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culture et histoire - Page 1503

  • Les vertus, l’amitié et la vie heureuse dans l'Ethique à Nicomaque

    A. Sagesse, prudence et tempérance 

    Il faut maintenant en venir aux vertus intellectuelles qui sont les plus hautes. La prudence s’oppose à la sagesse qui est fondée sur la science. La véritable science procède par syllogismes à partir des principes, alors que la prudence n’est une science que « par accident », puisqu’elle ne connaît que les conclusions. La prudence est une vertu utile pour diriger la famille ou la cité, elle est la capacité à conjecturer, donc à connaître les conclusions sans pouvoir remonter aux principes. 

    La science vient au premier rang, car elle s’accompagne de démonstration et porte sur les choses qui, existant nécessairement, ne peuvent être objet de délibération. Inversement, la prudence est seulement « une disposition, accompagnée de règle vraie, capable d’agir dans la sphère de ce qui est bon ou mauvais pour l’être humain ». La prudence a rapport aux choses humaines et « aux choses qui admettent délibération ».

    B. Tempérance et plaisir 

    Si la tempérance est une vertu tellement importante, c’est parce qu’elle est la vertu qui permet la conservation de la prudence. L’intempérance n’est pas équivalente à la poursuite des plaisirs, car il faut distinguer entre les plaisirs qui sont nécessaires et ceux qui ne le sont pas. Plus généralement, les plaisirs qu’il faut fuir sont les plaisirs qui peuvent être accompagnés de douleur.

    « Ceux qui identifient le plaisir avec le bien » ont tort. En effet, si le plaisir est un bien, il n’est pas démontré qu’il est le bien suprême. Le plaisir ne peut pas être le bien suprême puisqu’une vie de plaisir et de sagesse est supérieure à une vie de plaisir sans sagesse. Si le composé a plus de valeur que le simple, c’est que le plaisir et le bien sont différents.

    Mais la condamnation du plaisir est si manifestement contraire à notre nature que les discours en ce sens resteront impuissants quelles que soient les intentions qui les inspirent. Une distinction raisonnée des plaisirs est nécessaire : 1) on ne peut s’en tenir à la recherche du plaisir ; 2) il y a des distinctions entre les plaisirs (certains sont à rejeter absolument) : il y a des plaisirs qui ont une cause noble et d’autres, une cause infâme ; 3) le plaisir ne se confond pas avec le bien et tout plaisir n’est pas désirable.

    Les différences spécifiques entre les plaisirs 

    Il y a un type de plaisir propre à chaque activité. Le plaisir propre est celui qui accroît l’activité. Celui qui aime les mathématiques se consacrera entièrement aux mathématiques. De même il y a une douleur propre.

    Le plaisir sera qualifié de bon ou mauvais suivant la qualification morale des activités. Le plaisir lié à une activité vertueuse comme l’étude est un bon plaisir. Les plaisirs varient selon les espèces et, au moins dans l’espèce humaine, selon les individus. Le problème est donc de déterminer ceux des plaisirs qui conviennent à l’homme complet et bienheureux.

    C. L’amitié

    Dans le système des vertus, l’amitié prend une place particulière. Puisque l’éthique a une dimension sociale, l’amitié permettra cette articulation de la relation interindividuelle et de la vie sociale dans son ensemble.

    De tous les biens, l’amitié apparaît comme l’un des plus importants. Tous les autres biens que nous pouvons posséder sont vains dès lors que nous n’avons pas d’amis. Mais l’amitié vraie est celle des hommes vertueux, car elle échappe à tout calcul ; elle est uniquement le partage des joies et des peines de ceux qui se livrent à la connaissance. L’amitié fondée sur l’attente d’avantages réciproques n’est pas une véritable amitié.

    L’amitié revêt deux formes principales. La plus commune est l’amitié qui existe entre égaux ; mais il peut aussi y avoir de l’amitié entre un supérieur et un inférieur. Là encore, comme dans toutes les vertus, règnera une sorte d’égalité, mais cette fois d’égalité proportionnelle car « l’affection est fonction du mérite des parties ». Autrement dit, les règles de l’amitié se rapprochent de celles de la justice.

    C’est pourquoi il est normal que « la justice croisse en même temps que l’amitié, attendu que l’une et l’autre existent entre les mêmes personnes et possèdent la même extension ». Ainsi l’amitié apparaît comme une vertu proprement politique qui se développe en même temps que se renforce la cité, car aucune communauté humaine ne peut exister sans qu’il y ait quelque amitié entre ses membres.

    D. Le problème du bonheur ; bonheur et divertissement 

    Le bonheur n’est pas le divertissement ou le jeu. Le divertissement est une activité qui peut être recherchée pour elle-même, mais c’est une activité qui peut conduire à négliger son corps ou sa maison. Le divertissement est condamné comme puéril. Il n’est admis qu’au même titre que le repos. Il n’est donc pas une fin, mais sa fin est l’activité.

    On le voit : le bonheur ne va pas sans sérieux. Les choses sérieuses ont plus de valeur que les choses amusantes. Donc la vie heureuse ne peut être que dans les choses sérieuses.

