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culture et histoire - Page 1567

  • La construction d'un empire eurasiatique II

    Arnaud Leclercq - Le Russie puissance d'Eurasie ; Histoire géopolitique des origines à Poutine - Chap. 4 L'Empire eurasiatique fait la synthèse et ouvre sur le monde - I. La construction d'un empire eurasiatique - pp. 137 à 13 - aux éditions ellipses.

    Vers le sud, Ivan III, qui s'était dispensé du paiement de tout tribut, repousse à trois reprises les attaques mongoles et rejette officiellement en 1480 toute dépendance vis-à-vis des héritiers de la Horde d'or. En même temps qu'il prend le titre de Tsar et se proclame "souverain de toute la Russie", Ivan III entreprend d'embellir Moscou pour en faire le cœur politique et spirituel de son État. Il affirme son indépendance en se proclamant également "autocrate", rejetant ainsi toute autorité étrangère supérieure, ce titre évoluant ensuite pour désigner un souverain investi d'un pouvoir absolu. Son mariage avec la princesse Zoé, nièce du dernier empereur byzantin Constantin XI, donne de plus au tsar moscovite une légitimité nouvelle, dix-neuf ans après la prise de Constantinople par les Turcs ottomans. Vers l'ouest, Ivan III doit compter avec l’État polono-lituanien mais il est sorti vainqueur des conflits engagés avec lui et a pu ainsi récupérer une partie des régions de Smolensk et de Polotsk. Entre le début et la fin du règne, le territoire contrôlé par le tsar moscovite était passé de 470 000 km² à deux millions de km². Il rassemblait une population en majorité grand-russienne à laquelle s'ajoutaient les groupes finno-ougriens disséminés au nord-est.

    Successeur d'Ivan III, Vassili III, qui règne de 1505 à 1533, annexe Pskov dés 1510 avant de s'emparer , onze ans plus tard, de la partie orientale de la principauté de Riazan demeurée hors de l'autorité de Moscou. En 1514, une nouvelle guerre avec l’État polono-lituanien permet de prendre Smolensk. A la mort de Vassili III, le territoire occupé par Moscou atteint une superficie de 2 800 000 km². C'est sous son règne que le moine de Pskov Philothée adresse au tsar le fameux message dans lequel il annonce ce que seront les destinées de Moscou : " (...) Daigne prêter l'oreille pieux grand-prince. Deux romes se sont écroulées mais la troisième, Moscou, se dresse vers les cieux et il n'y en aura pas de quatrième. Sous ton glorieux règne, notre sainte Église répand sur le monde une lumière plus claire que le soleil ; tous les pays orthodoxes ont été réunis sous ton sceptre, tu es devenu l'unique prince des chrétiens." Une vision qui vient donner une légitimité de nature religieuse à l'expansion moscovite. Si l'on considère la situation établie trois siècles plus tôt , celle-ci est déjà impressionnante mais se limite encore au rassemblement des terres russes - au moins grand-russiennes puisque Kiev n'est pas encore récupérée - et c'est une autre phase qui va débuter avec le règne d'Ivan IV le Terrible. Avec ce dernier, l'expansion géographique de l’État moscovite change en effet de nature, avec l'annexion de territoires et de peuples non slaves, bien au-delà des anciennes limites de la Russie kiévienne. Entre 1533, date de l'avènement d'Ivan IV et la fin du XVIème siècle, le territoire moscovite voit en effet sa superficie multiplié par deux, passant de 2,8 millions de km² à 5,4 millions de km².

