Alors que rien, pas même une conférence de presse à la mise en scène très gaullienne, ne semble pouvoir enrayer la chute de popularité du président de la république et du gouvernement, le pouvoir est manifestement tenté d’écouter les mauvais conseils que lui dicte la peur. Sur le « mariage pour tous », il pensait vaincre sans péril, ce qui le consolait de sa reculade — provisoire ? — sur le vote des étrangers.
Au moins une promesse de campagne que François Hollande tiendrait, après ses mensonges sur la renégociation du traité budgétaire, le prix de l’essence, la réorientation de l’Europe ou la politique du logement.
Las ! non seulement les Français, ces beaufs éternels, manifestent moins d’attente en matière de mariage homo et d’homoparentalité que d’emploi ou de pouvoir d’achat, mais voici qu’un nombre chaque jour plus imposant commence à s’interroger sur les véritables intentions de la majorité à faire adopter à toute vitesse un projet de loi qui, remettant en cause les fondements de toute société depuis ses origines, c’est-à-dire au bas mot depuis plusieurs millénaires, pouvait bien attendre encore quelques mois la tenue d’un vrai débat.
Aussi, paniqué à l’idée d’être mis en capilotade, nos socialistes renouent-ils avec cette vieille habitude qui ne les quitte jamais vraiment : diaboliser l’adversaire pour mieux le discréditer, voire le museler.
Certes, nous ne sommes plus au temps de l’expulsion des congrégations, du fichage des officiers catholiques, de la rumeur infâme, en pleine guerre, sur le manque de patriotisme des prêtres ou de la dissolution de ligues fâchistes. Mais c’est un fait, la gauche a toujours eu un problème avec la liberté politique, pour la simple raison que celle-ci ne fait pas partie de sa culture. Ayant permis à la révolution de développer toute sa logique, elle se considère comme la propriétaire originelle, et donc la seule légitime, de la république, ce qui lui a évité, jusqu’à présent, d’avoir à faire repentance ou, plus simplement, à « reconnaître lucidement » toutes les dérives dont elle fut l’ « auteure », la Terreur et ses « répressions sanglantes » n’étant pas, à l’époque, les fruits les plus négligeables de son action vertueuse. Alors que la droite, qui n’avait accepté la république qu’à reculons après avoir rechigné à couper la tête du roi, n’a évidemment pas une origine aussi pure, même si, contrairement à la gauche, elle l’a oubliée depuis longtemps. En quelque sorte, la droite est tolérée, quand la gauche est chez elle. Incarnant Marianne, il est du patrimoine génétique de la gauche de trouver toute affirmation d’une légitimité différente de la sienne au mieux incongrue, au pire contre-révolutionnaire (jadis bourgeoise, quand elle prétendait encore défendre le peuple), c’est-à-dire hautement criminelle. La droite est de facto en liberté...surveillée.
En ce sens parler de gauche morale est un pléonasme puisque, étant la République, elle est également la Liberté, l’Egalité et la Fraternité, c’est-à-dire le Bien. On comprend pourquoi, perdant pied dans l’affaire du mariage homosexuel et de l’homoparentalité, elle n’hésite pas à renouer cyniquement avec la tentation autoritaire. Après avoir, à la Libération, culpabilisé la droite de sa prétendue soumission, voire collaboration avec l’occupant, elle a peu à peu imposé son magistère moral, qu’elle croit irréversible depuis Mai-68. La droite, qui a rendu les armes, s’y est mise d’elle-même, notamment en matière de lutte contre toute forme de "discrimination", utile pour imposer le communautarisme, ou contre l’ « homophobie », raffarinade adoptée en 2004, qui permet aujourd’hui à la gauche de parler à tout bout de champ de « dérapage » et de trouver « suspecte » — un terme qu’elle connaît bien depuis 1793 —, toute opposition à des projets de lois sociétaux visant à assurer « l’égalité » entre hétérosexuels et homosexuels en matière de mariage et de filiation.
La tentation autoritaire joue désormais à plein. C’est Harlem Désir qui, juste après son élection soviétique à la tête du PS, a ouvert le feu en déniant à la droite, même et surtout « républicaine », le droit de manifester que revendiquait Copé, alors candidat à la présidence de l’UMP... à propos justement du mariage homosexuel. Et d’évoquer le souvenir des ligues fâchistes d’avant-guerre, que la gauche avait précisément dissoutes. Non que l’UMP doive rien craindre en la matière — la gauche a besoin d’une droite bien policée pour lui servir de pendant —, mais précisément, qu’a fait d’autre Désir, avec cette évocation de la période nécessairement nauséabonde des ligues, que de rappeler à l’UMP jusqu’où il l’autorisait à ne pas aller trop loin ? Ce fut ensuite la gauche dans son ensemble qui, renouant avec son addiction à la dissolution des ligues, a voulu interdire Génération identitaire, voire le Bloc identitaire, après l’occupation pacifique du chantier de la mosquée de Poitiers. C’est aujourd’hui, après la provocation illégale et agressive des Femen lors de la manifestation unitaire du 18 novembre dernier contre le mariage et l’adoption homo, dont Civitas assurait l’organisation, l’appel, encore, à la dissolution de cet institut catholique traditionaliste, appel qui s’est accompagné, ce matin 20 novembre sur France Inter, par la bouche de Najat Belkacem, porte-parole du Gouvernement, d’un discrédit porté sur la manifestation « Tous pour le mariage » du samedi, qui aurait ouvert la voie aux « dérapages » de celle du dimanche, de la volonté réaffirmée de dissoudre l’organisation factieuse Civitas — c’est décidément une obsession —, ainsi que de l’intention de s’attaquer, en cette période de disette budgétaire, aux dons allant aux associations cultuelles... Ou comment, via Civitas, se venger de l’Eglise catholique elle-même, fer de lance de la contestation ? En tout cas, en entretenant un climat malsain, le gouvernement et sa majorité visent à peser sur le débat politique.
Disposant d’un pouvoir politique et médiatique quasi-impérial et d’une autorité morale tout aussi hégémonique, la gauche se croit aujourd’hui tout permis. Tenant un discours arrogant, profitant de la fausse opposition d’une UMP fourre-tout incapable de se trouver faute d’avoir une quelconque identité, manifestement, elle n’hésitera pas, s’il le faut, à renouer avec les heures les plus sombres de son histoire qui sont aussi celles de la république et à museler toute contestation politique, se contentant d’affubler ses coups de force des oripeaux du droit.
Avec cette gauche qui n’a rien appris ni rien oublié, les Français doivent s’attendre à des heures difficiles non seulement sur le plan économique, mais peut-être plus encore sur le plan politique. La dérive autoritaire du parti socialiste comme du gouvernement se dessine chaque jour davantage. Nos libertés fondamentales sont sérieusement menacées.
François Marcilhac, éditorialiste de L’Action Française