    Le bonheur va se diviser en deux, suivant le type de vertu mis en jeu : 1) le bonheur comme activité conforme aux vertus intellectuelles ; c’est la contemplation, c’est-à-dire le genre d’activité le plus conforme aux plus hautes exigences de l’âme ; 2) le bonheur comme activité conforme aux vertus morales ; c’est la prudence qui est orientée vers la vie pratique, c’est-à-dire la praxis sociale.

    En effet, le bonheur est l’activité conforme à la vertu. Donc le bonheur est l’activité conforme à la partie la plus haute de l’homme. Cette partie est celle qui, en nous, est la plus divine. L’activité de cette partie de l’âme est la contemplation. Le bonheur parfait est contemplation.

    L’éthique est pratique. C’est pourquoi « on voit le législateur accorder son attention à la fois à l’éducation et au genre de vie des citoyens ». Vivre dans une cité régie par des bonnes lois, c’est le meilleur moyen d’acquérir les dispositions nécessaires à la vie morale, car « l’éducation publique s’exerce évidemment au moyen des lois et seulement de bonnes lois produisent une bonne éducation ».

    Þ On recommandera tout particulièrement les livres VIII et IX consacrés à l’amitié. Sur la prééminence de la vie contemplative, voir le livre X, 7-8.

    L’Ethique à Nicomaque parvient ainsi à sa fin propre : l’éthique est subordonnée à la science politique et la recherche de la vie heureuse est presque impossible si on ne vit pas dans une cité gouvernée par des lois justes. On ne peut manquer d’être frappé par la force encore si vive de la pensée morale d’Aristote, qui unit d’un côté, l’élévation de l’âme et la recherche d’un idéal de sagesse sublime – celui de la science désintéressée et de la contemplation – et un, d’un autre côté, un souci de la vie pratique qui ne se dément jamais. On a une éthique eudémoniste, orientée par la recherche du bonheur, mais un bonheur qui prend racine dans le souci de l’autre et trouve une de ses plus belles expressions dans l’amitié. Enfin, on doit noter l’actualité d’une pensée qui pose les plus redoutables questions de la théorie de l’action dans les termes qui sont encore très largement les nôtres.

    Source : http://www.lenuki69.com/article-ethique-a-nicomaque-d-aristote-presentation-generale-60235810.html

    http://www.oragesdacier.info/2014/09/les-vertus-lamitie-et-la-vie-heureuse.html

  • [Archives] Sur les traces de Jeune nation : Pierre Sidos et l'Oeuvre française en 1980

  • Frédéric le Grand, chef de guerre

    De son vivant, Frédéric-Guillaume se lamentait d’avoir un fils si peu intéressé par la chose militaire, préférant s’instruire en cachette de choses inutiles et de mener une vie de « mignon », à l’instar de son grand-père, Frédéric Ier. Pourtant, lorsque le jeune Frédéric monte sur le trône à la mort de Frédéric-Guillaume, la légèreté va laisser place à un sens du devoir et du dévouement peu commun envers la patrie, mue par un pragmatisme politique et militaire qui permettra à ce jeune souverain, ce « Salomon du Nord » comme l’appelait Voltaire, de faire entrer la Prusse dans le concert des Nations européennes.

    Petite histoire de la Prusse avant Frédéric II

    L’histoire de la Prusse médiévale et moderne est une histoire complexe, tout autant que celle du Saint Empire, auquel elle a longtemps été affiliée. Prusse et Marche de Brandebourg, les deux provinces qui composent le royaume de Prusse lors de l’accession de Frédéric, ont longtemps connu une histoire séparée, qu’il serait bien trop long de détailler ici.[1]

    Trois souverains ont marqué l’histoire de la Prusse à la période qui nous intéresse. Frédéric III d’abord, grand-père de Frédéric le Grand. Par son alliance avec le Saint-Empire et la maison de Habsbourg, il obtient en 1701, avec l’approbation de l’empereur d’Autriche Léopold Ier, le titre royal et prend le nom de Frédéric Ier « Roi en Prusse ». Oui, « roi en Prusse », car au départ Frédéric Ier n’est « que » roi de la province Prusse. En dehors de ce territoire, il reste, entre autre chose, margrave de Brandebourg. Le passage du titre de « roi en Prusse » à celui de « roi de Prusse » n’est en fait qu’un glissement sémantique, aucun événement particulier n’ayant marqué ce passage. L’habitude faisant, on ne parlera plus que d’un royaume, le royaume de Prusse, composé grosso modo[2] du Brandebourg, capitale Berlin et siège du pouvoir, et de la Prusse orientale, capitale Königsberg.

    C’est ensuite Frédéric-Guillaume Ier, fils de Frédéric Ier, qui laisse un héritage conséquent à la Prusse. Frédéric-Guillaume est l’antithèse de son père. Si ce dernier aimait plus que tout la vie de cour et la frivolité, voulant imiter le grand souverain de son temps qu’était Louis XIV, Frédéric-Guillaume lui, est un être plutôt austère, sévère, préférant la compagnie de ses généraux à celle des courtisans. Cela lui vaudra d’ailleurs le surnom de « roi-sergent » : bien qu’il ne mena aucune guerre, Frédéric-Guillaume entretint une armée extrêmement disciplinée et bien équipée. Grand administrateur, Frédéric-Guillaume stoppa net le train de vie de la cour de Prusse une fois son père mort, privilégiant le développement de son État, la création d’une administration centralisée et efficace, ainsi que d’une armée performante capable de défendre son royaume. Le troisième souverain est, bien entendu, Frédéric II.

