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culture et histoire - Page 1569

  • Construire une Europe des nations, où chaque Etat sera souverain

    Gilles Lebreton, professeur de droit public à l’université du Havre, doyen de faculté, est tête de liste FN/RBM pour la circonscription Ouest. Il répond àPrésent. Extraits :

    L"Je suis resté en dehors de la politique jusqu’en 2000. A partir de cette année-là, j’ai consacré un peu moins de temps à l’université pour en dégager pour la politique. J’ai commencé par soutenir le Rassemblement pour la France (RPF) de Charles Pasqua et Philippe de Villiers. Mais le parti est mort très vite, à la suite de divergences, en 2001. En 2002, j’ai rencontré Jean-Pierre Chevènement et l’ai soutenu pour la présidentielle. Mais, pour être franc, j’ai été déçu par lui au cours de sa campagne. Je suis donc parti une fois la campagne finie. Je suis souverainiste, j’étais donc en attente d’une personnalité forte. J’ai rencontré Marine Le Pen il y a un peu plus de trois ans, par hasard, chez un ami commun et le courant est très bien passé. Je suis rapidement devenu son conseiller sur les questions touchant à l’enseignement supérieur et à l’Europe. Et elle m’a fait l’heureuse surprise de me demander de mener la liste de l’Ouest. [...]

    L’Union européenne nous a déçus à maintes reprises et a prouvé son inaptitude à apporter la prospérité. Pire, elle nous plonge dans une crise sociale et économique. Le but n’est pas de nous replier sur nous-mêmes mais de mettre en place des liens de bon voisinage. Nous voulons construire une Europe des nations, où chaque état sera souverain. Notre modèle en la matière est Airbus. C’est le fruit d’un accord entre des gouvernements, tout en n’ayant rien à voir avec l’Union européenne.

    Quel est donc votre objectif en intégrant le parlement européen ?

    Le premier objectif est de former un groupe au sein du parlement européen. Pour ce faire, il nous faut 25 députés d’au moins sept nationalités différentes. Et nous avons une grande chance d’y arriver. Si nous pouvons constituer ce groupe, nous aurons plus de poids et aurons un vrai moyen d’action, en étant une minorité de blocage. [...]"

    Michel Janva

  • "Il naîtra de faux fascismes"

    « Il naîtra de faux fascismes. Car la démocratie est fourbue. Dans son agonie, elle aura des sueurs et des cauchemars : et ces cauchemars seront des tyrannies brutales, hargneuses, désordonnées. Il y aura des fascismes de l’antifascisme. Il y aura des « dictateurs de la gauche ». Et nous verrons s’élever au nom de la défense des républiques, des régimes qui auront pour maxime de refuser la liberté aux « ennemis de la liberté ». Nous le savons. Et c’est pourquoi nous savons aussi que c’est mensonge et vanité de définir le fascisme par des caractères extérieurs. La suppression de la liberté, les arrestations arbitraires, les camps de concentration, la torture qu’on prétend rejeter sur le fascisme, sont tout aussi bien et tout aussi souvent le propre des régimes dirigés contre le « danger fasciste ». Tous les caractères extérieurs par lesquels les adversaires du fascisme le définissent, ils se retrouvent ou peuvent se retrouver dans les régimes antifascistes : c’est qu’ils ne définissent pas le fascisme qui, finalement, est une manière de réagir, un tempérament, une manière d’être, incarnée dans un certain type d’hommes. 

    C’est ce type d’hommes, c’est cette attitude devant la vie qui, au fond, commandent toutes les réactions fascistes et les formes, diverses selon les peuples, que le fascisme a prises et prendra dans l’histoire. Là où ces hommes dirigent, là où leur esprit inspire l’action de pouvoir, il y a un régime fasciste. Au contraire, lorsqu’ ils sont persécutés ou combattus, quoi qu’on vous dise et quelque bruit que fasse la trique en tournoyant, reconnaissez les signes de la décomposition, de la décadence et le règne de l’or et des pharaons de l’étranger. Voulez vous reconnaître à coup sûr et instantané le faux fascisme ? Vous le reconnaîtrez à ces signes : il emprisonne au nom des droits de la personne humaine et il prêche le progrès, mais il respecte les milliards et les banques sont avec lui. Ne cherchez pas plus loin. Vous verrez quelques mois plus tard le faux fascisme faire la chasse au courage, à l’énergie, à la propreté. Il vous dévoilera ainsi son vrai visage. Il a besoin d’esclaves assez abrutis pour ne pas trop sentir leur collier. » 

    Maurice Bardèche. Qu’est-ce que le fascisme ?

