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culture et histoire - Page 1570

  • Qu'est-ce qu'on a fait au Bon Dieu ? : éloge discret d'une France traditionnelle

    La comédie Qu'est-ce qu'on a fait au Bon Dieu ? a déjà dépassé les 5 millions d'entrées et pourrait venir titiller le record de La Grande Vadrouille. Un immense succès populaire qui, selon Alexandre Devecchio sur Figarovox, s'explique par le fait que le film répond aux angoisses identitaires des Français :

    "[...] Le scénario de Qu'est-ce qu'on a fait au Bon Dieu ? repose sur la confrontation entre les Verneuil, couple de bon bourgeois cathos, et ses quatre gendres : le premier musulman, le second juif, le troisième asiatique et enfin le dernier bon catholique, mais noir ! Comme Intouchables, autre immense succès populaire, le long métrage de Philippe de Chauveron pourrait être interprété comme la métaphore d'une France vieillissante et rance qui aurait besoin des enfants de l'immigration pour se régénérer.

    [...] Et si, au contraire, le film disait sur le ton de la comédie, ce qu'Eric Zemmour et Alain Finkielkraut ne peuvent plus exprimer sans déclencher les foudres des justiciers auto-proclamés de l'antiracisme ? Et si l'impressionnant succès du film était justement dû à son absence de tabou ? Le réalisateur nie avoir voulu réaliser un film politique. Mais derrière son apparent formatage, Qu'est-ce qu'on fait au bon Dieu ? est peut-être la comédie la plus anticonformiste jamais produite par TF1. Voici pourquoi.

    D'abord, loin du pensum tant redouté, le film laisse la repentance et la victimisation au placard, et se distingue par son absence totale de manichéisme. Cible un peu trop attendue, les cathos ne sont pas les «méchants Français de souche» de l'histoire. Certes, ils en prennent pour leur grade, mais les scénaristes ont l'honnêteté de n'épargner personne et surtout pas les minorités. Dans un festival de vannes décomplexées, les cathos se méfient des juifs, qui méprisent les arabes, qui dénigrent les noirs et tous se moquent des chinois ! Comme le dit le personnage incarné par Ary Abittan, «tout le monde est un peu raciste, au fond …».

    Effet cathartique garanti: comme dans les meilleures pièces de Molière, le spectateur rit du miroir qu'on lui tend. Les Inrockuptibles y voit une manière de «banaliser sinon le racisme, du moins les propos racistes». Et pourtant, en préférant les répliques cash aux leçons de morale, Qu'est-ce qu'on a fait au Bon Dieu ? contribue à désamorcer certaines crispationslà où 30 ans de discours culpabilisateurs n'ont fait que creuser les ressentiments. [...]

    La deuxième bonne surprise du film et probablement l'une des clefs de son succès tient à son patriotisme assumé que certaines critiques ne manqueront pas de trouver désuet, voire réactionnaire. Alors que la plupart des comédies françaises, contaminées par l'esprit Canal, s'emploient à ringardiser une France qui se replierait sur le «village d'autrefois», Qu'est-ce qu'on a fait au bon Dieu? apparaît au contraire comme l'éloge discret d'une France traditionnelle et enracinée. Le regard que porte le film sur ses héros, des petits bourgeois de province gaullistes qui aiment la pêche et écoutent Charles Trenet, est parfois amusé, mais toujours bienveillant.

    Autre audace, certaines séquences où le rire le dispute à l'émotion,semblent plaider pour un modèle d'assimilation traditionnel loin de tout cosmopolitisme. Ainsi, le soir de Noël, transcendant leur communauté d'origine, les trois gendres entonnent une Marseillaise enflammée avant de se rendre à la messe de minuit. [...]"

    Michel Janva

  • La mémoire et l'oubli

    S'il est difficile de donner une définition de la mémoire, il est plus facile de la cataloguer en une multiplicité de variétés.

    Il y a la mémoire sensorielle, celle qui vient de nos sens. On a aussi distingué la mémoire à court terme et celle à long terme, sans parler de la mémoire implicite qui ne fait pas intervenir la conscience à la différence de la mémoire explicite.

