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culture et histoire - Page 1568

  • C’était un 8 mai : le maréchal Leclerc, criminel de guerre ?

    La mort de douze hommes peut paraître anecdotique à côté des millions de victimes de la Deuxième guerre mondiale. Mais l’épisode de « Bad Reichenhall » dérange, car il porte une ombre sérieuse sur l’image du maréchal Leclerc, voire à sa légende dorée.

    Début mai 1945, une douzaine de Waffen SS français ayant combattu contre le bolchevisme, rescapés de la Division Charlemagne,  se rendent à l’armée américaine et sont internés dans une caserne de Bad Reichenhall (Haute Bavière).
    Le 6 mai 1945, la 2ème DB de Leclerc occupe cette ville ; les SS français décident de s’évader par peur de représailles.
    Ils sont finalement capturés dans un petit bois. Ils sont ensuite questionnés par le futur maréchal Leclerc. C’est le 8 mai, jour de la capitulation allemande.

    Au cours d’une brève discussion, il reproche à l’un des Français de combattre sous uniforme allemand. Il se voit répondre que lui-même est sous uniforme étranger, américain en l’occurrence.
    Leclerc, jugeant cette attitude par trop insolente, décide de les faire fusiller. Sans aucun jugement.

     

    Après avoir chacun refusé d’avoir les yeux bandés, les jeunes Français s’écroulent par groupe de quatre, l’un après l’autre, sous des balles fratricides, en criant « vive la France ! »

    Les corps sont laissés sur place conformément aux ordres.
    Ils seront finalement enterrés à cet endroit quelques jours plus tard, grâce aux pressions d’un aumônier français. Le 2 juin 1949, les corps sont transférés dans le cimetière communal de Sankt Zeno, à Bad reichenhall.

    Cet épisode tragique est parfois controversé, mais une solide enquête établit les faits : c’est le livre d’Eric Lefèvre et Olivier Pigoreau (disponible ici).

    http://www.contre-info.com/cetait-un-8-mai-le-marechal-leclerc-criminel-de-guerre#more-32584

  • Pierre Sidos : "Le salut romain"

    La civilisation c’est d’abord la politesse. Tout le monde s’accorde pour dire qu’être poli est la marque d’un civilisé. Être civilisé correspond donc, en premier lieu, à observer les usages du savoir-vivre, d’éducation et de courtoisie. Le salut et les salutations, soit par la parole, l’écrit ou le geste, constituent ainsi les premiers indices de la bienséance, du respect, de la déférence.

    Saluer quelqu’un ou quelque chose, c’est rendre hommage à un être, une œuvre, un principe. Parmi les saluts ceux de la tête ou de la main sont les plus courants. Depuis des millénaires, chaque fois qu’un homme s’engage à servir, jure de dire la vérité, promet de tenir parole, affirme son honnêteté, rencontre un ami ou exprime sa gratitude, il lève naturellement le bras droit plus ou moins haut avec la main bien ouverte. Ce signe d’engagement, de bienvenue, d’amitié, est incontestablement le symbole le plus répandu de l’humanité civilisée.

    Du légionnaire de Rome au barde celtique, de l’athlète olympique au chevalier médiéval, du fédéré du Champ de Mars au soldat vers le drapeau, du témoin devant le tribunal au sportif sur le stade, le bras droit levé paume de la main visible fut et demeure le geste rituel de l’humanité authentique, de celle qui croit, travaille, lutte et joue franc-jeu.

    Quant à l’emploi systématisé de ce geste dans le monde politique contemporain, du début de l’Italie mussolinienne à l’achèvement de l’Espagne franquiste, en France même, il faut savoir que la main ouverte brandie répondait à la main fermée, au poing haineusement tendu, des marxistes de toutes obédiences ; et aussi s’opposait à l’image de la main cachée, qui désigne l’alliance des forces occultes dirigeantes et des puissances du gros argent corrupteur.

    La main droite ouverte dressée vers le ciel, reflétant spirituellement l’image du soleil vers la terre, n’est pas un monopole national ou partisan, mais une part du patrimoine indivis de la civilisation. Vouloir réduire son usage à un pays en particulier ou à une seule catégorie idéologique, en prétendant mettre dans le même sac indistinctement tous ceux qui l’on utilisé ou qui le font encore, c’est le but commun intéressé des tenants de la main fermée et de la main cachée, alors que présentée ou tendue la main ouverte a toujours été un signe universel de paix et d’amitié. Pour les Français, le fait est que sous des formes variées, le salut à la romaine ou olympique a été utilisé de la monarchie du roi Saint-Louis à l’État national du maréchal Pétain, y compris dans l’entre-deux grandes guerres du siècle dernier lors de la 8ème olympiade, en 1924 à Paris, et de la 11ème en 1936 à Berlin où toute l’équipe nationale française participante salua unanimement de la sorte la tribune officielle.

    Le salut militaire français, par sa présentation de l’intérieur de la main droite, est le témoin persistant de ce geste de sincérité et de droiture.

    Pierre Sidos, (29 Mars 2011)

    Source : Lorraine Nationaliste

    http://la-dissidence.org/2014/04/30/pierre-sidos-le-salut-romain/

  • A Orléans, la Jeanne a mécontenté le lobby homosexuel

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    Christophe Desportes-Guilloux, délégué aux questions de parentalité au sein du lobby Homosexualité et Socialisme, a tenté d’agiter le petit monde LGBT pour nuire à la Jeanne choisie pour les fêtes johanniques de la ville d’Orléans, au motif que celle-ci affiche sur Facebook ses liens avec la «Manif pour tous», les Hommen, «Hollande Démission» ou encore l’Observatoire de la christianophobie.

    La jeune femme a depuis épuré son profil Facebook. Quant à l’organisatrice du défilé, Marie-Christine Bordat-Chantegrelet, elle estime qu’il s’agit d’une «maladresse».

    Une fois de plus, ceci illustre la chasse à ce que le lobby LGBT appelle l’hétéronormativité. Des militants connus pour leur engagement au sein du lobby homosexuel ou en faveur de la théorie du genre occupent de hautes fonctions dans les ministères, dans les médias, dans les universités, dans les écoles mais, dans ce cas, cela ne poserait pas problème puisque c’est au service de la révolution sexuelle…

    http://medias-presse.info/a-orleans-la-jeanne-a-mecontente-le-lobby-homosexuel/9607

  • Etranges conservatismes américains

    En dépit des impulsions culturelles venues des Etats-Unis via Hollywood et la Pop culture, le paysage idéologique et politique de la seule puissance globale (dixit Zbigniew Brzezinski) demeure « terra incognita » pour la plupart des Européens. Les césures spécifiquement américaines, qui séparent les « liberals » des « conservatives » ne se perçoivent jamais clairement, tant et si bien qu’on les classe en Europe de manière binaire : entre une gauche et une droite. Les problèmes s’accumulent lorsque l’on cherche à établir une bonne taxinomie des écoles politiques et idéologiques américaines : les slogans et mots d’ordre sont si nombreux, reçoivent tant de définitions particulières qu’on ne s’y retrouve plus, surtout si l’on évoque une ancienne droite et une nouvelle droite, soit des paléo-conservateurs et des néo-conservateurs.

    Pour définir les camps politico-idéologiques américains, les définitions habituelles ne sont guère de mise (sauf quand il s’agit, par exemple, du conservatisme tel que l’a défini jadis un Russell Kirk). Européens et Américains ont une expérience différente de l’histoire, nomment donc les choses politiques différemment, ce qui conduit aux confusions et quiproquos actuels. « Cum grano salis », on peut distinguer quelques différences majeures entre conservatismes européens et américains : d’abord, les conservatismes européens sont devenus sceptiques quant à l’histoire à venir ; les conservatismes américains sont nettement orientés vers le futur, sont, dans le fond, anti-historiques, dans la mesure où ils entendent maintenir l’idée fondamentalement américaine d’une société contractuelle (ils n’envisagent pas d’autres modèles). Ensuite, les conservatismes américains sont fiers de leur tradition historique continue, non brisée, que les Européens jugent « courte » ; les conservatismes européens, eux, sont contraints de tenir compte d’une longue histoire, marquée par des ruptures successives. Enfin, les conservateurs américains perçoivent de façon positive le rôle de puissance mondiale que joue leur pays, alors que les Européens se souviennent constamment du « suicide de l’Europe » (dixit Paul Ricoeur) en 1914. Et, last but not least, les conservateurs américains acceptent sans hésitation l’idée libérale d’un libre marché sans entraves, alors que les conservatismes européens critiquent tous le libéralisme.

    Adhésion sans entraves au libre marché

    La genèse des notions de « liberal » et de « conservative » nous ramène à l’ère Roosevelt (1933-1945). Les partisans de la politique social-réformiste et interventionniste / étatique du New Deal rooseveltien se dénommaient « liberals ». Les adversaires de Franklin D. Roosevelt venaient d’horizons divers : parmi eux, on trouvait des libéraux au sens économique le plus strict, qui se posaient comme les seuls véritables libéraux ; il y avait ensuite des critiques de la bureaucratie (du « big government »), en train de devenir pléthorique à leurs yeux. Enfin, du moins jusqu’à l’attaque japonaise contre Pearl Harbor, il y avait les défenseurs de l’isolationnisme. Murray Rothbard, un « libertarien », soit un extrémiste du marché, désigne cette coalition hostile à Roosevelt sous le nom de « Vieille Droite » (« Old Right »). D’après Rothbard, le terme « conservateur » n’était guère usité aux Etats-Unis avant la parution en 1953 de « Conservative Mind », le grand livre de Russell Kirk.

