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La France au Mali : pour quels bénéfices ?

Depuis le 13 janvier 2013, le gouvernement Hollande-Ayrault a envoyé l'armée française intervenir au Mali. La classe politicienne française a soutenu unanimement cette intervention même si des dissensions se font jour du côté de l'UMP, pour des motifs qui sentent avant tout la tactique politicienne d'un parti situé dans l'opposition parlementaire.
L'INTÉRÊT NATIONAL EST-IL EN JEU ?
Lorsque le gouvernement de leur République, comme tout gouvernement d'ailleurs, prend une décision, la première question que l'on doit se poser pour en juger de la pertinence est de savoir si elle est conforme à l'intérêt national.
Dans cette affaire, quel est donc l'intérêt de la France ? L'argument avancé est celui de la lutte contre le terrorisme islamique qui installe progressivement dans le nord de l’État malien, à savoir l'Azawad, une sorte d'émirat islamique et qui, progressivement, menace d'occuper et d'envahir le sud de cet État post-colonial, largement artificiel. Il est vrai qu'à la suite de la révolte touareg de mars 2012, les groupes islamistes qui avaient aidé les nationalistes touareg à lancer leur révolte ont supplanté ces derniers et ont entrepris de constituer dans les régions conquises une sorte d'émirat, faisant subir aux populations locales un islam d'une rigueur extrême qui est bien loin de leurs traditions. Les média n'ont pas cessé de parler des destructions de monuments jugés impies par ces islamistes et des punitions corporelles, infligées aux personnes considérées comme délinquantes au regard de la loi islamique, la charia.
Cela suffit-il à justifier une intervention extra-africaine, même si le gouvernement malien de Bamako - gouvernement de fortune bien fragile mis en place sous la pression étrangère après une révolte militaire -, a demandé de l'aide lorsqu'une colonne de guerriers islamistes s'est lancée de manière téméraire à l'assaut du sud-Mali en s'emparant de la ville de Kona ?
La réponse est à ce stade évidemment négative d'autant plus que, depuis la présidence Chirac, la France s'est quasi entièrement désengagée - en abandonnant les bases qu'elle entretenait jusqu'alors - de l'Afrique sahélienne dont elle a été de 1890 à 1960 la puissance tutélaire.
UNE AFFAIRE DÉPASSANT LE SEUL MALI
La réponse peut toutefois devenir positive si l'on prend en considération le fait que cet émirat islamique en construction au nord-Mali constitue un élément d'un problème beaucoup plus vaste, à savoir le risque de l'installation dans toute la zone sahélienne d'un puissant foyer islamiste, susceptible de créer de l'instabilité dans toute l'Afrique, et par delà celle-ci en Europe, menaçant par la même occasion les intérêts économiques que les États européens peuvent avoir en Afrique, notamment les ressources minières.
Dans ce cas, il s'agit d'un problème qui concerne l'ensemble de la planète, car le Sahel n'est pas le seul foyer d'agitation islamiste dans le monde et il faut le traiter en totalité. Après le retrait de la France, les États-Unis avaient pris conscience de l'enjeu et avaient entrepris de former et de mettre en place des forces capables de lutter contre le danger terroriste potentiel de la région. La Pan Sahel Initiative qui concernait la Mauritanie, le Mali, le Niger et le Tchad fut lancée en 2004 et devint en 2006 la Trans-Saharan Counter Terrorism Initiative par l'ajout de l'Algérie, du Burkina Faso, de la Libye, du Maroc, de la Tunisie, du Nigeria et du Sénégal, l'ensemble étant traité depuis Stuttgart, en Allemagne avec l'état-major de l’AFRICOM (United States Africa Command). Ce faisant, au Mali, ils donnèrent avec des éléments du 10e Spécial Forces Group une formation militaire à ces soldats-nés que sont les Touaregs, ne voyant pas que ceux-ci, depuis 1960, sont les ennemis jurés du pouvoir noir de Bamako. Profitant du renversement du président malien Toumani Touré par le capitaine Sanogo le 22 mars 2012, ils furent à l'origine de l'actuelle sécession du nord-Mali.
Or aujourd'hui, la France se retrouve seule à traiter un problème qui concerne beaucoup d’États. Tout se passe comme si l'armée française qui, en dépit de son affaiblissement dû à l'incurie des gouvernements français successifs, est actuellement la seule armée capable de traiter cette affaire ; et il est vrai que nos soldats font preuve des plus hautes qualités qui ont fait la gloire de l'armée française. Ce faisant, ils paient par la même occasion ce qui apparaît comme un échec des États-Unis, dans la mesure où le terrorisme islamique n'a pas été jugulé mais au contraire s'étend, puisque, outre le Mali, sévit dans le nord-Nigéria la secte haoussa Boko Haram qui massacre nombre de chrétiens qui y sont installés.