    Frédéric II, un enfant idéaliste…

    Frédéric II naît le 24 janvier 1712. Il est l’aîné d’une famille de dix enfants, quatre garçons et six filles. L’enfance de Frédéric est une douloureuse expérience. Son père, très autoritaire, refuse que le jeune garçon suive des études classiques, souhaitant qu’il reçoive l’éducation minimum lui permettant de gérer un État. Pas de langues mortes, pas d’histoire antique, encore moins de philosophie ou de littérature. Ces matières, Frédéric les apprendra en cachette, avec la complicité de son précepteur, qui mettra des livres en français à sa disposition.

    Frédéric ne supporte pas son père, qui ne se gène pas pour l’humilier devant ses officiers, en se moquant ouvertement de son air efféminé. La souffrance endurée le conduira à tenter de s’enfuir en Angleterre avec son ami le plus proche — et amant ? —, Hans von Katte, via le Hanovre, où règne son oncle maternel George II. Mais à la veille du départ, c’est le drame. Le projet arrive aux oreilles du roi de Prusse, qui fait enfermer les jeunes gens à la forteresse de Küstrin. Katte est condamné à mort et est exécuté sous les fenêtres de Frédéric, intentionnellement. Craignant pour sa vie, Frédéric n’a d’autre choix que de se soumettre à la volonté de son père. Celui-ci, malgré le serment d’obéissance que lui prête son fils, ne lui fait plus confiance, et ne change en rien ses brimades. Mais Frédéric tient bon. Il veut se racheter.

    Il en vient à apprendre l’art de la guerre auprès d’officiers de son père, qui lui enseignent les bases du commandement. Au bout d’un moment, on lui confie le commandement d’une petite unité de la Garde, qu’il commande avec un réel talent, et finit contre toute attente à prendre goût à la chose, pour le plus grand plaisir de son père.

    Ce dernier, qui avait placé son fils en résidence surveillée depuis l’incident, relâche quelque peu son emprise et autorise son fils à aller s’installer à Rheinsberg, vers la fin de l’année 1736, où Frédéric entrevoit pour la première fois, et selon ses propres mots « le visage du bonheur ». C’est durant cette période de quiétude, qui durera quatre ans, qu’interviennent deux évènements importants dans la vie de Frédéric : sa correspondance avec Voltaire et la rédaction de l’Antimachiavel.

    C’est une œuvre importante que cet Antimachiavel. Frédéric le rédige en réponse à la sa lecture du Prince, « un livre abominable » selon lui. Le texte reprend la construction de l’œuvre de Nicolas Machiavel, en vingt-six points, où Frédéric s’attache à démonter les arguments du Florentin. On y trouve notamment une critique de l’absence totale de morale chez Machiavel, pour qui la défense de l’État passe au-dessus de toute autre considération, la dénonciation de la guerre de conquête due à la vanité d’un seul homme au dépend du bien-être de son peuple…

    C’est le portrait type du « despote éclairé » que peint ainsi Frédéric dans son manifeste. C’est d’après ce principe qu’il entend régner plus tard, un règne de raison et de justice. Hypocrisie ? Lorsque l’on sait que Frédéric envahit la Silésie l’année de son accession au trône, et ce sans déclaration de guerre, on est en droit de le penser. Mais il faut se rappeler que Frédéric, malgré les interdictions de son père, a été bercé de littérature classique et des prémices des Lumières, notamment à cause de sa francophilie. Le jeune Frédéric est un idéaliste, qui a une haute opinion du pouvoir et du bien que le juste souverain doit faire. Toute cette pensée s’effondre lorsque Frédéric-Guillaume meurt, le 31 mai 1740.

    … devenu roi pragmatique

    À vingt-huit ans, Frédéric monte sur le trône de Prusse sous le nom de Frédéric II. En 1740, rien n’a beaucoup changé depuis le règne de son grand-père : la Prusse est la curiosité de l’Europe, un petit royaume, faible, sans ressource, peuplé de 2 200 000 âmes, divisé en deux, d’un côté le Brandebourg, de l’autre la Prusse orientale, séparé par la Prusse occidentale appartenant à la Pologne.

    Malgré tout, le début du règne de Frédéric II commence bien : son père lui a légué un royaume parfaitement bien administré, avec une armée fort bien disciplinée, même si elle n’a jamais servi.

    Contrairement à ses prédécesseurs, Frédéric veut marquer l’histoire et faire entrer la Prusse dans le concert des Nations européennes. À une époque où une Nation n’est riche que d’hommes, la Prusse fait pâle figure face aux grandes puissances comme l’Autriche et la France. Si Frédéric veut avoir voix au chapitre, il doit montrer qu’il en est digne, que la Prusse n’est pas un État de second rôle.