    Les premières années du règne d'Ivan IV, âgé de trois ans à la mort de son père, sont marquées par une régence difficile et une lutte farouche pour le contrôle du pouvoir, à l'issue de laquelle le jeune prince parvient finalement à s'imposer, en se couronnant lui-même tsar, et non plus grand-prince, en 1547, concluant ainsi une mutation entamée sous son grand-père Ivan III. La mise en œuvre de réformes administratives et militaires lui donne les moyens d'entamer la lutte contre les khanats de Kazan et d'Astrakhan, qui menaçaient toujours les terres russes, soumises à des fréquentes razzias. Répondant initialement à l'appel des Tchérémisses, un peuple finno-ougrien de la rive droite de la Volga, Ivan prépare minutieusement sa campagne et Kazan est prise en octobre 1552, après sept semaines de siège. Il faut cependant plusieurs années pour aboutir, en 1557, à une véritable pacification de la région. Avec la prise de Kazan, la principauté moscovite donnait une nouvelle dimension à son expansion. Elle intégrait en effet désormais dans l'ensemble russe des peuples non-slaves - finno-ougriens comme les Tchouvaches et les Bachkirs - et, pour certains d'entre eux, de religion musulmane. En 1556, c'est le khanat d'Astrakhan qui est annexé à son tour, les Russes contrôlant ainsi désormais tout le cours de la Volga. L'année suivante, les Turcs Nogaï installés à l'est du fleuve font allégeance à Ivan IV, au moment où des princes de kabardes et tcherkesses établis dans le nord du Caucase, dans les steppes du Kouban, en font autant. Ces avancés ont permis la progression, dans les zones steppiques du sud et du sud-est de la colonisation agricole russe, jusque-là impossible dans les vastes espaces où les nomades qui les occupaient faisaient paître leurs troupeaux. Pour protéger ce front de colonisation qui va bientôt s'étendre vers les terres fertiles du sud de la Sibérie occidentale, le pouvoir tsariste établit, dans les années 1580, une ligne de places fortes telles que Voronej, Samara et Tsaritsyne. (à suivre...)

    source : http://lheurasie.hautetfort.com/archive/2014/04/30/la-construction-d-un-empire-eurasiatique-ii-5358748.html

    http://www.voxnr.com/cc/dt_autres/EFAAyyAkylyRehzYBx.shtml

  • Partons à la conquête de l’intelligence et imposons nos propres élites !

    Nous n’avons aucune raison , comme Français, de nous réjouir de l’évolution de notre pays ces dernières années.

    Nous savons que les germes de cette pathologie, politique, morale et spirituelle, que nous vivons, remontent à plus de deux siècles. 

    Les uns et les autres, nous connaissons parfaitement les causes de ce désenchantement mais nous nous sentons submergés par ce lent pourrissement qui nous laisse apparemment impuissants.

    Nous pensons cependant qu’une mobilisation stratégique intelligente peut venir contrarier cet état de fait désolant.

    Les "élites" apatrides qui font l’opinion dans notre pays sont les premières responsables de ce déclin irrésistible.

    Eh bien, partons à la conquête de l’intelligence et imposons nos propres élites.

    Il existe en France de nombreux courants de pensée qui ont en commun, malgré des divergences notables, de croire en la France comme communauté de vie harmonieuse et cohérente qui a un rôle éminent à jouer dans le monde. Il appartient à l’Action française de rassembler ces Français assumés, de les mobiliser dans un grand élan de salut public.

    C’est le sens que nous voulons donner à nos deux journées johanniques des 10 et 11 mai, auxquelles nous convions tous les patriotes lucides. Il est urgent que la France se réveille et que l’intelligence française se fasse à nouveau entendre.

    Olivier Perceval, secrétaire général de l’Action française

    http://www.actionfrancaise.net/craf/?Partons-a-la-conquete-de-l

  • La construction d'un empire eurasiatique I

    Arnaud Leclercq - Le Russie puissance d'Eurasie ; Histoire géopolitique des origines à Poutine - Chap. 4 L'Empire eurasiatique fait la synthèse et ouvre sur le monde - I. La construction d'un empire eurasiatique - pp. 135 à 137 - aux éditions ellipses

    Rien ne permettrait d'imaginer ce qu'allaient être les destinées de la Moscovie, tard venue dans l'espace des principautés du nord-est, dont certaines auraient pu prétendre jouer le premier rôle dans le rassemblement des terres russes. Ville-État dotée d'institutions originales, "Novgorod la Grande" était beaucoup plus riche et le territoire qu'elle commandait s'étendait jusqu'à l'Oural à l'est et jusqu'aux rives du lac Ladoga au nord. Souzdal ou Vladimir pouvaient également apparaître comme des redoutables rivales, dont la puissance était plus anciennement établie, la première mention de Moscou n'apparaissant qu'en 1147. Le prince de Vladimir-Souzdal, Iouri Dolgorouki, y établit un premier Kremlin doté d'une enceinte de bois mais la ville est prise et entièrement détruite par les Mongols en 1237. Ces débuts difficiles sont cependant suivis d'une période correspondant à une lente montée en puissance, qui va faire de Moscou l'interlocutrice privilégiée des khans mongols et le siège métropolitain de l’Église orthodoxe russe. Moscou bénéficia d'abord d'une situation géographique favorable. Etablie sur les rives de la Moskova et non loin du cous supérieur du Don, une position favorable au commerce, notamment celui qu'entretenait Novgorod au nord et Riazan au sud. Cet atout ne pouvait cependant prendre toute sa dimension qu'à la condition d'être exploité par un pouvoir politique fort, en mesure d'agir dans la continuité.

