culture et histoire - Page 1330
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I-Media S2e18 - Les médias dans la campagne grecque
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« la droite constitue sur un mode sécularisé la postérité légitime du christianisme »
Professeur d'histoire du droit et des Institutions à l'Université de Paris il, Jean-Louis Harouel a publié, entre autres ouvrages, La grande falsification - l'art contemporain (2009); Le vrai génie du Christianisme: Laïcité, Liberté, Développement (2012); et Revenir à la nation (2014), aux éditions Jean-Cyrille Godefroy. Il prépare actuellement un livre sur la droite.
Monde et Vie : Les notions de droite et de gauche vous semblent-elles avoir encore un sens aujourd'hui ? Si tel est le cas, dans quelle mesure ?
Jean-Louis Harouel : L'antithèse entre droite et gauche résulte d'une différence de nature qui repose sur de très anciennes racines religieuses.
On trouve de lointaines anticipations de la gauche dans de grandes falsifications du christianisme : la gnose, avec son affirmation que l’homme est Dieu, son rejet de la Bible et de sa morale, son exaltation du communisme des biens et des personnes ; et d'autre part le millénarisme qui prétendait réaliser le paradis sur la terre, généralement sous la forme d'une société communiste. Avec dans les deux cas l'affirmation que le mal est un problème extérieur à l'homme résultant d'un état de choses insatisfaisant. Une fois sécularisé, tout cela a produit les facettes innombrables et souvent contradictoires d'une religion de l'humanité dont l'actuel avatar le plus évident est le culte intolérant des droits de l'homme qui détruit les nations européennes au nom de l’amour de l'autre jusqu'au mépris de soi. Tout cela est nourri d'idées chrétiennes devenues folles, selon la formule de Chesterton, car détournées de leur sens originel, coupées de la religion, et appliquées aux choses terrestres. La gauche apparaît comme une descendance illégitime du christianisme.
Inversement, la droite constitue sur un mode sécularisé sa postérité légitime. Le christianisme, comme l'a souligné Paul Veyne, n'est pas un projet politique et social pour ce bas monde. Son exigence de perfection, son souffle d'égalité et de liberté sont orientés vers le salut dans l'Au-delà. Les préceptes évangéliques sont restés reliés à leur substrat biblique, porteur de précieuses valeurs de durée : valorisation de la patrie, de la famille, souci de l'ordre social, code moral strict, exigence d'une justice protégeant les innocents, caractère normal de l'inégalité corrigée par la charité, considération pour la richesse et le savoir. Tout cela était dominé par le Décalogue, avec son programme de discipline sociale et de justice destiné à contenir le mal qui est en l'homme. Les masses de granit de la Bible ont permis à l'Europe chrétienne de développer les virtualités égalitaires, libératrices et universalistes de l'Evangile tout en gardant les pieds sur la terre. Là sont les racines de la droite.
La gauche est-elle caractérisée par la foi dans le progrès ?
La gauche appartient à cette forme sécularisée du millénarisme qu'est l'historicisme, lequel transforme l'histoire en cheminement de l'humanité vers un salut collectif terrestre. Caractérisant une grande parue de la philosophie allemande du XIXe siècle, cette vision inspire également la plupart des courants socialistes et plus généralement la pensée de gauche. Le socialisme, observait Durkheim, « est tout entier orienté vers le futur ». Selon une formule déjà présente chez Zola, la gauche se considère comme « le parti de demain ». La gauche, souligne Jean-Claude Michéa, est animée par la croyance progressiste en l'existence d'un « mouvement historique providentiel - et irréversible - qui ouvrirait peu à peu au genre humain les portes de l'Avenir radieux ». Or si la gauche se croit le parti de l'avenir, en réalité elle compromet l'avenir du fait qu'elle rejette les valeurs de durée. La gauche n'est pas le parti de demain mais celui de l'utopie qui est un autre nom du millénarisme.
Peut-il exister une utopie de droite, ou l'homme de droite est-il fondamentalement réaliste ?
La droite, à l'instar du christianisme, refuse la tentation de chercher à instaurer sur la terre un monde voulu partait et de faire naître un homme nouveau. L'objectif de la droite se borne à rendre un monde imparfait le plus vivable possible malgré la présence du mal en l'homme.