    Les « conservateurs », qui suivaient la forte personnalité de Robert A. Taft, sénateur de l’Ohio (de 1939 à 1953) et rival républicain de Dwight D. Eisenhower en 1952, renonçaient à toute élévation du débat intellectuel en politique. Attitude qui n’a guère changé en dépit de l’émergence de courants de pensée conservateurs mieux profilés. Libéral et théoricien peu original, Peter Viereck, dans « Conservatism Revisited » (1949) s’est posé comme critique des idéologies totalitaires, le « communazisme ». Russell Kirk (1918-1994) fut donc le premier à se positionner comme explicitement conservateur et à être reconnu comme tel par l’établissement « libéral ». En se référant à Edmund Burke, le critique de la révolution française de 1789, perçue comme rupture de la Tradition, Kirk mettait l’accent sur l’origine « conservatrice » de la révolution américaine. Dans ses écrits, Kirk citait, en les comparant à Thomas Jefferson, les pères fondateurs « conservateurs », tels John Adams et les auteurs des « Federalist Papers », se référait également aux critiques européens de la révolution comme Burke ou Tocqueville. Kirk se posait également comme un conservateur écologiste, pratiquant la critique de la culture dominante, ce qui fit de lui une exception parmi les conservateurs américains, optimistes et orientés vers le futur.

    « On pourrait, pour simplifier, résumer comme suit l’histoire du conservatisme américain : Russell Kirk l’a rendu respectable ; William Buckley l’a rendu populaire et Ronald Reagan l’a rendu éligible » (citation de J. v. Houten). En effet, les conservateurs doivent à William F. Buckley, né en 1925, d’avoir pu accroître leurs influences au sein du parti républicain et d’avoir percé pendant l’ère Reagan. Ils doivent ces succès au réseau de revues et de « think tanks » que Buckley a tissé dès les années cinquante, dont l’ « American Heritage Foundation », créé en 1973.

    Buckley, comme le rappelle son livre « God and Man at Yale » (1951), était un catholique fervent. Il débarque un beau jour à Yale dans le bastion du « liberalism » à l’américaine, dominé par les agnostiques, les athées et les unitariens post-chrétiens, variante du protestantisme aligné sur l’idéologie des Lumières. En 1955, ce fils d’un millionnaire du pétrole fonde la « National Review », autour de laquelle se rassembleront des personnalités très diverses, toutes étiquetées, à tort ou à raison, comme « conservatrices » : des libertariens à Kirk lui-même. Dans ces années-là, où la « New Left » connaissait son apogée, le groupe « Young Americans for Freedom », lancé par Buckley, constituaient déjà un contrepoids politique. Et puisque Buckley, récemment, a critiqué les stratégies de Bush, quoique de manière très modérée, on peut le considérer aujourd’hui comme un représentant des « paléo-conservateurs ».

    Le conservatisme américain, nous l’avons constaté, est un champ fort vaste dont les idéologèmes et les stratégies ne se sont cristallisés que depuis quelques décennies, contrairement à ce que l’on observe chez les conservateurs européens. Aujourd’hui, c’est évidemment George W. Bush qui domine l’univers conservateur américain. Bush se déclare « conservateur », plus exactement le continuateur de l’œuvre politique de Reagan que tous vénèrent en oubliant qu’il était au départ un « liberal ». Les Républicains doivent leurs succès électoraux depuis Reagan à un courant profond, agitant toute la base aux Etats-Unis, courant qui englobe le patriotisme (la fierté de s’inscrire dans une tradition de liberté) et les « valeurs » conservatrices (la famille, la religion, la morale, l’assiduité au travail, etc.).

    Les hommes politiques qui veulent réussir en tant que « conservateurs » sont dès lors contraints de chercher le soutien de la « droite chrétienne ». Par ce vocable, il faut entendre cette immense masse d’électeurs liés aux mouvements religieux du renouveau protestant, animé par les « évangélisateurs ». Ce conservatisme théologien, partiellement fondamentaliste, rassemble des groupements où l’on retrouve les « Southern Baptists », le plus grand groupe protestant organisé, les pentecôtistes (notamment les « Assemblies of God ») et, bien sûr, les « méga-églises » des télé-évangélistes. Tous ensemble, ces mouvements évangéliques alignent quelque 80 millions de croyants, ce qui les place tout juste derrière les catholiques, qui restent le groupe religieux chrétien le plus nombreux aux Etats-Unis.

    Certains évangélistes toutefois, et pas seulement les Afro-Américains, estiment que leur foi peut s’exprimer chez les démocrates. Religion et race se mêlent souvent : ainsi, Pat Robertson, étiqueté de « droite », et Jesse Jackson, étiqueté de « gauche », appartiennent tous deux au mouvement qui soutient les Baptistes et le sanglant « seigneur de le guerre » Charles Taylor au Libéria.

    Malgré la très forte pression que la « droite religieuse » exerce aux niveaux locaux, voire dans certains Etats, elle n’a presque aucune influence au niveau fédéral. Ainsi, le candidat à la Présidence, Mitt Romney, appartient à la secte des Mormons, considérée comme éminemment conservatrice, ce qui ne l’a pas empêché d’être élu gouverneur du Massachusetts, Etat à majorité « libérale ». Le pentecôtiste John D. Ashcroft, représentant notoire de la « droite religieuse », fut ministre de la justice dans le premier cabinet de George W. Bush. Il serait faux, toutefois, de dire qu’après le choc du 11 septembre 2001, le bellicisme de l’actuel président américain, qui prétend être un « chrétien re-né » tout comme son adversaire Jimmy Carter, découle en droite ligne de sentiments religieux qui lui seraient propres.

    La politique extérieure américaine est marquée depuis longtemps par les néo-conservateurs, comme on le constate sous le républicain Reagan avec Jean C. Kirkpatrick ou sous le démocrate Bill Clinton avec Madeleine Albright. Sous Bush Junior, les « neocons » tirent toutes les ficelles seulement depuis le retrait de Colin Powell. L’exécutif qui a programmé la politique moyen-orientale et déclenché la seconde guerre d’Irak alignait des hommes comme Dick Cheney, Donald Rumsfeld, Paul Wolfowitz et Richard Perle.

    Tous ceux qui ont forgé le vocable « neocons » viennent à l’origine, comme d’ailleurs aussi bon nombre de paléo-conservateurs, du camp de la gauche (des « liberals ») ; on trouve dans leurs rangs des intellectuels de la gauche progressiste, issu des milieux juifs, qui se sont détachés du Parti démocrate au cours des années 70. Les meilleurs plumes de ce groupe furent Irving Kristol, avec sa revue « The Public Interest », Norman Podhoretz, avec « Commentary », et le sociologue Daniel Bell (« La fin des idéologies », 1970).

    La définition usuelle du néo-conservatisme nous vient de Kristol : « Un conservateur est un homme de gauche, qui a été frappé de plein fouet par le réel ». Ce bon mot ne nous révèle que la moitié de la « réalité » : il pose le néo-conservateur, ex-homme de gauche, simplement comme celui qui n’accepte plus et critique les programmes sociaux pléthoriques lancés par les Démocrates. En fait, le néo-conservateur veut surtout une politique étrangère musclée : ainsi, le fils d’Irving Kristol, William Kristol (revue : « The Weekly Standard ») veut que cette politique étrangère américaine instaurent partout une « démocratisation », selon des critères déterminés depuis longtemps déjà par la vieille gauche interventionniste.

    Pat Buchanan : vox clamans in deserto

    Les « anciens conservateurs », ou paléo-conservateurs, qui avaient jadis forcé la mutation sous Reagan, entre 1981 et 1989, ont perdu depuis bien longtemps toute influence. Ainsi, Pat Buchanan n’est plus qu’une voix isolée dans le désert depuis des années, alors qu’il fut l’un des rédacteurs des discours de Nixon, puis conseiller de Reagan. Il tenta, rappelons-le, de lancer un parti réformiste et échoua dans sa candidature à la présidence en 2000. Il est redevenu républicain par la suite. En politique intérieure, Buchanan, catholique traditionnel, dont on se moque en le traitant de « conservateur paléolithique », lutte contre les « libertés » nouvelles que veulent imposer les « liberals » et les libertariens (avortement, mariage homosexuel, euthanasie).

    Buchanan est protectionniste, s’oppose à la société multiculturelle et à l’immigration qui modifie de fond en comble le visage de l’Amérique. Sur le plan de la politique extérieure, il défend un isolationnisme modéré et s’inquiète des pièges que recèle l’interventionnisme global voulu par les « neocons ».

    Il me reste à mentionner –et à saluer-  un combattant isolé, qui pourfend le « culte de la faute » choyé par de nombreux « liberals » (et par leurs homologues allemands), culte qui sert à promouvoir l’idéologie de la « correction politique » (les « Gender studies », les codes anti-discriminatoires de tous acabits, le multiculturel, etc.) : ce combattant n’est autre que l’historien des idées Paul Gottfried. Mais, malgré Buchanan et Gottfried, les paléo-conservateurs n’ont plus aucun influence notable, ni dans les universités ni dans les médias, a fortiori dans l’établissement politique.

    Quelles conclusions peut-on tirer de la topographie que je viens d’esquisser ici ? Après la disparition graduelle des paléo-conservateurs, les nationaux-conservateurs allemands auront bien des difficultés à trouver des alliés Outre-Atlantique. Sans doute, seuls les chrétiens à la foi très stricte trouveront des frères en esprit pour toutes les questions morales chez les évangélisateurs ou les conservateurs catholiques.

    Personnellement, je ne trouve, dans ce camp conservateur américain (toutes tendances confondues), aucune position qui me sied. Si je suis éclectique, je trouverai peut-être quelques points d’accord avec Russell Kirk, mais seulement quand il appelait en 1976 à voter pour le « démocrate de gauche » Eugene McCarthy. Quand je pense à l’idéologie qui domine la RFA aujourd’hui, je suis souvent d’accord avec Paul Gottfried, qui avait dû quitter, enfant, le IIIième Reich national-socialiste. Enfin, je lis toujours avec beaucoup d’intérêt les textes des intellectuels américains qui s’opposent à l’interventionnisme.

