Un Européen sur quatre est menacé de pauvreté ou d’exclusion sociale. Ce taux est en augmentation depuis l’année dernière. La crise, l’austérité mais aussi la flexibilisation du marché du travail figurent parmi les cause principales de l’aggravation de la situation.
La pauvreté augmente en Europe. Près du quart de la population de l’Union européenne était menacée d’exclusion sociale en 2011. Ce sont les derniers chiffres de l’agence européenne de statistiques, Eurostat, datés de ce mois de décembre. Le taux de pauvreté a augmenté d’un point par rapport à 2010 et 120 millions d’Européens sont menacés aujourd’hui.
Disparité entre les Etats
L’indigence ne touche pas tous les Etats européens de la même manière. Les plus fortes proportions de population menacée se trouvent en Bulgarie avec 49%, puis en Roumanie et Lettonie avec 40%. La Grèce, violemment frappée par la crise arrive ensuite avec 31%. Les plus préservés sont la République tchèque, la Suède et les Pays-Bas. La France reste au milieu du classement avec 19,3% de sa population qui risque l’exclusion. Un chiffre stable par rapport à l’année précédente.
« Pour 8 à 9% de la population, il y a un risque de privation matérielle sévère. Et 10% restent exclus du travail. C’est à dire qu’ils travaillent moins de 20% de leur temps. C’est une situation nouvelle, due à la crise et qui frappe dûrement les populations européennes. La crise crée des situations de pauvreté et notamment de chômage. Pratiquement 25 millions de chômeurs sont dans l’Union européenne. Et dans des pays très frappés par la crise comme la Grèce ou l’Espagne, le chômage atteint parfois les 40% et frappe tout spécialement les jeunes », explique Jean Dominique Giuliani, président de la fondation Robert-Schuman.Quand austérité rime avec pauvreté
Et pour ces pays du sud de l’Europe, la situation devient extrêmement difficile. Beaucoup de familles ont du mal à joindre les deux bouts et les populations se plaignent de l’austérité tant prônée par l’Europe et la troïka (FMI, Commission et Banque centrale européennes)
Fortement touché par la crise de la dette, le Portugal, par exemple, a enchaîné les plans d’austérité : réduction des salaires de la fonction publique, des retraites, augmentation des impôts directs et indirects. Et dans le même temps, le gouvernement a réduit ses dépenses sociales avec la diminution des indemnités de chômage, ou du revenu minimum qui tourne aujourd’hui autour des 600 euros.
« La classe moyenne est très touchée et ces réductions de revenus frappent plus particulièrement les populations les plus vulnérables comme les familles monoparentales et les retraités. Mais il y a aussi une augmentation de la pauvreté auprès des travailleurs. On le voit beaucoup à travers les réseaux de solidarité comme les églises qui nous disent qu’il y a un nombre croissant de personnes et de familles qui cherchent des aides alimentaires ou scolaires… », témoigne Paula Bernardo, secrétaire générale adjointe du syndicat Union général pour les travailleurs.Grâce à sa politique d’austérité, le déficit portugais s’est réduit et atteint aujourd’hui 5,6% du produit intérieur brut (PIB) contre 6,7% l’année dernière. Mais l’objectif fixé par les bailleurs de fonds était de 5% en 2012, puis 4% l’année suivante. L’effort des Portugais semble encore loin d’être terminé.
Les limites de la flexibilité
L’austérité n’est pas le seul facteur de pauvreté. En témoigne la hausse radicale de la paupérisation en Allemagne. Ce pays souffre moins de la crise que l’Espagne, la Grèce ou le Portugal. Son taux de chômage reste nettement inférieur à celui de la France. Et pourtant, le taux de pauvreté allemand est supérieur. En ascension depuis 2005, il culmine aujourd’hui à près de 20%.
Les lois Hartz, mises en place en 2005 pour lutter contre le chômage, ont fortement flexibilisé le marché du travail. Mais elles ont aussi paupérisé les chômeurs et les travailleurs fragiles. « Il n’y a pas de Smic en Allemagne. Le pays a fait de gros efforts de modération salariale. Entre le mileu des années 90 à 2005, la croissance des salaires allemands a été inférieure d’1% par rapport à celle de la France et s’est en plus accompagnée d’une augmentation des inégalités salariales. Depuis 2005, la situation s’est dégradée avec la baisse des indemnités chômage. Donc, même si le chômage a beaucoup baissé en Allemagne, le taux de pauvreté des chômeurs, lui, a beaucoup augmenté », analyse Guillaume Allègre, économiste à l’Observatoire français des conjonctures économiques.
67% des chômeurs allemands sont pauvres contre 37% en France. Aujourd’hui, l’Allemagne perçoit les limites de son modèle récent, fondé sur le développement d’une économie à bas salaires et aux emplois à faible coût, appelés là-bas mini-jobs. Plus de 7 millions d’Allemands disposent d’un mini-job, payé 400 euros par mois. Certains en cumulent plusieurs, d’autres les utilisent pour arrondir leurs fins de mois en complément d’un autre emploi principal. Mais jeunes, femmes et retraités restent les principaux bénéficiaires de ces contrats. « Le problème c’est aussi que la population allemande est vieillissante et qu’elle aura de plus en plus besoin d’aides sociales. Si le pays continue sur cette voie, bientôt on ne parlera plus du succès du modèle allemand mais de son échec », ajoute Guillaume Allègre.Les questions sociales devraient donc rester au coeur des préoccupations de l’Union européenne. Pourtant, les Etats membres divergent toujours sur le maintien de l’enveloppe consacrée à l’aide alimentaire européenne dans le budget 2014-2020.