culture et histoire - Page 1500
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Action Française - Historique et penseurs du libéralisme
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Robert Steuckers : "La figure du Katechon chez Carl Schmitt"
Dans sa Théologie politique (1922), la figure du katechon est celle qui, par son action politique ou par son exemple moral, arrête le flot du déclin, la satanisation totale de ce monde de l’en-deçà. Catholique intransigeant, lecteur attentif du “Nouveau Testament”, Schmitt construit sa propre notion du katechon au départ de la Deuxième Lettre aux Thessaloniciens de Paul de Tarse. Le Katechon est la force (un homme, un Etat, un peuple-hegemon) qui arrêtera la progression de l’Antéchrist. Schmitt valorise cette figure, au contraire de certains théologiens de la haute antiquité qui jugeaient que la figure du katechon était une figure négative parce qu’elle retardait l’avènement du Christ, qui devait survenir immédiatement après la victoire complète de l’Antéchrist. Schmitt fonde justement sa propre théologie civile, après avoir constaté cette différence entre les théologiens qui attendent, impatients, la catastrophe finale comme horizon de l’advenance de la parousie, d’une part, et, ceux qui, par le truchement d’une Theologia Civilis tirée en droite ligne de la pratique impériale romaine, veulent pérenniser le combat contre les forces du déclin à l’œuvre sur la Terre, sans trop se soucier de l’avènement de la parousie. Les sociétés humaines, politiques, perdent progressivement leurs valeurs sous l’effet d’une érosion constante. Le katechon travaille à gommer les effets de cette érosion. Il lutte contre le mal absolu, qui, aux yeux de Schmitt et des schmittiens, est l’anomie. Il restaure les valeurs, les maintient à bout de bras. Le Prof. Fabio Martelli a montré comment la notion de Katachon a varié au fil des réflexions schmittiennnes: il rappelle notamment qu’à l’époque de la “théologie de la libération”, si chère à certaines gauches, où un Dieu libérateur se substituait, ou tentait de se substituer, au Dieu protecteur du statu quo qu’il avait créé, Schmitt sautait au-dessus de ce clivage gauche/droite des années 60-70, et aussi au-dessus des langages à la mode, pour affirmer que les pays non-industrialisés (du tiers-monde) étaient en quelque sorte le katechon qui retenait l’anomie du monde industriel et du duopole USA/URSS. Finalement, Schmitt a été tenté de penser que le katechon n’existait pas encore, alors que l’anomie est bel et bien à l’œuvre dans le monde, mais que des “initiés” sont en train de forger une nouvelle Theologia Civilis, à l’écart des gesticulations des vecteurs du déclin. C’est de ces ateliers que surgira, un jour, le nouveau katechon historique, qui mènera une révolution anti-universaliste, contre ceux qui veulent à tout prix construire l’universalisme, arrêter le temps historique, biffer les valeurs, et sont, en ce sens, les serviteurs démoniaques et pervers de l’Antéchrist.
(résumé de Robert Steuckers de l’intervention du Prof. Dr. Fabio Martelli – Université d’été de la FACE, 1995 ; ce résumé ne donne qu’un reflet très incomplet de la densité remarquable de la conférence du Prof. Fabio Martelli, désormais Président de Synergies Européennes-Italie; le texte paraîtra in extenso dans Vouloir).
http://la-dissidence.org/2014/09/21/robert-steuckers-la-figure-du-katechon-chez-carl-schmitt/
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Maurras, l’inégalité et le racisme
Bainville reconnaîtra un jour que c’est Maurras qui, en 1900, l’avait éloigné de toute tentation raciste, lors de la parution du livre de Vacher de Lapouge, L’Aryen, son rôle social : « Charles Maurras avait mis le très jeune lecteur que j’étais en garde contre les rêveries de la race pure. » (Lectures, p. 220).
Dès que le jeune Maurras prit la plume, ce fut en effet pour dénoncer le racisme, qui représentait la négation même de toute civilisation — « folie pure et sans issue » dira-t-il dans L’AF du 15 juillet 1936. « Il n’y a sans doute pas de race latine [...] . L’essentiel est qu’il existe une civilisation latine, un esprit latin, véhicule et complément de l’hellénisme, interprète de la raison et de la beauté athénienne, durable monument de la force romaine » écrit-il dans L’Étang de Berre (1915). Il y reviendra dans Les Vergers sur la Mer, (1937) dans un chapitre intitulé « Que nous reste-t-il de la Grèce ? » : « Les répercussions, les ricochets et les cascades d’influences sont infinies, et leur histoire bien conduite résumerait l’office des traditions et des progrès de la Raison partout vivace, à travers les hautes sciences, les lettres humaines, les beaux-arts universels : sans préjudice de développements ultérieurs possibles dans le monde jaune et le monde noir. Les négrillons hellénisés n’y gagneront pas un nez grec, mais Socrate était bien camus ! ” N’est-ce pas, à l’époque, la meilleure réponse à tout un gobineau-nietzschéisme de mauvais aloi aux sirènes duquel Maurras ne fut jamais sensible ? En 1937, il rapporte un souvenir de 1903 : « Analysant un livre ingénieux et pénétrant que M. Seillière a consacré au comte de Gobineau, M. Paul-Boncour a remarqué à différentes reprises que je ne me référais point à la doctrine de l’Essai sur l’inégalité des races humaines. M. Paul-Boncour m’en a demandé la raison. Elle est très simple. Je n’admets pas cette doctrine. » (Devant l’Allemagne éternelle)
Ces prises de position ne feront que s’accentuer avec la précision des menaces. Le 30 mars 1933,L’Action Française écrit : « Le racisme et l’étatisme », c’est-à-dire, le national-socialisme et le fascisme, « ne peuvent correspondre qu’à des sociétés imparfaites. Une société dans laquelle la civilisation a atteint ses sommets les plus rares ne peut se contenter de telles significations ; l’édifice des valeurs les plus aristocratiques et les plus rares ne saurait abriter ces religions grossières, dont la pauvreté spirituelle n’a d’égale que la malfaisance et la stérilité. »
Dans un texte tardif, et d’une émouvante beauté parce qu’il résume une vie d’engagement au service de la civilisation, Soliloque du prisonnier(1950), il insiste sur l’universalité de « [s]a » Méditerranée qui « ne demande pas mieux que de devenir nordique ou baltique pourvu qu’elle rencontre ici ou là, les deux lucides flammes d’une civilisation catholique et d’un esprit latin. » Dès Anthinéa (1901), n’avait-il pas précisé : « Ce que je loue n’est point les Grecs mais l’ouvrage des Grecs et je le loue non d’être grec mais d’être beau. Ce n’est pas parce qu’elle est grecque que nous allons à la beauté, mais parce qu’elle est belle que nous allons à la Grèce » ?