    Vu que nous assistons à une orientalisation, soit une islamisation croissante de l’Europe occidentale les analyses clairvoyantes de nos temps présents par Samuel P. Huntington méritent que nous y consacrions toute notre attention ; Huntington nous annonce le déclin de l’Occident en général et la perte d’identité européenne des Etats-Unis. Aujourd’hui âgé de 80 ans, ce professeur de Harvard n’est toutefois pas étiqueté « conservative » mais considéré comme un représentant du « liberal establishment ».

    S’intéresser aux relations intellectuelles transatlantiques est une bonne chose et permet de se comprendre réciproquement. Jusqu’ici, le monde universitaire s’est limité à importer en Allemagne et en Europe le prêchi-prêcha du « politiquement correct » des « liberals », y compris les expressions du mépris que vouent les gauches à Bush qui, quand elles sont satiriques, satisfont leur orgueil blessé. Une poignée de conservateurs allemands critiquent aujourd’hui l’idéologie importée des « liberals » (qui s’expriment en Allemagne sous des oripeaux «écologistes ») mais cette démarche est insuffisante. Face à l’immigration de masse qui menace directement l’existence du peuple allemand, en tant que peuple porteur d’histoire et en tant que nation historique et politique, et l’avenir même de l’Europe toute entière, nous devons, en première instance, procéder à une analyse factuelle et objective de la situation et ne pas ergoter et pinailler sur nos préférences intellectuelles ou rêver à d’hypothétiques coalitions qui ne viendront jamais.

    La politique extérieure américaine se caractérise depuis l’immixtion des Etats-Unis dans la politique mondiale (au moins depuis 1917) par la double nature de la puissance et de la morale qu’elle révèle. La conscience qu’ont les Américains de mener à bien une « mission » inspire cette politique globale ou planétaire, et vice-versa, dans la mesure où les démarches concrètes de cette politique étayent la vision messianique que distille la religiosité américaine.

    Henry Kissinger était une exception : il se posait comme « réaliste » et les notions de « mission » ne l’intéressaient pas vraiment. Depuis la montée en puissance des « neocons », qu’ils soient adhérents des démocrates ou des républicains, l’aspect idéologique et para-religieux de la politique extérieure des Etats-Unis est passé à l’avant-plan. Force est de constater que les assises fondamentales de la politique extérieure des Etats-Unis réconcilient, in fine, les « liberals » et les « conservatives » : il nous suffit d’énumérer les grands événements de ces quinze ou vingt dernières années, avec l’élargissement de l’OTAN aux pays d’Europe centrale et orientale, avec la politique balkanique (de Madeleine Albright), avec l’appui qu’apporte Washington à la candidature turque à l’UE, aux conflits qui ensanglantent le Proche- et le Moyen-Orient, etc.

    Par ailleurs, la politique extérieure américaine se montre souvent fort dépendante des fluctuations de l’opinion publique intérieure. Hillary Clinton et d’autres candidats à la Présidence commencent à caresser cette opinion dans le sens du poil, en songeant à l’investiture de 2008, car, en effet, si les troupes américaines doivent se retirer d’Irak aussi peu glorieusement qu’elles se sont retirées du Vietnam, la politique extérieure américaine se trouvera confrontée à ses propres misères, aux monceaux de ruines qu’elle aura provoquées.

    Quel rôle jouera la Turquie dans ce scénario ? Rien n’est certain. Quoi qu’il en soit, la paix entre Israël et la Palestine sera, une fois de plus, remise aux calendes grecques.

    Herbert AMMON.

    (article extrait de « Junge Freiheit », n°29/2007). 

    http://vouloir.hautetfort.com/index-2.html

  • Pour Cristeros, c’est la dernière ligne droite !

    On est à une semaine de la sortie du film Cristeros dans les salles de cinéma et pour les promoteurs français du film, c’est la dernière ligne droite. Il y a actuellement une vingtaine de salles qui vont le projeter mais cela n’est pas encore suffisant. Beaucoup de salles n’ont pas encore pris de décision et feront leur choix seulement le lundi 12 mai, 48h avant la sortie du 14 mai comme c’est l’usage. Il s’agit désormais de les persuader que cela vaudra la peine de programmer le film. La raison la plus fréquente de leur indécision est qu’elles doutent du potentiel réel du film en termes de spectateurs.

    Il faut donc rappeler que ce seront les premiers jours de sa sortie qui seront décisifs car s’il n’est pas rentable, il sera très vite retiré des salles. Il est toujours possible de s’inscrire sur le site: http://www.cristeros-lefilm.fr/je-veux-voir-le-film-pres-de-chez-moi.html

    http://medias-presse.info/pour-cristeros-cest-la-derniere-ligne-droite/9614

  • Françoise Bonardel au colloque d'Éléments : La crise de l'identité culturelle européenne

    La philosophe Françoise Bonardel nous fait l'honneur de nous confier le très beau texte de sa conférence «La crise de l'identité culturelle européenne» donnée le 26 avril 2014, lors du colloque organisé par la revue Éléments. Élève de Gilbert Durand, agrégée et docteur d'Etat, Françoise Bonardel est professeur de philosophie des religions à la Sorbonne. Rédactrice en chef de la revue Connaissance des religions (2002-2006), elle vient de faire paraître Antonin Artaud ou la fidélité à l'infini (éditions Pierre-Guillaume de Roux).

    Françoise Bonardel
    De gauche à droite, lors du colloque de la revue Éléments : Magali Pernin, Éric Maulin, Patrick Péhèle, Françoise Bonardel. ©Photo-Revue-Éléments.

    La notion d’«identité culturelle européenne», déjà en soi difficile à définir, est aujourd’hui mise à mal tant par les faits eux-mêmes (déculturation massive, multiculturalisme) que par l’idéologie du mainstream imposant à l’échelle planétaire la domination d’un unique courant, fabriqué pour être influent mais sans plus aucun rapport avec la formation (Bildung) de l’être humain, nommée en Europe « culture ». Aussi vais-je probablement soulever nombre de questions qui risquent de rester sans réponses claires et précises, rassurantes au regard de l’inquiétude légitime que peut susciter l’état actuel de l’Europe, durablement marquée par les deux guerres mondiales dont elle a été l’épicentre, et depuis lors minée par une défiance envers soi-même allant parfois jusqu’au reniement. On a le sentiment qu’à force de s’entendre dire qu’elle est « vieille », l’Europe a fini par y croire et par se comporter comme telle : « C’est une absence de sol abyssale [...] qui a pris possession des Européens, une absence qui s’exprime dans l’obsession de faire bonne figure en chute libre et de maintenir, avant une fin que l’on ressent comme imminente, l’apparence de la belle vie », constate Peter Sloterdijk1.

        Mais peut-on véritablement parler de « culture européenne » comme si cela allait de soi alors qu’indépendamment du multiculturalisme, de confection récente, l’Europe est de fait composée d’une mosaïque de cultures en qui s’expriment l’histoire, la sensibilité et la créativité propres à chacun des pays européens ? Quelles sont par ailleurs aujourd’hui les limites – géographiques, politiques, culturelles – d’une Europe dont la physionomie semble à la fois de plus en plus rigide, si l’on se réfère aux dictats de Bruxelles, et de plus en plus floue, indécise, incertaine dès qu’on tente de saisir quelle « identité » est encore ou sera dans le futur la sienne face aux autres continents et puissances ? C’est donc à mon sens en-deçà de ces différences qu’il faut tenter de restituer à l’Europe ce qu’elle possède en fait déjà mais dont elle semble avoir perdu la mémoire : une unité fondée non pas sur des intérêts économiques communs ou des peurs partagées, mais sur une certaine idée de la culture et surtout des comportements qu’elle implique dans l’espace public et privé ; espaces qui, pour être distincts, n’en étaient pas moins jusqu’à ces dernières décennies reliés par une exigence de cohérence et de continuité propre à l’homme cultivé. Or, un des traits de la crise actuelle est justement de brouiller les limites entre ces deux sphères.

    Certaines identités seraient-elles donc plus respectables que d’autres ? 

    Couv151
    Eléments n°151 "Europe marché ou Europe puissance"

    De plus, toute réflexion sur l’identité est aujourd’hui suspectée non seulement de figer une réalité éminemment malléable, et donc évolutive, mais plus encore de favoriser le rejet de l’Autre, devenu une sorte de sur-moi rappelant en permanence à l’homme européen ses devoirs en matière d’altérité, au cas où il serait tenté de les oublier. Telle est en effet devenue, depuis la fin de la dernière guerre et la liquidation des possessions coloniales, la hantise des Européens traumatisés par l’impuissance d’une culture, parmi les plus évoluées du monde, à repousser la barbarie nazie. Un raisonnement simpliste voudrait alors qu’en débarrassant la culture européenne de toute référence identitaire et de toute attache ressemblant de près ou de loin à un enracinement; en la simplifiant à l’extrême et la rendant consommable par n’importe quel être humain, on se prémunisse contre une possible rechute de la civilisation dans l’inhumain ; personne ne sachant pour autant comment ce double déficit, en matière d’identité et de culture, pourrait se transformer en garde-fou. Je rejoins donc sur ce point Jean-François Mattéi, dont je salue ici la mémoire : « Il faut bien qu’il y ait dans la vie des cultures comme dans la vie des hommes, sauf à se perdre dans  une totale confusion, des identités vécues qui prennent conscience de ce qu’elles sont et par rapport auxquelles des altérités se définissent. [...] On aura beau exalter l’Altérité aux dépens de l’Identité, on ne réussira qu’à renforcer, en inversant les rôles, l’identité de la première au détriment de l’altérité de la seconde. »2 

        On ne se prive pas, par contre, d’attirer l’attention des peuples européens sur leur identité économique de consommateurs, ou sur leur identité d’éco-citoyens appelés, pour un oui ou pour un non, à prendre conscience de leurs responsabilités à l’égard de la planète à l’heure même où ce sont des pays entiers qui la mettent impunément en danger. Certaines identités seraient-elles donc plus respectables que d’autres ? Parler d’identité culturelle ne serait-il qu’un dangereux archaïsme, ou l’expression d’une incurable nostalgie risquant à tout moment de réveiller le spectre du nationalisme ? Je n’en crois rien, évidemment, sauf si l’on dévalue la culture au point de n’y voir qu’une forme de conditionnement servile, mais je constate qu’il y a bel et bien là un blocage et un clivage des esprits, entretenus par les médias et face auxquels nombre d’intellectuels se montrent finalement très consensuels. À qui fera-t-on pourtant croire qu’en perdant son identité culturelle l’Europe ne perdra pas aussi son immunité et ses réflexes de survie face aux formes nouvelles de barbarie qui pourraient se manifester, et qui remettraient radicalement en cause l’idée qu’elle s’est jusqu’alors faite de l’homme et des rapports humains ?