    C'est Daniel, le fils cadet d'Alexandre Nevski - prince de 1276 à 1303 - qui, alors que la principauté ne s'étend encore que sur 20 000 km², va être l'artisan d'une première extension territoriale. Prince de Moscou de 1325 à 1341, Ivan Ier Kalita - Jean l'Escarcelle - n'accroît pas son territoire mais s'impose, en lui manifestant une fidélité totale, comme l'interlocuteur du khan mongol, qui lui est reconnaissant de conduire contre Tver, réticente à payer le tribut, une expédition punitive. Un engagement qui vaut à Ivan de recevoir de son suzerain le titre de grand-prince et se voir confier la charge de collecter le tribut dans toutes les principautés russes. Le grand-prince de Moscou disposait ainsi désormais d'un droit de regard sur les autres principautés et devenait l'intermédiaire unique entre celles-ci et le pouvoir mongol, qui prit soin d'épargner à Moscou les pillages et les razzias qui s'abattaient régulièrement sur les autres régions russes. Le soutien apporté à Moscou par l’Église orthodoxe s'est avéré également décisif. Épargnée par les Mongols qui lui laissent une totale autonomie, l’Église orthodoxe va s'identifier progressivement avec la cause "nationale" russe. En 1328, le déplacement du métropolite Théognoste de Vladimir à Moscou fait de la ville la capitale religieuse de la Russie et lui donne une dimension qui va contribuer à l'affirmation de son autorité politique, renforcée également par le rayonnement du monastère de la Trinité, héritier de l'ermitage établi par Saint-Serge en 1336 au nord-est de la ville.

    Devenu grand-prince en 1359, Dimitri Donskoï s'empare en 1364 de la principauté de Vladimir et celles d'Ouglitch, de Kostroma et de Galitch, avant d'annexer également, vers la fin de son règne, celle de Kalouga. La principauté de Tver fut également soumise. Dimitri va être le premier prince de Moscou à se dresser ouvertement contre la puissance mongole. Après une première victoire obtenue en 1378 contre l'ennemi tatar, il remporte deux ans plus tard, au confluent de la Népriadva et du Don, la victoire de Koulikovo - "le Champ des Bécasses" - qui lui vaut son surnom de Donskoï. Le long règne de Vassili Ier - 1389-1425 - vit l'acquisition de Nijni-Novgorod, au confluent de l'Oka et de la Volga, mais Moscou devait encore compter avec la menace que faisait peser la Horde d'or - les Tatars, furieux de se voir refuser le versement du tribut qu'ils estiment toujours leur être dû, ravagent le territoire moscovite en 1408. Après un début de règne marqué par les querelles de successions, Vassili II - 1425-1462 - peut s'emparer de nouveaux territoires. Il annexe ainsi la principauté de Souzdal, puis Toula et, devançant un projet d'alliance entre Novgorod et les Lituaniens, il impose à la ville du nord un droit de regard dans ses affaires. C'est durant son règne qu'intervient la dissolution de la Horde d'or. Moscou a dés lors acquis une indépendance de fait par rapport à la puissance tatare et de nombreux petits princes mongols prêtent même désormais allégeances au souverain moscovite. Le règne très long d'Ivan III - 1462-1505 -, fils aîné de Vassili II, revêt ensuite pour la Russie une importance capitale. Associé au pouvoir par son père, le nouveau prince impose son autorité à ses frères et à l'ensemble des princes russes. Il poursuit également les conquêtes en annexant en 1472 la région de Perm et en 1489 celle de Viatka, des territoires qui, occupés par des populations finno-ougriennes, n'avaient jamais fait partie de la première Russie kièvienne, pas plus que l'espace russe considéré dans son ensemble. (à suivre...)