D'aucuns objecteront que le nazisme, comme l’a montré Frédéric Rouvillois, avait une fort dimension utopique. Mais l'utopie nazie ne relevait pas de la droite. Ambassadeur à Berlin, André François-Poncet notait que le nazisme s'affirmait comme « d'extrême gauche » et « farouchement révolutionnaire ». Même si le nazisme n'a persécuté que la part juive de la bourgeoisie allemande, il était, comme le démontre George L. Mosse, porteur d'un projet de révolution antibourgeoise et anticapitaliste. François Furet a observé que communisme et nazisme prétendaient offrir « quelque chose comme un salut, en face des misères de l’égoïsme bourgeois ». Par-delà la profonde différence de contenu de ces deux utopies, il s'agissait dans les deux cas de réaliser le paradis sur la terre, et les mêmes mots furent employés pour décrire la société harmonieuse que Ton entendait fonder. Leur commune nature utopique - volonté d'instaurer une société réconciliée et de taire apparaître un homme nouveau - rapproche qu'on le veuille ou non le nazisme et la gauche.
La gauche tout entière est inspirée peu ou prou par l'utopie. Certes, par réalisme, une partie de la gauche peut choisir de rester à mi-chemin de son rêve utopique, mais celui-ci demeure la référence : société réconciliée et humanité changée. L'utopie est la toile de fond de la pensée de gauche. C'est pour cela qu'il n'y a pas de cloison étanche entre le communisme et la gauche dite modérée. Au sein de la gauche, il y a unicité de nature, avec seulement des différences de degré. D'où l'antithèse avec la droite qui est l'anti-utopie.
Propos recueillis par Eric Letty monde&vie Juin 2015
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Du gouvernement de nos rois
Le roi de France exerce un pouvoir d'essence familial, conférant à l'État capétien une humanité étrangère à la République. L'histoire en révèle de multiples illustrations.
« Le roi représente dans le royaume l'image du père. » Ainsi s'exprime Hugues de Fleury (XIe siècle) dans son ouvrage sur le pouvoir royal et la dignité ecclésiastique (Libellus de regia potestate et sacerdotali dignitati). « Vous aurez en lui un père, nul jusqu'à présent n'a invoqué en vain son patronage. » C'est par ces mots qu'Adalbéron, archevêque de Reims avait recommandé aux grands du royaume de choisir Hugues Capet pour roi.
Un gouvernement familial
Le gouvernement des Capétiens fut d'abord une affaire de famille : la reine Constance, épouse de Robert le Pieux s'occupe des finances du royaume, de même Bertrade d'Anjou, épouse de Philippe Ier. Bien que Philippe Auguste, qui ne supportait pas Ingeburge de Danemark, ait écarté les femmes du gouvernement, la reine, en l'absence de Louis XIV, signera les ordres du roi. Le Conseil est une affaire de famille, formé des parents, des alliés et des hommes de confiance. Les états généraux étaient la curia regis, la cour du roi étendue. En 1789, la réunion de députés imbus d'idées législatives ne représente plus qu'une caricature de ce qu'étaient les états. « Commander à un royaume ou à sa maison, il n'y a de différence que les limites. » (Le maréchal de Tavannes, XVIe siècle) La belle Aiglantine vient à la Cour pour demander au roi un mari (Chanson de Gui de Nanteuil, XIIIe siècle). Moeurs médiévales, dira-t-on, mais lorsque Louis XIV accomplit son premier voyage en Alsace une jeune fille de Ribeauvillé lui demanda une dot pour son prochain mariage. Le roi lui fit donner un sac de pistoles.
Le chef des familles du royaume
Louis XIV se faisait établir des bulletins sur les familles de Versailles et de Paris par le lieutenant général de police et le procureur du roi au Châtelet. Ainsi, en sus des affaires de l'Etat s'intéressait-il à la vie de ses sujets, ses enfants. On nous objectera que le roi ne s'occupait que des familles nobles ou des grandes familles bourgeoises de Paris. En date du 24 mars 1702, le lieutenant général de police demande à l'intendant du Nivernais d'empêcher la fille du nommé Deschamps, barbier à Cosme, de raser les clients de son père : « Il faut que vous le lui défendiez, en avertissant le père de donner à sa fille des occupations plus convenables à une personne de son sexe. » Représentant du roi, le lieutenant de police sera appelé par les Parisiens "père temporel". Ses audiences dans son hôtel, auxquelles assistait Diderot au XVIIIe siècle pour étudier les moeurs de ses contemporains, continuaient celles de saint Louis sous son chêne.
« Le roi traite ses sujets et leur distribue la justice comme un père à ses enfants » dit Bodin. Quelle est l'essence de cette justice ? « Une émanation de l'autorité paternelle » ajoute le même auteur. La plupart des princes se font représenter l'épée au poing, le roi de France paraît avec la main de justice, deux lions sous ses pieds figurant force et violence terrassées par le droit.