    Les Européens tiraillés entre sentiment d’usure et de fatalité 

    À supposer que nous surmontions ce blocage, et parvenions à mettre en évidence l’existence d’une sorte d’invariant culturel plus ou moins commun à la plupart des pays européens – une attitude commune face à la « formation » de l’homme nommée culture, dirais-je plutôt – en quoi la crise affectant depuis quelques décennies cette identité diffère-t-elle de celle d’hier ou d’avant-hier ? Car enfin, Nietzsche parlait déjà de crise dans le dernier quart du XIXe siècle, puis d’autres illustres penseurs après lui : Paul Valéry, Thomas Mann, José Ortega Y Gasset, Julien Benda, Georges Bernanos... Est-ce donc la même crise qui se poursuit – celle du nihilisme européen selon Nietzsche – ou en est-ce une autre qui lui succède ? Qu’est-ce d’ailleurs au juste qu’une crise ? Unesituation critique, à n’en pas douter, comme on le dit couramment de l’état d’un malade entre la vie et la mort. Mais si la crise où nous sommes englués paraît si difficile à juguler, c’est qu’elle présente un double visage, particulièrement déroutant pour les Européens qui y sont confrontés : une lente érosion, un épuisement sans réel espoir de guérison – une décadence, en somme – et dans le même temps la menace d’un effondrement, dramatique mais conjoncturel, comparable au fameux crack boursier de 1929 qui hante d’ailleurs les esprits. Aussi les Européens se sentent-ils tiraillés entre un sentiment d’usure et de fatalité lié à leur déjà longue histoire, et un constat d’impuissance face à un cataclysme probable qui n’atteindra certes pas qu’eux mais conforte d’ores et déjà leur résignation : si la crise est mondiale, comment une culture aussi fatiguée que la nôtre n’en ressortirait-elle pas encore plus amoindrie, encore plus ébranlée dans ses fondements déjà bien vacillants ?

        Les Européens que nous sommes tendent donc à oublier qu’une crise (krisis) – du verbe grec krino signifiant juger, comparer, choisir – est une suspension temporaire d’activité permettant un discernement plus aiguisé, plus avisé. N’est-ce pas parce que les Européens manquent aujourd’hui cruellement de discernement quant à leur propre destinée que l’idée même d’Europe est en crise ? S’il est bien une crise de l’identité culturelle européenne, c’est me semble-t-il d’abord une crise du jugement, de la faculté de juger pour parler comme Kant. Je n’en veux pour preuve que la surenchère médiatique associant désormais communément jugement et discrimination, au sens le plus injurieux du terme ; et glissant ensuite directement de la discrimination à la « stigmatisation » : un terme si fort, si chargé de réminiscences religieuses aussi, qu’il bloque immédiatement toute tentative pour tenter de juger, aussi sainement que possible il va sans dire, certaines attitudes individuelles ou situations collectives auxquelles personne ne trouve au demeurant de solution.

    S’enraciner dans autre chose qu’un idéal consumériste désormais mondialisé

    Maria-zambrano-malaga
    La philosophe espagnole Maria Zambrano (1904-1991).

    Ces questions préliminaires une fois posées, sans doute faut-il tenter de leur découvrir un premier dénominateur commun qui nous serve de repère : quand nous parlons de l’Europe et quand nous évoquons les dangers qui la menacent, de l’intérieur comme de l’extérieur, à quoi refusons-nous implicitement de renoncer ? Qu’est-ce qui, dans la vision que nous nous faisons de d’Europe, est pour nous de l’ordre de l’irrenonçable ? J’emprunte ce mot peu usité à la philosophe espagnole Maria Zambrano, auteur d’un bel essai intituléAgonie de l’Europe écrit en 1945 lors de son exil à La Havane où elle trouva refuge après avoir fui la dictature franquiste. Il est d’ailleurs probable que toute situation d’exil, surtout si elle est déterminée par le refus de l’intolérable, offre l’occasion de mieux percevoir cet « irrenonçable », et de circonscrire par là même le noyau identitaire auquel on s’est identifié de manière consciente ou inconsciente, et qui finit par devenir un point aveugle lorsqu’on vit au quotidien dans sa proximité.

        C’est en revenant en Europe après son exil américain que le héros du film de Lars von Trier (Europa, 1991) mesure l’ampleur de la confusion qui s’est emparée des esprits durant la période nazie, et qui s’est semble-t-il perpétuée depuis lors indépendamment du rejet du nazisme en tant qu’idéologie. C’est également lors de son exil, en Suisse où il a trouvé refuge après avoir été déchu de la nationalité allemande, que Thomas Mann rédige en 1936 son Avertissement à l’Europe : « La crise qui menace de nous faire retourner à la barbarie a ses racines dans la générosité aveugle de ce siècle » écrit-il, parlant du XIXesiècle3. Prononcé par un ardent défenseur de la culture, et de l’humanité partout où elle est menacée, ce constat vaut d’être médité. C’est à Londres enfin, où elle a rejoint la France Libre, que la philosophe Simone Weil écrit en 1943 ce livre inclassable qu’estL’enracinement – sous-titré « Prélude à une déclaration des devoirs envers l’être humain – dont Albert Camus dira : « Il me paraît impossible en tout cas d’imaginer pour l’Europe une renaissance qui ne tienne pas compte des exigences que Simone Weil a définies dans L’enracinement4

        Osons donc poser la question: Où en sommes-nous aujourd’hui quant au droit imprescriptible des Européens à s’enraciner dans autre chose qu’un idéal consumériste désormais mondialisé, ou qu’un humanitarisme de bon ton mais déconnecté de la réalité ? Si tout penseur digne de ce nom doit être prêt à endurer l’expatriation, comme le montrent les exemples précités, cet exil semble en train de devenir intérieur pour nombre d’Européens en perte de repères, vacillant entre une « identité nationale » frappée de suspicion, et une identité supranationale qui n’est pour l’heure qu’un cache-misère abstrait puisque c’est sous la bannière de la société marchande que s’étend à l’échelle planétaire un déracinement humain généralisé, abusivement nommé « cosmopolitisme » au regard de ce que ce terme signifiait pour les Grecs : être le citoyen d’un monde qui soit à la fois un cosmos et une polis ! Jamais autant qu’aujourd’hui ne s’est donc imposée la nécessité de dépasser, par la culture justement, l’alternative stérile entre cosmopolitisme et enracinement dont les peuples sentent d’ailleurs d’instinct qu’en la leur imposant sur de telles bases, on leur ment.

    L’Europe, une catégorie de notre sensibilité 

    Car avant d’être l’entité géographique, politique et économique qui a tant de mal à se construire aujourd’hui, l’Europe me semble être devenue, grâce à la culture qu’elle nous a transmise justement, une catégorie de notre sensibilité ; autant dire qu’elle induit, par son existence dans nos esprits, un type de rapport à l’espace et au temps dont nous n’avons plus conscience, sauf en nous exilant, mais qui structure implicitement notre vision du monde, oriente nos activités et nous donne, ou du moins nous donnait jusqu’alors un horizon commun : une manière particulière de percevoir la relation du proche et du lointain, de l’intimité et de l’étrangeté, de l’intelligence et de la sensibilité. Et si nous savons bien que cette manière est elle-même très diversifiée selon les contrées pouvant toutes se dire « européennes », nous en connaissons les modulations principales et sommes capables de les décliner comme autant de tonalités restituant toutes leurs nuances à l’âme et à l’esprit européens. C’est d’ailleurs ainsi que les visiteurs étrangers perçoivent spontanément l’Europe, que ses proportions géographiques leur permettent d’entrevoir comme un tout magnifiquement proportionné, équilibré jusque dans ses contrastes les plus marqués.

        Ce regard porté sur l’Europe ne pourrait être aussi englobant s’il ne renvoyait à la source d’où il tire son unité, en dépit des diversités mentionnées ; et je me demande si on ne pourrait pas appliquer à l’Europe ce qu’Oswald Spengler disait du « symbole primaire » par quoi chaque culture éveille l’homme à lui-même à travers la conscience de son environnement spatial : « La première intuition de la profondeur est un acte de naissance psychique à côté de la naissance corporelle » affirmait-il en effet, qualifiant l’homme européen de « faustien » en raison de sa tension d’esprit « vers le lointain, vers l’au-delà, vers l’avenir »5, et pour tout dire vers l’infini. L’invention de la perspective géométrique aurait-elle revêtu en Europe une telle importance si l’esprit européen ne s’était reconnu, à partir du XVIe siècle tout au moins, dans cette reconfiguration du proche et du lointain ? Cela dit, je reste persuadée qu’une part non moins importante de l’héritage culturel européen n’a cessé de se démarquer de ce regard « faustien », aujourd’hui assumé par une hyper modernité devenue cosmopolite mais en décalage de plus en plus flagrant avec les préoccupations « de terrain » qui sont celles de la plupart des Européens. Comment construire l’Europe, ou au moins ne pas la détruire, sans devoir reconnaître dans cette tension entre deux types de regards le moteur même du génie créateur européen ?