    Source

    http://www.oragesdacier.info/2014/05/il-naitra-de-faux-fascismes.html

  • Nous voulons devenir grands

    « Le retour d’une Europe puissance est en effet le grand cauchemar de l’oligarchie cosmopolite »

    En France on aime les petits, en particulier depuis la Guerre de 1914. Le petit, alors, était notre « pioupiou », notre poilu en bleu horizon qui se battait dans les tranchées contre les Boches. Après la guerre de 1914-1918 les petits seront donc à l’honneur et on en mettra partout, notamment dans les titres des journaux.

    Malheureusement nous ne sommes pas remis de cette épidémie de « petitesse ». Pas un jour ne se passe sans que le gouvernement ne déclare se préoccuper avant tout des « petits salaires » et on a vu récemment le premier ministre s’intéresser aux « petites pensions ». N’oublions pas, bien sûr, les PME – petites et moyennes entreprises – qui font l’objet de tous les soins du discours politique depuis 40 ans. Cela ne suffit d’ailleurs pas puisqu’il faudrait se préoccuper aussi des Très Petites Entreprises, les TPE. Et bien sûr aussi des « auto-entrepreneurs ». Plus petit que moi tu meurs ! On n’oubliera pas aussi les « petits commerçants », les « petits exploitants agricoles » et les « petits porteurs ». Qui donc aujourd’hui ne revendique pas la qualité de « petit » ?

    Or cette attirance pour la petitesse a quelque chose de malsain à la longue.

    La petitesse, produit de l’égalitarisme

    Il s’agit d’abord d’une des nombreuses manifestations de l’égalitarisme qui ronge notre société depuis le XVIIIe siècle : se préoccuper des « petits », des « plus modestes » fait partie du fonds de commerce électoral de la classe politique, notamment « de gauche ». Dans un régime qui prétend réaliser en tout l’égalité, chacun devient le juge envieux de la situation de son voisin : il vaut mieux alors se déclarer petit ou pauvre que gros et riche, en particulier devant le fisc. Car les petits bénéficient des systèmes de redistribution mis en place après la seconde guerre mondiale.

    Or l’accent mis sur les petits – qui renvoie aussi à l’idéologie de la lutte des classes – a conduit à un effet collatéral imprévu : délaisser progressivement les véritables perdants du nouvel ordre économique et social à la fin du XXe siècle : les classes moyennes autochtones qui ne sont jamais assez « petites » pour profiter de la générosité publique qui bénéficie désormais massivement aux étrangers.

    Le mythe du village gaulois

    Ce culte égalitaire du petit donne écho à un mauvais travers de l’identité française : la préférence pour les divisions, pour le chacun pour soi, étendus à l’infini.

    Le modèle de cette petitesse, de ce « p’tit gars bien de chez nous », comme disait le présentateur radiophonique Jean Nohain dans les années 1950, c’est le village d’Astérix où tout le monde se querelle, se jalouse et se tape dessus, sauf le temps de s’en prendre aux Romains, les puissants de l’époque : dans ce seul cas tout le village s’unit !

    Car les petits n’aiment ni les grands, qu’ils jalousent, ni surtout les autres petits, qui pourraient les concurrencer dans le registre victimaire de la revendication « sociale ».

    Petits dans un monde de grands ?

    Donner la priorité obsessionnelle aux petits nous fait oublier que nous vivons désormais dans un monde qui voit, au contraire, se concurrencer et s’affronter de plus en plus les grands espaces économiques, les grandes civilisations et les grandes entreprises mondiales. C’est cela la réalité de la mondialisation.

    Par exemple, le discours en faveur des PME qui chez nous soutiendraient la croissance et l’emploi et qu’il faudrait pour cette raison soutenir en permanence et par tous les moyens, ne résiste pas à l’épreuve des faits. Les PME ne réussissent au mieux qu’à empêcher l’explosion totale du chômage : elles ne compensent ni la désindustrialisation massive ni les délocalisations ni les destructions d’emplois qui en découlent. Les PME innovantes, également soutenues par le contribuable, ne compensent pas le retard pris en matière de recherche et d’enseignement supérieur dans notre pays.

    N’en déplaise à une aimable légende, remise au goût du jour par le néo-libéralisme et par tous ceux qui dans notre dos préparent l’avenir à leur profit, dans le monde réel qu’il soit militaire, diplomatique, culturel ou économique, ce ne sont pas les petits qui gagnent mais les puissants, les grands et les forts.

    « Small is beautiful » prétendaient les grands cabinets de conseil américains à l’intention des Européens : mais l’Amérique s’est bien gardée de mettre en œuvre ses recommandations !

    Dans le monde réel, les légions romaines ont assez vite mis au pas le sympathique village d’Astérix.

