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AUX SOURCES DE L'EUROPE : ATHENES

On parle communément du miracle grec : « tout ce que les Grecs ont reçu des Barbares, ils ont chaque fois fini par le perfectionner », disait Platon.

Le premier avantage concret que nous a procuré la Grèce c’est l’alphabet. Alors que l’alphabet phénicien ne notait que les consonnes les grecs ont permis à ce système graphique, en introduisant de nouveaux signes, de s’adapter à tous les langages et d’en rendre compte avec précision. Notre civilisation est ainsi devenue une civilisation de l’écrit. A travers les alphabets latin et cyrillique, qui dérivent tous les deux de l’alphabet grec, celui-ci a permis à tous les peuples d’enregistrer les faits, de fixer et de transmettre la pensée.

Ce sont aussi les grecs qui grâce à leurs découvertes technologiques et leurs inventions vont pouvoir établir des colonies et aller à la découverte du monde inconnu. Paul Faure nous raconte comment « la grande colonisation des VIIIe et VIIe siècle a été redue possible », « par deux inventions matérielles, le vaisseau de guerre et l’armement lourd du fantassin, mais aussi par trois innovations d’ordre politique essentiellement : la cavalerie montée, la monnaie d’argent, l’alphabet de vingt-quatre à vingt-six signes ».

Pour autant, les grecs ne sont pas à proprement parler des conquérants, se sont surtout des philosophes et des historiens, se sont les inventeurs de la littérature, de l’histoire et du théâtre.

 Nous devons aussi aux grecs les moyens de conduire et d’organiser notre pensée. Les règles de méthode qui conditionnent l’élaboration de toute science ont été définies pour la première fois par Aristote et son école.

Dans l’organisation sociale, avec le modèle de la Cité, les grecs nous ont apporté une conception de l’Etat qui pour la première fois dans l’histoire a tenté de concilier la liberté individuelle avec la solidarité communautaire. La cité, groupe humain original, est un espace qui réunit les citoyens partageant des intérêts communs au-delà du souci immédiat de survie : un territoire, des traditions, le sentiment d’appartenir à une collectivité forgée par l’histoire où le destin de chaque membre est lié à celui de tous. C’est en ce sens que l’on peut dire que les grecs ont inventé la politique, tâche noble à laquelle est appelé chaque citoyen. En effet, alors que le pouvoir du roi mycénien était enfermé dans le secret du palais royal, le pouvoir, dans la cité grecque devient public et ouvert, ce dont témoigne l’agora, place où se tiennent les réunions de citoyens. Et comme le pouvoir est exposé sur l’agora, il peut être remis en cause par n’importe qui. Par ces innovations, les grecs ont les premiers forgé le concept même de gouvernement par la loi et celui de liberté qui lui est indissolublement lié.

Mais la plus importante des leçons de la Grèce est que tout groupe social, du plus petit au plus grand, de la famille à l’Empire, suppose l’acceptation d’un code de valeurs qui sont d’essence religieuse. Le respect de la vie, l’égalité, la liberté échappent aux justifications rationnelles. C’est pourquoi les grecs considéraient les lois comme divines et les révéraient comme telles. Ainsi, dans leurs institutions, il n’existe aucune distinction entre le civique et le sacré. Tout magistrat exerce à la fois une charge administrative ou politique et des responsabilités religieuses. Le premier devoir du citoyen est de participer aux cultes de la cité. Pour autant, en inventant la politique, les grecs prennent conscience de l’autonomie de l’ordre social par rapport à l’ordre naturel, c’est-à-dire qu’il existe deux ordres, un ordre transcendant et intangible, celui de la physis, et un autre artificiel, créé par les hommes, variable selon les temps et les lieux, soumis à critiques et à réformes, celui du nomos. A côté de la loi naturelle peuvent donc exister des lois ordinaires faites par l’homme, fruit de sa réflexion et de son expérience.

 Enfin, nous devons à la Grèce ce que nous appelons l’humanisme, terme aujourd’hui interprété restrictivement. Dire que l’homme est la mesure de toute chose n’implique nullement que rien ne compte en dehors de lui. C’est une simple constatation d’expérience : étant l’être pensant, l’homme est forcément à ses propres yeux, la référence constante dans l’univers. C’est pourquoi il conçoit Dieu à son image pour instaurer avec la puissance infinie un dialogue où l’individu s’engage tout entier. On peut déjà relever dans cette réflexion le terreau que sera le monde antique pour l’évangélisation chrétienne puisqu’on peut dire que l’homme antique préfigure en quelle que sorte le futur chrétien en ce sens que rien dans son esprit ne viendra s’opposer à la révélation.

Le saut vers la civilisation accompli en Grèce par l’invention de la cité n’a été accompli dans aucune des autres grandes zones géoculturelles. L’islam n’est pas civilisé parce que les sociétés islamiques ne sont pas des cités et que le musulman n’est pas appelé à être un citoyen. En terre d’islam, la politique n’existe pas, le droit est entièrement régit par le religieux et le débat critique n’est pas garanti par les institutions. Ainsi, il ne peut y exister de loi humaine puisque toutes les lois sont des lois coraniques. De même, en Asie et en Inde, on retrouve des sociétés sans état ou des régimes sacraux dans lesquelles les rois sont en même temps les dieux.

Telle apparaît la leçon des grecs. « Leçon d’ordre dans la pensée, servie par le langage et l’écriture ; leçon d’ordre dans la société où un pacte d’essence religieuse unit les membres d’un groupe bien défini, qui mérite dévouement et sacrifice ; leçon d’ordre dans l’art, qui se voue au service de l’homme et des dieux. La liberté prospère sous la protection des lois, qui sont d’origine divines. Les erreurs à proscrire sont la solitude, l’impiété et l’anarchie ».

Ainsi, à travers leurs créations, les grecs ont marqué tous les peuples d’Europe, par les arts, la politique avec l’éveil de la démocratie et la pensée philosophique.

Si l’on considère que la philosophie grecque s’étend de Thalès à la fermeture de l’école d’Athènes en 529, on constate que cette influence grecque s’étend sur une période de douze siècles à laquelle Rome donnera une suite stupéfiante...

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