    L’occasion se présente lorsque l’empereur Charles VI d’Autriche meurt. Ce dernier, n’ayant pas de descendant mâle pour lui succéder, lègue par la Pragmatique Sanction de 1740 l’intégralité des États des Habsbourg à sa fille, Marie-Thérèse. Pensant que cette dernière ne saura s’imposer, Frédéric décide de s’appuyer sur une vieille revendication familiale pour envahir la Silésie, région située au Sud du Brandebourg, sans déclaration de guerre.

    Frédéric pense frapper un grand coup, et il a raison : la Silésie est résolument la région la plus riche de l’empire d’Autriche, représentant près de 20% de ses revenus. De plus, une majorité de la population est restée très attachée au protestantisme, malgré l’effort déployé durant la contre-réforme pour ramener dans le giron catholique les populations déviantes. Les armées prussiennes envahissent donc la Silésie, dont la conquête s’avère d’une facilité record. Personne en Europe ne s’attendait à cela, malgré le fait que tous les esprits étaient tournés vers cette région du monde, espérant un prompt dépeçage de l’empire des Habsbourg.

    Frédéric entend négocier avec Marie-Thérèse, qu’il pense pouvoir réduire à accepter ses conditions. Mais contre toute attente, cette dernière ne se laisse nullement faire. Lionne parmi les loups, elle parvient à s’affirmer comme souveraine en une année, et ne compte pas laisser le Prussien s’en tirer si facilement.

    Au printemps 1741, les troupes impériales entrent en Silésie. Frédéric entend riposter avec force, afin de pousser Marie-Thérèse à signer rapidement la paix. Il choisit donc d’affronter les Autrichiens à Mollwitz. Alors que les choses auraient dues tourner en faveur des Prussiens, les troupes de Frédéric perdent pied et paniquent. Frédéric est persuadé par son entourage de fuir et d’aller se réfugier dans un moulin, où il apprend quelques temps plus tard…qu’il a gagné ! En son absence, ses officiers ont réussi à réorganiser les rangs et à faire fuir les autrichiens, sans parvenir à les écraser toutefois.

    Piètre baptême du feu pour celui qui s’imaginait déjà auréolé de gloire. C’est pourtant cette semi-humiliation qui va pousser Frédéric à se pencher plus avant sur la tactique. Cette bataille fut « son école », selon ses propres termes. Pour l’aider dans ses recherches, Frédéric peut compter sur l’aide et les conseils de Karl Théophil Guichard, un allemand d’origine huguenote, militaire et historien, parfait connaisseur de l’Antiquité.

    Comme à son habitude, Frédéric lit beaucoup, il se documente. Pas auprès des auteurs antiques comme Polybe ou Végèce, non. Frédéric est pragmatique, ses pensées se tournent donc vers des auteurs plus contemporains, surtout des Français — le français est la seule langue qu’il maîtrise parfaitement — comme Folard et Feuquières, tous deux officiers de Louis XIV.

    La pensée militaire de Frédéric II

    Frédéric n’est pas un stratège. C’est un pragmatique, nous l’avons dit. Durant les trois guerres qu’il va mener pendant les 46 ans de son règne, son objectif premier sera de mener une guerre courte, rechercher la bataille décisive, qui poussera l’ennemi à la paix. Ce qui peut sembler banal pour un amateur d’histoire napoléonienne ne l’est pas du tout à l’époque.

    Du temps de Frédéric, la stratégie est dans l’impasse. Les batailles en rase campagne sont statiques, les unités sont déployées en ordre mince, causant un grand nombre de pertes, pour des résultats discutables. Ni le choc de la cavalerie ou de l’infanterie ne sont encore pensés, ou du moins ne se sont pas employés.

    Ce type de guerre, forgé par de puissants États capables d’endurer de longs conflits grâce à leurs ressources économiques et humaines, comme l’Autriche ou la France, ne peut en aucun cas satisfaire le roi de Prusse. Régnant sur un petit État, pauvre économiquement et humainement, Frédéric ne peut se permettre de participer à une guerre d’usure comme se livrent depuis plusieurs siècles les grandes Nations européennes. De cette impérieuse nécessité va naître la pensée militaire contemporaine.

    Frédéric s’emploie en effet à rechercher une victoire décisive rapidement, rejouant continuellement le jeu de Sparte contre Athènes à l’époque classique. Réhabilitant l’ordre oblique, tactique consistant à renforcer l’une de ses ailes tout en en dérobant une autre afin de concentrer le feu sur l’aile opposée, Frédéric parvient à défaire des ennemis parfois supérieurs numériquement. Ses qualités manœuvrières combinées à la parfaite discipline de son armée lui valent des succès retentissants, comme à la bataille de Leuthen en 1757, où à 35 000 contre 65 000 Autrichiens, Frédéric parvient, à la faveur du brouillard, à redéployer son armée sur le flanc de l’armée adverse, faisant un carnage. Le bilan en atteste : 6000 Prussiens tués contre 22 000 Autrichiens. Malgré tout, l’ordre oblique n’est pas une tactique à toute épreuve, car si l’offensive n’est pas poussée jusqu’au bout, l’élan de la troupe est stoppé, et cette dernière devient fort vulnérable aux assauts de la cavalerie adverse.