    Le culte des petits

    La classe politique fait profession d’aimer les PME et de se soucier des « petits » en général, pour la même raison que la gauche prétend s’occuper des « bas salaires » : pour se trouver une clientèle électorale et pour cacher son impuissance devant le nouveau « mur d’argent » incarné aujourd’hui par les institutions financières et les grandes entreprises mondiales.

    Nous croulons, justement, sous le culte de ces innombrables « petits » parce qu’aucune volonté n’oblige les petits à devenir grands. Partout où le regard se tourne on constate un émiettement dramatique des efforts et des ressources, qui est devenu une spécificité « bien de chez nous » : mille-feuilles institutionnel des collectivités territoriales, accumulation de dispositifs publics concurrents jamais réformés, code des impôts devenu illisible à force de complexité, carte universitaire éclatée à souhait, déserts médicaux voisinant avec villes surmédicalisées, etc.

    La crise de légitimité de l’Etat est telle que plus aucune autorité n’impose le bien commun face à l’implosion de l’individualisme et de l’égoïsme catégoriels des « petits » et qui entendent bien le rester.

    Il est vrai qu’il faut faire des efforts et prendre des risques pour devenir grand. A-t-on oublié que si la France s’enorgueillit encore de grandes réalisations culturelles, industrielles ou scientifiques on le doit à la dure volonté de l’Etat et non au jeu spontané du doux commerce et des intérêts corporatistes ?

    Les nains européens

    Le culte du petit convient bien aussi à la situation présente des nains européens.

    Ceux qui ont placé les Européens en dormition veillent en effet scrupuleusement à ce que leurs sujets n’aient aucun rêve de grandeur, afin qu’ils somnolent le plus longtemps possible.

    Il suffit d’écouter ce que nous disent les médias ou de regarder la production cinématographique européenne pour s’en rendre compte : on ensevelit les Européens sous un océan de médiocrité et de petitesse. On apprend aux derniers hommes, comme disait Nietzsche, à rechercher leur « bonheur » dans le refus de tout ce qui peut dépasser leur morne horizon de ressource humaine et leur nombril.

    La rééducation des petits Européens

    Pour les Européens, plus de film, plus d’œuvre ou plus de littérature épiques.

    Pas question de promouvoir des œuvres qui véhiculent la foi, le sens de l’honneur, du sacrifice ou du dépassement de soi.

    Il suffit de passer dans le rayon histoire d’une grande librairie pour s’en rendre compte : tout se trouve réduit, concassé à l’échelle du plus petit dénominateur commun : l’individu qui souffre et, bien sûr, les « heures sombres de notre histoire » dont on ne saurait sortir.

    Pas de célébration qui ne verse dans la repentance et la honte de notre passé.

    Pas de héros européens offerts à l’admiration de la jeunesse. Les seuls « superhéros » ou autres « Xmen » autorisés sont des débiles américains bien-pensants.

    Mais l’oligarchie trouve que c’en est encore trop. Des armées de censeurs scrutent donc en permanence nos livres d’histoire, nos bibliothèques, nos écrans ou les livres que lisent (encore) nos enfants, pour en extirper tout ce qui pourrait rappeler aux Européens endormis le souvenir de leur grandeur et donc de leur identité. Bien entendu on camoufle ce vice révisionniste sous de beaux atours, comme : lutter « contre les stéréotypes », « contre le sexisme » et, bien sûr, « contre le râââcisme ». Le diable en rit encore.

    L’Europe des petits ou l’Europe des grands ?

    Le spectacle affligeant que donne aujourd’hui l’Union européenne illustre aussi cette tragique course à la petitesse dans laquelle l’oligarchie nous engage volontairement.

    L’Europe unifiée représentait une grande idée, une grande espérance pour les Européens, victimes de tant de guerres fratricides. C’était sans doute le seul véritable mythe du XXe siècle, le rêve d’une Europe unie, libre et indépendante, d’un imperium qui assurerait lui-même sa propre sécurité. Une Europe de l’Atlantique à l’Oural qui offrirait à sa jeunesse l’espoir de valoriser un continent aux richesses immenses. Un espace de prospérité et de puissance commune. Une Europe ouverte sur les autres civilisations, dans un dialogue d’égal à égal et non pas dans une relation de vassalité ni a fortiori d’invasion ou de négation de notre identité.

    Mais les oligarques n’ont eu de cesse de rabaisser ce grand rêve, de le déconstruire de l’intérieur méticuleusement, pièce par pièce. Le rêve d’Europe est devenu cauchemar bruxellois, au point que le retour aux nations paraisse aujourd’hui la solution !