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    Nouvelle Ecole n°59 consacré à Oswald Spengler

    Encore faut-il accepter l’idée qu’il n’y a pas d’homme-en-soi, hormis dans le cerveau surmené des idéologues, mais un façonnage culturel de l’humain ; et j’ai montré dans Des héritiers sans passécombien le génie européen semble avoir justement trouvé là une mesure à nulle autre pareille entre formation de la personnalité individuelle et ouverture à l’universel. Je pense même pouvoir dire, sans rien concéder à un déterminisme réducteur, qu’un tel sens de la mesure n’aurait probablement pu exister sous d’autres cieux, d’autres lumières, d’autres espaces que ceux du « petit cap du continent asiatique » (Valéry) nommé Europe. D’où ma question : L’Europe est-elle en train de perdre la mesure qui lui était propre, et avec elle l’équilibre que nous enviaient jusqu’alors les habitants des autres continents ? La perdre du fait du nivellement culturel imposé par la mondialisation d’une part, et de la saturation de ses capacités d’adaptation, d’assimilation, d’intégration. C’est donc bien le rapport du Même et de l’Autre qui est en train de se jouer en Europe, mais qu’adviendra-t-il de l’altérité si elle ne trouve plus aucun pôle de référence à peu près stable par rapport à quoi se situer ?

    Personne ne songerait cependant à contester que l’Europe, telle que nous la connaissons aujourd’hui, s’est pour une part au moins façonnée à partir d’éléments étrangers qu’elle a su assimiler, transformer, incorporer à une réalité culturelle nouvelle en constante évolution.

        Paul Valéry en dénombrait trois principaux –grec, romain et chrétien– et voyait en eux les repères permettant de distinguer ce qui est européen et ce qui ne l’est pas : « Toute race et toute terre qui a été successivement romanisée, christianisée et soumise, quant à l’esprit, à la discipline des Grecs, est absolument européenne », disait-il 7. Partageons-nous encore une telle certitude, par ailleurs fondée sur la souveraineté reconnue à l’esprit ? Une souveraineté faite d’indépendance, d’insoumission mais aussi d’inquiétude ; d’une insatisfaction permanente et d’une volonté de puissance pouvant aller jusqu’à la violence : un « idéalisme héroïque », disait Maria Zambrano. Quoi qu’il en soit, les critères selon lesquels définir l’esprit en ce qu’il a d’européen paraissaient relativement précis à Paul Valéry et à nombre de ses contemporains, car indéniables historiquement et culturellement parlant. C’est aussi pourquoi son analyse de la « crise de l’esprit » pouvait s’adosser à ces certitudes, et nous paraît rétrospectivement d’une lumineuse clarté au regard des verdicts hasardeux et souvent résignés qu’on nous impose aujourd’hui quant au destin européen : l’Europe aurait fait son temps, et serait de surcroît responsable de son propre déclin.

        Loin de moi la pensée de classer dans cette catégorie l’ouvrage de Rémi BragueEurope, la voie romaine (1992), qui toutefois ne me convainc pas en tous points. Reprenant à son compte la triple origine de la culture européenne énoncée par Valéry, Brague tend en effet à privilégier la « romanité » comme si c’était elle qui avait couronné les deux autres influences et véritablement unifié ce que nous appelons aujourd’hui l’Europe. Mais il est un autre aspect de son analyse qui concerne encore davantage les Européens d’aujourd’hui en ce qu’il les dépossède de toute identité autre que celle, paradoxale, de tenir d’ailleurs ce qui leur semble à tort le plus propre; comme si l’Europe n’était finalement et n’avait jamais été qu’un laboratoire de transformation des particularités en universalité, à quoi tout être humain pourrait dès lors prétendre accéder. Ce qui est vrai pour les sciences ou le droit – pensons aux fameux Droits de l’Homme ! – l’est-il pour cette réalité infiniment plus large et complexe qu’on nomme « culture » ?

    Reconnaître  à tout individu et à tout peuple le droit légitime de s’identifier

     Si l’Europe a fait montre au cours de son histoire de ses exceptionnelles capacités d’assimilation, et si elle a incontestablement fabriqué, à partir d’apports étrangers, une universalité offerte en modèle à l’humanité, elle a aussi façonné, en travaillant la terre, des paysages d’une extrême diversité, construit des édifices d’une stupéfiante beauté, et su se donner un art de vivre qui n’appartient qu’à elle même s’il n’a aucun titre à se dire supérieur aux modes de vie pratiqués ailleurs : « Le nom d’Europe désigne une région du monde dans laquelle, d’une manière indiscutablement singulière, on s’est interrogé sur la vérité et la qualité de la vie », écrit Peter Sloterdijk8. Je rejoins donc sur ce point Valéry s’interrogeant : « Mais l’Esprit européen, – ou du moins ce qu’il contient de plus précieux, – est-il totalement diffusible ? »9

        À cela je réponds non, car c’est aussi ce quelque chose d’irréductible que viennent chercher en Europe ceux qui, n’étant pas Européens, se comportent en amis sincères de l’européanité. Je refuse donc l’idée, devenue suicidaire dans le contexte actuel, selon laquelle l’Europe ne pourrait être définie que par l’extériorité qui l’aurait constituée, et vers laquelle elle devrait indéfiniment se tourner afin de restituer ce qui lui a été donné : « La culture européenne ne peut en effet jamais être « la mienne », puisqu’elle n’est rien d’autre que le chemin qui mène à une source étrangère », conclut Rémi Brague10. L’Europe est-elle d’ailleurs la seule, parmi d’autres confédérations, à s’être à ce point endettée culturellement qu’elle ne puisse prétendre faire « siens » ces apports étrangers ? C’est tout le processus de culture qui risque d’être frappé de stérilité si l’on ne reconnaît pas à tout individu et à tout peuple le droit légitime de s’identifier, grâce à l’effort des générations successives, à ce qu’il est parvenu à « s’approprier », sans que ce terme soit forcément assorti de connotations péjoratives ou dangereusement possessives. C’est peut-être même dans ce tour de force que s’est le mieux exprimé, aux moments les plus féconds de son histoire, le génie européen : faire de la culture des spécificités – locales, territoriales, climatiques, psychologiques – le tremplin d’une formidable réflexion sur l’homme, qui n’accède jamais à l’universel sans d’être auparavant affiné, cultivé, dans les limites de ce que le destin lui a donné en partage mais à quoi la culture lui permettra aussi de ne pas rester inféodé.

        S’il est néanmoins si difficile de définir ce qu’est au juste l’identité culturelle européenne autrement qu’en référence à ce double vecteur extériorité / universalité, c’est aussi que l’Europe a été le fer de lance de la rupture avec le passé effectuée au nom de cet idéal aux arêtes vives mais aux contours incertains nommé « modernité ». C’est en effet au « monde moderne » que l’on est tenté d’identifier l’Europe, exportant aux quatre coins de la planète cet idéal de vie et de pensée que rejettent aujourd’hui nombre de peuples non-européens soucieux, justement, de préserver leur identité et prêts, pour cela, à jouer la carte de la tradition contre celle de la modernité. Aussi faudrait-il se demander jusqu’à quel point l’Europe actuelle s’identifie encore avec la modernité qu’elle a inventée et largement exportée. Un décalage se fait à mon sens d’ores et déjà sentir entre l’image qu’on lui renvoie à ce propos d’elle-même et l’état présent de sa réflexion, pour une part au moins engagée au nom du vieil idéal de lucidité et de culture qui fait tout autant partie de son patrimoine que l’exportation de l’universel. C’est à ce que cet idéal ne s’étiole pas que les derniers Européens cultivés devraient veiller.

    Se défaire de la rengaine fataliste qu’on nous assène quotidiennement 

    Être Européen n’est en tout cas plus la manière exemplaire d’être moderne, postmoderne ou hypermoderne comme on voudra. D’autres contrées ont pris le relais, et la cote des œuvres d’art contemporain se décide désormais à New York ou à Shanghai plutôt qu’à Paris. Mais au lieu de déplorer que l’Europe soit désormais « dépassée » par le mouvement novateur qu’elle a elle-même initié, mieux vaudrait se demander si, méditant comme elle le fait depuis plus d’un siècle sur sa « décadence » réelle ou supposée, elle n’a pas pris une longueur d’avance en terme non plus de modernité, mais de maturité. Qui sait si le dernier défi en date qu’elle est capable de se lancer à elle-même – et le dernier avatar de la « crise de l’esprit » analysée par Valéry – se sera pas de profiter de la crise qui la met apparemment sur la touche pour repenser les fondements de la posture à laquelle on l’a identifiée: qu’on la nomme «regard transcendantal » comme Jean-François Mattéi, ou « mytho-motricité » comme Peter Sloterdijk.

        J’en reviens donc à la question : y a-t-il ou non continuité entre la crise d’hier, telle qu’elle a été décrite avec une belle unanimité par la plupart des grands penseurs européens dans l’entre-deux-Guerres, et celle d’aujourd’hui dont on nous dit qu’elle confirme le déclin inéluctable de l’Europe ? La réponse ne peut qu’être nuancée, vous vous en doutez. La continuité est frappante dès qu’on s’intéresse de plus près à certaines des manifestations de la « crise de l’esprit » si remarquablement décrite par Valéry, qui tend d’ailleurs à y voir l’expression même de la modernité : « L’homme moderne s’enivre de dissipation » écrivait-il en 1932, rendant d’ores et déjà perceptible ce qui saute aujourd’hui aux yeux : que l’homme moderne voue en effet un culte idolâtre à « l’énergie », quitte à en être intoxiqué et à bientôt ressentir la très paradoxale « monotonie de la nouveauté »11. Entrons plus avant dans les détails, et la continuité devient encore plus parlante : détérioration du rapport au langage, dispersion, désordre mental, futilité des préoccupations... Quand Jan Huizinga forge dans les années 1930, pour décrire cette situation nouvelle, le terme de « puérilisme »12, on croit déjà entendre Philippe Murray décrivant Festivus Festivus au cours de ses entretiens avec Élisabeth Lévy. Lorsque Maria Zambrano constate l’émergence d’une nouvelle attitude de l’Européen et parle à ce propos de « servilité devant les faits, les faits atomisés », l’écho est immédiat dans la rengaine fataliste qu’on nous assène quotidiennement : Que faire ? On n’y peut rien... et d’ailleurs il en a toujours été ainsi, etc.