    Frédéric ne sort d’ailleurs pas toujours vainqueur. À la longue, ses adversaires comprennent sa tactique, et font tout pour refuser le combat, le forçant à mener une guerre d’usure, nocive pour la Prusse. Mais celui que l’on surnomme désormais « le Grand », comme tant d’autres avant lui, possède une chance incroyable, cette bonne étoile qui veille sur les hommes illustres.

    La première manifestation de cette chance, c’est Mollwitz. Plus tard, en 1759, alors que les troupes russo-autrichiennes viennent de défaire l’armée prussienne, ouvrant la route vers Berlin, tout semble perdu pour Frédéric, qui songe d’ailleurs au suicide, pour l’honneur. Or contre toute attente, l’ennemi fait route vers le Sud, permettant à Frédéric de renforcer son armée et de vaincre. Deuxième « miracle de la maison de Brandebourg ». Troisième miracle : alors qu’une coalition franco-russo-autrichienne combat la Prusse durant la guerre de Sept Ans, la tsarine Elisabeth de Russie, alors grande puissance émergente, meurt. Son successeur, Pierre III, profondément prussophile, signe à la barbe de ses alliés la paix avec Frédéric, et s’allie même avec lui ! Cette passion pour la Prusse coûtera d’ailleurs la vie au malheureux Pierre, vite remplacé par Catherine II.

    Finalement, au bout de 46 années de guerre, le bilan militaire de Frédéric II reste mitigé. Fait incontestable, c’est sous son règne que la Prusse a émergé sur la scène européenne. Par le nombre de ses faits militaires, grâce auxquels elle s’est profondément agrandie par l’annexion de la Silésie et de la Prusse occidentale, réalisant l’unité territoriale qui lui manquait, la Prusse est désormais une puissance sur laquelle il faut compter, passant de 2 à 6 millions d’habitants. Mais à quel prix ? À la mort de Frédéric II en 1786, la Prusse est exsangue humainement et économiquement. 3 guerres, 21 batailles, 11 victoires, 7 défaites et 3 batailles indécises ont coûté la vie à près de 150 000 soldats prussiens. Presque autant deviennent invalides.

    Tactiquement parlant, bien que Frédéric ait réinventé l’offensive — ce que les auteurs français, comme Guibert, théoriseront — sa tactique n’est pas infaillible et n’est pas parfaite : la poursuite de l’adversaire défait, clé de voûte de la victoire dans la pensée napoléonienne, n’est pas possible du temps de Frédéric, essentiellement pour des contraintes logistiques, mais aussi parce que la notion de corps d’armée capables d’opérer de manière semi-autonome, n’existe pas encore.

    Malgré tout, Frédéric reste le grand penseur militaire du XVIIIe siècle, celui qui a apporté un souffle nouveau à l’art du combat. Ses mémoires militaires seront d’ailleurs pieusement étudiées à l’école militaire prussienne par trois générations d’officiers, prolongeant le mythe de la victoire décisive, chimère qui poursuivra l’état-major allemand jusqu’en 1945.

    Nicolas Champion

    Bibliographie

    BLED Jean-Paul, Frédéric le Grand, Paris, Fayard, 2004, 540 p.

    LOPEZ Jean, « 1745-1945 : deux siècles de fureur et de mythes », in La supériorité militaire allemande ? Le mythe du siècle !, Guerres & Histoire, n°7, Juin 2012

    WILDEMANN Thierry, « Frédéric II, l’autodidacte surdoué » in Guerres & Histoire, n°19, Juin 2014

    source : Le bréviaire des patriotes 

    http://www.voxnr.com/cc/dh_autres/EuEpVEAZApXlTkDNcb.shtml

  • Égypte : Disparition des grands mammifères au pays des pharaons

    Du haut de ces pyramides, quarante siècles vous contemplent“, aurait dit Napoléon à ses troupes. En fait, il s’agit au moins de 45 siècles, mais l’esprit y est. Ce que le Petit Caporal ne savait pas, c’est que durant toutes ces années, les pyramides en question ont été témoin d’un changement climatique qui a transformé la vallée du Nil, et vu l’extinction de nombreuses espèces, comme vient de le confirmer une étude publiée dans le journal Proceedings of the National Academy of Sciences (PLOS)Dans l’Égypte des pharaons, il y avait des lions, des gazelles, des girafes, et même des éléphants. L’équipe menée par Justin Yeakel (Université de Californie / Santa Fe Institute) a réexaminé en détails la liste de ces grands mammifères qui ont vécu dans la vallée du Nil durant les 6000 dernières années, liste basée sur les descriptions d’animaux sur les monuments et documents de l’Égypte ancienne.

    Sur 37 espèces qui prospéraient avant même l’avènement du premier pharaon, il n’en reste plus que huit aujourd’hui.