    Le retour d’une Europe puissance est en effet le grand cauchemar de l’oligarchie cosmopolite. C’est pourquoi l’oligarchie encourage tout ce qui peut diviser les Européens, tout ce qui peut les empêcher de se sentir grands et de penser de nouveau en grand, et ensemble.

    C’est pourquoi elle a bâti l’Europe repoussoir de Bruxelles, l’Europe des marchands et des banksters pour conjurer l’apparition de la Grande Europe.

    Nous vivons dans un monde de petits parce que les nains nous gouvernent.

    Il est temps que se réveillent les héros et les grands Européens qui sauront terminer ce règne des petits.

     Michel Geoffroy, 29/04/2014

    http://www.polemia.com/nous-voulons-devenir-grands/

  • Les nouveaux espaces de liberté : les TAZ ou zones autonomes temporaires

    Il s’agit de se demander comment envisager la liberté politique alors que le cadre étatique n’apparaît plus approprié. Le philosophe Jacques Derrida nous indique une première piste nous autorisant d’esquisser une première débauche. Dans son approche déconstructiviste, il met en évidence le décalage, voire le malentendu existant de nos jours entre l’Etat et la démocratie, la seconde n’étant plus nécessairement le reflet du premier. Son point de départ à cet égard est le concept d’Etat-voyou apparu récemment dans les relations internationales, c’est-à-dire l’Etat qui confisque la souveraineté de manière despotique. Et c’est dans cette optique qu’il parle de l’avenir de la démocratie comme celui d’une société secrète : « Il sera difficile d’exclure tout rêve de démocratie à venir comme société secrète, société du secret. Partagé, bien sûr, mais comme tout secret en somme... ». En avançant le terme de « société secrète », le philosophe se réfère à l’idée de conjuration, de confrérie et met en exergue leur pouvoir et leur force face à la montée actuelle des contre-souverainetés et des contre-Etats (ce qu’il appelle la « voyoucratie »). Derrida expose en effet son concept de « démocratie comme société secrète » par analogie avec le contrepouvoir d’une confrérie clandestine mais populaire, c’est-à-dire une force organisée s’opposant à l’Etat-voyou bafouant le droit. Quelle que soit la difficulté de l’approche déconstructiviste déployée par l’auteur, on remarque néanmoins immédiatement toute la pertinence de cette observation dans le cadre de l’Etat pénal-carcéral et de l’affaiblissement de la citoyenneté ainsi que les perspectives qu’elle ouvre pour notre réflexion. Le propos de Derrida trouve son écho dans la pensée chinoise avec le proverbe, « les mandarins tirent leur pouvoir de la loi ; le peuple tire le sien des sociétés secrètes ». 

    En conséquence, lorsque le philosophe voit dans la démocratie une sorte de conjuration (au sens étymologique), il se rattache en quelque sorte au schéma des contre-sociétés tel que par exemple le mouvement communal au Moyen Âge, c’est-à-dire des groupes d’individus qui, en raison de leurs intérêts communs, décident de s’associer pour gérer leurs propres affaires et faire valoir leur point de vue vis-à-vis du cadre hiérarchique de l’époque (le féodalisme). La commune médiévale apparaît ainsi comme un lieu de décision collective autonome et une organisation d’auto-défense (interface armée/cité). Ceci fait d’ailleurs dire à l’historien William Mc Neill que le régiment moderne s’est substitué à la commune paysanne afin de redonner leur cohérence aux sociétés européennes quittant le Moyen Âge pour entrer dans les Temps modernes. 

    Si l’on transpose maintenant cette idée de contre-société ainsi que le modèle de la commune médiévale à la réalité actuelle, on s’approche alors de la notion d’autonomie. Cette dernière recouvre cependant plusieurs significations allant de l’autarcie économique à l’indépendance politique en passant par les projets autogestionnaires et les utopies anarchistes. Par autonomie ici, nous entendons une conception proche de celle élaborée par le philosophe Cornelius Castoriadis, à savoir la maîtrise de ses propres processus. Ainsi comprise, l’autonomie implique, autant que faire se peut, de ne pas dépendre de facteurs que nous ne contrôlons pas ou, autrement dit, de conserver l’emprise sur son environnement immédiat. De manière similaire, dans sa prospective sur les conditions de vie et les mœurs aux époques de déliquescence institutionnelle, Thierry Gaudin dégage une attitude de ce type en relevant que si un comportement humain est utile à la survie de l’espèce, il se maintiendra : « L’être autonome, individué, a une maîtrise suffisante de lui-même et de son environnement pour faire face aux difficultés. Le qualificatif ‘autonome’ signifie qu’il n’est pas dépendant de facteurs qui lui échappent ». 