Il y a du reste pour Maurras une véritable opposition de civilisation entre l’Amérique puritaine et protestante, et les peuples latins et catholiques, et le refus du racisme en est la pierre de touche. En 1928 (L’AF du 25 juillet) il note : « Le Dr R. Greenfield écrit dans l’International civil organisation : “il est un reproche premier que nous faisons nous, les Anglo-saxons, au catholicisme espagnol. Il a produit une race hybride, qui nous a empêchés d’accepter l’union avec des pays, riches il est vrai, mais habités par un peuple que nous estimons de culture inférieure. Le protestantisme, au contraire plus pratique et plus conscient de la liberté a admis comme une nécessité, ou d’exterminer les Indiens, ou de les parquer dans des réserves, afin d’empêcher tout métissage.” Une note appendice à mon vieux livre, Quand les Français ne s’aimaient pas, a jadis rappelé [...] cette politique d’ “extermination” ou de “parquage” infligée aux Indiens du Nord. Ma note réprouvait vivement ce que le docteur Robert Greenfield approuve et recommande. Cette note louait les Latins d’Amérique de ce que leur reproche le protestant anglo-saxon. »
Aussi, on ne saurait prendre prétexte de la dénonciation par Maurras de l’égalité comme mythe révolutionnaire pour faire de lui le propagandiste d’une quelconque inégalité substantielle entre les hommes. Pour Maurras, que ce soit sur les plans social ou ethnique, il n’y a ni sous-hommes ni sur-hommes : « Tout homme, écrit-il dans sa Politique Naturelle (1937), a « le dépôt des biens spirituels et moraux dont la Raison et la Religion s’accordent à faire l’attribut de l’humanité. Tout homme, ayant cela, vaut tout autre homme, pour cela. »
Ou comme le conclut encore Pierre Boutang (La Fontaine politique) : « Rien [...] dans l’enseignement contre-révolutionnaire [...] ne suggère que l’accroissement de l’inégalité, ni sa conservation religieuse et sacrée soient des biens. Il y a des inégalités, parce qu’il y a des fonctions et des différences ».
François Marcilhac - L’AF 2893
[1] Il s’agit de Le comte de Gobineau et l’aryanisme historique, Plon, Paris, 1903,
[2] Quand les Français ne s’aimaient pas, Chronique d’une renaissance, 1895-1905, Nouvelle Librairie Nationale, Paris, 1915
http://www.actionfrancaise.net/craf/?Maurras-l-inegalite-et-le-racisme
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«Comment sommes-nous devenus si cons» de Alain Bentolila /… par Véronique Soulé
Un correspondant, que nous remercions, nous fait suivre un article de Véronique Soulé en charge de la rubrique Education à « Libération ».
«Bentolila, Brighelli, Onfray : tout fout le camp».
A toutes fins utiles, un article de Libération qui visiblement digère mal ceux qui remettent en cause la «refondation» de l’école, pire… approuvent à 95 % le programme du FN…
(Hyman Rickover)Qu’y a-t-il de commun entre Alain Bentolila (linguiste), Jean-Paul Brighelli (professeur) et Michel Onfray (philosophe) ? Réponse : ils trouvent que l’école française n’est plus ce qu’elle était, qu’au lieu d’apprendre à lire et à écrire, elle enseigne des choses ridicules aux élèves – du type «théorie du genre» – et que tout ça est dû à Mai 1968. Pour ceux qui n’ont déjà pas le moral, mieux vaut s’abstenir. Pour ceux qui chercheraient un débat d’idées, idem.
Comment sommes-nous devenus si cons ? se demande Alain Bentolila à la une de son ouvrage, question qu’il semble s’appliquer à lui-même. En dessous, un bandeau nous précise que le linguiste pousse un cri de colère – peut-être pour justifier la vulgarité de son titre.
Apparemment, tout est parti d’une conversation avec sa fille qui aurait pas mal secoué Alain Bentolila – c’est le début de l’ouvrage. Bentolila fille, donc, regarde la télé, ce qui agace passablement son père. Passe un petit film sur les cigarettes. Il décide de faire un test et de lui demander ce qu’elle en a retenu. C’est une pub pour vanter la cigarette, répond-elle. Horreur ! C’est tout le contraire: le film vise à décourager de fumer ! Mais Bentolila fille n’a pas capté le message – la preuve que la télé rend con…
La suite – 185 pages au total, des lignes espacées avec pas mal de blanc – est résumable : les jeunes – et nous tous par extension – sommes devenus cons. Abrutis par les écrans, vautrés devant les émissions de télé réalité, pas aidés par l’école qui ne fait plus son boulot, nos jeunes ne savent plus réfléchir, détestent lire, ont du mal à mémoriser…
Pour illustrer, avant de passer au livre suivant, on peut citer un extrait du passage intitulé Internet et la mémoire fout le camp : «Demandez à quelques adolescents de répondre à la question suivante en cherchant sur Internet: “comment expliquer que lorsqu’on lâche une pierre, elle tombe ?”. Au bout d’une demi-heure, demandez à chacun de proposer une explication. (…) Aucun ne sera capable de donner l’embryon d’une explication cohérente. Certains citeront peut-être le nom de quelques sites sur l’archéologie ou… sur les accidents de montagne. […] Pourquoi ? Parce qu’ils ne voient pas la nécessité de mettre dans leur tête ce qui est déjà dans la machine».
Les titres de chapitres et de sous-chapitres renvoient ainsi l’image angoissante d’un monde en pleine déliquescence, où tous les repères sautent : «L’illusion pédagogo : l’élève constructeur du savoir ! », «Sans labeur, pas de plaisir !», «Le numérique, la grande illusion éducative», «Lorsque la légitimité du maître est en cause», «L’imposture de la discrimination positive», « Aussitôt appris, appuyer sur Delete»…
Avec Tableau noir, Jean-Paul Brighelli poursuit dans la sinistrose. Mais à la différence de Bentolila, il essaie de faire drôle et percutant – style pamphlet en somme. Pour cela, il lâche des formules qui se veulent à la fois profondes et savoureuses. Exemple : «La sortie scolaire systématique est à la pédagogie ce qu’un certain hamburger est à la gastronomie : une récession dans l’infantile».