Une sollicitude paternelle
Henri Plantagenet requiert l'arbitrage du roi de France dans son différend avec Thomas Becket, l'empereur Frédéric II lors de son conflit avec Innocent IV ; les différends entre les rois d'Aragon et de Castille seront soumis à Louis XI. Des étrangers, simples particuliers, font appel à la justice du roi. Cambrai, ville d'Empire, se donna spontanément au roi en 1477. Les Cambrésiens « ne peuvent être si bien gardés et entretenus en paix et tranquillité par autre prince que par le roi de France ».
Une telle sollicitude paternelle de la part du chef de l'Etat ne fera sourire que les niais. Si un Louis XIV qu'on veut caricaturer sous la forme d'un Jupiter inaccessible aux siens – « L'Etat c'est moi » – s'intéressait à la vie intime de ses sujets, ce n'est pas par esprit totalitaire ; il s'y intéressait personnellement, en père, s'imposant ce surcroît de travail pour garder à la monarchie son caractère humain, charnel qui en faisait et la force et le charme.
Nos pères étaient des sujets, des enfants de leur souverain, non des administrés, des assujettis d'une démocratie de plus en plus distante, qui, entre deux passages aux urnes, abandonne de fait, à cause de sa débilité, l'essentiel du pouvoir à des bureaux qui nous connaissent par l'intermédiaire de numéros et gèrent nos existences à l'aide de règlements et non de lois. Seul le gouvernement royal est humain.
Gérard Baudin L’ACTION FRANÇAISE 2000 du 18 juin au 1er juillet 2009
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L’idéologie dominante relativise le mythe fondateur des Lumières
La réforme du collège de Najat Vallaud-Belkacem prévoit que l’enseignement des Lumières en Histoire sera optionnel. L'Homme Nouveau a demandé au Professeur Xavier Martin son avis. Extrait :
"[...] Ladite annonce me laisse sans voix : j’ai cru d’abord que mes oreilles me trahissaient. Alors oui, pourquoi ? La France, pays des Lumières, pays des Droits de l’homme, pays des « valeurs de la République » : c’est un tout magmatique dans l’inlassable formatage médiatico-académique ici rappelé. Le sacro-saint anti-racisme (imaginaire), l’idolâtrée (mais sélective) liberté d’expression se prévalent jour et nuit des Lumières… La perspective de délaisser à la légère un adossement théoriquement aussi flatteur, de disqualifier voire mettre au rebut ce resplendissant esprit des Lumières comme une vieille chaussette, est pour le moins énigmatique, et laisse songeur. [...]
Bref, à la question posée, je vois une seule explication rationnelle, mais j’ai du mal à y souscrire résolument : depuis vingt ans, une certaine relecture des Lumières a malmené assez vivement notre vulgate républicaine à cet égard. Elle montre sans grand mal, à la faveur d’une immense masse de citations, que ce courant, sous maints rapports déterminants, a été violemment le contraire de ce dont on le crédite :négation de l’unité de l’espèce humaine, hyper-élitisme forcené, mépris des gens de couleur, des femmes, des gens de condition modeste, mécanisation du comportement des individus(le fameux Homme Machine, 1747), donc négation du libre arbitre et conception mécaniciste des relations interindividuelles(donc, ipso facto, sociopolitiques),biologisme scientiste inclinant au racisme et à l’antiféminisme, absence de confiance dans la raison humaine(oui !),animalisation du petit peuple… Cette énumération, sévère quoique incomplète, souffrirait quelques nuances, voire ponctuellement quelques solides tempéraments, mais elle résume assez nettement la tendance lourde du dossier.
[...] Sur cette profonde et diamétrale restitution, abondamment documentée, des vraies « Lumières »,les grands médias, comme on s’en doute, ont fait silence. Et néanmoins l’occultation n’est pas totale. Au moins modestement le vrai, en cette matière, progresse et s’insinue, et sans bruit, vaille que vaille, par capillarité, s’infiltre aux interstices. Conséquence : les tireurs de ficelles (s’ils existent) ont peut-être jugé meilleur d’abandonner sans tambour ni trompette ce glorieux champ de bataille.[...]
Il est toutefois vrai que depuis le bicentenaire de la Révolution, qui au fil de colloques richement subventionnés, avait en fait bien défraîchi l’image convenue de cette dernière, la tendance del’idéologie dominante est de prudemment relativiser ses mythes fondateurs de 1789 (donc des Lumières) pour transplanter résolument son camp de base référentiel autour de 1945. [...]"