    Une des leçons retenues au Japon lors de la catastrophe nucléaire de Fukushima va précisément dans cette direction. Face aux problèmes rencontrés à ce moment-là, face aux graves déficiences des pouvoirs publics et à leur difficulté à gérer la situation, voici la recommandation que l’écrivain Kenji Maruyama adresse à ses compatriotes : « Ce qu’il faut recommander aux Japonais, c’est d’être autonomes. Pour cela, il faut penser en tant qu’individu, ce qui nécessite d’avoir du courage et de ne compter que sur soi. Il faut essayer, autant que possible, de ne se fier qu’à son propre jugement et qu’à ses propres forces. Il faut étayer à partir de ce que l’on a vu de ses yeux et entendu de ses propres oreilles, et, quand d’autres forces que la sienne entrent en ligne de compte, il faut d’abord s’en méfier... » C’est toutefois la pensée anarcho-punk qui nous livre le concept le plus expressif en la matière – la TAZ (zone autonome temporaire). Celle-ci synthétise en effet assez largement les considérations précédentes tout en reflétant relativement bien le Zeitgeist de notre époque (fin des révolutions et des idéologies) : « La TAZ est comme une insurrection sans engagement direct contre l’Etat, une opération de guérilla qui libère une zone (de terrain, de temps, d’imagination) puis se dissout, avant que l’Etat ne l’écrase, pour se reformer ailleurs dans le temps ou l’espace. » Le père de ce concept s’est délibérément interdit de le définir : « Je crois qu’en extrapolant à partir ‘d’îles en réseau’, futures et passées, nous pourrions mettre en évidence le fait qu’un certain type ‘d’enclave libre’ est non seulement possible à notre époque, mais qu’il existe déjà. Toutes mes recherches et mes spéculations se sont cristallisées autour du concept de ‘zone autonome temporaire’ (en abrégé TAZ) »*. La TAZ est cependant souvent comparée aux utopies pirates, voire aux communautés cosaques traditionnellement égalitaires et démocratiques. De leur côté, les adeptes des TAZ se réclament de l’esprit de révolte de la flibuste et des flibustiers. En outre, dans le cadre de la société de l’information, le web en est aussi une composante importante : « Si la TAZ est un campement nomade, alors le Web est le pourvoyeur de chants épiques, des généalogies et des légendes de la tribu ; il a en mémoire les routes secrètes des caravanes et les chemins d’embuscade qui assurent la fluidité de l’économie tribale ; il contient même certaines des routes à suivre et certains rêves qui seront vécus comme autant de signes et d’augures. » D’ailleurs n’oublions pas que dans cette recherche des nouveaux espaces de liberté, il impose également de prendre en compte l’avènement de la société de l’information. Celle-ci vient apporter sa dimension à cette évolution en favorisant les petites structures, les formes d’organisation plates et « sans-tête ». 

    *Hakim Bey, TAZ : zone autonome temporaire 

    Bernard Wicht, Europe Mad Max demain ?

    http://www.oragesdacier.info/2014/05/les-nouveaux-espaces-de-liberte-les-taz.html

  • Simone Weil et l'Enracinement : un trésor politique pour les "temps de crise"

    Déjà presque au terme de sa vie, une jeune philosophe, rebelle, mystique, révolutionnaire, syndicaliste, adresse à Albert Camus le manuscrit qu'elle rédigea à Londres en 1942-43. Après l'avoir lu, Albert Camus lance : “Il me paraît impossible d’imaginer pour l’Europe une renaissance qui ne tienne pas compte des exigences que Simone Weil a définies dans L’Enracinement.” Ce merveilleux texte, rien de moins qu'un "Prélude à une Déclaration des obligations envers l'être humain", écrit au coeur de l’effondrement de l'Europe du 20ème siècle, peut être considéré comme le « testament spirituel et politique » de Simone Weil, légué aux générations futures pour une pensée exigeante en « temps de crises ». En proposant une civilisation des « besoins de l’âme », en opposant à la civilisation des droits de l’homme celle des "obligations envers les êtres humains", elle définit l'enracinement comme "le besoin de le plus important et le plus méconnu de l'âme humaine." Contre le scientisme, postulat de tous les mondialismes brun, rouge ou libre-échangiste, renvoyant dos à dos les "croyants" en la Science et au Progrès divinisés et les nostalgiques du passé, Simone Weil, comme plus tard son ami Gustave Thibon, nous propose de nous élever au-delà du temps, dans la merveilleuse continuité des générations, des traditions vivantes, dans l'amour de la racine qui se prolonge dans la fleur : "La perte du passé, collective ou individuelle, est la plus grande tragédie humaine et nous avons jeté le nôtre comme un enfant déchire une rose..." 

    "Un être humain a une racine par sa participation réelle, active et naturelle à l'existence d'une collectivité qui conserve vivants certains trésors du passé et certains pressentiments d'avenir."