Pas mécontent de lui, le professeur de lettres qui exerce en prépas au lycée Thiers de Marseille, cite volontiers ses précédents ouvrages. Et pour cause. Depuis La fabrique du crétin, il répète à peu près toujours la même chose. En substance : avec leurs fumeuses sciences de l’éducation, leur volonté de mettre l’élève au centre et leur méthode globale pour apprendre à lire, les «pédagos» sont responsables d’à peu près tout – du déclin de notre école, du grippage de l’ascenseur social, de la perte d’attractivité du métier, etc. En plus, comme ils ont infiltré le ministère et plusieurs partis, d’après J.P Brighelli, le cauchemar risque de durer.
Dans Tableau noir, il règle surtout son compte à l’ex-ministre de l’Education Vincent Peillon, coupable de s’en être pris aux profs de prépas et d‘avoir voulu, pour les anéantir, opposer les enseignants entre eux. Officiellement, il s’agissait seulement de revoir leurs systèmes de rémunérations – salaires, primes et heures sups –, afin de dégager des marges pour financer des heures de décharge allouées aux enseignants en Zep.
En réalité, selon Brighelli, le ministre poursuivait en sous-main un tout autre dessein: «éradiquer enfin l’excellence». «Geneviève Fioraso et Vincent Peillon, écrit-il, ont décidé d’en finir avec les grandes écoles, cette exception française qui nous permet, bon an mal an, de dégager les élites qui font encore fonctionner notre vieux pays. Elitisme est un gros mot, désormais, comme chacun sait. La République des égaux n’a pas besoin de savants ! On a déjà entendu ça, à d’autres périodes plus sinistres»…
Si tout va à vau-l’eau, que faire pour reconstruire notre école ? Commentant à la fin du livre les programmes des partis sur l’éducation, Jean-Paul Brighelli explique qu’il est d’accord avec «la quasi-totalité» des propositions du Front national – retour à la méthode syllabique, à l’étude chronologique de l’Histoire de France, fin du «pédagogisme», tolérance zéro pour la discipline… «Le désespoir me prend parfois, après toutes ces années de combat stérile, conclut-il, et l’envie de me tourner vers le diable, si le diable me permet de sauver l’école». Au moins, ça a le mérite d’être clair.
Enfin quelques mots sur Michel Onfray. En pleine promo de son livreLa Passion de la méchanceté, il a fait une sortie finkielkrautienne sur France Inter. Au lieu de leur apprendre à lire et à écrire, a-t-il déclaré, «on apprend aux élèves à trier les ordures et la théorie du genre». On lui doit aussi ce matin-là : «Aujourd’hui ce sont les professeurs qui ont peur des élèves», «on n’arrive plus à noter car les notes sont fascistes»… Devant la finesse du propos, on reste sans voix.
Michel Onfray signe aussi un article, plus apaisé, sur le sujet dans le dernier numéro de l’hebdo, le Un. Le philosophe y parle de son enfance. Fils d’un ouvrier agricole et d’une femme de ménage, placé dans un orphelinat tenu par des pères salésiens, il raconte qu’il a eu «la chance d’apprendre à lire avec la méthode syllabique». Avant de connaître les méfaits du laxisme insufflé par mai 1968. Et à partir de là, tout a foutu le camp.
«L’apprentissage exige des vertus perdues: la modestie, la patience, la constance, la persévérance. Notre célèbre époque l’inverse : l’arrogance, l’impatience, l’inconstance, le caprice», écrit le philosophe. Ici, il rejoint le constat fait par «les pédagogues post-soixante huitards» sur les dangers de la culture de l’immédiateté et sur les problèmes de concentration des élèves.
Le résultat de tout cela, déplore-t-il, est qu’aujourd’hui une ascension grâce à l’école est impossible : «les enfants de pauvres font les frais de l’effondrement du système d’instruction et d’éducation français. Pour les autres, les parents se substituent à l’école défaillante». Et là, il n’a pas vraiment tort.
Véronique Soulé, journaliste à Libération, 15/09/2014
Comment sommes-nous devenus si cons? Alain Bentolila, éditions First, septembre 2014, 185 pages, 14,95 euros.
Tableau noir, Jean-Paul Brighelli, éditeur Hugo Document, août 2014, 16 euros.
La Passion de la méchanceté, Michel Onfray, éditeur Autrement, collection Contre-hist, août 2014, 180 pages.
le Un hebdomadaire, n°23, 2,80 euros. Michel Onfray.http://www.polemia.com/cest-classe/
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18 octobre : 7e Journée de la réinfo de la Fondation Polemia
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Pour mieux comprendre la Révolution Conservatrice allemande par Georges FELTIN-TRACOL
En dépit de la parution en 1993 chez Pardès de l’ouvrage majeur d’Armin Mohler, La Révolution Conservatrice allemande 1918 – 1932, le public français persiste à méconnaître cet immense ensemble intellectuel qui ne se confine pas aux seules limites temporelles dressées par l’auteur. Conséquence immédiate de la Première Guerre mondiale et de la défaite allemande, cette mouvance complexe d’idées plonge ses racines dans l’avant-guerre, se retrouve sous des formes plus ou moins proches ailleurs dans l’espace germanophone et présente de nombreuses affinités avec le « non-conformisme français des années 30 ».
Dans son étude remarquable, Armin Mohler dresse une typologie pertinente. À côté d’auteurs inclassables tels Oswald Spengler, Thomas Mann, Carl Schmitt, Hans Blüher, les frères Ernst et Friedrich Georg Jünger, il distingue six principales tendances :
— le mouvement Völkisch (ou folciste) qui verse parfois dans le nordicisme et le paganisme,
— le mouvement Bündisch avec des ligues de jeunesse favorables à la nature, aux randonnées et à la vie rurale,
— le très attachant Mouvement paysan de Claus Heim qui souleva le Schleswig-Holstein de novembre 1928 à septembre 1929,
— le mouvement national-révolutionnaire qui célébra le « soldat politique »,
— il s’en dégage rapidement un fort courant national-bolchévik avec la figure exemplaire d’Ernst Niekisch,
— le mouvement jeune-conservateur qui réactive, par-delà le catholicisme, le protestantisme ou l’agnosticisme de ses membres, les idées de Reich, d’État corporatif (Ständestaat) et de fédéralisme concret.
Le riche ouvrage d’Armin Mohler étant épuisé, difficile à dénicher chez les bouquinistes et dans l’attente d’une éventuelle réédition, le lecteur français peut épancher sa soif avec La Révolution Conservatrice allemande, l’ouvrage de Robert Steuckers. Ancien responsable des revues Orientations, Vouloir et Synergies européennes, animateur aujourd’hui de l’excellent site métapolitique Euro-Synergies, Robert Steuckers parle le néerlandais, le français, l’allemand et l’anglais. À la fin des années 1970 et à l’orée des années 1980, il fit découvrir aux « Nouvelles Droites » francophones des penseurs germaniques méconnus dont Ernst Niekisch. Il faut par conséquent comprendre ce livre dense et riche comme une introduction aux origines de cette galaxie intellectuelle, complémentaire au maître-ouvrage de Mohler.
