce qu'il y a derrière ces côtes. On ne perçoit pas le mouvement d'unité eurasien. Il faut donc cesser de penser le continent en dehors de lui, mais commencer à le penser en dedans de lui. Le grand continent eurasien/africain se compose de six régions naturelles: 1) l'Europe (avec le Maghreb non saharien et l'actuelle Turquie) avec une population de marins et de paysans; 2) le Heartland sibérien, avec sa côte arctique inaccessible, territoire des nomades cavaliers; 3) le Rimland des moussons (sub-continent indien, Indochine, Chine, Mandchourie, Corée, Kamtchatka, Malaisie), également avec une population de marins et de paysans; 4) la zone vide du Sahara; 5) la péninsule arabique (avec l'Egypte à l'Est du Nil, le Sinaï et la Mésopotamie), avec ses nomades cavaliers et chameliers; 6) le Heartland méridional, soit toute l'Afrique au Sud du Sahara, peuplée d'éleveurs nomades sans chevaux ni chameaux. Cette énorme masse continentale est animée par une dialectique nomadisme/sédentarité, où les conquérants mobiles, chameliers arabiques et cavaliers persiques et hunniques conquièrent les terres des sédentaires paysans (Mésopotamie). Le chemin de fer va organiser les zones occupées par ces nomades, tant en Sibérie qu'en Arabie. L'Eurasie pourra devenir une si elle s'organise à partir du Heartland et englobe tout de suite la Baltique et la Mer Noire, soit par une alliance germano-russe (dans laquelle basculeront très vite la Suède et la Turquie), soit par une conquête bolchévique. La "Terre du Milieu" disposera alors de masses humaines suffisantes pour vivre en totale autarcie et pour fermer le Grand Continent aux influences et au commerce britanniques et américains. Dans un quatrième chapitre, Mackinder traite de la rivalité entre les empires. Le fait saillant des dernières décennies a été l'avance des cosaques sur tout le territoire du heartland (de la "Terre du Milieu"), avance renforcée par l'extension du réseau des chemins de fer en Asie centrale. Devant cette lente unification de la masse continentale eurasiatique, l'Europe est divisée en un Ouest et un Est, fondamentalement opposés de part et d'autre d'une ligne Hambourg/Trieste, ce qui place Berlin et Vienne à l'Est. C'est l'opposition entre le conservatisme organisateur, concrétisé par la "ligue des trois empereurs" de Bismarck, et l'idéalisme démocratique. La Rhénanie, qui est occidentalisée et a opté pour un droit basé sur le Code Napoléon, est devenue le glacis avancé de l'Est en Europe de l'Ouest. Bismarck, de surcroît, a réussi à diviser entre eux les peuples latins, en déviant les énergies de la France vers le Maroc, l'Algérie et la Tunisie, que convoitaient l'Espagne et l'Italie. Cet enferrement de la France en Méditerranée occidentale l'éloigne du Rhin, laissant le champ libre aux Allemands et aux Russes dans le reste de l'Europe. A l'Est de la ligne Hambourg/Trieste, Bismarck doit jouer l'arbitre entre les volontés divergentes de la Russie et de l'Autriche-Hongrie.
    L'Occident français et britannique doit empêcher la Russie de franchir les Dardannelles, comme pendant la guerre de Crimée, de débouler au Proche-Orient (en Syrie et en Mésopotamie) et de menacer ainsi les positions britanniques en Egypte (Suez) et dans le Golfe Persique (Koweit). Dans un dernier chapitre, Mackinder tire le bilan de la guerre mondiale. Pourquoi Guillaume II a-t-il envahi la France? Pour deux motifs: 1) pour occuper l'éventuelle tête de pont britannique et américaine en Europe; 2) pour gérer, les mains libres, l'accroissement démographique allemand en pleine croissance et le dévier vers l'Est russe et ottoman, où il y avait encore des marchés, des débouchés et des terres arables. Mais l'Allemagne a été contrainte de pratiquer une double politique, vu son écartèlement entre l'Est et l'Ouest. Hambourg, port atlantique, est un défi à l'Angleterre et ouvre à l'Allemagne des possibilités à l'Ouest, en direction de l'Afrique et de l'Amérique latine. Pour Mackinder, Guillaume II aurait dû choisir ou l'Est ou l'Ouest, entre Hambourg et les colonies, d'une part, et Bagdad et la Russie, d'autre part. L'indécision allemande a donné la victoire à la Grande-Bretagne mais cette victoire ne tient qu'à un fil, surtout depuis les accords germano-bolchéviks de Brest-Litovsk. D'où, afin de pouvoir gagner du temps pour consolider l'Empire britannique, il faut séparer l'Allemagne de la Russie par un "cordon sanitaire", politique que suivra à la lettre Lord Curzon. 
