Ce matin j'entendais sur Radio Classique l'évocation d'une nouvelle, présentée pour rassurante dans la morosité ambiante : le développement de l'implantation sur le territoire français des activités du principal site mondial de vente en ligne de livres et de produits culturels : le groupe américain bien connu Amazon.
Pour tout défenseur de l'économie de marché la concurrence doit être considérée comme une bonne chose. À ce titre il est très étonnant que le ministre pompeusement appelé "du Redressement productif" M. Arnaud Montebourg ait essayé de faire croire récemment le contraire à propos de la quatrième licence de téléphonie mobile. Il accuse le vilain opérateur Free de déstabiliser le secteur.
On pourrait hausser les épaules et dire : "encore une folie de ce poseur ridicule".
D'autres déclarations à l'emporte pièce de ce personnage défrayent la chronique et on pourrait les trouver infiniment plus graves, notamment quant à l'image de la France qu'elles véhiculent à l'étranger. Quand un ministre parisien se permet d'injurier les dirigeants d'un grand groupe sidérurgique implanté dans quelque 150 sites de l'Hexagone et représentant 22 000 emplois directs on peut en effet s’inquiéter quant à son équilibre mental. Quand il laisse entendre que, pour sauver certains emplois, la solution de l'étatisation est envisageable on se demande avec quelle machine à remonter le temps il est allé lire quel numéro de L'Humanité qui traînait dans son grenier depuis 1946.
Mais voilà : il faut montrer à tout prix que le territoire français attire encore les investisseurs.
On ne nous dit pas assez, y compris sur Radio Classique, à quelles conditions ces groupes s'installent.
En voici un échantillon fourni par le vote du conseil régional de Bourgogne en date du 26 novembre. Après un long débat, la décision a été entérinée par les 26 élus du parti socialiste qui détiennent la majorité et qui ont bénéficié, il faut le souligner de la courageuse abstention des élus UMP. Plusieurs élus d'Europe Écologie Les Verts, du parti communiste et du front national ont manifesté leur opposition. En vain.
Voilà en effet le résultat : pour s'implanter en Saône-et-Loire, département du citoyen Montebourg Amazon va toucher 1,125 million d'euros d'aides publiques dès 2012
Ceci, dit-on va permettre la création de 250 emplois dans son nouvel entrepôt de Sevrey.
Au total, l'entreprise américaine percevra 3 400 euros par emploi. L'État pourrait abonder cette somme d'un montant de 1 000 à 2 000 euros.
"Le soutien financier proposé sera financé en partie par le Conseil Général de Saône-et-Loire, à hauteur de 275 000 euros, dans le cadre d'une convention de partenariat entre le département et la région. Cette aide pourrait être complétée par une intervention de l'État, de 1 000 euros à 2 000 euros par emploi, au titre de la prime d'Aménagement du territoire", indique le rapport du conseil régional de Bourgogne auquel Sipa a eu accès. (1)⇓
Amazon exploite déjà trois entrepôts en France, à Montélimar, à Sarran près d'Orléans et à Sevrey. Le groupe dont le chiffre d'affaires 2011 a atteint 48 milliards de dollars en 2011, a annoncé également qu’il en ouvrirait un quatrième. D'une superficie de 90nbsp000 m2, il sera situé près de Douai. Son inauguration est prévue en 2015. Ce nouvel entrepôt devrait aussi bénéficier d'aides publiques du conseil régional du Nord-Pas-de-Calais. "Dans les prochains jours, le conseil régional du Nord-Pas-de-Calais rencontrera le groupe américain. Tout comme en Bourgogne, le groupe bénéficiera de subventions et d'aides publiques" (2)⇓.
Ne contestons pas à Amazon le droit de vendre en ligne des livres français en direction de la France et des lecteurs francophones d'Europe. Soulignons quand même qu'il existe d'importants groupe de librairie (Procure, Fnac, Decître, par exemple) mais aussi d'autres plus modestes (comme "Diffusion de la pensée française" à Chiré-en-Montreuil ou la "Librairie catholique" de Perpignan), qui le font tout aussi bien, sinon mieux, sans subventions, et que la plupart des éditeurs le font aussi directement (3)⇓.
On serait intéressé à savoir aussi quel régime de TVA sera applicable à ces ventes, qui sont éventuellement encaissées sur des comptes étrangers, et par conséquent assimilables à des exportations détaxées...
Quelle peut bien être au bout du compte la pertinence de ces subventions, sinon la démagogie de faire semblant de "créer des emplois" avec de l'argent public, en en détruisant d'autres, qui ne coûtaient rien aux finances publiques ?
JG Malliarakis http://www.insolent.fr/
notes
- cf. "Dernières nouvelles d'Alsace" du 26 novembre ⇑
- cf. SIPA du 26-11-2012 à 19 h 31.⇑
- ⇑ Ainsi les Éditions du Trident pour lesquelles je n'hésite pas ici à faire une petite publicité de bon goût.