Vingt-cinq articles constituent ce recueil qui éclaire ainsi de larges pans de la Révolution Conservatrice. Outre des études biographiques autour de Jakob Wilhelm Hauer, d’Arthur Mœller van den Bruck, d’Alfred Schuler, d’Edgar Julius Jung, d’Herman Wirth ou de Christoph Steding, le lecteur trouve aussi des monographies concernant un aspect, politologique ou historique, de cette constellation. Il examine par exemple l’œuvre posthume de Spengler à travers les matrices préhistoriques des civilisations antiques, le mouvement métapolitique viennois d’Engelbert Pernerstorfer, précurseur de la Révolution Conservatrice, ou bien « L’impact de Nietzsche dans les milieux politiques de gauche et de droite ».
De tout cet intense bouillonnement, seuls les thèmes abordés par les auteurs révolutionnaires-conservateurs demeurent actuels. Les « jeunes-conservateurs » développent une « “ troisième voie ” (Dritte Weg) [qui] rejette le libéralisme en tant que réduction des activités politiques à la seule économie et en tant que force généralisant l’abstraction dans la société (en multipliant des facteurs nouveaux et inutiles, dissolvants et rigidifiants, comme les banques, les compagnies d’assurance, la bureaucratie, les artifices soi-disant “ rationnels ”, etc., dénoncés par la sociologie de Georges Simmel) (p. 223) ».
La Révolution Conservatrice couvre tous les champs de la connaissance, y compris la géopolitique. « Dans les normes internationales, imposées depuis Wilson et la S.D.N., Schmitt voit un “ instrumentarium ” mis au point par les juristes américains pour maintenir les puissances européennes et asiatiques dans un état de faiblesse permanent. Pour surmonter cet handicap imposé, l’Europe doit se constituer en un “ Grand Espace ” (Grossraum), en une “ Terre ” organisée autour de deux ou trois “hegemons ” européens ou asiatiques (Allemagne, Russie, Japon) qui s’opposera à la domination des puissances de la “ Mer ” soit les thalassocraties anglo-saxonnes. C’est l’opposition, également évoquée par Spengler et Sombart, entre les paysans (les géomètres romains) et les “ pirates ”. Plus tard, après 1945, Schmitt, devenu effroyablement pessimiste, dira que nous ne pourrons plus être des géomètres romains, vu la défaite de l’Allemagne et, partant, de toute l’Europe en tant que “ grand espace ” unifié autour de l’hegemon germanique. Nous ne pouvons plus faire qu’une chose : écrire le “ logbook ” d’un navire à la dérive sur un monde entièrement “ fluidifié ” par l’hégémonisme de la grande thalassocratie d’Outre-Atlantique (p. 35). »
Robert Steuckers mentionne que la Révolution Conservatrice a été en partie influencée par la riche et éclectique pensée contre-révolutionnaire d’origine française. « Dans le kaléidoscope de la contre-révolution, note-t-il, il y a […] l’organicisme, propre du romantisme post-révolutionnaire, incarné notamment par Madame de Staël, et étudié à fond par le philosophe strasbourgeois Georges Gusdorf. Cet organicisme génère parfois un néo-médiévisme, comme celui chanté par le poète Novalis. Qui dit médiévisme, dit retour du religieux et de l’irrationnel de la foi, force liante, au contraire du “ laïcisme ”, vociféré par le “ révolutionnarisme institutionnalisé ”. Cette revalorisation de l’irrationnel n’est pas nécessairement absolue ou hystérique : cela veut parfois tout simplement dire qu’on ne considère pas le rationalisme comme une panacée capable de résoudre tous les problèmes. Ensuite, le vieux-conservatisme rejette l’idée d’un droit naturel mais non pas celle d’un ordre naturel, dit “ chrétien ” mais qui dérive en fait de l’aristotélisme antique, via l’interprétation médiévale de Thomas d’Aquin. Ce mélange de thomisme, de médiévisme et de romantisme connaîtra un certain succès dans les provinces catholiques d’Allemagne et dans la zone dite “ baroque ” de la Flandre à l’Italie du Nord et à la Croatie (p. 221). » Mais « la Révolution Conservatrice n’est pas seulement une continuation de la Deutsche Ideologie de romantique mémoire ou une réactualisation des prises de positions anti-chrétiennes et hellénisantes de Hegel (années 1790 – 99) ou une extension du prussianisme laïc et militaire, mais a également son volet catholique romain (p. 177) ». Elle présente plus de variétés axiologiques. De là la difficulté de la cerner réellement.
La postérité révolutionnaire-conservatrice catholique prend ensuite une voie originale. « En effet, après 1945, l’Occident, vaste réceptacle territorial océano-centré où est sensé se recomposer l’Ordo romanus pour ces penseurs conservateurs et catholiques, devient l’Euramérique, l’Atlantis : paradoxe difficile à résoudre car comment fusionner les principes du “ terrisme ” (Schmitt) et ceux de la fluidité libérale, hyper-moderne et économiciste de la civilisation “ états-unienne ” ? Pour d’autres, entre l’Orient bolchevisé et post-orthodoxe, et l’Hyper-Occident fluide et ultra-matérialiste, doit s’ériger une puissance “ terriste ”, justement installée sur le territoire matriciel de l’impérialité virgilienne et carolingienne, et cette puissance est l’Europe en gestation. Mais avec l’Allemagne vaincue, empêchée d’exercer ses fonctions impériales post-romaines, une translatio imperii (une translation de l’empire) doit s’opérer au bénéficie de la France de De Gaulle, soit une translatio imperii ad Gallos, thématique en vogue au moment du rapprochement entre De Gaulle et Adenauer et plus pertinente encore au moment où Charles De Gaulle tente, au cours des années 60, de positionner la France “ contre les empires ”, c’est-à-dire contre les “ impérialismes ”, véhicules des fluidités morbides de la modernité anti-politique et antidotes à toute forme d’ancrage stabilisant (p. 181) ». Le gaullisme, agent inattendu de la Révolution Conservatrice ? Dominique de Roux le pressentait avec son essai, L’Écriture de Charles de Gaulle en 1967.