    Pour Simone Weil, l’objet de la vie publique, la responsabilité des hommes politiques, des classes dirigeantes en particulier, est de "prendre toutes les dispositions susceptibles d’amener dans la plus grande mesure possible le pouvoir sous toutes ses formes, sans exception, aux mains de ceux qui acceptent en fait d’être liés par l’obligation universelle envers tous les êtres humains.“ A l'heure de la pulvérisation de toutes les limites, de la science - économique, naturelle - "sans conscience", de la mondialisation de tout et du déracinement généralisé, l'oeuvre de Simone Weil apparaît comme une lueur étincelante d'espoir pour tous ceux qui n'ont pas renoncé à "changer le monde", ceux qui n'ont pas sombré dans le fatalisme au nom d'un prétendu "sens de l'Histoire"... L'Enracinement est, comme l'affirme Camus, l'unique voie d'une renaissance, en 2014 comme en 1944, pour la France et pour la civilisation européenne, le seul programme authentiquement révolutionnaire dans un monde qui cherche sa boussole. L'ObsE vous en propose ici deux extraits. 

    "L'argent détruit les racines partout où il pénètre, en remplaçant tous les mobiles par le désir de gagner." (Ext p.34-35) 

    "L'enracinement est peut-être le besoin le plus important et le plus méconnu de l'âme humaine. C'est un des plus difficiles à définir. Un être humain a une racine par sa participation réelle, active et naturelle à l'existence d'une collectivité qui conserve vivants certains trésors du passé et certains pressentiments d'avenir. Participation naturelle, c'est-à-dire amenée automatiquement par le lieu, la naissance, la profession, l'entourage. Chaque être humain a besoin d'avoir de multiples racines. Il a besoin de recevoir la presque totalité de sa vie morale, intellectuelle, spirituelle, par l'intermédiaire des milieux dont il fait naturellement partie. 

    Les échanges d'influences entre milieux très différents ne sont pas moins indispensables que l'enracinement dans l'entourage naturel. Mais un milieu déterminé doit recevoir une influence extérieure non pas comme un apport, mais comme un stimulant qui rende sa vie propre plus intense. Il ne doit se nourrir des apports extérieurs qu'après les avoir digérés, et les individus qui le composent ne doivent les recevoir qu'à travers lui. Quand un peintre de réelle valeur va dans un musée, son originalité en est confirmée. Il doit en être de même pour les diverses populations du globe terrestre et les différents milieux sociaux. 

    Il y a déracinement toutes les fois qu'il y a conquête militaire, et en ce sens la conquête est presque toujours un mal. Le déracinement est au minimum quand les conquérants sont des migrateurs qui s'installent dans le pays conquis, se mélangent à la population et prennent racine eux-mêmes. Tel fut le cas des Hellènes en Grèce, des Celtes en Gaule, des Maures en Espagne. Mais quand le conquérant reste étranger au territoire dont il est devenu possesseur, le déracinement est une maladie presque mortelle pour les populations soumises. Il atteint le degré le plus aigu quand il y a déportations massives, comme dans l'Europe occupée par l'Allemagne ou dans la boucle du Niger, ou quand il y a suppression brutale de toutes les traditions locales, comme dans les possessions françaises d'Océanie (s'il faut croire Gauguin et Alain Gerbault).

    Même sans conquête militaire, le pouvoir de l'argent et la domination économique peuvent imposer une influence étrangère au point de provoquer la maladie du déracinement.

    Enfin les relations sociales à l'intérieur d'un même pays peuvent être des facteurs très dangereux de déracinement. Dans nos contrées, de nos jours, la conquête mise à part, il y a deux poisons qui propagent cette maladie. L'un est l'argent. L'argent détruit les racines partout où il pénètre, en remplaçant tous les mobiles par le désir de gagner. Il l'emporte sans peine sur les autres mobiles parce qu'il demande un effort d'attention tellement moins grand. Rien n'est si clair et si simple qu'un chiffre."  

    "Ce n'est pas l'adolescent abandonné, misérable vagabond, à l'âme affamée, qu'il est juste d'accuser, mais ceux qui lui ont donné à manger du mensonge" (à propos du jeune Hitler, Ext p.156 à 160) 

    "On doute de tout en France, on ne respecte rien, il a des gens qui méprisent la religion, la patrie, l’État, les tribunaux, la propriété, l'art, enfin toutes choses ; mais leur mépris s'arrête devant la science. Le scientisme le plus grossier n'a pas d'adeptes plus fervents que les anarchistes. Le Dantec est leur grand homme. Les « bandits tragiques » de Bonnot y puisaient leur inspiration, et celui d'entre eux qui était plus que les autres un héros aux yeux de ses camarades était surnommé « Raymond la Science ». À l'autre pôle, on rencontre des prêtres ou des religieux pris par la vie religieuse au point de mépriser toutes les valeurs profanes, mais leur mépris s'arrête devant la science. Dans toutes les polémiques où la religion et la science semblent être en conflit, il y a du côté de l'Église une infériorité intellectuelle presque comique, car elle est due, non à la force des arguments adverses, généralement très médiocres, mais uniquement à un complexe d'infériorité.