    source : http://lheurasie.hautetfort.com 

    http://www.voxnr.com/cc/dt_autres/EFAAyuuVkEUPRZhoTc.shtml

  • Notre combat pour l’histoire (NRH)

    On se souvient des propositions délirantes présentées dans le « rapport sur l’intégration » mis en ligne sur le site de l’Hôtel Matignon en novembre dernier. La vigueur des réactions suscitées par la publication de ces projets a conduit nos actuels dirigeants à affirmer « qu’il ne s’agissait pas là de la position du gouvernement », pendant que le ministre de l’Intérieur jugeait « inacceptables » certaines des idées avancées. Trois mois plus tard – et alors que l’opinion se mobilise contre la diffusion dès l’école primaire, sous prétexte de « lutte contre les stéréotypes », de l’idéologie du genre – quarante-quatre propositions visant à « lutter contre les discriminations » témoignent de la volonté gouvernementale de relancer sous une forme différente les projets écartés en novembre.
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    Ancien membre du collège du Haut Conseil à l’intégration et spécialiste de la laïcité, Malika Sorel-Sutter a commenté ce nouvel avatar des tentatives de « construction d’un homme nouveau » dans un entretien donné au Figaro. Sa conclusion est sans appel puisqu’il s’agit, selon elle, « de rééduquer les Français en leur inculquant la bien-pensance identifiée comme la pensée juste […] Nous sommes confrontés à une volonté de changer le peuple au travers du changement en profondeur de tout son référentiel culturel ».La promotion des langues d’origine des étrangers venus s’installer sur le sol français, la prise en compte de leurs diverses spécificités, la valorisation de leur apport supposé à la société d’accueil, la mise en avant des figures issues de l’immigration doivent aboutir à une coexistence heureuse au sein de la société harmonieusement cosmopolite que la « nouvelle classe mondiale » appelle de ses vœux.La mise en œuvre de l’amnésie collective et le déracinement culturel des populations autochtones – ces fameux « Français de souche » dont la seule mention peut se transformer en délit, comme vient de l’expérimenter Alain Finkielkraut – apparaissent donc désormais indispensables à l’avènement du « citoyen du monde » rêvé par les utopistes, un « homme nouveau », certes différent de celui imaginé par les grands totalitarismes du siècle dernier, mais tout aussi étranger aux réalités du sang, du sol et de la mémoire.

    Dans le programme orwellien dont nous constatons la mise en œuvre progressive, l’histoire tient évidemment une place de choix car « qui contrôle le passé commande le présent ». La disparition des nations historiques et des identités spécifiques est programmée au nom de l’avènement d’une globalisation fondée sur la satisfaction élémentaire des aspirations de l’individu-consommateur. Le « sans-frontiérisme » généralisé qui en découle implique l’oubli d’un passé naturellement générateur d’identités collectives et porteur de représentations du monde particulières. Le triomphe incontrôlé de la technique et la réduction aux normes de la marchandise de toute l’activité humaine ne peuvent s’accommoder du maintien d’une mémoire susceptible de soutenir la résistance au grand désordre en cours d’instauration.
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    C’est dire l’importance du combat pour l’enseignement et la transmission de l’histoire, seule en mesure de fournir les points de repère nécessaires et d’alimenter un imaginaire collectif permettant aux jeunes générations de s’inscrire dans la durée pour y trouver modèles et références. Au moment où semblent s’annoncer les « années décisives » qui décideront sans doute de l’établissement d’un nouvel ordre du monde, c’est en renouant le fil du temps qui a vu l’ascension multiséculaire de nos nations européennes, puis l’immense tragédie qui a failli les emporter, que les jeunes gens d’aujourd’hui seront en mesure de relever les défis des temps difficiles qui s’annoncent. Plus que jamais le message que nous a laissé Nietzsche, selon lequel « l’avenir appartiendra à ceux qui auront la mémoire la plus longue » demeure d’une brûlante actualité.