    La mémoire déclarative peut être exprimée par le langage ; elle s'oppose donc à la mémoire non déclarative.

    On a aussi différencié la mémoire sémantique qui regroupe les connaissances générales et la mémoire épisodique qui concerne notre vie personnelle. La mémoire procédurale est celle que l'on a emmagasinée pour par exemple savoir conduire. Certains ont une mémoire auditive plutôt qu'une mémoire visuelle.

    En neurosciences, la mémoire consiste en un stockage d'informations.

    En philosophie, on définit selon Lalande la mémoire comme « une fonction psychique consistant dans la reproduction d'un état de conscience passé avec ce caractère qu'il est reconnu pour tel par le sujet ». Cette définition assimile la mémoire au souvenir.

    Le mémoire est donc la fonction du passé.

    « Le propre de la mémoire est d'apporter dans notre expérience le sens du passé » (G. Gusdorf)

    Bergson

    Le philosophe distingue la mémoire-habitude et le souvenir. La mémoire-habitude regrouperait la mémoire sensorielle et la mémoire procédurale. Bergson donne l'exemple de la leçon apprise par cœur : « Le souvenir de la leçon, en tant qu'apprise par cœur, a tous les caractères d'une habitude. Comme l'habitude, il s'acquiert par la répétition d'un même effort ». (Bergson, Matière et mémoire).

    La mémoire-souvenir est différente. Le passé renait à la différence de la mémoire-habitude qui est aussi celle de l'animal. La mémoire-souvenir est une conscience du passé.

    « L'autre est la mémoire vraie. Coextensive à la conscience, elle retient et aligne à la suite les uns des autres tous les états au fur et à mesure qu'ils se produisent, laissant chaque fait à sa place et par conséquent marquant sa date ». (Bergson).

    Pour Bergson, la mémoire-habitude est matérielle et la mémoire-souvenir spirituelle. Cette interprétation est remise en cause par la neurophysiologie.

    Fonctions de la mémoire

    La mémoire a aussi une fonction sociale car se souvenir, c'est partager. Dans les commémorations, les anciens combattants partagent leur passé.

    Il y a des mémoires collectives ainsi que des mémoires familiales.

    Si pour Pradines : « La mémoire est une reconstruction du passé par l'intelligence », pour Rivarol « La mémoire est toujours aux ordres du cœur ». On se souvient en fonction des ses affects.

    La mémoire unifie la personne, son vécu. Elle construit aussi notre personnalité, notre moi. Pour Sartre, « Nous sommes nos actes ». La mémoire a pour fonction de pérenniser nos vécus ou nos actes passés.

    L'oubli

    L'oubli est nécessaire pour la vie. Il faut trier dans notre passé. Selon Gusdorf, l'oubli est une condition d'existence. La conservation de la totalité du passé, ce qu'on appelle la mémoire absolue, est non seulement impossible, mais serait nuisible.

    La passé peut même être une souffrance.

    « Une bonne journée est celle où le passé s'est tenu à peu près tranquille ». (Jean Rostand).

    La mémoire nous attache au passé.

    « Nul bonheur, nulle sérénité, nulle espérance, nulle fierté, nulle jouissance de l'instant présent ne pourraient exister sans la faculté d'oubli ». (Nietzsche, Généalogie de la morale).

    Oublier c'est pardonner, et parfois à soi-même.

    « C'est moi qui ai fait cela, dit ma mémoire. Il est impossible que je l'aie fait, dit mon orgueil. Finalement, c 'est la mémoire qui cède ». (Nietzsche).

    On retrouve chez Freud l'idée du refoulement qui rejette hors de la conscience tout ce qui est insupportable. On oublie tout ce qui nous est nuisible. On retient ce qui nous est utile.

    La mémoire est donc la condition inhérente à la constitution de soi comme l'avait déjà souligné Saint Augustin. Si l'oubli est nécessaire pour nous maintenir en vie, les souvenirs douloureux ou nuisibles restent stockés dans l'inconscient. Nous devenons la somme de nos traumatismes, de nos vécus-et de nos connaissances, la mémoire étant là pour unifier notre existence.

    Patrice GROS-SUAUDEAU