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Goldofaf - Champ de mars
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Entrevue #19: Entrevue avec Zippo autour de la Tana delle Tigri
Nos envoyés très spéciaux sont revenus dans leur bagage avec une entrevue audio en italien d'Alberto Palladino, alias Zippo. Nous le remercions d'avoir répondu à nos questions et nous remercions Sébastien pour la traduction en direct. Vous trouverez ici la retranscription écrite.
1) Zippo, nous te remercions de nous résumer ce qu’est la Tana delle Tigri ?La Tana delle Tigri est née il y a sept ans à l’initiative de CasaPound et doit être perçu tout d’abord comme un événement métapolitique. Puis, cela a évolué avec l’organisation d’une soirée avec plusieurs concerts et une soirée sportive d’arts martiaux mixtes unique de MMA, aujourd’hui de niveau européen.
2) Combien de personnes a rassemblé cette nouvelle édition?
2000 visiteurs ont été comptabilisés sur le week end répartis le vendredi pour les combats libres et le samedi pour les concerts.
3) En quoi la Tana delle Tigri est un évènement important dans la vie de CasaPound ?
Officiellement, la Tana est l’occasion de rencontrer des camarades de l’Europe entière autour de la musique et du sport.
Officieusement, c’est une des opportunités pour la communauté de CasaPound présente dans toute l’Italie de rassembler les responsables régionaux et ceux du Blocco Studentesco, notre syndicat étudiant et lycéen. La Tana delle Tigri fait partie des deux ou trois occasions annuelles qui permet de rassembler les cadres et militants du mouvement afin de mettre en place des réunions de travail toute la journée. Il est difficile de parvenir à faire se rencontrer des militants d’environ 50 villes différentes.
4) Cette année, d’où arrivent les militants ? Quelles nationalités ont été répertoriées ?
Quasiment toute l’Europe est présente à la Tana delle Tigri. Nous avons pu croiser cette année des Français, des Tchèques, des Portugais, des Suisses, des Russes, des Ukrainiens, des Allemands, des Belges, des Espagnols, et même des Canadiens.
5) Quelles sont les perspectives d’évolutions pour la Tana ?
La Tana est née comme un projet quasiment amateur. D’année en année, la démarche s’est professionnalisée. Le but premier est d’atteindre un niveau d’excellence tant au niveau sportif que musical. Elle doit devenir un rendez-vous incontournable pour toutes les communautés militantes européennes.
Virgile et Virginie / C.N.C.
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Nos Chers Vivants n°14 : Marcel Carné : un cinéaste du paradis cinématographique
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« Nouveaux réactionnaires » : la fin de l’hégémonie intellectuelle de la gauche ?
À première vue, l’année 2002 aura été marquée par le triomphe, à la romaine, de la pensée unique dans la vie politico-médiatique, avec son apogée orwellien de l’entre deux tours de la présidentielle, et ses flots de “mutins de panurge”(1) défilant à l’appel de la cléricature politiquement correcte et meuglant les slogans convenus de l’intelligentsia de gauche.
Mais cette apparente domination des “maîtres-censeurs”(2) pourrait bien s’avérer être une victoire à la Pyrrhus tant leur mainmise idéologique semble avoir été ébranlée, en même temps, dans le monde intellectuel et journalistique, notamment à l’occasion de la polémique sur les “nouveaux réactionnaires”(3), le knock out final ayant été donné de fort belle façon le mois dernier par l’écrivain Michel Houellebecq(4).Qui sont donc ces nouveaux réacs, rejetons improbables autant qu’inattendus de la Bête immonde, pour affoler à ce point la nomenklatura qu’elle a cru bon de lancer ses chiens de meute à leurs trousses ?
Si l’on en croit Daniel Lindenberg, promu procureur pour l’occasion, dans son réquisitoire, Rappel à l’Ordre(3), il s’agit d’à peu près tous les penseurs, écrivains, chercheurs, qui ne communient plus au “club des conformistes heureux”, selon la jolie formule de Pierre-André Taguieff(5), lui-même au banc des accusés malgré son antiracisme déclaré et militant. Son crime ? Avoir eu le toupet, l’arrogance, de ne pas donner dans la “vigilance magique” des cerbères idéologiques mais d’avoir étudié, scientifiquement, intelligemment, les tenants et les aboutissants de la contestation populiste en France, ses sources doctrinales ou ses causes réelles, comme le sentiment de “triple dépossession” de leurs libertés ressenti par nos compatriotes en proie à l’immigration, le technocratisme bruxellois et la mondialisation libérale. C’en était trop pour les “bien-pensants”(6) qui, depuis bien longtemps, ont abandonné le combat argumenté et le débat des idées contre leurs adversaires, transformés en ennemis du genre humain qu’on excommunie, qu’on anathémise, mais avec lesquels on ne débat plus. Dialoguerait-on avec le Mal ?Lindenberg, mandaté par les caciques du Monde et les tenants de la bien-pensance, dénonce donc cette “pente glissante” qui, de la critique apparemment bénigne de l’actuelle praxis démocratique, aboutirait au fascisme pur et dur, par étapes, en passant par l’insupportable et coupable “passéisme”, “furieusement réactionnaire” Tout est dit.