    Les chercheurs ont utilisé une liste compilée par le zoologiste Dale Osborne, qui à base de données archéologiques et paléontologiques ainsi que des archives historiques a réalisé une base de données des espèces et de leur évolution (ou disparition) au fil du temps.

    Un “travail incroyable” qui a permis à Justin Yeakel et son équipe d’utiliser “des techniques de modélisation écologiques pour examiner les ramifications de ces changements“. L’analyse de ces données montre que l’extinction des espèces, probablement due à un climat de plus en plus sec et à la croissance de la population humaine, a rendu l’écosystème progressivement moins stable.

    Ce qui était jadis une communauté de mammifères riche et diverse est très différente à présent“, explique Justin Yeakel. “Au fur et à mesure que le nombre d’espèces a décliné, l’un des premiers éléments a été la perte de redondance écologique du système. Il y avait plusieurs espèces de gazelles et d’autres petits herbivores, qui sont importants parce que de très nombreux prédateurs différents s’en nourrissent. Lorsqu’il y a moins de ces herbivores, la perte de l’une de ces espèces a un plus grand effet sur la stabilité du système, et peut amener des extinctions supplémentaires“.

    Climat aride, chute des empires et lutte pour l’espace cultivable

    Les chercheurs ont identifié 5 épisodes principaux durant les 6000 dernières années, durant lesquels des changements dramatiques se sont produits, trois d’entre eux coïncidant avec des changements environnementaux extrêmes, durant lesquels le climat est devenu plus aride. Ces périodes d’assèchement coïncident également avec des bouleversements dans les sociétés humaines, comme l’effondrement de l’Ancien Empire, il y a 4000 ans, ou la chute du Nouvel Empire, il y a 3000 ans.

    S’ils ne peuvent exactement démêler les causes possibles de ces changements écologiques, ils ont identifié des moteurs potentiels.  Il y a eu trois grandes vagues d’aridification, alors que l’Égypte allait d’un climat plus humide à un climat plus sec, à commencer par la fin d’une période humide pour l’Afrique, voici 5500 ans, lorsque les moussons se sont déplacées vers le sud.

    En même temps, les densités de populations humaines augmentaient, l’agriculture s’emparait de terres jadis occupées par des herbivores, et la compétition pour l’espace le long de la vallée du Nil aurait eu un large impact sur les populations animales. précisent-ils.

    Le plus récent changement pour les mammifères de la région se serait produit il y a cent ans. L’analyse des réseaux entre proies et prédateurs montre que les extinctions d’espèces dans les 150 dernières années a eu un impact disproportionné sur la stabilité de l’écosystème.

    Pour l’équipe de Justin Yeakel, ces résultats ont des implications sur la compréhension des écosystèmes modernes. “Ce peut être juste un exemple d’une tendance plus large“, explique Yeakel.

    Nous voyons aujourd’hui beaucoup d’écosystèmes dans lesquels le changement d’une espèce provoque un grand changement sur la manière dont l’écosystème fonctionne, et cela peut être un phénomène moderne. On n’a pas tendance à penser à comment le système était voici 10000 ans, quand il y avait une plus grande redondance“. Il espère cependant que cela aidera à prévoir les changements futurs…

    Nouvel Obs

    http://fortune.fdesouche.com/354699-egypte-disparition-des-grands-mammiferes-au-pays-des-pharaons#more-354699