Ainsi le philosophe et poète allemand Rudolf Pannwitz soutient-il l’Imperium Europæum qui « ne pourra pas être un empire monolithique où habiterait l’union monstrueuse du vagabondage de l’argent (héritage anglais) et de la rigidité conceptuelle (héritage prussien). Cet Imperium Europæum sera pluri-perspectiviste : c’est là une voie que Pannwitz sait difficile, mais que l’Europe pourra suivre parce qu’elle est chargée d’histoire, parce qu’elle a accumulé un patrimoine culturel inégalé et incomparable. Cet Imperium Europæum sera écologique car il sera “ le lieu d’accomplissement parfait du culte de la Terre, le champ où s’épanouit le pouvoir créateur de l’Homme et où se totalisent les plus hautes réalisations, dans la mesure et l’équilibre, au service de l’Homme. Cette Europe-là n’est pas essentiellement une puissance temporelle; elle est la “ balance de l’Olympe ” (p. 184) ». On comprend dès lors que « chez Pannwitz, comme chez le Schmitt d’après-guerre, la Terre est substance, gravité, intensité et cristallisation. L’Eau (et la mer) sont mobilités dissolvantes. Continent, dans cette géopolitique substantielle, signifie substance et l’Europe espérée par Pannwitz est la forme politique du culte de la Terre, elles est dépositaire des cultures, issues de la glèbe, comme par définition et par force des choses toute culture est issue d’une glèbe (p. 185) ».
On le voit, cette belle somme de Robert Steuckers ne se réduit pas à une simple histoire des idées politiques. Elle instruit utilement le jeune lecteur avide d’actions politiques. « La politique est un espace de perpétuelles transitions, prévient-il : les vrais hommes politiques sont donc ceux qui parviennent à demeurer eux-mêmes, fidèles à des traditions – à une Leitkultur dirait-on aujourd’hui -, mais sans figer ces traditions, en les maintenant en état de dynamisme constant, bref, répétons-le une fois de plus, l’état de dynamisme d’une anti-modernité moderniste (p. 222). » Une lecture indispensable !
Georges Feltin-Tracol
• Robert Steuckers, La Révolution Conservatrice allemande. Biographies de ses principaux acteurs et textes choisis, Les Éditions du Lore (La Fosse, F – 35 250 Chevaigné), 2014, 347 p., 28 € + 6 € de port.
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I-Media N°21 de la note
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Héros De Jeunesse N°01
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Les néo-conservateurs à la française par Jean NON CONFORME
Le néo-conservatisme pourrait se caractériser par un attachement aux « valeurs traditionnelles » et un rejet de l’islam sur le plan identitaire et géopolitique. C’est du moins sous cet aspect qu’il s’est popularisé aux États-Unis, parfaitement symbolisé par l’administration Bush. En France, de nombreux articles, plus ou moins bienveillants, se penchent désormais sur le sujet. Il est un fait désormais acquis qu’il existe un néo-conservatisme à la française. C’est un avatar de l’américanisation de notre pays, qui touche non seulement les modes de vie, mais aussi les modes de pensée et donc la politique. Si l’existence du F.N., et dans une moindre mesure, du Front de gauche, peuvent limiter à la marge le caractère bipolaire de la vie politique française, cela ne signifie pas que le néo-conservatisme ne se développe pas, principalement à droite. Les récents événements autour du mariage pour tous et les positions sécuritaires et anti-islam qui se développent en politique vont tout à fait dans le sens d’un néo-conservatisme à la française qui pourrait devenir le nouveau fond « idéologique » de la droite, qui serait opposé aux projets de la gauche sur la famille et le multi-culturalisme. Cet article ne nie pas les aspects positifs des mobilisations ayant eu cours ces derniers mois et nous faisons une très nette distinction entre le militantisme acharné, souvent courageux, et respectable de nombreuses personnes, souvent jeunes, et les leaders qui n’ont jamais fait de mystères sur les basses volontés de récupération politique. Alors qu’Aymeric Chauprade vient de publier une tribune déroutante et que L.M.P.T. reprend ses activités en octobre, il m’a semblé nécessaire de publier ce texte que j’avais initialement destiné à être mis au rebut de mon ordinateur et que j’ai actualisé à la lumière des derniers événements.Les catholiques français, des protestants américains ?Pas de néo-conservatisme américain sans protestants, pas de néoconservatisme à la française sans catholique.Autant le préciser d’emblée, les lignes qui vont suivre ne sont ni antichrétiennes, ni anticatholiques, ni même, d’ailleurs, anti-protestantes. Nous allons tenter d’établir un parallèle entre les W.A.S.P. et les catholiques français. Exercice périlleux ? Sûrement. Mais regardons de plus près.La Manif pour tous, sur laquelle nous reviendrons plus bas, a été l’occasion de faire « renaître » la France catholique sur le plan politique. Si nous autres, militants politiques, n’étions pas étrangers à la présence d’activistes catholiques, il s‘agissait bien souvent de catholiques « tradi », fortement liés aux idéologies nationalistes (maurrassienne, entre autre). Mais nous n’avions pas vraiment l’habitude de côtoyer les « autres », cette masse catholique, majoritaire, qui se mêlait alors peu de politique à l’exception de quelques associations ridicules, comme celle de Christine Boutin destinée à faire interdire le festival métal de Clisson, le Hellfest (combat prioritaire, n’est-ce pas ?).Ces échanges furent assez « édifiants » sur une partie de la population alors présente : obsédés par les questions sociétales et par les « mœurs » elle est autant prompte à se mobiliser contre le mariage homo qu’elle est muette et absente contre l’immigration de masse ou pour soutenir les Français qui perdent leurs emplois. À l’instar des protestants américains, en première ligne sur l’avortement, l’homosexualité et le genre, certains catholiques français ne se mobilisent pas, dans une immense majorité, sur d’autres thèmes. Tout comme les W.A.S.P. qui font de la victoire des « Républicains » contre les « Démocrates » leur unique cheval de bataille politique, certains catholiques français mettent un point d’honneur à faire dégager Hollande alors que nombreux sont ceux qui garnissent les officines U.M.P.istes pro-Sarkozy ou des partis centristes à tendance européiste.Principalement issus de la bourgeoisie, le programme pour les enfants est déjà tracé : filières internationales et écoles de commerce. La réussite avant tout. Comme nos protestants pour qui la réussite sociale par le « travail » est un impératif social, moral et eschatologique. La réussite dans le système