Et, bon commissaire politique (dont il a d’ailleurs le style caricatural, genre soviet bolchevique des années 20), Lindenberg publie donc sa longue liste de proscription, qui va des “repentis” comme Taguieff, Finkielkraut, Manent, Gauchet, aux écrivains non-conformistes que sont Muray, Houellebecq, Dantec ou Nabe, sans oublier les horribles “nationaux républicains” de Marianne où officient entre autres Elisabeth Lévy, auteur d’un coruscant pamphlet sur nos gardiens du Temple(2), et Philippe Cohen, qui s’apprête à faire paraître un ouvrage mettant en cause le “journal de référence”, bible quotidienne des “socialo-libéro-libertaires”(5) au pouvoir dans le monde médiatique.Et si l’on en croit Maurice Maschino(7), très remonté contre Alain Finkielkraut, coupable d’avoir soutenu Renaud Camus, puis relaps avec Oriana Fallaci, la charrette des condamnés doit aussi embarquer tous les tièdes, les socio-traitres comme Luc Ferry, qui fricote avec la droite, Julliard et Joffrin, “embourgeoisés”, ou encore Philippe Sollers, qu’on croyait dans le camp du Bien depuis la “France moisie” ou son alignement lors du procès Camus mais qui, depuis, a osé publier Nabe dans sa revue l’Infini Crime inexpiable, bien entendu.
Bref, la liste est longue des excommuniés et leurs crimes variés, qui n’ont finalement de commun que leur rejet du discours dominant, installé dans les éthers droit-de-l’hommesques de l’univers intellectuel français.
Pour les discréditer, pour les faire taire, quelle meilleure stratégie que la bonne vieille méthode, qui a fait ses preuves depuis des décennies, de la “force d’intimidation”(5), bien stalinoïde, qui consiste à jeter en pâture des noms dans la presse, accolés d’épithètes infamantes justifiées par des citations tronquées, et amalgamés ensemble sans distinction ?
Ainsi démasqués, honteux et confus, les coupables, sans doute, “allaient se disperser comme des petites souris, jurant que jamais eux, les autres peut-être, mais eux non, oh ! quel méchant procès.” (4) Il n’en fut rien, si l’on excepte Jacques Julliard qui, soucieux de se dédouaner, confirmait “qu’il n’y a qu’un pas de la critique du conformisme à la détestation pure et simple de la démocratie et du socialisme.” (8) Forcément imbriqués l’un dans l’autre, comme la gauche et l’intelligenceMais contre toute attente, les seules protestations d’amalgame vinrent des amis eux-mêmes des censeurs, comme Christophe Kantcheff, qui regrettait dans Politis(9) que l’on puisse mettre sur un même plan Finkielkraut ou Debray et les vilains Houellebecq, Dantec et Nabe, qui font un si “mauvais usage de la littérature”. Il déplorait en outre le manque de méthode et de sérieux, la “faiblesse de l’argumentation” de l’infortuné Lindenberg.
Les accusés, en revanche, firent preuve d’une étonnante et nouvelle combativité, répondant coup pour coup, enfonçant le clou et ridiculisant leurs adversaires et la “terreur molle”(5) qu’ils imposent à leurs contemporains.
Les hérétiques n’ont pas manqué de relever les contradictions d’une attaque qui reproche, par exemple, à Alain Finkielkraut d’être tour à tour “antisémite”, de par sa défense de la liberté d’expression de Renaud Camus, puis soutien aveugle d’Israël quelques lignes plus loin.
Plus généralement, Michel Houellebecq ironise sur les palinodies des clercs, qui prônent ici la totale liberté d’écrire puis déploient là une ferme volonté de censure, qui soutiennent Taslima Nasreem mais fustigent les “islamophobes”, qui défendent la “racaille de banlieue”, laquelle brûle des synagogues, mais prétendent lutter contre l’antisémitisme. Il en conclut donc avec raison que “l’homme de gauche est décidément mal parti”(4).