  • Figures de la Nouvelle Droite

    Une question qui pourra paraître surprenante de prime abord, mais qui fait sens : quelles sont les motivations personnelles qui vous poussent à enquêter sur l’extrême droite radicale, la Nouvelle Droite plus particulièrement ? Quel est votre parcours ? Ou pour le dire différemment, d’où parlez-vous ?
    Stéphane François : D’où je parle ? Vaste question. Premièrement, je viens d’une famille de résistants, avec un grand-père que j’adorais et qui était un militant anarchiste. Je pense qu’inconsciemment, il m’a beaucoup influencé… Ensuite, la mode en musique à la fin de mon adolescence était le Dark Folk. J’ai donc été bercé par Death In June, Non, Sol Invictus, Current 93, etc. Dans le mouvement, j’ai trainé mes guêtres dans le milieu indus lillois pendant mes études, dévorant les fanzines sur le sujet, dont un certain nombre était des titres téléguidés par des nationalistes-révolutionnaires, qui faisaient beaucoup de publicité à la Nouvelle Droite et à ses tendances. C’est ainsi que je l’ai découvert. Enfin, je dévore depuis mon adolescence tous les livres sur les marges (contre-cultures, ésotérisme, etc.). Lorsque j’ai eu assez de recul, je me suis rendu compte qu’il y avait un sujet. J’ai commencé à m’y plonger. Cela fait 20 ans maintenant, et je ne pense pas encore avoir fait le tour…
    En lisant votre ouvrage, on comprend bien les origines idéologiques völkisch de la Nouvelle Droite, ce qu’elle doit à aux « révolutionnaires conservateurs », à Dominique Venner et à son groupe Europe Action, et surtout à Alain de Benoist. Pourriez-vous revenir, à grands traits, sur l’histoire et la signification de ce courant politique ?
    En fait, les völkschen sont l’une des influences de la Nouvelle Droite, comme je le montre. Historiquement, la Nouvelle Droite est apparue en 1968, avec la création du GRECE, lui-même composé d’anciens de la FEN et d’Europe-Action. Sa principale caractéristique à l’époque était, déjà, son rejet du nationalisme et sa défense d’un européisme. Il y avait alors en son sein un certain nombre de personnes qui firent par la suite carrière, soit dans la haute administration, soit dans l’université, soit dans le journalisme.
    La Nouvelle Droite, en particulier sa principale structure le GRECE, a marqué la vie culturelle de la droite non-conformiste depuis 1968. En effet, son positionnement idéologique est sujet à controverse : l’expression « Nouvelle Droite », est le nom donné par les adversaires du GRECE, lors de la campagne médiatique, extrêmement violente, de l’été 1979. Les néo-droitiers ont refusé la filiation droitière avant de l’accepter. Jusqu’en 1979, la Nouvelle Droite, renvoyait au couple GRECE/Club de l’Horloge. Mais vers 1985, à la suite des départs et des scissions de membres ne se reconnaissant plus dans le GRECE, la Nouvelle Droite devient un entrelacs de personnalités
    Le premier corps de doctrine du GRECE (allant grosso modo de 1968 à 1979) développe les thèmes suivants : un national-européisme ; une critique de l’égalitarisme à travers la critique du christianisme ; une conception non linéaire du temps (sphérique et/ou cyclique) sous l’influence de Nietzsche ; un éloge du paganisme (quêtes des origines indo-européennes) ; un anti-universalisme ; un anti-occidentalisme, l’Occident étant incarné par les États-Unis ; un antilibéralisme ; un tiers-mondisme « de droite » pour éviter le déracinement et l’immigration ; et enfin un enracinement régionaliste. Cette doctrine prétend appuyer ses analyses et ses conclusions sur les derniers travaux historiques, philosophiques, ethnologiques, ainsi que sur ceux de la biologie et de l’anthropologie.
    Cependant, la toute première doctrine de la Nouvelle Droite (les textes entre 1968 et 1972) se caractérisait par un racialisme pro-occidental, un positivisme (qui tournera en scientisme), un antiégalitarisme, un antimarxisme virulent, un antitechnocratisme et une vision romantique et virile de la révolution. De fait, ce tout premier corpus doctrinal est encore marqué par les idées développées par Europe-Action. Elle commence à faire la promotion du paganisme.
    Au début des années 1980, la Nouvelle Droite évolue : elle devient holiste et anti-occidental. Elle a aussi affirmé son paganisme et son anti-occidentalisme, l’Occident incarnant l’acculturation et l’américanisation des mœurs, défendant une démocratie organique et prônant le différentialisme. Hostile au matérialisme, au capitalisme et à la mondialisation, le GRECE, a alors pour ennemis la société de consommation et les États-Unis, des points qu’il défend toujours. Après l’échec du gramscisme de droite et du projet élitaire, la Nouvelle Droite se mit à prôner un discours européiste et antitotalitaire marqué. Mais, surtout cette période voit l’essor du discours mixophile de Benoist, qui défendit le droit des peuples, prônant l’éloge de la différence à la suite de la lecture de Lévi-Strauss et Jaulin, ce qui va provoquer le départ d’un certain nombre de cadres, comme Vial, au milieu des années 1980. Le GRECE ne se remettra jamais de cette hémorragie. Les années 1980 correspondent aussi à la découverte des théoriciens de la Révolution conservatrice allemande, qui deviennent des références importantes
    Enfin, il se relèvera petit-à petit à partir de la décennie suivante. Cette dernière évolution doctrinale poursuit la seconde, mais en y intégrant les thèmes écologistes et décroissants. Il s’agit de la période où Benoist se réapproprie les théoriciens du syndicalisme-révolutionnaire, comme Sorel, et les auteurs marxistes. En fait, le GRECE a tant évolué qu’il se met à défendre ce qu’il avait condamné au début des années 1970…
    J’ai longtemps cru que Georges Dumézil était un fervent défenseur de la Nouvelle Droite. Vous faites preuve de davantage de réserve. En revanche, à aucun moment, je n’aurais imaginé l’utilisation des concepts développés par Claude Lévi-Strauss ou même Henri Lefebvre, marxiste hétérodoxe. Quel rapport la Nouvelle Droite entretient-elle avec les intellectuels ? En quoi l’idée d’un gramscisme de droite (que sauf erreur, vous n’évoquez pas) peut-elle sembler pertinente ?
    La Nouvelle Droite est friande d’intellectuels. Les néo-droitiers en lisent un grand nombre, les discutent et se réapproprient leur concept. Alain de Benoist en outre les sollicite pour ses revues, Krisis et Nouvelle Ecole. Il dialogue en outre avec des universitaires de différents pays, dont l’Italie, les Etats-Unis, la Russie, etc. Benoist se réfère à un grand nombre d’intellectuels, venant de disciplines différentes : archéologie, science religieuse, droit, histoire, science politique, ethnologie, anthropologie…
    Enfin, le sommaire du premier Liber Amicorum Alain de Benoist montrait la présence non négligeable d’entre-eux. Le second montre plutôt un retrait de ceux-ci, à l’exception (et à l’arrivée) d’universitaires italiens. Benoist, n’ayant pas de position universitaire, recherche, malgré une bibliographie imposante, une forme de légitimité intellectuelle.
    Concernant la stratégie du gramscisme du droite, j’ai traité de la question dans un précédent ouvrage (Les Néo-paganismes et la Nouvelle Droite, paru en 2008). Comme il s’agit d’un échec patent, à la suite de la campagne de 1979, mon constat dans cet ouvrage, je n’ai pas jugé utile d’y revenir.
    Vous rappelez, et c’est assez ahurissant, l’islamophilie et le tiers-mondisme d’Alain de Benoist. Pourriez-vous revenir sur ces deux points ? 