LES INCOHÉRENCES FRANÇAISES
Le gouvernement Hollande a donc agi dans la précipitation et engagé imprudemment les forces françaises. Si, à la différence de l'Afghanistan où la France s'est battue pour des intérêts qui n'étaient pas les siens, elle a intérêt à éteindre l'incendie islamiste, elle ne doit pas être la seule à en supporter le prix, dont le plus précieux est celui de la vie de nos soldats.
Mais il y a plus grave : outre la précipitation et l'imprudence, c'est de l'inconséquence de la politique française, tant extérieure qu'intérieure, qu'il faut parler.
En effet, si le déclenchement de la révolte touareg a profité du coup d’État du capitaine Sanogo, celle-ci n'aurait pas pu prendre cette importance si l'ancien président Sarkozy n'avait pas stupidement écouté un Bernard-Henri Lévy et attaqué la Libye du colonel Kadhafi dont il avait été peu de temps auparavant un excellent ami. C'est un fait connu que la destruction du régime de Mouammar Kadhafi, suivie de sa scandaleuse exécution, a permis à des groupes divers de s'emparer de son arsenal militaire, d'ailleurs complaisamment livré par les Occidentaux, dont la France.
Ensuite, il est très vite apparu que l'insurrection touareg de mars 2012 était récupérée par le mouvement islamiste Ansar el Dine, les nationalistes touareg étant marginalisés. Dès lors, le danger islamiste, aujourd'hui clairement dénoncé par les média, était patent. C'est alors qu'il fallait intervenir promptement, dans la mesure où il est plus facile d'abattre un adversaire avant qu'il ne s'organise et ne renforce ses positions. Il n'y avait alors pas plus de 500 combattants. Or, ni Sarkozy ni Hollande n'ont bougé, le premier jusqu'en mai 2012 et le second jusqu'à ce début 2013. Certes, dans les premiers mois de 2012, chacun comprendra que les intérêts électoraux personnels et partisans passaient avant toute considération relative à l'intérêt national. D'ailleurs, y avait-il - y a-t-il - beaucoup de politiciens et autres technocrates qui avaient compris la nature du problème ? Sarkozy botta en touche arguant du principe de l'intangibilité des frontières. Ensuite, Hollande a plus été préoccupé par ses querelles domestiques, par la mise en place de son pouvoir et du mariage sodomite que des questions sahéliennes, entre autres. Il refusa d'aider les nationalistes touaregs du MNLA écrasés par les islamistes, annonçant plusieurs fois que la France n'interviendrait pas au Mali.
Les mois ont ainsi passé, tandis que l'émirat islamiste se consolidait au nord du fleuve Niger. Il a fallu qu'une colonne islamiste s'emparât de la ville de Kona et laissât apparaître un risque de la voir s'emparer à terme de Bamako pour que se produisît l'intervention militaire dont nous traitons présentement. Ne faisons pas ici l'injure à l'actuel locataire de l’Élysée d'avoir décidé cette intervention pour des raisons de politique intérieure.
UNE INTERVENTION TARDIVE ET PRÉCIPITÉE
Voilà donc l'armée française à pied d'œuvre au Mali. Pour quels objectifs ? Pour quels résultats espérés ? L'objectif premier a consisté à arrêter la progression des forces islamistes vers le sud du Mali, avant d'aider l'armée malienne et éventuellement les forces coalisées de la CDAO (Communauté des États d'Afrique de l'Ouest, tenant à la fois de l'Union économique et de l'Otan) à "libérer" le nord Mali, autrement dit, à replacer les Touaregs sous l'autorité des Noirs.
Sans préjuger de l'avenir, admettons que ces objectifs soient atteints. Pour autant, les forces islamistes combattues ne seront pas vaincues, détruites : elles vont simplement se replier, à travers les étendues désertiques et montagneuses du Sahara, allant, qui vers la Mauritanie, qui vers le Niger, qui vers le Tchad et le Darfour (au Soudan), qui rejoindre le groupe Boko Haram au Nigeria. Et encore : rien ne permet d'affirmer qu'il n'en restera pas des unités installées dans les zones montagneuses en toute impunité si celles-ci ne sont pas "nettoyées" à un prix humain qui risque d'être élevé. Il suffit d'observer comment un groupe d'islamistes a pu s'infiltrer en Algérie (sauf complicité interne dans la mesure où les islamistes d'Ansar el Din viennent originellement d'Algérie) et mener la spectaculaire prise d'otages à Al Amenas pour prendre conscience de la porosité des frontières, de la difficulté à surveiller la région où les déplacements peuvent se faire très rapidement (l'histoire récente l'a montrée au Tchad).
Le problème de l'islamisme en Afrique et notamment au Mali demeurera entier.
Il faut alors se demander pourquoi aucune opération aéroportée n'a été envisagée pour tenter de neutraliser les bases de départ des forces islamistes. Car il s'agit du seul moyen efficace de les neutraliser et de les empêcher, pour l'essentiel, de s'enfuir dans l'immensité saharienne et sahélienne. Avec les moyens satellitaires actuels, de telles bases sont aisément repérables. En d'autres temps, gageons que ce genre d'opération aurait été envisagé et monté.