Dans le même article, il se réjouit, espiègle, “d’appartenir à une liste qui compte Finkielkraut, Taguieff, Muray et Dantec”. Tout comme nombre des révoltés “s’honorent d’être la cible d’une tentative dérisoire et monstrueuse de fascisation de l’inquiétude et de la pensée libre”, dans leur “manifeste pour une pensée libre”, paru dans l’Express le 28 novembre.Pire encore, à l’instar de la sociologue Catherine Pauchet, qui se félicite de “la fin du socialisme à la française et [du] retour de la liberté de ton, aux débats passionnels et aux valeurs de la France profonde”(10), certains d’entre eux revendiquent l’étiquette avec panache ! C’est le cas également du trublion Houellebecq, qui en appelle même aux “aimables réactionnaires classiques”(4) pour une nouvelle offensive commune contre la gauche !
Assisterait-on à un mouvement de fonds de reconquête de l’intelligence et du terrain culturel par la “droite”, ou, à tout le moins, à la fin de l’hégémonie intellectuelle du camp dit progressiste ?
C’est tout le mal que l’on souhaite à la pensée française.
Olivier GERMAIN, 20/02/2003
(1) Philippe MURAY, On ferme, Les Belles Lettres, 2002
(2) Elisabeth LEVY, Les Maîtres-Censeurs, Lattès, 2002
(3) Daniel LINDENBERG, Rappel à l’ordre, Seuil, 2002
(4) Michel HOUELLEBECQ, L’homme de gauche est mal parti, Le Figaro du 6 janvier 2003
(5) Pierre-André TAGUIEFF, Le nouvel opium des intellectuels, Le Figaro du 27 novembre 2002
(6) Emmanuelle DUVERGER et Robert MENARD, La censure des bien-pensants, Albin Michel, 2002
(7) Maurice MASCHINO, Les nouveaux réactionnaires, Le Monde Diplomatique, octobre 2002
(8) Jacques JULLIARD, Nouveaux réacs, Nouvel Observateur, 7 novembre 2002
(9) Christophe KANTCHEFF, Les nouveaux réactionnaires : du mauvais usage de la littérature, Politis, 5 décembre 2002
(10) Catherine PAUCHET, Soyons réactionnaires !, Libération du 29 novembre 2002http://www.polemia.com/nouveaux-reactionnaires-la-fin-de-lhegemonie-intellectuelle-de-la-gauche/
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Bernays, praticien et théoricien des relations publiques
En janvier 1919, Bernays participe en tant que membre de l’équipe de presse de la Commission Creel, il ouvre à New York un bureau qu’il nomme d’abord de « Direction publicitaire » avant de se désigner lui-même, dès 1920, « conseiller en relations publiques », sur le modèle de l’expression « conseiller juridique », et de renommer son bureau « Bureau de relations publiques ».Entre 1919 et 1929, alors qu’éclate la crise économique, les relations publiques vont susciter aux Etats-Unis un attrait immense et sans cesse grandissant.Bernays n’est sans doute pas le seul à pratiquer ce nouveau métier durant les booming twenties. Mais il se distingue nettement de ses confrères par trois aspects. Le premier est l’énorme et souvent spectaculaire succès qu’il remporte dans les diverses campagnes qu’il mène pour ses nombreux clients. Le deuxième tient au souci qu’il a d’appuyer sa pratique des relations publiques à la fois sur les sciences sociales (psychologie, sociologie, psychologie sociale et psychanalyse, notamment) et sur diverses techniques issues des sciences (sondages, interrogation d’experts ou de groupes de consultation thématique, et ainsi de suite). Le troisième est son ambition de fournir un fondement philosophique et politique aux relations publiques et des balises éthiques à leur pratique. C’est par cette double visée que Bernays reste le plus original des théoriciens et praticiens des relations publiques.Entre sa sortie de la Commission Creel et la publication de Propaganda, Bernays a réalisé un très grand nombre de campagnes de relations publiques qui ont contribué à définir le domaine et à fixer les grands axes de sa pratique. On trouvera un indice de cette activité bouillonnante dans le fait que presque toutes les campagnes de relations publiques menées avec succès qu’il évoque dans ce livre, souvent en les décrivant sur un mode passif, ont en fait été réalisées par lui.C’est notamment le cas du concours de sculptures sur barres de savon Ivory, conçu pour Proctor & Gamble, qui consommera un million de barres chaque année pendant ses 37 ans d’existence ; de la promotion du petit déjeuner aux œufs et au bacon vanté comme étant la forme typiquement américaine du petit déjeuner copieux et que de nombreux médecins (consultés par Bernays, bien entendu) ont recommandé ; de la promotion de la vente de pianos par la défense de l’idée que l’on devait absolument avoir chez soi une salle de musique ; de l’organisation de la très suivie conférence de 1920 de la National Association for the Advancement of Colored People (NAACP) ; de