    Bibliographie
     

    Pour une bibliographie complète des oeuvres de Mackinder, se référer à l'ouvrage de W.H. Parker, Mackinder. Geography as an Aid to Statecraft, Oxford, Clarendon Press, 1982. Nous ne reprenons ci-dessous que les ouvrages et articles principaux. 
    The New Geography, 1886; Britain and the British Seas, 1902; "The Geographical Pivot of History", Geographical Journal, XXIII, pp. 421-437 (trad. esp. "El pivote geografico de la historia" in Augusto B. Rattenbach, Antologia Geopolitica, Pleamar, Buenos Aires, 1985); "Man-Power as a Measure of national and Imperial Strength", National and English Review, XIV, pp. 136-45; Seven Lectures on the United Kingdom, 1905; Money-Power and Man-Power, 1906; Our own Islands, 1906; Britain and the British Seas, 2ième éd., 1907; "On Thinking Imperially", in M.E. Sadler (ed.), Lectures on Empire, 1907; The Rhine: its Valley and History, 1908; Lands beyond the Channel: an Elementary Study in Geography, 1908; "The Geographical Conditions of the Defence of the United Kingdom", National Defence, III (juillet 1909), pp. 89-107; India: Eight Lectures prepared for the Visual Instruction Committee of the Colonial Office, 1910; Distant Lands: an Elementary Study in Geography, 1910; The Nations of the Modern World: an Elementary Study in Geography, 1911; "The Strategical Geography of the Near East", Journal of the Royal Artillery, XXXIX, pp. 195-204; The Modern British State: an Introduction to the Study of Civics, 1914; Our Island History: an Elementary Study in History, 1914; "Some Geographical Aspects of International Reconstruction", in Scottish Geographical Magazine, XXXIII, pp. 1-11; Democratic Ideals and Reality: a Study in the Politics of Reconstruction, 1919; "General Report with Appendices on the Situation in South Russia; Recommendations for Future Policy" in Documents on British Foreign Policy, 1919-1939, 1st series, III, (édités par E.L. Woodward et R. Butler), n° 656, pp. 768-87, HMSO, London, 1949, le texte date de 1920; The World War and After: a Concise Narrative and some Tentative Ideas, 1924; "The Empire and the World", in United Empire, XXV, 1934, pp. 519-522; "The Round World and the Winning of the Peace", in Foreign Affairs, XXI, 1943, pp. 595-605. 
    Sur H.J. Mackinder:
    L'ouvrage le plus récent et le plus complet est celui de W.H. Parker, op. cit.; P.M. Roxby, "Mr. Mackinder's Books on the Teaching of Geography and History", Geographical Teacher, VII, 1914, pp. 404-407; C.R. Dryer, "Mackinder's "World Island" and its American "satellite"", Geographical Review, IX, 1920, pp. 205-207; Karl Haushofer, "Politische Erdkunde und Geopolitik", in Karl Haushofer, Erich Obst, Hermann Lautensach, Otto Maull, Bausteine zur Geopolitik, Berlin-Grunewald, 1928, pp. 49-77; Karl Haushofer, Erdkunde, Geopolitik und Wehrwissenschaft, Munich, 1934; Karl Haushofer, Der Kontinentalblock - Mitteleuropa - Eurasien - Japan, Munich, 1941 (inversion continentaliste des thèses de Mackinder, au profit d'une alliance germano-russe; références explicites à Mackinder); J.C. Malin, "Reflections on the Closed-Space Doctrines of Turner and Mackinder and the Challenge to their Ideas by the Air Age", Agricultural History, XVIII, 1944, pp. 65-74; E.W. Gilbert, "The Right Honourable Sir Halford J. Mackinder, P.C., 1861-1947", Geographical Journal, CX, 1947, pp. 94-99; H. Ormsby, "The Rt Honourable Sir Halford J. Mackinder, P.C., 1861-1947", Geography, XXXII, 1947, pp. 136-137; J.F. Unstead, "H.J. Mackinder and the New Geography", Geographical Journal, CXIII, 1949, pp. 47-57; "Seven Lamps of Geography: an Appreciation of the Teaching of Sir Halford J. Mackinder", Geography, XXXVI, 1951, pp. 21-41; E.W. Gilbert, Préface à une réédition sous les auspices de la Royal Geographical School (RGS) de deux textes de Mackinder, "The Scope and Methods of Geography" et "The Geographical Pivot of History", RGS, 1951; C. Troll, "Halford J. Mackinder als Geograph und Geopolitiker" in Erdkunde, VI, 1952, pp. 177-178; C. Kruszewski, "The Pivot