        Quand Valéry déplore que l’école soit concurrencée par trop de sources de savoir pour conserver son autorité, c’est la situation catastrophique des établissements scolaires français qui nous semble décrite et c’est, plus largement, la débâcle culturelle actuelle qui déjà se profile dans certaines de ses prémisses, énoncées par Thomas Mann : « Les jeunes ignorent la culture dans son sens le plus élevé, le plus profond. Ils ignorent ce qu’est travailler à soi- même. Ils ne savent plus rien de la responsabilité individuelle, et trouvent toutes leurs commodités dans la vie collective. La vie collective, comparée à la vie individuelle, est la sphère de la facilité. Facilité qui va jusqu’aux pires abandons. Cette génération ne désire que prendre congé à jamais de son propre moi. Ce qu’elle veut, ce qu’elle aime, c’est l’ivresse »13. Tout semble donc prêt, dès les années 1930, pour accueillir les « réseaux sociaux » dans les mailles desquels des millions d’adolescents dilapident aujourd’hui leur temps, leur concentration d’esprit, leur santé et leur réputation parfois.

        Que de différences pourtant sous d’indéniables continuités entre hier et aujourd’hui ! On pensait en effet dans l’entre-deux-Guerres pouvoir imputer la crise de la conscience et de la culture européennes à la montée en puissance des masses, animées par une aspiration légitime à la culture ne pouvant que fragiliser l’image élitiste qu’on s’en était jusqu’alors faite. On aimerait donc savoir si l’inquiétude des grands penseurs européens face à ce phénomène n’était qu’un préjugé de classe, fort heureusement surmonté par la démocratisation de la culture ; et surtout ce qu’il est advenu des masses, passées semble-t-il à la trappe en même temps que d’autres réalités jugées depuis lors inexistantes ou infâmantes. Le terme lui-même ne faisait-il donc qu’exprimer le désarroi éprouvé par les élites face à cette onde de choc qu’est la « révolte des masses » (Ortega Y Gasset) ? En bref, s’agit-il là d’une défaite définitive de la culture dont les aspirations les plus hautes seraient devenues inaccessibles au plus grand nombre, ou tout au contraire d’une élévation si incontestable du niveau général des esprits que la référence aux masses deviendrait quasiment injurieuse ?

    Que les Européens retrouvent confiance en leur destin commun

    Mais il y a plus grave, plus décisif aussi quant à une éventuelle sortie de crise. Il y a la confiance que l’on mettait encore, au début du XXe siècle, dans les ressources inépuisables de l’esprit alors même qu’on le savait en crise, en Europe tout au moins. Ce qui est manifeste dans les proclamations de Valéry est tout aussi présent, ou au moins sous-jacent, chez les penseurs qui lui sont contemporains : l’esprit ne saurait vraiment décliner, et encore moins mourir. Les convulsions qui sont présentement les siennes attestent d’une vie qui lui est propre et qui inclut cette lutte intestine, ces contradictions intimes, cette mésentente de soi à soi dont le Journal de Gide est l’éclatant témoignage, parmi d’autres documents d’époque. Ni le « désordre de notre époque mentale » sur quoi insiste tant Valéry, ni la confusion et la démoralisation qui s’ensuivent ne sauraient entamer la certitude que l’esprit régénère et finalement guérit ce qu’il a détruit. C’est donc l’époque tout entière qui, dira Thomas Mann, se trouve « prise dans les douleurs de la transition »14. Une époque en train d’accoucher du futur, en somme, mais d’un futur qui, étant radicalement nouveau suppose-t-on, aggrave les douleurs ordinaires de l’enfantement.

        D’où le recours à des métaphores à première vue surprenantes, et qu’on croyait d’un autre âge : celle du phénix renaissant de ses cendres par exemple, par quoi Husserl clôt sa méditation sur « La crise des sciences européennes et la philosophie » (1936) ; ou celle, plus parlante encore, utilisée par Valéry à propos des pouvoirs quasi miraculeux de l’esprit : « Il est une véritable pierre philosophale, un agent de transmutation de toutes choses matérielles et spirituelles. »15 Qui oserait encore parler ainsi ? On mesure alors tout ce qui sépare l’Europe actuelle de cette vision à la fois très lucide et très créatrice de la vie de l’esprit, sous-tendant toutes les autres opérations par quoi se régénère au jour le jour une culture : le travail, les liens sociaux, l’idée qu’une collectivité se fait de son avenir commun, etc. Pour avoir été le « continent-mère de la modernité », comme dit Sloterdijk ; et pour avoir été le laboratoire où la vie de l’esprit a connu ses tourments les plus sombres, l’Europe ne pourrait-elle se montrer capable de vivre son apparent déclin comme le signe avant-coureur d’une nouvelle métamorphose ? En quoi cette vérité d’hier se pourrait-elle être celle de demain, si tant est que les Européens retrouvent confiance en leur destin commun ?

        Toute situation de crise a il est vrai ceci de dangereux, surtout si elle s’éternise, qu’elle anesthésie, émousse jour après jour le désir d’en sortir. Si la crise actuelle est aussi grave – je ne parle pas seulement de sa dimension économique, mais de la passivité désenchantée qu’elle suscite dans les esprits – c’est qu’elle ne peut plus être perçue comme une difficile mais prometteuse transition car personne n’est capable d’indiquer vers quoi pourrait avoir lieu ce transit. En bref, quand c’est l’idéologie moderniste du progrès qui fait faillite, à qui fera-t-on croire qu’on ne s’achemine pas, de crise en crise, vers une inéluctable régression ? La plus grosse difficulté est pourtant là : dans la capacité des Européens à reconvertir cette relative faillite en transition, non pas vers le même projet, retrouvant comme par miracle un second souffle, mais vers une réappropriation de ce qui, dans l’héritage culturel européen, permettrait la métamorphose envisagée par Nietzsche : « L’Europe est une malade qui doit une suprême reconnaissance à son incurabilité et à l’éternelle métamorphose de sa souffrance: ces situations, ces dangers, ces douleurs et ces expédients par leur renouvellement incessant ont fini par provoquer cette irascibilité intellectuelle qui est presque autant que du génie, et en tout cas la mère de tout génie. »16

    Schiller ou le bréviaire de l’Européen cultivé de demain

    Il ne s’agirait plus en tout cas pour l’Europe d’être à tout prix « moderne » puisque d’autres pays ont pris le relais et vivent à leur tour cette crise d’adolescence de l’esprit, de plus en plus risquée d’ailleurs puisqu’on sait moins que jamais jusqu’où l’appétit de nouveauté propre aux Temps modernes va conduire l’humanité enrôlée sous sa bannière. S’agit-il même encore, pour l’Europe actuelle, d’exporter l’universel? Des instances internationales sont désormais là pour ça, du moins en principe, qui auront tôt ou tard à s’interroger sur la meilleure manière de gérer, à l’échelle planétaire, la remontée des particularismes culturels et le refus, clairement affiché par certains peuples, de vivre sous la loi d’une universalité qui ferait implicitement d’eux des « Européens ». Peut-être le temps est- il donc venu pour l’Europe de prendre au mot ou au moins à demi-mot ceux qui la disent « vieille », et d’assumer la vertu de sagesse reconnue par la vox populi à la vieillesse.

        Disant cela, je ne pense pas seulement au rôle d’arbitre, de conseillère avisée qu’on pourrait être tenté de lui faire jouer tant en raison de sa vieillesse présumée que du sens de la mesure caractérisant les périodes les plus florissantes de sa culture. Je pense à une attitude plus exemplaire encore qui concerne son rapport au passé et à ce patrimoine d’une exceptionnelle diversité, et qualité, que tout être humain sur cette terre aurait désormais le droit de s’approprier sauf...les Européens eux-mêmes, tout juste promus au rang de gardiens de musée, voire de guides touristiques pour clients étrangers fortunés. C’est le rapport des Européens à leur propre culture qui est en crise puisque, tandis qu’on « muséifie » de manière extrêmement professionnelle le patrimoine, le rendant ainsi accessible à tout un chacun, on s’emploie à en relativiser à tout prix la portée culturelle et plus encore spirituelle susceptible de toucher un public plus spécifiquement européen.

        Cherchant à définir l’esprit européen, Paul Claudel disait qu’il se caractérise par « un état général d’alerte et de mobilisation des cœurs et des esprits » 17. Une telle mobilisation a longtemps répondu à l’appel de la surenchère progressiste – toujours au-delà, encore davantage – exaltant cette vertu moderne par excellence qu’est la curiosité s’esprit. Il est donc grand temps – et ce sera ma conclusion – que les Européens réapprennent, sans mauvaise conscience, à se réapproprier leur propre culture qui n’inclut pas seulement, vous l’aurez compris, les œuvres de grande valeur conservées dans les musées d’Europe mais un savoir-faire et un savoir-être au quotidien dont la perte ferait de nous à la fois des sauvages et des barbares, pour reprendre une distinction de Schiller dont les Lettres sur l’éducation esthétique de l’homme (1785) mériteraient à cet égard de redevenir le bréviaire de l’Européen cultivé de demain.