l’organisation à la Maison-Blanche et pour le président Coolidge de déjeuners en présence de vedettes de la chanson et du cinéma afin de transformer la perception du public du président comme d’un homme froid et distant ; et de très nombreuses autres campagnes dont un bon nombre sont évoquées dans le texte.Après la publication de Propaganda, Bernays réalisera un grand nombre d’autres campagnes, dont plusieurs restent légendaires – telles que l’organisation en 1929, pour General Electric, d’un anniversaire prenant prétexte de l’invention de la lampe à incandescence par Thomas Edison (1847-1931), événement que certains tiennent toujours pour un des plus spectaculaires exemples de propagande accomplis en temps de paix.Mais on peut soutenir que le succès le plus retentissant de Bernays sera d’avoir amené les femmes américaines à fumer. Cet épisode, si éclatant sur sa manière de penser et de travailler, mérite d’être raconté en détail.Nous sommes toujours en 1929 et, cette année-là, George Washington Hill (1884-1946), président de l’American Tobacco Co., décide de s’attaquer au tabou qui interdit à une femme de fumer en public, un tabou qui, théoriquement, faisait perdre à sa compagnie la moitié de ses profits. Hill embauche Bernays, qui, de son côté, consulte aussitôt le psychanalyste Abraham Arden Brill (1874-1948), une des premières personnes à exercer cette profession aux Etats-Unis. Brill explique à Bernays que la cigarette est un symbole phallique représentant le pouvoir sexuel du mâle : s’il était possible de lier la cigarette à une forme de contestation de ce pouvoir, assure Brill, alors les femmes, en possession de leurs propres pénis, fumeraient.La ville de New York tient chaque année, à Pâques, une célèbre et très courue parade. Lors de celle de 1929, un groupe de jeunes femmes avait caché des cigarettes sous leurs vêtements et, à un signal donné, elles les sortirent et les allumèrent devant des journalistes et des photographes qui avaient été prévenus que des suffragettes allaient faire un coup d’éclat. Dans les jours qui suivirent, l’événement était dans tous les journaux et sur toutes les lèvres. Les jeunes femmes expliquèrent que ce qu’elles allumaient ainsi, c’était des « flambeaux de la liberté » (torches of freedom). On devine sans mal qui avait donné le signal de cet allumage collectif de cigarettes et qui avait inventé ce slogan ; on devine aussi qu’il s’était agi à chaque fois de la même personne et que c’est encore elle qui avait alerté les médias.Le symbolisme ainsi créé rendait hautement probable que toute personne adhérant à la cause des suffragettes serait également, dans la controverse qui ne manquerait pas de s’ensuivre sur la question du droit des femmes de fumer en public, du côté de ceux et celles qui le défendaient – cette position étant justement celle que les cigarettiers souhaitaient voir se répandre. Fumer étant devenu socialement acceptable pour les femmes, les ventes de cigarettes à cette nouvelle clientèle allaient exploser.On peut le constater avec cet exemple : Bernays aspire à fonder sur des savoirs (ici, la psychanalyse) sa pratique des relations publiques. Cette ambition, est le deuxième trait qui le distingue de ses collègues. Bernays, et là réside en grande partie l’originalité de sa démarche, est en effet convaincu que les sciences sociales peuvent apporter une contribution importante à la résolution de divers problèmes sociaux et donc, a fortiori, aux relations publiques. Il consulte donc ces disciplines et leurs praticiens, s’en inspire, et leur demande des données, des techniques, des stratégies, des concepts et des théories.Un de ses maîtres à penser sur ce plan – et revendiqué comme tel – est le très influent Walter Lippman (1889-1974) – en dialogue avec lequel certains ouvrages de Bernays semblent avoir été écrits. En 1922, dans Public Opinion, Lippmann rappelait que « la fabrication des consentements [...] fera l’objet de substantiels raffinements » et que « sa technique, qui repose désormais sur l’analyse et non plus sur un savoir-faire intuitif, est à présent grandement améliorée [par] la recherche en psychologie et [les] moyens de communication de masse ». Comme en écho, Bernays écrit ici : « L’étude systématique de la psychologie des foules a mis au jour le potentiel qu’offre au gouvernement invisible de la société de manipulation des mobiles qui guident l’action humaine dans un groupe. Trotter et Le Bon d’abord, qui ont abordé le sujet sous un angle scientifique, Graham Wallas, Walter Lippmann et d’autres à leur suite, qui ont poursuivi les recherches sur la mentalité collective, ont démontré, d’une part, que le