    Benoist a toujours défendu l’islam. Il rejette l’immigration, mais a beaucoup d’intérêt pour l’islam. Il se rend d’ailleurs régulièrement en Iran et discute avec des intellectuels musulmans. En fait, la Nouvelle Droite a toujours eu une position favorable à cette religion. Cela fait partie d’une tradition d’une certaine extrême droite d’être islamophile, pour différentes raisons : ethnodifférentialisme, défense d’une forme de tradition, etc. et cela dès le début des années 1980. Je me suis intéressé à cette question dans La Nouvelle Droite et la « Tradition », ainsi que dans un chapitre, co-écrit avec Nicolas Lebourg, à paraître dans un ouvrage collectif à la fin de cette année.
    Quant à son tiers-mondisme, il est afférent à sa relecture de Lévi-Strauss et de Jaulin. Il est aussi la conséquence de sa défense du droit des peuples, notamment vis-à-vis de l’impérialisme occidental. Il l’a déjà dit ou écrit plusieurs fois : il est contre toute forme de colonialisme au nom du droit à rester soi-même, notamment dans un ouvrage publié en 1986 (Europe Tiers-Monde même combat). Il est loin le temps, où dans Europe-Action et au début de l’aventure de la Nouvelle Droite, il défendait les régimes racistes de Rhodésie et de la République Sud Africaine… je pense que cette évolution es sincère.
    couv vents du nord
    La Nouvelle Droite semble avoir été à son apogée à la fin des années 1970 et au début des années 1980, avant les scissions. En quoi a-t-elle imprégné la droite « de gouvernement » ? Quels sont les liens persistants avec le Front national ?
    Il n’y a guère de lien avec le FN, bien qu’Alain de Benoist trouve un intérêt à Marine Le Pen, malgré des divergences importantes (rejet de l’islam et des musulmans, jacobinisme). S’il y a des liens, ils se font surtout par le passage de membres du GRECE vers ce parti. Par exemplaire, l’attaché parlementaire de Marion Maréchal Le Pen est un ancien gréciste.
    La Nouvelle Droite a imprégné au début des années 1980 les idées de certains militants de l’UDF et du RPR (provocant au retour de vifs rejets de la part d’autres militants de ces partis), qui étaient membres de l’un et de l’autre, notamment via le Club de l’Horloge. Nous pouvons donc penser que certains de ces militants ont gardé ces idées, qui se sont retrouvés ensuite à l’UMP… En fait, son influence est faible, l’entrisme ayant été un échec.
    Dans un chapitre qualifié d’excursus, vous abordez la question du National Socialist Black Metal. Quel est le poids de cette scène musicale et ses liens avec les théoriciens du GRECE ? On a du mal à imaginer Alain de Benoist à un concert de Death in June… 

    Pour une bonne raison : il n’aime pas ça… Benoist est plutôt un amateur de musique traditionnelle issue des différentes civilisations de notre planète. Il est aussi un amateur de musique classique et de jazz. En fait, les scènes indus, néofolk, black metal, etc. attirent plutôt les jeunes militants, voire les militants d’autres familles politiques, comme les nationalistes-révolutionnaires ou l’équipe de Réfléchir & Agir. De ce fait, à l’exception de quelques cas personnels, il n’y a pas de liens entre ces scènes et ces milieux. Concernant le poids de cette scène en France ? Entre quelques centaines et quelques milliers pour les groupes les plus connus/côtés, mais guère plus. Il y a eu quelques publicités pour un magasin online vendant ce type de musique, enfin indus/néofolk, dans Eléments, mais c’est tout…
    Parmi les grands spécialistes des extrêmes droites ethnodifférencialistes, on ne peut méconnaître le travail de Pierre-André Taguieff et vous le citez à de nombreuses reprises. Que vous inspire sa progressive conversion aux thèses néoréactionnaires ?
    C’est simple : regardez quels ouvrages ou articles j’utilise… Ma réponse est là : je ne cite aucun ouvrage récent, à l’exception de son Dictionnaire (auquel je participe il est vrai), qui est très bien grâce au travail immense d’Alain Policar.

    note : Entretien avec Stéphane François paru dans CQFD, n°124, juillet 2014, pp. 12-13.

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    http://www.voxnr.com/cc/dt_autres/EupAAFElApXSjiJZad.shtml