    Éditorial de Philippe Conrad dans La Nouvelle Revue d’ Histoire

  • Arbres de la Liberté, cultes druidiques et révolution culturelle chez Nicolai Frederik Severin Grundtvig

    Hennig Eichberg

    Dans le contexte européen à la fin du XVIIIième et au début du XIXième, le renouveau païen allemand n'était pas isolé. En France, dans la seconde moitié du XVIIIième, la déchistianisation avait fait des progrès considérables, touchant même le petit paysannat, les artisans et les boutiquiers. Ce changement de mentalité est considéré comme un signe avant-coureur important de la Révolution de 1789. Dès les premières années de l'ère révolutionnaires, on assiste à la naissance d'un culte non chrétien de la liberté, qui s'exprime à travers le calendrier révolutionnaire, les fêtes populaires et les temples bâtis dans un style allégorique et abstrait, assez pédant et imitant sans grande originalité l'architecture de la Rome antique. Dans toutes ces innovations, la plus intéressante, à nos yeux, est le culte de l'arbre de la liberté, qui renoue avec le vieux culte européen de l'Arbre de Mai.

    Préparés par le romantisme celtisant d'Ossian et par certains courants du déisme qui se revendiquait une religion de la nature, les cultes néo-druidiques ressurgissent en Grande-Bretagne, renouant avec des traditions bardiques héritées du moyen-âge. A partir de 1781, apparaissent des ordres druidiques-maçonniques. A partir de 1792, on assiste en Angleterre à des cérémonies tenues par des druides vêtus de blanc et proférant d'antiques prières autour de cercles de pierres dressées et d'autels celtiques. En 1819, des cérémonies semblables animent le rassemblement des bardes gallois, lors de la fête celtique traditionnelles de l'Eisteddfod.

    En Suède, le romantisme d'inspiration germanique trouve son principal écho dans la Ligue Gothique, constituée en 1811. Etudiants et intellectuels affiliés à ce cercle, parmi lesquels se rangent les poètes E. J. Geijer et Esaias Tegner, ainsi que le fondateur de la gymnastique suédoise P. H. Ling, se donnent des noms tirés de l'ancienne mythologie germanique ou des sagas norroises, se rassemblent sur des places entourées d'un cercle de pierres et y tiennent le ³thing². Ils se réfèrent aux dieux anciens, ils se livrent à des recherches historiques et à l'actualisation littéraire du passé gothique, à partir duquel ils veulent refonder l'identité nationale suédoise.

    Mais, c'est au Danemark que renaissent des références plus durables à la mythologie nordique. Les bases jetées à l'époque ont permis de forger une conscience mythologique, identitaire et politique dont l'effet se fait encore sentir aujourd'hui, surtout dans les milieux dits de ³gauche². Cette tradition identitaire de la gauche révolutionnaire danoise débute avec Jens Baggesen qui effectue en 1789, année de la Révolution à Paris, un voyage en Allemagne. Il se rend en lisière de la forêt de Teutoburg, où, sur une hauteur, on célèbre le souvenir de Hermann/Arminius, vainqueur des Romains et des légions de Varus. Dans ses souvenirs, Baggesen nous a laissé ce texte: "Nulle part je ne me suis senti plus libre, plus citoyen du Nord, plus frère dans la grande famille des peuples de notre côté des Alpes qu'ici, au sommet de la forêt chérusque où, pour la première fois, la puissance du Sud a plié devant celle du Nord. J'ai vu la naissance de la liberté en Europe dans le ravivement du souvenir d'Arminius; et j'ai suivi d'un regard ivre de joie sa course vers l'Ouest. Avec les Anglo-Saxons, elle est passée en Albion, avec les Francs, en Gaule. Et maintenant elle brille d'un double éclat dans l'assemblée française".

    Au début de son itinéraire, la gauche identitaire et romantique danoise a donc tourné son regard vers la révolution française, puis, quelques années plus tard, elle a approfondi son corpus doctrinal en explorant à fond l'antiquité scandinave. En 1819, on trouve très nettement la trace de cet engouement dans le livre Nordens guder (= Dieux nordiques) d'Adam Gottlob Oehlenschläger. En 1808, la première édition de Nordens Mythologi  (= Mythologie nordique) de N. F. S. Grundtvig est encore toute imprégnée de l'esprit romantique. Son édition augmentée de 1832 révèle une démarche nouvelle, très intéressante, qui annonce déjà l'anthropologie contemporaine et une sorte de pré-structuralisme. A l'époque, ces premières manifestations de notre philosophie contemporaine était qualifié de ³fantaisiste² et de ³subjective².