capitaliste serait-elle une preuve de la bienveillance de Dieu ? La philosophie personnaliste au service du dieu argent. Ils sont loin nos « catho tradi », pétris de culture savante et antique, lecteurs d’Homère, d’Aristote ou de Platon, fiers officiers de l’armée française. Aujourd’hui c’est J.M.J. pour la bourgeoisie blanche catholique post-conciliaire. Le catholicisme qui a forgé Primo de Rivera, Codreanu, Bernanos, Jünger ou encore Bloy et Péguy laisse place aux drapeaux roses et bleu ciels de L.M.P.T.La L.M.P.T., un Tea Party à la française ?Il est fréquent d’entendre dire que L.M.P.T. est un « Tea Party » à la française. C’est-à-dire une sorte de lobby conservateur qui tente d’influencer la droite mais dont la forme se veut assez moderne et « jeune ». C’est vrai que c’était quand même déroutant cette Manif pour tous, drapeaux roses et bleu ciel, musique techno, « happening », tous les modes de séduction et de communication issus des « shows » à l’américaine ont été déployés pour s’opposer au mariage homo ou garnir les manifs anti-avortement. Festivus festivus (Muray) contre la « culture de mort » et la reprogrammation du cerveau de nos gosses. Curieux. On a du mal à voir comment on pourrait œuvrer contre la destruction de la famille et de l’enfant sous fond de musique pop et techno. L.M.P.T. est le fruit pourri du système, en cela il se meut selon les codes du système, notamment le bougisme et la festivité. Or c’est précisément l’américanisation de notre pays qui détruit notre âme.L’américanisation de la vie politique pose au moins deux problèmes.D’une part elle implique l’impossibilité de bâtir notre propre alternative au système en essayant de trouver les solutions au sein même du système, en l’influençant par un lobbying important (comme la fameuse charte de L.M.P.T.). Dans le cadre de L.M.P.T. on pourrait voir cela comme ça : plutôt que de créer nos écoles, on fait du lobbying sur l’école républicaine. Bien que je sois partisan du fait de ne pas lâcher de terrain au système, notre prise sur les événements est à peu près nulle et ce qu’il faut c’est assécher le système. À ce titre les théories anarchistes seront bien plus intéressantes au militant de l’ultra-droite que les littératures nostalgiques ou les manuels de marketing (politique). D’ailleurs l’anarchisme chrétien a un temps d’avance dans la réflexion (sur l’éducation, la monnaie, par exemple). Relisez Anarchie et Christianisme de Jacques Ellul.D’autre part, elle renforce le cadre bipolaire, opposant un projet « de gauche » à un projet « de droite » alors qu’il a été mainte fois démontré que s’il existe probablement une « droite des valeurs », il n’y a pas de différence de fond entre la droite et la gauche dans l’avancement de l’offensive du Capital. Il est donc difficile d’édifier un front révolutionnaire, anti-système, si nous devons composer avec une droite attachée à ces privilèges de classe. Il ne s’agit pas ici de rhétorique marxiste mal dégrossie, mais d’un constat. Le vote de droite est encore largement animé par des intérêts de classe. Il y a encore un bon tiers de Français qui votent « à droite » uniquement car ils sont contre la politique économique « de la gauche » : taxation des hauts revenus, taxations du capital, taxation des retraités, augmentation des minima sociaux et des avantages des fonctionnaires. Pourtant les politiques de droite et de gauche font essentiellement peser le coût de la dette sur les classes moyennes et Hollande mène une politique anti-sociale.Si derrière ce grand mouvement de plusieurs centaines de milliers de personnes, certains ont pu y voir une mobilisation du peuple français contre les plans de l’oligarchie, le temps leur aura donné en grande partie tort. À l’exception du Printemps Français qui a musclé le discours et embrassé une grande diversité de thème, une bonne partie de L.M.P.T. n’est devenue qu’une excroissance de la droite molle de gouvernement, comme le montre le ralliement de nombres d’entre-eux à l’ancien parti de Jean-François Copé et ce malgré les annonces comme quoi l’U.M.P. ne reviendra pas sur le mariage pour tous. D’autres se sont lancés en politique, et se sont présentés aux européennes pour le mouvement de Christine Boutin pour défendre les « valeurs ». De quoi aider à recomposer la droite, mais certainement pas de quoi mettre à mal le système. On comprend mieux la distance critique du F.N. à ce sujet qui très vite a sûrement compris ce qui se tramait. Aucun discours sur la reprise de la souveraineté. Aucune attaque contre l’oligarchie mondialiste. Par contre chez certain, un rejet sans nuance de l’islam, partagé par l’ensemble du spectre des droites et qui est dans la ligne du néo-conservatisme américain qui a historiquement activé et nourri cette opposition. Ajoutons à cela les drapeaux européens qui flottent au vent alors que certains drapeaux régionaux ou nationaux sont interdits. Un beau cocktail pour constituer la droite forte systèmo-compatible, ou cette droite qui veut l’économie capitaliste sans la marchandisation des femmes et des gosses. Au même titre que la gauche veut la marchandisation des femmes et des gosses avec la G.P.A. et la P.M.A. mais sans le capitalisme d’entreprise. Ou ceux qui veulent l’immigration sans l’islam. Comme les autres veulent la fin du dumping social tout en encourageant l’immigration. Tout cela paraît bien incohérent.L’islam et l’insécurité, les deux mamelles du reniement ?Il faut également constater que le discours sur les valeurs et la civilisation s‘accompagne d’un discours sur l’islam. L’islam a remplacé dans la mythologie de droite et d‘extrême droite les communistes. Or il a été mainte fois démontré la collusion entre l’Occident et les pétro-monarchies ou encore le rôle trouble de la C.I.A. dans l’émergence d’Al-Qaïda (n’est-ce pas Aymeric Chauprade qui utilisait l’expression Islamérique ? [N.D.L.R. Europe Maxima : l’expression revient en fait à Alexandre Del Valle]). Il est certain qu’un danger ne peut qu’exister si on fait tout pour le renforcer et lui donner un corps. Au même titre que le « péril communiste » n’était que le fruit de la stratégie des alliés de choisir l’U.R.S.S. au détriment de l’Axe n’en déplaise à nos tartuffes patriotards. Et à ce jeu-là le système a été très fort, même pour nous qui sommes sur une ligne qui ne confond pas l’islam et l’islamisme et qui fait la part des choses, il devient de plus en plus évident que cette distinction s‘atténue à mesure que les musulmans se soudent contre les discours simplistes des vipères du choc des civilisations. Plus les anti-islams (qui ne sont pas forcément issus du camp national) s’évertuent à lutter contre l’islam de façon caricaturale, plus l’islamisme se renforce et recrute chez les jeunes en rupture avec le système. C’est ainsi qu’en Irak, des anciens baassistes se sont ralliés à l’E.I.I.L., que le Hamas a pris le contrôle à Gaza et que l’islamisme progresse dans nos banlieues et nos prisons. Ainsi aujourd’hui la plupart des discours sur l’islam sont orientés sur la laïcité et sur l’immigration choisie. Alors que le problème de fond demeure le même : la submersion migratoire. Mais comme l’immigration demeure utile au patronat et qu’une partie du système convient à en former une partie pour être les relais zélés du Capital dans leur communauté, il n’est pas décidé à combattre le problème.