« Front National : le jour où Bruno Gollnisch a tenu tête à Jean-Marie Le Pen. » Sous ce titre accrocheur, le site Atlantico a publié le 1er décembre un premier extrait (un autre est prévu) du livre « Dans l’ombre des Le Pen : une histoire des numéros 2 du FN ». Un ouvrage que l’on doit à Joseph Beauregard (auteur et documentariste) et à Nicolas Lebourg spécialiste des extrêmes droites, professeur à l’université de Perpignan, adversaire érudit du FN que nous avons déjà cité sur ce blog. M. Lebourg promettait il y a pratiquement un an jour pour jour, sur le site du Nouvel Obs, un bel avenir à l’opposition nationale : « A l’observation comparée des évolutions de la sociologie du travail et de la sociologie électorale, à la réflexion quant à l’évolution socio-économique en cours, il est rationnel d’envisager que l’histoire du lepénisme puisse être devant nous ».
Pour autant, quand il regarde dans le rétroviseur, comme c’est le cas ici , Nicolas Lebourg se livre à une lecture, une analyse des évènements et du fonctionnement du FN qui ne brille pas par sa finesse et recycle les vieux poncifs.
Dans l’extrait publié sur Atlantico, les deux auteurs s’arrêtent ainsi sur « l’affaire » dite du « détail », dont les répercussions politiques quelques mois plus tard, en 1988, débouchèrent sur ce fameux « jour où Bruno Gollnisch a tenu tête à Jean-Marie Le Pen ». Ils citent ainsi la « contre-motion proposée » par Bruno en Bureau politique visant non pas à exclure François Bachelot du FN (comme le souhaitait alors Jean-Marie Le Pen) mais à prononcer simplement son exclusion du Bureau politique (BP).
Le livre indique que « Jean-Marie Le Pen met au vote (cette « contre-motion » de Bruno Gollnisch, NDLR) avant la sienne. En somme, Bruno Gollnisch d’une part peut, sur des questions aussi cruciales pour son chef, non s’opposer frontalement à lui, mais trouver le moyen de lui présenter une autre opinion, d’autre part il affiche discrètement un manque d’enthousiasme quant à la provocation faite »
Relevons plus prosaïquement que le Bureau Politique du FN est justement un lieu traditionnel de débat et d’échanges, où les membres sont invités à s’exprimer…Ce n’est pas, pas plus hier qu’aujourd’hui, une simple chambre d’enregistrement, où l’on entend qu’un long monologue du (de la) président(e) du FN ! Mais cet espace est certes un lieu ou par son expérience et sa dimension toute particulière, la parole de Bruno Gollnisch a un poids important et est écoutée.
M. Lebourg et son complice tirent aussi des conclusions quelques peu hâtives sur ce qu’ils appellent le « révisionnisme » de Bruno Gollnisch. Au cours du Bureau Politique cité plus haut, ils rapportent que celui-ci est, « sur l’essentiel, d’accord » avec notamment deux membres du BP, aujourd’hui disparus, Pierre Sergent et Jean-Pierre Schénardi », sur la nécessité de « démarginaliser » le FN. Qui serait contre ?!
Les auteurs affirment ainsi que Bruno Gollnisch aurait ajouté toujours dans le prolongement des discussions sur les conséquences de l’affaire du « détail » : « Je ne suis pas antisémite, mais nous ne pouvons pas faire l’économie de ce débat… On veut mettre dans la tête des gens des réflexes pavloviens. » Une réflexion qui mérite d’être précisée puisqu’elle est ici résumée peu clairement. Ce qu’a voulu dire Bruno, c’est qu’il est partisan, par principe, du débat contradictoire, de la liberté d’expression et d’opinion plutôt que de la chape de plomb et/ou de la grosse matraque brandie au dessus de la tête des récalcitrants.
Un principe de libre recherche historique qui fut alors définitivement aboli deux ans plus tard par l’inique loi Fabius-Gayssot, laquelle est désormais rejetée par une très large fraction du monde intellectuel et universitaire, de toutes origines, opinions politiques, philosophiques confondues.
Pour preuve de cette mal-pensance de Bruno, MM. Lebourg et Beauregard précisent que Gollnisch invita en 1990 « l’ancien Waffen SS Franz Schönhuber lors de la foire internationale de Lyon –M. Schönhuber fut collègue de Bruno au Parlement européen de 1989 à 1994, NDLR- provoquant une indignation générale, qui va de Michel Noir, le maire RPR de Lyon, aux associations juives. Cette stratégie de provocation se voit vigoureusement condamnée par Jacques Peyrat juste avant que Franz Schönhuber soit invité et ovationné au congrès de Nice, ville dont Jacques Peyrat vise la mairie. »
Cet exposé, là aussi, est très biaisé de notre point de vue. Car à dire vrai, ce n’est pas en tant que soldat engagé dans la Waffen SS (à l’âge de 19 ans) que M. Schönhuber, disparu le 27 novembre 2005, fut invité du FN. Mais en temps que chef de file d’un mouvement de droite nationale classique, qu’il co-fonda en 1983 et dont il abandonna la présidence en 1990, Les Républicains -Die Republikaner. Les Républicains furent en l’occurrence une simple scission du parti chrétien démocrate/conservateur CDU-CSU, parti que Franz Schönhuber rejoignit après guerre.
M. Lebourg, note Bruno Gollnisch, connaît certainement la longue liste des hommes politiques allemands (et autrichiens), anciens membres du parti nazi parfois à de hauts postes, qui firent de belles carrières après guerre dans les gouvernements, les partis démocratiques de gauche comme de droite outre-Rhin.
Il aurait pu aussi constater que quand François Mitterrand, ancien décoré de la francisque, allait avec son ami René Bousquet au restaurant, ce n’était pas pour se montrer avec l’ex secrétariat général à la police du gouvernement de Vichy, mais avec le Bousquet homme de gauche. Pareillement, les pontes du RPR qui fréquentaient on ne peut plus publiquement Maurice Papon n’évoquaient pas son passé de secrétaire général de la préfecture de Gironde entre 1942 et 1944, mais son « gaullisme » impeccable…
Enfin, constatons plus largement que le FN, quoi qu’il fasse, quoi qu’il dise, est toujours soupçonné d’abriter en son sein de mauvaises pulsions, suspect d’un sombre refoulé qui affleurerait parfois au détour d’une phrase suspecte ou pire d’un non-dit…
M. Lebourg véhicule aussi cette propagande antinationale là, bien vivace au sein du microcosme. En décembre dernier ce spécialiste du FN expliquait que mêmes les références à la république, « la revendication républicaine et révolutionnaire par le FN» et Marine ne seraient pas exemptes d’une certaine ambiguïté puisque « les fascistes français (…) rattachèrent le fascisme à la poursuite de la Révolution. A l’instar de Georges Valois qui considère que les Jacobins furent une matrice du fascisme et que le prolétariat fasciste retrouve le sens de la République naissante qu’aurait trahie l’oligarchie. C’est encore Marcel Déat qui affirme que les soldats de l’An II étaient les pionniers de l’État totalitaire et de la Waffen SS française» !
A trop vouloir prouver que le FN n’est pas fréquentable, ce sont tout de même les auteurs de ce type de raisonnements spécieux qui apparaissent comme obsédés par le fascisme et du nazisme. Et qui sombrent souvent dans le ridicule. Dans la période lourde de dangers que nous traversons, ils seraient aussi bien inspirés de ne pas hurler au loup à mauvais escient.