    Au lieu de fuir dans une empyrée poétique, à la façon de beaucoup de romantiques, Grundtvig, dans son interprétation de la mythologie nordique, dévoile un projet proprement politique. Le conflit entre les géants et les Ases n'apparaît plus comme un conflit entre forces imprévisibles de la nature et quiétude culturelle, mais comme les combats successifs entre deux types de culture: Rome contre le Nord, les érudits et les élites contre le peuples, le savoir livresque contre la parole vivante, la vieillesse contre la jeunesse.

    Cette approche correspondait avec les fronts politiques qui se dessinaient au Danemark de l'époque. Le nationalisme et le socialisme s'opposaient de concert à l'ancien régime qui vivait ses derniers moments. Les paysans se révoltaient contre les grands propriétaires terriens et contre une élite culturelle, politique et académique imprégnée de latin et d'allemand. Le mouvement national danois, issu du mouvement paysan et se définissant comme de ³gauche², comprend tout de suite l'enjeu de cette nouvelle interprétation de la mythologie nordique. Les bases mythologiques données par Grundtvig donne à la conscience révolutionnaire danoise et au mouvement social une épine dorsale culturelle. De cette fusion émerge une contre-culture aux formes multiples: des organisations de masses, des ¦uvres personnelles originales, un mouvement didactique créateur d'un réseau de ³hautes écoles populaires² accessibles à tous, des paroisses chrétiennes non orthodoxes en rupture de ban avec le luthérianisme officiel de l'Etat danois, des sociétés de gymnastique, des clubs de tir visant à armer le peuple, des coopératives en tous domaines.

    Dans les années de 1870 à 1880, les références directes à la mythologie scandinave perdent de leur influence dans les milieux populaires, socialistes et prolétariens. Elles ne reviendront que dans les années 1920, cette fois dans des milieux plus conservateurs. En dépit de la variante de la mythologie nordique véhiculée par l'Allemagne nationale-socialiste, les références nordiques joueront un rôle dans la résistance à l'occupation nazie de 1940 à 1945. Après la dernière guerre, elles sont tombées en désuétude.

    Mais, à la fin des années 60, le mouvement contestataire étudiant danois reprend à son compte la mythologie nordique telle qu'elle avait été présentée par Grundtvig. Certaines modulations de la culture alternative soixante-huitarde sont marquées par ces références scandinavisantes. Des auteurs comme Ejvind Larsen et Ebbe Klovedahl Reich, ainsi que, plus récemment, Paul Engberg, ont joué un rôle important dans ce processus. Citons notamment cette chanson burlesque contre la technocratie, où le loup Fenris de la mythologie scandinave apparaît comme un bourgeois dévorateur. Agit-prop par la mythologie nordique! Chez l'éditeur d'un journal de gauche, Information,  paraissait pour les communes rurales un supplément intitulé Freya, imprégné de romantisme paysan. Dans un tel contexte, les ³hautes écoles populaires² acquièrent une popularité nouvelle, et se placent souvent sous le signe de l'écologie: elles remettent en marche des moulins à vent, pour substituer une énergie éolienne douce aux énergies habituelles de la civilisation industrielle capitaliste contemporaine. Elles étudient la création d'énergie à partir de la biomasse. Elles enseignent le yoga et le méditation indiennes. On s'y réfère à nouveau directement à Grundtvig et à sa mythologie nordique. A Arrhus, le magasin de la contre-culture s'appelle ³Yggdrasill².

    Rappelons toutefois que Grundtvig et ses prédécesseurs romantiques ne voyaient pas de contradiction entre le christianisme et la mythologie nordique, tout comme les Allemands Arndt et Jahn. En revanche, la version alternative contemporaine de ce filon nordicisant développe une critique fondamentale du christianisme. Reich et Larsen voient en lui, surtout dans sa forme protestante, le prélude structurel au capitalisme, à l'écrasement de la nature par l'industrie, à la crise de l'environnement. La Réforme apparait donc comme ³un mélange d'absolutisme et de rapacité² (Reich). Quant à Larsen, il a écrit: "Ce n'est pas seulement avec Luther que nous devons engager le débat critique, mais avec le christianisme dans son ensemble. Peut-on imaginer pouvoir changer quelque chose aux maux sociaux de notre époque avant d'avoir éliminé le christianisme".