À ce discours sur l’islam s’adjoint un discours sur l’insécurité. Là aussi, au lieu de remettre en cause le système, on lui demande de nous aider : et vas-y que je te vote une loi « contre la burqa » qui est aujourd’hui plus utilisée contre les manifestants masqués que contre les salafistes. Et vas-y que je veux des caméras de sécurité histoire que la population soit bien fliquée. Et vas-y que ça se plaint de pas pouvoir consommer tranquillement ces merdes américaines à cause des méchantes racailles. Trop dur de pas pouvoir faire les soldes pénard. C’est vrai ça ! Merde quoi ! On peut pas acheter des fringues de merde fabriquées par un gosse indien de six ans à cause des Arabes. Trop dur la life ! Puisque depuis 68 il faut jouir sans entrave, la racaille est devenue une entrave pour l’hédoniste de droite. Alors que le problème est tout autre : c’est le grand remplacement.Et là aussi, vous croyez que notre néo-con va vous parler remigration ? Va vous parler de la barbarie du capitalisme, mais non, mais non : plus de police, plus de caméra, plus de lois répressives. Le paradis sur Terre. Le bonheur à la Big Brother.Le choix d’Israël… et de la Russie, vers un néo-conservatisme sans les États-Unis ?Pour lutter efficacement contre « ses musulmans qui nous emmerdent », le néo-con patriotard a eu une autre idée de génie : et s’il devenait pro-israélien ? En voilà une idée qu’elle est bonne. Le simple fait que des organisations dirigées par des binationaux franco-israélien aient œuvré depuis quarante ans à empêcher toute révolte identitaire et à favoriser la submersion migratoire, cela ne semble pas lui avoir traversé l’esprit. Non, ce que voit le néo-con patriotard c’est que Tsahal nous la joue « Plomb durci » et « Bordure protectrice » sur les Arabo-musulmans. Mais si, vous savez, les potes de ceux qui cassent tout quand ils manifestent au lieu de demander tranquillement avec des fleurs qu’on arrête de bombarder des écoles. En plus casser, c’est mal. Sauf quand c’est ceux qui ont le droit, comme l’armée ou la police. En plus Israël c’est la démocratie. On peut aller à la plage, porter des mini-shorts, discuter de sujets futiles dans des débats télévisés et aller en boîte. Y a pas à dire, c’est le poste avancé de la civilisation !Mais Israël n’est pas le seul pays à susciter l’admiration de nos amis, la Russie de Poutine est source de fantasme à faire passer Sasha Grey pour une vieille morue. Poutine, c’est le mec qui voulait buter les Tchétchènes jusque dans les chiottes. En plus il pose avec des armes à feu, fait des sports de combat et tous ces trucs bien virils qui plaisent à l’Occidental qui de son côté baisse les yeux et courbe l’échine. En plus Poutine est contre le mariage homo ! C’est mieux que Hollande quand même ! Là où ça devient intéressant, c’est que cette alliance doit nous permettre d’être indépendant des États-Unis, nous allons y revenir plus bas. Notre ami a encore une idée de génie : puisqu’on est soumis aux U.S.A., ce qui est tout à fait juste et démonte au moins un esprit gaullien, pourquoi ne pas devenir dépendants de la Russie ? Devenir dépendant d’un pays qui nous approvisionne en gaz et en pétrole et qui peut boycotter sans sourciller notre agriculture déjà moribonde, en voilà une idée ! Là encore : la simple idée de sortir de la société du pétrole, de repenser notre consommation d’énergie et de se questionner sur les énergies du futur n’est pas au programme puisque l’écologie, c’est un truc de gauchiste !Et ce qui ne manque pas de sel c’est ce qui va suivre. Alors que Chauprade nous écrit dans sa tribune : « Certes Israël est aujourd’hui encore très lié aux États-Unis mais ceux-ci commencent à s’en détourner et Israël adopte une posture multipolaire en construisant des relations fortes avec la Russie, l’Inde, la Chine. »Je lis dans la même journée au détour de mes pérégrinations un texte d’Israël Shamir où ce dernier écrit ça : « La semaine dernière [en juin 2014], l’historien militaire israélien Martin van Creveld est passé par Moscou. En 2003, il s’était rendu célèbre en menaçant l’Europe d’anéantissement nucléaire (l’option “ Sanson ”) en disant : “ Israël a la capacité de couler le monde entier avec nous, et c’est ce qui va se passer, avant qu’Israël se soumette à d’autres ”. Cette fois-ci il a expliqué aux Russes la nouvelle politique israélienne : tandis que les U.S.A. entrent dans leur déclin, Israël doit diversifier et consolider ses projets en se rapprochant de Moscou, de Pékin et de Delhi, a-t-il écrit dans le quotidien Izvestia. »Et là, comme qui dirait, la boucle est bouclée. Si Chauprade et Shamir disent la même chose à deux mois d’intervalle, on peut considérer que cette dynamique est à prendre en considération.Voilà ce qu’écrivait Arnaud de Robert en mars [2014] : « Il s’agit ici de comprendre chers camarades que ce qui entoure la crise ukrainienne n’est un enfumage de première bourre. Le scénario qui nous est joué a déjà été scellé par avance. Vladimir Poutine, les Serbes, les Chinois et autres non-alignés de circonstances sont dans le Système. Leur apparente opposition qui s’habille de conservatisme et de valeurs morales (à la George Bush finalement) n’a qu’un objectif : faire reconnaître leur place par l’Oligarchie. Partout dans le monde, le seul système qui s’instaure est celui de l’autoritarisme libéral, ligne partagée par notre futur président Nicolas Sarkozy. »Le fait que Poutine incarne un néo-conservatisme à la russe (avec l’orthodoxie comme socle religieux) est d’ailleurs tout à fait probable. Avec le même acharnement à combattre les « nationalistes » que ne le font les néo-cons partout où ils sont. Poutine défend une ligne à la fois libérale sur le plan économique, conservatrice sur le plan des mœurs et autoritaire sur le plan politique.Guillaume Faye avait déjà préconisé cette alliance à la fois israélienne et russe.L’union des droites ou le tombeau du nationalismeIn fine ce qui se trame