    Par rapport au prestige de la science il n'y a pas aujourd'hui d'incroyants. Cela confère aux savants, et aussi aux philosophes et écrivains en tant qu'ils écrivent sur la science, une responsabilité égale à celle qu'avaient les prêtres du XIIIe siècle. Les uns et les autres sont des êtres humains que la société nourrit pour qu'ils aient le loisir, de chercher, de trouver et de communiquer ce que c'est que la vérité. Au XXe siècle comme au XIIIe, le pain dépensé à cet effet est probablement, par malheur, du pain gaspillé, ou peut-être pire.

    L'Église du XIIIe siècle avait le Christ ; mais elle avait l'Inquisition. La science du XXe siècle n'a pas d'Inquisition ; mais elle n'a pas non plus le Christ, ni rien d'équivalent.

    La charge assumée aujourd'hui par les savants et par tous ceux qui écrivent autour de la science est d'un poids tel qu'eux aussi, comme les historiens et même davantage, sont peut-être plus coupables des crimes d'Hitler qu'Hitler lui-même.

    C'est ce qui apparaît dans un passage de Mein Kampf : « L'homme ne doit jamais tomber dans l'erreur de croire qu'il est seigneur et maître de la nature... Il sentira dès lors que dans un monde où les planètes et les soleils suivent des trajectoires circulaires, où des lunes tournent autour des planètes, où la force règne partout et seule en maîtresse de la faiblesse, qu'elle contraint à la servir docilement ou qu'elle brise, l'homme ne peut pas relever de lois spéciales. »

    Ces lignes expriment d'une manière irréprochable la seule conclusion qu'on puisse raisonnablement tirer de la conception du monde enfermée dans notre science. La vie entière d'Hitler n'est que la mise en œuvre de cette conclusion. Qui peut lui reprocher d'avoir mis en œuvre ce qu'il a cru reconnaître pour vrai ? Ceux qui, portant en eux les fondements de la même croyance, n'en ont pas pris conscience et ne l'ont pas traduite en actes, n'ont échappé au crime que faute de posséder une certaine espèce de courage qui est en lui.

    Encore une fois, ce n'est pas l'adolescent abandonné, misérable vagabond, à l'âme affamée, qu'il est juste d'accuser, mais ceux qui lui ont donné à manger du mensonge. Et ceux qui lui ont donné à manger du mensonge, c'étaient nos aînés, à qui nous sommes semblables.

    Dans la catastrophe de notre temps, les bourreaux et les victimes sont, les uns et les autres, avant tout les porteurs involontaires d'un témoignage sur l'atroce misère au fond de laquelle nous gisons.

    Pour avoir le droit de punir les coupables, il faudrait d'abord nous purifier de leur crime, contenu sous toutes sortes de déguisements dans notre propre âme. Mais si nous réussissons cette opération, une fois qu'elle sera accomplie nous n'aurons plus aucun désir de punir, et si nous croyons être obligés de le faire, nous le ferons le moins possible et avec une extrême douleur.

    Hitler a très bien vu l'absurdité de la conception du XVIIIe siècle encore en faveur aujourd'hui, et qui d'ailleurs a déjà sa racine dans Descartes. Depuis deux ou trois siècles on croit à la fois que la force est maîtresse unique de tous les phénomènes de la nature, et que les hommes peuvent et doivent fonder sur la justice, reconnue au moyen de la raison, leurs relations mutuelles. C'est une absurdité criante. Il n'est pas concevable que tout dans l'univers soit absolument soumis à l'empire de la force et que l'homme puisse y être soustrait, alors qu'il est fait de chair et de sang et que sa pensée vagabonde au gré des impressions sensibles." "La charge assumée aujourd'hui par les savants et par tous ceux qui écrivent autour de la science est d'un poids tel qu'eux aussi, comme les historiens et même davantage, sont peut-être plus coupables des crimes d'Hitler qu'Hitler lui-même."

    Il n'y a qu'un choix à faire. Ou il faut apercevoir à l'œuvre dans l'univers, à côté de la force, un principe autre qu'elle, ou il faut reconnaître la force comme maîtresse unique et souveraine des relations humaines aussi.

