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A Davos, une finance « intouchable »

Il en aurait presque versé une larme. Le PDG de JPMorgan Chase, Jamie Dimon, a donné le ton mercredi au Forum économique mondial de Davos (Suisse) en prévenant que l’industrie financière devrait pendant “encore cinq ans” avoir à supporter “les doigts pointés, le rôle de bouc émissaire, la désinformation” par rapport à leur rôle dans la crise financière qui a ébranlé le monde en 2008, et dont les conséquences se font encore sentir sur les marchés, chez les régulateurs, et dans le portefeuille des investisseurs lésés. Il en a également profité pour se moquer de “ces gens qui pensent avoir amélioré le système”, une façon à peine dissimulée de montrer le peu d’estime qu’il a pour les rédacteurs du Dodd-Frank Act ou encore les membres du comité de Bâle.

Jamie Dimon au Forum économique mondial de Davos, le 23 janvier 2013

Encore une fois, la finance et ses dérives sont les grandes absentes de Davos : si la régulation des banques et des marchés figure au programme des panels du cru 2013, l’autocritique et, surtout, la recherche de solutions pour éviter une redite des événements des cinq dernières années ne semble pas y avoir sa place.

De concert avec Axel Weber, président d’UBS, qui traîne un certain nombre de casseroles liées à l’évasion ou à l’optimisation fiscales, Jamie Dimon s’est insurgé contre un milieu bancaire “qui en fait trop, trop vite” en terme de régulation. Axel Weber a renchéri en critiquant des règles de capitalisation et de liquidité trop compliquées, faute d’une réglementation internationale unique.

Les deux banquiers répondaient à Zhu Min, directeur adjoint du FMI, et Paul Singer, fondateur du hedge fund Elliott Management Corp., qui estiment au contraire que le secteur financier ainsi que certaines banques sont encore, cinq ans après Lehman Brothers,  trop grosses, trop endettées (“too leveraged”) et trop opaques. Et que pendant ce temps-là, des centaines de millions de personnes sont au chômage.

Jamie Dimon a alors à nouveau brandi des arguments déjà bien usés : c’est aux gouvernements de mettre au point une politique fiscale, monétaire et budgétaire favorable à la croissance et aux créations d’emplois.

Le plus inquiétant n’est pas tant la morgue des “panélistes” que le vide intersidéral qui entoure à Davos la réflexion sur la prévention de futures crises. Dans les 80 pages du programme du Forum économique mondial, l’auteur a repéré seulement deux panels consacrés aux risques systémiques posés par les établissements financiers. Or si ces thèmes ne sont pas évoqués à Davos, où le seront-ils ?

Comme le souligne un article publié sous la bannière DealBook dans le New York Times, l’affaire de la “baleine de la Tamise”, rendue publique en 2012 et dans laquelle JPMorgan – justement – a perdu près de 6 milliards de dollars, a un goût de déjà-vu : “Vous pourriez changer les noms, mais cette histoire d’intérêt personnel, d’accident imprévu sur les marchés et de pertes massives ressemble à presque toutes les autres catastrophes financières de ces deux dernières décennies.” Comme disent les Anglo-Saxons, ”The more things change, the more they stay the same” (“Plus ça change, plus c’est la même chose”).

Avec un certain sens du timing, c’est le moment qu’ont choisi les producteurs de Frontline, l’émission de PBS, pour diffuser The Untouchables (“Les Intouchables”), documentaire au vitriol sur l’impunité dont ont bénéficié les responsables de la crise financière.

Comme fait exprès, c’est également jeudi que doit être annoncée par la Maison Blanche la nomination de Mary Jo White, procureure devenue avocate, spécialiste de la délinquance “en col blanc”, à la tête de la SEC, le gendarme boursier américain. Le signal envoyé à Wall Street est important, mais il arrive bien tard.

Economie américaine (blog Le Monde) http://fortune.fdesouche.com/

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