Pourquoi cela n'a-t-il pas été le cas ? Faiblesse de conception ? Manque de moyens ?
Comme cela a été mentionné précédemment, la politique désastreuse menée par des gouvernements successifs inféodés aux intérêts financiers internationaux et par cela endettés de manière inconsidérée, enlisés dans la médiocrité propre à la démocratie, incapables de remettre en ordre l'organisation d'un État podagre et parasite (tant à l'échelon central que territorial), a conduit ceux-ci à financer tout et n'importe quoi, notamment le coût de l'immigration incontrôlée, sauf à financer ce qui relève des fonctions régaliennes, à commencer par les armées. Celles-ci ont au contraire servi de variables d'ajustement aux déficits publics abyssaux, aboutissant à réduire le budget de la défense nationale à un point tel que les chefs d'état-major n'ont cessé de lancer des cris d'alarme quant aux conséquences d'une telle politique inconsidérée.
La vérité est que la France ne dispose plus d'armées à la hauteur des ambitions affichées et si l'armée française est encore un bel outil, elle le doit aux prodiges déployés par ses officiers et soldats qui parviennent à conserver un outil militaire de qualité à un coût inférieur à celui de l'armée britannique, par exemple.
Si la 11e brigade parachutiste demeure l'une des meilleures unités au monde avec la 82e Air-borne et des unités russes, les moyens de transports sont bien faibles : 14 C130 Hercules, une quarantaine de Transall dont la disponibilité souffre de leur âge. Notre aviation attend la livraison des Airbus A 400M qui est sans cesse retardée. Or, sans renouvellement de notre flotte de transport, notre outil T.A.P. est appauvri et la France ne peut que très difficilement engager de telles opérations aéroportées, pour peu que la volonté politique soit au rendez-vous.
Pour le moment, la France en est réduite à recourir à l'aide étrangère, comme ce fut le cas pour l'affaire libyenne où les avions français furent ravitaillés en vol par des avions américains. Il lui faut louer des Antonov russes et, dans la présente affaire, des avions américains : on notera au passage combien il est précieux d'avoir de tels alliés dans la mesure où, en quelque sorte, ils font payer à la France les services qu'ils leurs rendent depuis leur retrait effectif de la lutte anti terroriste en Afrique !
LES VÉRITABLES DÉFIS À RELEVER
Voilà donc la France engagée dans une affaire qui va s'enliser, voire s'envenimer. En admettant que le nord-Mali soit "libéré", il le sera par des troupes noires, qui appartiennent à d'autres races et civilisation que les Touaregs, peuple blanc berbérophone, et il est à craindre que la répression ne soit terrible envers les Touaregs dont les revendications d'autonomie, sinon d'indépendance, sont des plus légitimes, au regard de l'histoire et de leur civilisation. La question touareg restera entière, avec des contentieux nouveaux. Pourtant, eux seuls, de par leur connaissance du Sahara et de leur aire de peuplement, sont à même de combattre l'islamisme dont ils sont actuellement les victimes au Mali. Le Mali demeurera un pseudo-Etat en attendant de nouvelles guerres de délivrance menées par les Touaregs. Les bandes islamiques vont pouvoir se recomposer, se renforcer depuis la Mauritanie jusqu'au Nigeria et au Soudan, avec des développements inévitablement graves en termes d'instabilité, marchand sur les traces des djihads des XVIIIe et XIXe siècle qui se sont propagés dans cette vaste zone.
Ce n'est pas ainsi que seront créées les conditions d'un développement économique, seule possibilité de fixer en Afrique des populations en croissance rapide qui, sans cela, continueront à être attirées plus que jamais vers un monde européen vieillissant, riche, doutant de lui-même et à ce titre menacé de submersion. Là est notre intérêt : faire en sorte de permettre aux populations sahéliennes de vivre sur leur sol natal.
Sauf à voir les États africains, qui sont pourtant les premiers concernés, s'impliquer sérieusement dans cette affaire, sauf à voir les États Occidentaux, à commencer par les États-Unis, s'engager significativement aux côtés de la France, il clair que celle-ci usera ses forces en pure perte, d'autant plus qu'elle sacrifie son armée sur l'autel de la finance mondialisée.
Il importe de dénoncer cette situation de dupes dans laquelle l'actuel gouvernement a placé la France, en continuité avec la politique des gouvernements précédents qui, tous, ont conduit et conduisent la France vers l'abîme. L'urgent pour la France est moins de se projeter à des milliers de kilomètres de chez elle que de sécuriser son propre territoire, tant terrestre que maritime, et de reconstruire : assurer le renouvellement de ses générations, reconstruire l’État, reconstruire l'armée, reconstruire l'école et l'industrie ; et il y a du travail à faire lorsque l'on constate qu'il suffit de 5 cm de neige pour bloquer la circulation des trains comme c'est le cas en ce mois de janvier 2013 !
André Gandillon, Président des Amis de Rivarol. Rivarol du 25 janvier 2013

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