    Se référant à Herder et à Goethe, le mouvement pacifiste danois du début des années 80, se pose comme une résistance populaire contre l'advenance problable d'un terrible Ragnarök nucléaire. Derrière l'hyper-conscience des enjeux qu'a développé le mouvement pacifiste danois, c'est l'Europe toute entière qui s'est brièvement dressée contre son asservissement séculaire par les confessions chrétiennes, puis par le système de pensée scientiste et enfin par les programmes politiques conventionnels. Nous pouvons dès lors constater que le filon mythologisant danois, et son pendant allemand, permettent de structurer une véritable alternative culturelle, pour une nouvelle gauche contestatrice capable de remettre en question le système industriel.

    Les diverses formes nationales de néo-paganisme, le mouvement mythologiste, etc. font certes apparaître des profils nationaux très différents les uns des autres. Il n'empêche qu'ils sont toujours une révolte du réel-charnel contre les artifices du pouvoir, contre les manipulations des puissants qui étouffent pour mieux s'imposer. L'arbre de la liberté dans la France révolutionnaire, le mouvement druidique gallois et les fêtes de l'Eisteddfod celtisant, le gothisme suédois du début du XIXième, la contre-culture théorisée et chantée par Grundtvig apparaissent entre les révolutions de 1789 à Paris et de 1848 à Berlin, Francfort et Vienne: ce n'est pas un hasard!

    [Synergies Européennes, Vouloir, Avril, 1998 - trad. franç. : Robert Steuckers]

    http://vouloir.hautetfort.com/index-4.html

  • Les conditions de l'autonomie des citoyens dans les communautés d'autodéfense

    La nébuleuse citoyenne apparaît largement désarmée. Par conséquent, comment faire face aux autres archétypes qui représentent des formes de pouvoir oligarchique ? C’est ici qu’il faut traiter de cet élément clef de la liberté d’action qu’est la capacité de décision. La référence faite précédemment à la notion d’autonomie ainsi qu’à la démocratie comme société secrète nous ouvrent la voie et fournissent un début de réponse : compte tenu du besoin d’échapper au diktat des contre-pouvoirs, on retrouve en effet l’idée première « prendre son destin en main », en l’espèce la capacité de garantir soi-même ses propres conditions d’existence et de décisions. De tout temps, les groupes humains confrontés à des situations semblables ont eu recours à des formes de solidarités de base : nous parlons ici de coopérative (sans nécessairement faire référence au concept juridique) et à son idée directrice, c’est-à-dire la mise en commun de certaines ressources indispensables à la survie desdits groupes. 

         Le cas des Acadiens au Canada, est un exemple particulièrement éclairant à ce propos. Il s’agit d’une population qui, d’abord, est chassée de ses terres et victime d’une déportation au 18ème siècle, suite à la perte par la France de ses possessions canadiennes. Au prix d’énormes sacrifices, cette population parvient à se reconstituer au cours du 19ème siècle, à s’établir sur de nouvelles terres où elle tente de reprendre une vie normale. Ayant alors comme activité principale la pêche, elle tombe cependant rapidement sous la coupe des entreprises anglaises à qui les pêcheurs acadiens sont tenus de remettre le fruit de leur pêche, en échange de bons d’achat dans les magasins desdites entreprises. Evidemment, les bons s’avèrent insuffisants pour couvrir les besoins vitaux de la population et celle-ci s’endette rapidement. C’est dans ces circonstances particulièrement difficiles que le mouvement coopératif va jouer pour les Acadiens le rôle d’un véritable projet de société à la fois fédérateur et identitaire. La population acadienne parvient en effet non seulement à se maintenir, mais à reconquérir son autonomie grâce au système des coopératives. A travers le mouvement coopératif – développé sous la houlette de l’Eglise catholique et de son clergé – les Acadiens réussissent à secouer cette tutelle économique et à reprendre leur destin en main, la création de petites entreprises autogérées et autofinancées (alimentation, machines, outils, épargne) permettant d’assurer les besoins de base de la population et de ne plus dépendre du monopole des grandes entreprises anglaises. 