chez nous c’est sûrement l’union des droites (ou des patriotes) impliquant des individus allant de la droite forte au mouvement identitaire en passant par le F.N. et d’autres officines plus confidentielles autour des éléments suivant : la lutte contre l’islam, l’immigration choisie et la remigration des indésirables (criminels, jihadistes, etc.), l’alliance avec Israël et avec la Russie, la défense des « valeurs » familiales.L’union des droites, ce n’est pas le nationalisme. D’ailleurs la lutte contre le mariage homo, la G.P.A. et la P.M.A. ce n’est pas non plus du nationalisme en tant que tel. La nation c’est d’abord un projet avant d‘être une succession de rejets. La nation doit défendre l’intérêt général et l’intérêt général passe par des familles « traditionnelles » qui font des enfants sans recourir à des mères porteuses (rencontre du Marché, de la Science et de la Technique). Car la nation doit non seulement limiter les effets du Marché, mais aussi ceux de la Science et de la Technique. Rien de rétrograde là-dedans. Pas d’économie au service des hommes sans primat du politique, pas de science sans conscience et pas de technique sans contrôle.La principale inquiétude que nous pouvons formuler c’est l’incapacité pour les nationalistes révolutionnaires à avoir su définir un projet qui soit dépassionné des questions morales et qui ne soit pas réactionnaire. Le nationalisme ce n’est pas la morale. Ou alors seulement la morale au sens de Kropotkine (entraide et coopération) ou Orwell (décence commune). Ensuite les nationalistes ont été incapables d’être jusqu’à présent autre chose que les supplétifs de la droite. Service d’ordre, agitation, actions coup de poing, mais jamais sur la tribune pour défendre notre vision de la nation. Je ne veux pas d’une union des droites où la bourgeoisie tient les manettes parce qu’elle possède le Capital et où le prolétariat nationaliste révolutionnaire ne sert que de « gros bras » avec pour hochet une lutte contre l’islam et l’insécurité.Le point positif des derniers événements aura sûrement été le ralliement d’une partie de la jeunesse a des mouvements plus radicaux et d’avoir su dépasser le cadre de la lutte balisée par le système.ConclusionSi le néo-conservatisme à la française paraît bel et bien exister et s’inspire de ce qui se fait aux États-Unis dans son idéologie de base comme dans ses méthodes. La tribune d’Aymeric Chauprade reprend la plupart de ses points : le socle catholique, la lutte totale contre l’islam, l’orientation vers Israël et la Russie. Le nationalisme révolutionnaire quant à lui semble toujours bien morne. Nous ne devons pas être la queue de comète « ultra » d’une union des droites ou de néo-conservateurs quelconques mais affirmer notre projet, nos principes et nos idées. Radicalement anti-capitalistes, pleinement français et européens.Jean Non Conforme• D’abord mis en ligne sur Cercle non conforme, le 14 août 2014. -
Les Hussards, une école littéraire ?
Sûrement pas. Ils disent tous en tout cas leur hantise d’être rangés sous la même bannière. Par souci de singularité, sans doute : les « Hussards » cherchent à réhabiliter le moi, à rappeler son irréductibilité à de simples catégories politiques dans une époque où le collectif est censé compter plus que tout. Face au « nous » de la gauche intellectuelle, les « Hussards » posent leur « je » - et leur « jeu » contre l’esprit de sérieux des professeurs de moralité littéraire.
Alors « Hussard », également, Michel Déon, collaborateur à La Table Ronde et La Parisienne, auteur du mémorable Je ne veux jamais l’oublier en 1950. « Hussard », enfin, et non des moindres. Antoine Blondin, le noble vagabond de bistrot dont l’esprit de dérision et le goût du jeu de mots subtil viennent colorer d’une ivresse joyeuse et désespérée les lettres françaises. Un remède à la dépression : Un singe en hiver. Ça campe assez bien le personnage : Blondin, c’est l’éloge de la liberté chanté dans les vapeurs de l’éthanol.
Qu’est-ce qui rassemble les « Hussards », finalement ? Vus de loin, ils collaborent aux mêmes revues, un peu antirépublicaines, il est vrai, parfois... De là à dire qu’elles sont tendancieuses... question de point de vue. Pas le mien. Mais la nouvelle République proclamée en 1946 ne les enchante pas vraiment. Il faut lire le Grand d’Espagne de Nimier pour se faire une petite idée : « Telle était notre République. Elle était dure, oui, comme le plâtre et les fards séchés sur le visage d’une vieille maquerelle. Et pure, parce que personne, depuis longtemps, ne voulait y toucher ». Faut dire que, formés à l’Action Française dans leur jeunesse, ils ne pouvaient pas vraiment passer à côté des thématiques de la droite littéraire antiparlementaire. Démocrates les « Hussards » ? Je ne dirai pas que c’est le meilleur adjectif qui les définisse. La démocratie, pour eux, c’est la loi du nombre, donc la loi des cons. « Ô race criarde, acharnée à se prouver qu’elle est terrible quand elle est juste ennuyeuse (...). Cette agitation sans suite, ces émotions, ces hurlements dans le vide me les dépeignent parfaitement. Je sais comment ils sont et je sais comment je suis. Ce mépris qui vous racle la gorge et cette terreur soudaine d’être confondu parmi eux ».
Non, les « Hussards » n’ont pas pour modèle la Révolution et les grands idéaux abstraits des Lumières. Sauf pour en faire des confettis : « la révolution de 89 a des causes frivoles, comme la mauvaise rentrée des impôts, la faiblesse du roi, l’argent anglais. Je voudrais maintenant parler ici des motifs sérieux. On peut dire, par exemple, que les français étaient amoureux de la reine et ne lui pardonnaient pas de la voir flirter avec des étrangers ». Leur truc, c’est pas vraiment le moderne, auquel ils reprochent son inconstance – son imposture, pour reprendre une idée de Bernanos, père spirituel de Nimier. C’est plutôt avec le passé qu’ils entretiennent un rapport privilégié, en nourrissant une forme de nostalgie. Ils sont, à l’instar du héros éponyme d’Antoine Blondin, des Monsieur Jadis, et recherchent dans un héritage moins politique que moral, religieux et littéraire de quoi tromper leur ennui et leur écœurement : « Nous sommes jeunes, il est vrai, et je me demande comment nous, qui avons eu vingt ans à l’époque de la déroute, du marché noir et de la dissidence, saurions qu’il existe du courage si nous ne l’avions lu dans les livres. C’est donc à leur témoignage qu’il nous faut nous référer, sinon pour entreprendre la révolution, du moins pour y croire ».
Pierre Poucet, Les Hussards, cavaliers des Arts et Lettres
http://www.oragesdacier.info/2014/09/les-hussards-une-ecole-litteraire.html