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Afghanistan / Voilà enfin un général français qui ose le dire : cette guerre n'est pas la nôtre ! 'arch 2010)

Même si c'est à la une du Monde et non malheureusement dans Présent, ne boudons pas notre plaisir. Voilà enfin un général français écouté et respecté qui ose dire haut et fort ce que nous écrivons ici même depuis de longs mois et mardi dernier encore : l'Afghanistan « est une guerre américaine » dans laquelle « il n'y a pas de voix stratégique des alliés ».
Car, explique-t-il avec un certain bon sens, « quand vous êtes actionnaire à 1 %, vous n'avez pas la parole ». Or les Américains disposeront bientôt de plus des deux tiers des troupes de la coalition présente en Afghanistan. En d'autres termes : cette guerre n'est pas la nôtre !
Directeur du Collège interarmées de défense (CID), le général Vincent Desportes émet en effet, dans une interview accordée au Monde, de sérieux doutes sur l'actuelle stratégie américaine qui « ne semble pas fonctionner », où « factuellement, la situation n'a jamais été pire ». De fait, avec 102 morts, le mois de juin a été le plus meurtrier pour la coalition internationale depuis son engagement en Afghanistan en 2001.
Et le général Desportes n'hésite pas non plus à s'en prendre ouvertement au président Barack Obama qui avait pourtant fait de l'Afghanistan sa « priorité » à son arrivée à la Maison-Blanche. En critiquant tout à la fois ses valses-hésitations, sa décision d'envoyer 30 000 soldats américains en renfort, prise le 1er décembre dernier, et son annonce précipitée dans la foulée d'un début de retrait des troupes américaines dès le 1er juillet 2011, c'est-à-dire dans exactement douze mois. « Tout le monde savait que ce devait être zéro ou 100 000 de plus », observe-t-il, car « on ne fait pas des demi-guerres. »
« La doctrine de contre-insurrection traditionnelle, telle que l'a engagée le général Stanley McChrystal (le commandant des forces américaines et alliées, limogé par le président américain) depuis un an, avec un usage restreint de l'ouverture du feu, des moyens aériens et de l'artillerie pour réduire les dommages collatéraux, ne semble pas fonctionner », affirme-t-il. Avant d'enchaîner : « Si la doctrine McChrystal ne fonctionne pas ou n'est plus acceptée, il faudra bien revoir la stratégie » et « probablement repousser la date du retrait d'Afghanistan ».
« L'affaire McChrystal révèle une faiblesse », estime encore le général Desportes, en affirmant que le président Obama aurait pu se contenter de « morigéner son chef militaire et le renvoyer au combat, comme l'avait fait Roosevelt avec le général Patton, qui avait dû s'excuser d'avoir giflé un soldat ».
« Tout se passe comme si le président Obama n'était pas très sûr de ses choix », ajoute-t-il, en rappelant qu'il avait déjà renvoyé le général David McKiernan, le prédécesseur de McChrysral, il y a un an. Preuve qu'il y a en Afghanistan un réel problème de commandement sur le terrain. Vicié pratiquement dès le départ avec les deux dispositifs désormais commandés par un seul et unique général américain qui a la double casquette : celle de patron de l'opération « Enduring freedom » (Liberté immuable), déclenchée dès le 7 octobre 2001 pour chasser les talibans du pouvoir et faire la guerre à Al-Qaïda et Ben Laden, et celle de commandant en chef de l'ISAF (Force internationale d'assistance à la stabilité) qui, sous mandat de l'ONU et drapeau de l'OTAN, entend officiellement participer à la pacification et à la reconstruction du pays mais qui mène toute à la fois des opérations de guerre et des actions civilo-militaires !
Cette ambivalence sur les véritables buts de la mission et les doutes sur la stratégie américaine ont « des conséquences sur le moral des troupes », relève encore avec justesse le général Desportes, et l'on « ne peut pas faire la guerre contre le moral des soldats ».
Reste à savoir bien sûr si, après cette courageuse interview quelque peu iconoclaste, le général Desportes ne va pas être à son tour relevé de ses fonctions ou mis sur une voie de garage comme vient de l'être aux États-Unis le général McChrystal, coupable d'avoir dit enfin la vérité... Car avec Nicolas Sarkozy, toujours prompt à se mêler de tout et qui, à l'image de son modèle Obama, accepte de moins en moins la contradiction, rien n'est impossible !
« En matière de guerre contre-insurrectionnelle, on doit tout faire pour protéger la population et réduire les pertes parmi les civils innocents », a cependant réaffirmé pour sa part, jeudi au siège de l'OTAN à Bruxelles, le nouveau patron des troupes américaines et alliées en Afghanistan, le général David Petraeus, lui-même à l'origine du changement de stratégie que son prédécesseur avait commencé à mettre en œuvre il y a un an.
« J'ai réaffirmé au président afghan Hamid Karzaï, a assuré le général Petraeus, comme au secrétaire général de l'OTAN, Anders Fogh Rasmussen, et aux dirigeants américains que nous devons maintenir notre engagement de réduire les pertes de civils innocents au niveau minimal », car c'est « un impératif de la lutte contre l'insurrection ». Il est grand temps que les généraux qui conduisent et réfléchissent sur cette guerre qui n'en finit pas et que l'on ne gagnera jamais fassent enfin - en France comme aux États-Unis - entendre leurs voix.
YVES BRUNAUD PRÉSENT- Samedi 3 juillet 2010

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