of History", Foreign Affairs, XXXII, 1954, pp. 388-401; A.H. Hall, "Mackinder and the Course of Events", in Annals of the American Association of Geography, XLV, 1955, pp. 109-126; D.W. Meinig, "Heartland and Rimland in Eurasian History", in Western Political Quarterly, IX, 1956, pp. 553-569; D.R. Mills, "The USSR: a Re-Appraisal of Mackinder's Heartland Concept", in Scot. Geog. Mag., LXXII, 1956, pp. 144-152; B. Semmell, "Sir Halford Mackinder: Theorist of Imperialism", Can. J. Econ. and Polit. Sci., XXIV, 1958, pp. 554-61; Edward McNall Burns, Ideas in conflict, Methuen, London, 1960, pp. 520-527; L.M. Cantor, Halford Mackinder: his Contribution to Geography and Education, thèse non publiée, Université de Londres, 1960; L.M. Cantor, "Halford Mackinder: Pioneer of Adult Education", in Rewley House Papers, III, 1960-61, 9, pp. 24-29; E.W. Gilbert, Sir Halford Mackinder 1861-1947: an Appreciation of his Life and Work, 1961; "The Rt Honourable Sir Halford J; Mackinder, P.C., 1861-1947", Geographical Journal, CXXVII, 1961, pp. 27-29; W.A.D. Jackson, "Mackinder and the Communist Orbit", Canadian Geographer, VI, 1962, pp. 12-21; A.B. Dugan, "Mackinder and his Critics Reconsidered", Journal of Politics, XXIV, 1962, pp. 241-257; N. Mikhaïlov, "Professor Makkinder i razgovor ob utopiyakh", in Sovetskiy Soyuz, 212, 1967, pp. 20-21; J.A. Sylvester, "Mackinder lernte von den Deutschen: eine ironische Kritik", in Zeitschrift für Geopolitik, XXXIX, 1968, pp. 55-59; E.W. Gilbert, "Halford Mackinder" in International Encyclopedia of Social Sciences, New York, 1968; E.W. Gilbert & W.H. Parker, "Mackinder's "Democratic Ideals and Reality" after 50 Years", in Geographical Journal, CXXXV, 1969, pp. 228-231; C.F.J. Whebell, "Mackinder's Heartland Theory in Practice Today", Geographical Magazine, XLII, 1970, pp. 630-636; E.W. Gilbert, British Pioneers in Geography, 1972; C. Cochran, "Mackinder's Heartland Theory: a Review", Assoc. of N. Dakota Geog. Bulletin, XXIV, 1972, pp. 29-31; J.S. English, Halford J. Mackinder (1861-1947), 1974; W.F. Pauly, "The Writings of Halford Mackinder applied to the Evolution of Soviet Naval Power", in Pennsylvania Geographer, XII, 1974, pp. 3-7; B.W. Blouet, Sir Halford Mackinder 1861-1947: Some New Perspectives, Oxford School of Geography, Research Paper 13, 1975; B.W. Blouet, "Halford Mackinder's Heartland Thesis", Great Plains - Rocky Mountain Geographical Journal, V, 1976, pp. 2-6; B.W. Blouet, "Sir Halford Mackinder as British High Commissioner to South Russia, 1919-1920", Geographical Journal, CXIII, 1976, pp. 228-236; L.K.D. Kristof, "Mackinder's Concept of Heartland and the Russians", preprint, XXIII, Int. Geogrl. Congr., Symposium, K5, 1976; Colin S. Gray, The Geopolitics of the Nuclear Era: Heartland, Rimlands, and the Technological Revolution, National Strategy Information Center, New York, 1977; Martin Wight, Power Politics, Royal Institute of International Affairs, 1978, pp. 72-77; Derwent Whittlesey, "Haushofer: les géopoliticiens", in Edward Mead Earle, Les maîtres de la stratégie, tome II, Berger-Levrault, 1980; Jean Soppelsa, "De la géographie à la géostratégie", in Les Cahiers Français, n°199-200, 1981; Paul Claval, "Histoire de la Géopolitique", in Magazine Littéraire, 208, juin 1984, pp. 24-25; Michel Foucher, "Les pionniers", in Magazine Littéraire, 208, juin 1984, pp. 26-27; Robert Steuckers, "L'¦uvre de Mackinder, géographe britannique", in Vouloir, 31, juillet 1986, pp. 6-7; Gaspar Salcedo Ortega, "Para uma história da geopolítica americana", in Futuro Presente (Lisbonne), 27/28 (2ième série), 1987; Colin S. Gray, The Geopolitics of Super Power, University Press of Kentucky, 1988; Robert Steuckers, "Panorama théorique de la géopolitique", in Orientations, 12, 1990-91, pp. 3-13. 
    Au Public Record Office du Foreign Office 800/251, on pourra consulter les papiers privés de Mackinder, relatifs à sa mission en Russie méridionale. 

    Le blog de Robert Steuckers :: lien

    http://www.voxnr.com/cc/dh_autres/EuFVAuZuyuUGmPxAaZ.shtml