    Dans le premier cas, on se met en opposition radicale avec la science moderne telle qu'elle a été fondée par Galilée, Descartes et plusieurs autres, poursuivie au XVIIIe siècle, notamment par Newton, au XIXe, au XXe. Dans le second, on se met en opposition radicale avec l'humanisme qui a surgi à la Renaissance, qui a triomphé en 1789, qui, sous une forme considérablement dégradée, a servi d'inspiration à toute la IIIe République.

    La philosophie qui a inspiré l'esprit laïque et la politique radicale est fondée à la fois sur cette science et sur cet humanisme, qui sont, on le voit, manifestement incompatibles. On ne peut donc pas dire que la victoire d'Hitler sur la France de 1940 ait été la victoire d'un mensonge sur une vérité. Un mensonge incohérent a été vaincu par un mensonge cohérent. C'est pourquoi, en même temps que les armes, les esprits ont fléchi.

    Au cours des derniers siècles, on a confusément senti la contradiction entre la science et l'humanisme, quoiqu'on n'ait jamais eu le courage intellectuel de la regarder en face. Sans l'avoir d'abord exposée aux regards, on a tenté de la résoudre. Cette improbité d'intelligence est toujours punie d'erreur.  

    L'utilitarisme a été le fruit d'une de ces tentatives. C'est la supposition d'un merveilleux petit mécanisme au moyen duquel la force, en entrant dans la sphère des relations humaines, devient productrice automatique de justice. Le libéralisme économique des bourgeois du XIXe siècle repose entièrement sur la croyance en un tel mécanisme. La seule restriction était que, pour avoir la propriété d'être productrice automatique de justice, la force doit avoir la forme de l'argent, à l'exclusion de tout usage soit des armes soit du pouvoir politique.

    Le marxisme n'est que la croyance en un mécanisme de ce genre. Là, la force est baptisée histoire ; elle a pour forme la lutte des classes ; la justice est rejetée dans un avenir qui doit être précédé d'une espèce de catastrophe apocalyptique.

    Et Hitler aussi, après son moment de courage intellectuel et de clairvoyance, est tombé dans la croyance en ce petit mécanisme. Mais il lui fallait un modèle de machine inédit. Seulement il n'a pas le goût ni la capacité de l'invention intellectuelle, en dehors de quelques éclairs d'intuition géniale. Aussi a-t-il emprunté son modèle de machine aux gens qui l'obsédaient continuellement par la répulsion qu'ils lui inspiraient. Il a simplement choisi pour machine la notion de la race élue, la race destinée à tout faire plier, et ensuite à établir parmi ses esclaves l'espèce de justice qui convient à l'esclavage.

    À toutes ces conceptions en apparence diverses et au fond si semblables, il n'y a qu'un seul inconvénient, le même pour toutes. C'est que ce sont des mensonges.

    La force n'est pas une machine à créer automatiquement de la justice. C'est un mécanisme aveugle dont sortent au hasard, indifféremment, les effets justes ou injustes, mais, par le jeu des probabilités, presque toujours injustes. Le cours du temps n'y fait rien ; il n'augmente pas dans le fonctionnement de ce mécanisme la proportion infime des effets par hasard conformes à la justice.

    Si la force est absolument souveraine, la justice est absolument irréelle. Mais elle ne l'est pas. Nous le savons expérimentalement. Elle est réelle au fond du cœur des hommes. La structure d'un cœur humain est une réalité parmi les réalités de cet univers, au même titre que la trajectoire d'un astre.

    Il n'est pas au pouvoir d'un homme d'exclure absolument toute espèce de justice des fins qu'il assigne à ses actions. Les nazis eux-mêmes ne l'ont pas pu. Si c'était possible à des hommes, eux sans doute l'auraient pu. (...)

    Si la justice est ineffaçable au cœur de l'homme, elle a une réalité en ce monde. C'est la science alors qui a tort. 

    Non pas la science, s'il faut parler exactement, mais la science moderne. Les Grecs possédaient une science qui est le fondement de la nôtre. Elle comprenait l'arithmétique, la géométrie, l'algèbre sous une forme qui leur était propre, l'astronomie, la mécanique, la physique, la biologie. La quantité des connaissances accumulées était naturellement beaucoup moindre. Mais par le caractère scientifique, dans la signification que ce mot a pour nous, d'après les critères valables à nos yeux, cette science égalait et dépassait la nôtre. Elle était plus exacte, plus précise, plus rigoureuse. L'usage de la démonstration et celui de la méthode expérimentale étaient conçus l'un et l'autre dans une clarté parfaite.

    http://www.oragesdacier.info/2014/05/simone-weil-et-lenracinement-un-tresor.html