          Plus récemment au Mexique, dans un pays ravagé par la corruption et la guerre que se livrent les gangs de narco-trafiquants, certaines communautés redécouvrent les vertus d’une solidarité de « type acadien ». Dans certaines bourgades en effet, les citoyens se sont réunis en groupe d’autodéfense afin de garantir la sécurité locale. Equipés de radios et de jumelles, ils observent les allers et venues et signalent immédiatement tout événement suspect, contraignant de ce fait la police (souvent corrompue) à faire son travail : « En cas de mouvement suspect, ses 200 membres se disent capables de bloquer les quatre issues [du bourg] en moins de cinq minutes ; à la moindre alerte, reliés en permanence par talkie-walkie, les voici qui interrompent leur travail ou sautent du lit dans l’instant, puis se ruent en direction du supposé criminel, un voleur de poule, un cambrioleur, un bandit de grand chemin, un ravisseur... » En surveillant ainsi leurs localités, ces citoyens évitent que les gangs ne viennent s’y installer, rétablissant de la sorte la paix et la tranquillité dans les rues. Il est évidemment encore trop tôt pour pouvoir juger de la validité et de la durabilité de ces expériences mexicaines. Mais, d’ores et déjà, certains aspects sont frappants et renvoient aux considérations précédentes sur l’autonomie et la démocratie comme société secrète en réponse à la voyoucratie. Les groupes d’autodéfense pratiquent en effet la culture du secret, ne communiquant par exemple entre eux qu’à travers des noms de code : « Nous fonctionnons comme une société secrète, la moindre indiscrétion peut nous être fatale. » Et leur motivation est précisément celle d’une réponse à l’Etat-voyou : « On s’est mobilisés car nos institutions, pourries de l’intérieur, ne peuvent nous protéger... » 

    « Prendre en main sa propre sécurité » représente un levier intéressant pour « prendre son destin en main » et retrouver, de ce fait, une première forme de res publica (au sens développé dans le livre de Bernard Wicht, en particulier au moment où le déclin de l’Etat-nation met fin à la citoyenneté). Or, on constate précisément que les exemples susmentionnés présentent le modèle d’une sécurité re-pensée à l’échelon local, à savoir au niveau communal, au niveau du quartier urbain ou de la petite communauté politique. Avec une telle conception de la sécurité, le groupe d’individus concernés – le sujet collectif – peut à cette échelle reprendre influence sur la réalité, sur les facteurs qui déterminent son environnement – autrement dit, l’autonomie telle qu’envisagée plus haut. On peut considérer ainsi la renaissance d’une forme de démocratie de base par laquelle une communauté commence à prendre en charge la gestion de ses propres affaires, cette communauté retrouvant par là même l’esprit d’entreprise, voire l’esprit des pionniers. C’est pourquoi on parle ici de levier au sens où l’entendait Max Weber à propos des groupes en armes à l’origine du capitalisme en Europe. En ce sens, l’exemple acadien tend à montrer que la dimension économique est une composante déterminante de l’autonomie et que couplée à un système d’arme adapté, elle débouche sur une réelle liberté d’action. L’articulation des nouvelles formes d’organisation militaire (outil militaire + puissance financière) vient confirmer cette analyse. En conséquence, la formule définissant la liberté d’action de nos jours pourrait bel et bien être : 

    CAPACITE ECONOMIQUE + SYSTEME D’ARME = LIBERTE D’ACTION 

    La capacité économique se comprenant soit du point de vue financier comme l’indique la révolution militaire en sous-sol, soit sous forme d’une coopérative garantissant une indépendance économique minimale. Constatons au passage combien on s’éloigne ainsi du modèle occidental de la guerre et du paradigme étatique moderne considérant les armées comme de simples instruments que l’on entretient et utilise au gré des circonstances. Au contraire, dans la perspective présentée ici, l’outil militaire n’est pas une simple forme d’organisation ; il tend vers un projet de société associant les individus et leur mode de vie. 

    Bernard Wicht, Europe Mad Max demain ? Retour à la defense citoyenne

     http://www.oragesdacier.info/2014/05/les-conditions-de-lautonomie-des.html