    Françoise Bonardel
    Colloque Europe-marché ou Europe-Puissance 26 avril 2014

    1. Peter Sloterdijk, Si l’Europe s’éveille, trad. O. Mannoni, Paris, Mille et une nuits, 2003, p. 31.

    2. Jean-François Mattéi, Le regard vide, Paris, Fayard, 2007, p. 262.

    3. Thomas Mann, Avertissement à l’Europe, op. cit., p. 33.

    4. Albert Camus dans Simone Weil, Œuvres, Paris, Gallimard (« Quarto »), 1999, p. 1264.

    5. Oswald Spengler, Le Déclin de l’Occident, trad. M. Tazerout, Paris, Gallimard, 1948, t.1, p. 172, 174.

    6. Paru aux Éditions de la Transparence en mars 2010.

    7. Paul Valéry, « La crise de l’esprit », Variété I et II, Paris, Gallimard (« Folio essais »), 1998, p. 50.

    8. Peter Sloterdijk, Si l’Europe s’éveille, op. cit., p. 88-89.

    9. Paul Valéry, op. cit, p. 30.

    10. Rémi Brague, Europe, la voie romaine, Paris, Gallimard (« Folio essais »), 1999, p. 173.

    11. Paul Valéry, « Le bilan de l’intelligence », Variété III, Paris, Gallimard (« Folio essais »), 1963, p. 282, 302.

    12. Johan Huizinga, Incertitudes, trad. J. Roebroek, Paris, Librairie de Médicis, 1939, p. 168-180.

    13. Thomas Mann, Avertissement à l’Europe, op. cit., p. 30.

    14. Thomas Mann, Être écrivain allemand à notre époque, trad. D. Daun, Paris, Gallimard (« Arcades »), 1996, p. 225.

    15. Paul Valéry, « La politique de l’esprit », Variété III, op. cit., p. 218.

    16. Friedrich Nietzsche, Œuvres philosophiques complètes t. V, Le Gai Savoir, trad. P. Klossowski, Paris, Gallimard, 1982, p. 75 (§ 24).

    17. Paul Claudel, « L’esprit européen », Œuvres en prose, Paris, Gallimard, « Bibliothèque de la Pléiade », 1965, p. 1310. 

  • Le socialiste marxiste Paul Lensch, théoricien de la Nation comme sujet actif du progrès historique

    Drei Jahre Weltrevolution [Trois ans de Révolution mondiale] : tel était le titre d’une publication due à la plume d’un député social-démocrate (SPD) du Reichstag, Paul Lensch, parue lors de la troisième année de la Grande Guerre. Cette publication constituait le troisième volet d’une trilogie, dont la première partie était sortie de presse en 1915, sous le titre de Die deutsche Sozialdemokratie und der Weltkrieg [La social-démocratie allemande et la Guerre mondiale], et dont la seconde partie, intitulée Die Sozialdemokratie, ihr Ende und ihr Glück [La social-démocratie, sa fin et sa chance], avait été publiée en 1916. Cette trilogie a été suivie, à la fin du conflit, par une autre brochure, dont le titre était Am Ausgang der deutschen Sozialdemokratie [Quand vient la fin de la social-démocratie allemande]. La lecture de cette trilogie et de cette brochure est fascinante, indépendamment du fait qu’il faille toujours étudier en toute autonomie les sources directes, sans passer sous les fourches caudines de la tutelle que veulent exercer les professionnels orwelliens de la correction systématique du passé. L’œuvre de Lensch nous montre comment un marxiste internationaliste devient un socialiste national, tout en conservant son mode d’argumentation de mouture marxiste. Si bien qu’il est possible de le considérer comme un précurseur du mouvement qui s’appelera —ce n’est évidemment pas un hasard— “national-socialiste”.

    Paul Lensch appartenait à l’aile gauche de la SPD, c’est-à-dire à une minorité de la fraction social-démocrate du Reichstag, qui avait pour intention première de refuser de voter les crédits de guerre, qui voulait donner à la gestion allemande de la belligérance une légitimité démocratique. Dans ce contexte toutefois, Lensch va rapidement opérer un changement, comme on pouvait le prévoir pour tout le courant révisionniste de gauche au sein du parti, courant que le politologue Abraham Ascher nommera les “radical imperialists” au sein de la SPD.

    L’argumentation des “révisionnistes de gauche”, dont Lensch, repose sur la théorie de l’impérialisme de Lénine. En réfléchissant à la substance des écrits de Lénine sur l’impérialisme, ce courant de gauche au sein de la SPD allemande en est venu à constater que l’Empire allemand, grâce à l’action politique des socialistes au cours des décennies qui ont précédé 1914, est un Etat progressiste, à la pointe du progrès social. Dans ce contexte, l’Allemagne de Guillaume II a une mission historique, estiment-ils : celle de mener à bien la révolution socialiste contre l’impérialisme mondialiste britannique. Lensch et ses camarades constatent, en partant de leur point de vue léniniste, que le service militaire généralisé, l’obligation de scolarité et les institutions démocratiques allemandes, sanctionnées par le suffrage universel qui permet à tous d’élire les députés du Reichstag, ont émancipé la classe ouvrière allemande bien plus que ses homologues dans le reste du monde. Le progrès a donc, à leurs yeux, été réalisé de manière bien plus complète en Allemagne qu’ailleurs.

    L’émancipation ouvrière, amorcée sous le Reich de Bismarck, amènera la fin de la lutte des classes, comme l’annonce clairement l’émergence de facto d’une communauté populaire de combat, ainsi que l’attestent les événements vécus d’août 1914, où l’on a vu s’opérer la fusion du nationalisme et du socialisme. Ces événements ont nettement prouvé que la social-démocratisation de la vie politique allemande avant 1914 a induit une nationalisation de la classe ouvrière allemande.

    La guerre mondiale, dans cette perspective, correspond bien à ce qu’avait prophétisé Marx, qui voyait en la guerre la sage-femme qui allait accoucher de la révolution, et même de la révolution mondiale. Se souvenant des écrits de Marx dans les années 1840-1850, Lensch et ses amis constate aussi que la guerre mondiale en cours va unir définitivement l’Allemagne et l’Autriche, même si les questions constitutionnelles n’étaient pas encore envisagées ; la guerre allait accoucher d’un Empire grand-allemand et réalisé de la sorte le rêve des révolutionnaires démocratiques de 1848. En outre, toujours selon la même logique tirée des écrits de Marx, la guerre mondiale en cours est la suite normale de la guerre d’unification de 1871.

    Dans la mesure où l’Allemagne de 1914 affronte la Russie tsariste, le rêve de Karl Marx se réalise : une guerre révolutionnaire contre la Russie réactionnaire a enfin commencé! Celle-ci n’avait pas pu encore être détruite, pensent Lensch et ses camarades socialistes de gauche, parce que la situation de l’Allemagne était telle qu’elle devait tenir compte des intérêts russes. La victoire sur la Russie tsariste, pense Lensch, permettra aux socialistes allemands de vaincre l’“Angleterre intérieure”, représentée, à ses yeux, par les Junker prussiens (on s’étonne de constater que la liberté d’expression était largement accordée dans l’Empire allemand, même en pleine guerre!). Les Junker, en effet, veulent conserver un suffrage censitaire en Prusse, ce qui empêche la constitution d’une communauté populaire véritablement démocratique, donc national(ist)e. Vu les fortes positions de la social-démocratie en Allemagne, une victoire allemande dans la guerre en cours signifierait une victoire de la théorie marxiste, surtout vis-à-vis des partis socialites étrangers, dont les orientations politiques et sociales étaient nettement moins déterminées par l’œuvre de Marx. Pour Lensch, l’enjeu historique primordial de la guerre mondiale en cours était la lutte entre une Allemagne socialiste et le libéralisme britannique. Si celui-ci gagne la partie, le capitalisme organisé règnera sur le monde. C’est pourquoi le socialisme qui dépasse la lutte des classes est une forme d’organisation sociale supérieure qui conduira à l’émergence d’une véritable communauté populaire, qui devra rendre impossible le règne du capitalisme total à l’anglaise.

    Au cœur de tous ses écrits, Lensch critique les positions pro-britanniques que prennent bon nombre de sociaux-démocrates. En ce sens, ses textes restent intéressants pour comprendre la critique récurrente de la politique anglaise. Ils méritent d’être encore lus et relus sous cet angle. En avançant ses arguments, Lensch applique avec pertinence à la politique étrangère les catégories conceptuelles forgées par Karl Marx et Friedrich Engels sur la lutte des classes, où l’Angleterre apparaît comme la puissance exploitrice et réactionnaire par excellence,dont l’immense empire doit être conduit à l’effondrement par la guerre mondiale qui, de fait, est une révolution mondiale.

    Quand l’Allemagne perd finalement la partie, Lensch retombe sur les pattes, à sa manière. Il revient à l’anglophilie social-démocrate, qu’il avait pourtant critiquée. Sous la pression de la guerre mondiale, l’Angleterre avait changé, pensait-il. En politique intérieure, elle avait adopté les principes allemands du capitalisme organisé ; elle avait décrété le service militaire obligatoire, qui est d’essence démocratique ; elle était ainsi, à son tour, devenue une puissance progressiste. Malgré ces concessions positives, Lensch développe toutefois, dans son argumentation théorique d’après 1918, un point négatif, sur le plan de sa théorie générale du progrès : la victoire anglaise a certes porté la SPD au pouvoir sans partage, ce qui permettait d’ouvrir sans obstacle la voix au socialisme, mais elle avait simultanément détruit en Allemagne les éléments concrets qui en faisaient un pays totalement progressiste, dans une perspective marxiste. Pour réaliser un véritable socialisme, expliquait Lensch après 1918, il aurait fallu conserver l’armée prussienne-allemande et le gouvernement des fonctionnaires non partisans pour enrayer les tendances ploutocratiques du parlementarisme.