groupe n’avait pas les mêmes caractéristiques psychiques que l’individu, d’autre part, qu’il était motivé par des impulsions et des émotions que les connaissances en psychologie individuelle ne permettaient pas d’expliquer. D’où, naturellement, la question suivante : si l’on parvenait à comprendre le mécanisme et les ressorts de la mentalité collective, ne pourrait-on pas contrôler les masses et les mobiliser à volonté sans qu’elles s’en rendent compte ? »Mais Bernays cherche également dans les sciences sociales, comme on le pressent dans le passage précédent, une justification (à prétention) scientifique de la finalité politique du travail accompli par le conseiller en relations publiques. Il la trouve dans l’adhésion d’une part importante des théoriciens des sciences sociales naissantes qu’il consulte et respecte à l’idée que la masse est incapable de juger correctement des affaires publiques et que les individus qui la composent sont inaptes à exercer le rôle de citoyen en puissance qu’une démocratie exige de chacun d’eux : bref, que le public, au fond, constitue pour la gouvernance de la société un obstacle à contourner et une menace à écarter.Cette thèse, à des degrés divers, est celle de Walter Lippmann, de Graham Wallas (1858-1932) ou de Gustave Le Bon (1841-1931), dont Bernays ne cessera de se réclamer, et elle rejoint un important courant antidémocratique présent dans la pensée politique américaine et selon lequel que la « grande bête doit être domptée » – pour reprendre l’expression d’Alexander Hamilton (1755-1804). Cette perspective était déjà celle de James Madison (1752-1836), qui assurait que « le véritable pouvoir, celui que procure la richesse de la nation », doit demeurer entre les mains des « êtres les plus capables » et que la première et principale responsabilité du gouvernement est de « maintenir la minorité fortunée à l’abri de la majorité ». Bernays se fait l’écho de ces idées quand il écrit qu’avec « le suffrage universel et la généralisation de l’instruction » on en est arrivé au point où « la bourgeoisie se mit à craindre le petit peuple, les masses qui, de fait, se promettaient de régner ».Se profile alors un projet politique que Bernays va assumer et s’efforcer de réaliser. Il s’agit, selon les termes de Lippmann, de faire en sorte que la masse se contente de choisir, parmi les membres des « classes spécialisées », les « hommes responsables », auxquels il reviendra de protéger la richesse de la nation. Pour que la masse se contente de jouer ce rôle, il sera nécessaire d’opérer ce que Lippmann décrit comme une « révolution dans la pratique de la démocratie », à savoir la manipulation de l’opinion et la « fabrication des consentements », indispensables moyens de gouvernement du peuple. « Le public doit être mis à sa place, écrit Lippmann, afin que les hommes responsables puissent vivre sans craindre d’être piétinés ou encornés par le troupeau de bêtes sauvages. »Bernays veut lui aussi « organiser le chaos » et il aspire à être celui qui réalise en pratique le projet théorique formulé par Lippmann et les autres : c’est que les nouvelles techniques scientifiques et les médias de masse rendent justement possible de « cristalliser l’opinion publique », selon le titre d’un livre de Bernays datant de 1923, et de « façonner les consentements », selon le titre d’un ouvrage de 1955. Dans Propaganda, il écrit : « La manipulation consciente, intelligente, des opinions et des habitudes organisées des masses joue un rôle important dans une société démocratique. Ceux qui manipulent ce mécanisme social imperceptible forment un gouvernement invisible qui dirige véritablement le pays. »Cette idée que cette forme de « gouvernement invisible » est tout à la fois souhaitable, possible et nécessaire est et restera omniprésente dans les idées de Bernays et au fondement même de sa conception des relations publiques : « La minorité a découvert qu’elle pouvait influencer la majorité dans le sens de ses intérêts. Il est désormais possible de modeler l’opinion des masses pour les convaincre d’engager leur force nouvellement acquise dans la direction voulue. Etant donné la structure actuelle de la société, cette pratique est inévitable. De nos jours la propagande intervient nécessairement dans tout ce qui a un peu d’importance sur le plan social, que ce soit dans le domaine de la politique ou de la finance, de l’industrie, de l’agriculture, de la charité ou de l’enseignement. La propagande est l’organe exécutif du gouvernement invisible. »Normand Baillargeon, préface de Propaganda, Edward Bernays
http://www.oragesdacier.info/2015/07/bernays-praticien-et-theoricien-des.html