    Les conditions dictées par le Traité de Versailles sanctionnent la victoire du capitalisme réactionnaire, ce qui, pour Lensch, implique, à l’évidence, qu’il faut dorénavant transposer les catégories marxistes de la lutte des classes dans la sphère de la politique internationale, de manière à penser la situation globale de manière féconde. Malgré les résultats contradictoires de la guerre mondiale, Lensch continuait à penser que l’Allemagne conservait son rôle de puissance sociale-révolutionnaire, dont l’importance était capitale, était d’une importance cruciale pour l’histoire future du monde. Elle pouvait d’autant mieux le jouer que la social-démocratie était victorieuse sur le plan intérieur et que la réaction avait été mise hors jeu. La “mascarade monarchique” avait disparu, ce qui rendait plus visible encore la disparition du facteur “réaction”. Pour pouvoir mener à bien cette lutte des classes au niveau international, il fallait d’abord, pensait Lensch, poursuivre la lutte des classes à l’intérieur, c’est-à-dire maintenir à flot cette idée concrète de communauté populaire, comme en août 1914.

    Au fil des arguments avancés par Lensch, on constate, chez lui comme chez d’autres révisionnistes de gauche de l’époque, tel l’Italien Benito Mussolini, que la nation active, finalement, prend la place de la classe ouvrière en tant que sujet agissant du progrès historique. Il convient dès lors de mener une lutte internationale de libération contre le nouvel ordre imposé à Versailles, ce qui revient à poursuivre la guerre qui fut une révolution mondiale et à préparer une deuxième guerre, dès que la lutte des classes sur le front intérieur aura été parachevée sous l’égide d’un socialisme porté par un chef charismatique.

    Paul Lensch fut pendant la “révolution de Novembre”, c’est-à-dire pendant les troubles qui ont immédiatement suivi l’armistice du 11 novembre 1918, l’intermédiaire entre les députés du peuple et l’état-major général des armées. Plus tard, il ne trouva pas de majorité au sein de la SPD pour appuyer ses projets révolutionnaires. En 1922, parce qu’il a coopéré à la neutralisation de la révolte spartakiste, il est exclu de la SPD. Son destin nous oblige toutefois à poser un question importante, dans le contexte du sort que l’on fait subir à la vérité historique en RFA aujourd’hui : n’était-ce qu’une foucade polémique de Crispien, porte-paroles de l’USPD pré-communiste et dissidente de la SPD jugée trop fade, d’avoir utilisé le vocable de “national-socialiste” pour désigner cette SPD majoritaire, après l’élimination du spartakisme? La paternité du vocable ne revient pas à ce Crispien ; le terme a été utilisé pour la première fois en 1897 par les dissidents de la social-démocratie austro-hongroise dans l’espace tchèque (Bohème et Moravie) qui ont nommé leur parti Ceskoslovenska strana narodnescosocialisticka, soit “Parti national-socialiste tchécoslovaque”. En 1903, en réaction à la création de cette formation nationale-socialiste tchécoslovaque, les socialistes allemands de la région des Sudètes fondent un Deutsche Arbeiterpartei , soit un “Parti ouvrier allemand”, qui sera débaptisé en 1918 pour se nommer “Deutsche National-sozialistische Arbeiterpartei” [Parti ouvrier national-socialiste allemand], qui anticipera directement la NSDAP hitlérienne.

    L’itinéraire personnel de Paul Lensch, député socialiste du Reichstag, explique pourquoi les figures de proue du socialisme allemand d’après 1945, tels Kurt Schumacher, qui fut Président de la SPD, ou Johann Plenge, n’ont jamais cessé de dire que l’émergence du national-socialisme n’a été possible qu’à cause de l’existence préalable du socialisme. Il existe donc bel et bien une évolution logique qui partirait du socialisme marxiste pour aboutir au national-socialisme. Cette évolution n’est pas purement dialectique, mais organique. Elle a été rendue possible en Allemagne après 1918, à cause des conditions trop contraingnantes du Traité de Versailles, qui ont obligé l’Allemagne vaincue à suivre une voie propre, particulière, que l’on ne peut comparer à celles des pays voisins.

    Analyser les écrits de Paul Lensch, examiner le développement successif de sa vision politique, nous permet de mieux comprendre aujourd’hui quel a été le contexte idéologique et intellectuel purement socialiste —et marxiste-léniniste— dans lequel a émergé le national-socialisme allemand.

    Josef SCHÜSSLBURNER.

    (article tiré de Junge Freiheit, n°5/1998).

    http://vouloir.hautetfort.com/archive/2014/04/23/paul-lensch.html

  • Entretien avec Aude Mirkovic, spécialiste du droit de la famille

    Priver un enfant de son père (PMA) ou de sa mère (GPA) est une maltraitance !

    Gabrielle Cluzel – Aude Mirkovic, vous êtes porte-parole de l’association « Juristes pour l’enfance ». Que vous inspire le jugement rendu il y a quelques jours par le tribunal de grande instance de Versailles, refusant l’adoption d’un enfant né par PMA à l’étranger par la conjointe de sa mère biologique ?

    Aude Mirkovic – Le tribunal n’a fait qu’appliquer le droit. En effet, l’adoption vise à réparer le fait qu’un enfant a été privé de ses parents biologiques ou de l’un d’eux en le confiant à des parents adoptifs. Au contraire, le priver délibérément de son père pour le rendre adoptable réalise un détournement de l’adoption, ce que la justice française refuse, y compris d’ailleurs lorsque l’adoption est ensuite demandée au sein d’un couple homme/femme. Or, les femmes qui vont en Belgique, en fraude à la loi française, se faire inséminer par un inconnu planifient la conception d’un enfant privé de père, de manière à ce qu’il soit adoptable. Le droit français refuse de valider ce bricolage procréatif qui constitue une grave injustice envers l’enfant.

    GC – On apprend que de telles adoptions ont déjà été prononcées. Doit-on en déduire que, quoi qu’en dise le gouvernement, la PMA pour les femmes est, sinon légale, du moins déjà tolérée en France 

    AM – Les tribunaux qui ont prononcé l’adoption d’un enfant délibérément rendu adoptable se sont rendus complices d’un dévoiement de l’adoption, au mépris du droit. Il est incompréhensible que les procureurs n’aient pas formé de pourvoi devant la Cour de cassation, ce qui manifeste la complicité et la duplicité du gouvernement sur le sujet. Le peuple français refuse que la loi organise la fabrication d’enfants sans père. Le gouvernement craint le peuple et fait mine de reculer sur ce point, mais il attend visiblement d’être mis devant le fait accompli lorsqu’il cautionne le contournement de la loi française à l’étranger

    GC – En refusant l’adoption, est-ce que la justice ne sanctionne pas l’enfant ?

    AM – Au contraire, le seul moyen de protéger les enfants – qui ne sont pas fautifs, les pauvres ! – est de refuser l’adoption demandée. En effet, le préjudice principal infligé à l’enfant est d’avoir été privé délibérément et définitivement de son père. Or, l’adoption par la conjointe de sa mère ne réparera pas cela car elle ne restituera pas son père à l’enfant. Au contraire, faire comme si de rien n’était reviendrait à nier ce préjudice, empêchant d’autres femmes tentées par ces techniques de mesurer le dommage ainsi causé à l’enfant. Prononcer cette adoption serait un encouragement à multiplier le nombre d’enfants délibérément amputés de leur lignée paternelle pour pouvoir être adoptés. La loi multiplie les efforts pour assurer le maintien des liens entre l’enfant et ses deux parents en cas de séparation, surtout avec son père. Ce n’est pas pour permettre, par ailleurs, de fabriquer des enfants sans père.

    GC – Lors de son entrevue avec la délégation LMPT, Laurence Rossignol, secrétaire d’État à la Famille, aurait affirmé ne pas être au courant de la promotion de la GPA faite par des cliniques américaines sur le sol français. Il faudrait peut-être lui offrir une télévision, ou au moins un abonnement à un journal, car les médias ont publié de nombreuses enquêtes sur le sujet, non ?

    AM – Il est effectivement invraisemblable que le ministre de la Famille ignore que des sociétés étrangères viennent en France proposer les services de gestatrices américaines, alors que le gouvernement a été interpellé à ce sujet par des parlementaires, et qu’une plainte, largement médiatisée, a été déposée par notre association et a donné lieu à l’ouverture d’une enquête. Cette prétendue ignorance révèle l’inertie du gouvernement à lutter contre cette pratique, alors qu’elle consiste à acheter à une femme l’abandon de son enfant, c’est-à-dire à acheter un enfant, tout simplement. La circulaire Taubira de janvier dernier, qui ordonne aux greffiers de délivrer les certificats de nationalité française aux enfants nés de ces pratiques, manifestait déjà la complicité du gouvernement. Heureusement, la Cour de cassation refuse de fermer les yeux en cas de recours à la GPA à l’étranger, mais cela n’est pas suffisant : priver délibérément un enfant de son père (PMA) ou de sa mère (GPA) pour le rendre adoptable devrait être sanctionné car c’est une maltraitance à l’égard des enfants concernés. Le fait qu’ils soient ensuite aimés et choyés ne change rien et ne réparera jamais l’injustice qui consiste à les priver de leur père ou de leur mère.

    Entretien réalisé par Gabrielle Cluzel, 4/05/2013

    Source : Boulevard Voltaire.fr

    http://www.polemia.com/entretien-avec-aude-mirkovic-specialiste-du-droit-de-la-famille/

  • Conférence Dextra : L'anatomie de la sécurité

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    Nicolas Pralude blogueur sur oragesdacier va nous parler de la sécurité et de la paradoxale insécurité.

    http://www.oragesdacier.info/2014/05/conference-dextra-lanatomie-de-la.html