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Nazisme et communisme : la parenté des totalitarismes

Qu'ils divinisent la race ou la classe, les deux grands totalitarismes du XXe siècle présentent de nombreuses similitudes.
Une lectrice nous écrit qu'elle ne comprend pas notre « obstination à confondre dans l'horreur Hitler et le couple Lénine-Staline. » Du point de vue religieux, écrit-elle, « le communisme a été condamné de la façon la plus sévère (intrinsèquement pervers) par l'encyclique Divini Redemptoris, alors que l'encyclique Mit Brennender Sorge fait seulement état d'une grande inquiétude. Enfin l'on sait qu'en Allemagne durant cette époque furent construites 250 églises ; en URSS beaucoup plus furent détruites. »
Il n'y a cependant pas lieu de considérer que l'un ou l'autre des ces deux totalitarismes se soit montré plus favorable au christianisme que l'autre. Condamnés par Pie XI à deux jours d'intervalle, les 19 et 21 mars 1937, communisme et nazisme se ressemblent en effet comme des frères ennemis. Il suffit de relire l'encyclique Mit Brennender Sorge pour se rendre compte que la différence de ton évoquée par notre lectrice est dictée par la nécessité de ménager les catholiques allemands - le problème ne se posant évidemment pas dans les mêmes termes en Russie.
« Nous avons pesé chacun des mots de cette lettre à la balance de la vérité, et de l'amour aussi. Nous ne voulions, ni par un silence inopportun devenir complice de l'équivoque, ni par trop de sévérité exposer à l'endurcissement le cœur d'aucun de ceux qui vivent sous Notre responsabilité de Pasteur et auxquels Notre amour de Pasteur ne s'applique pas moins du fait que, pour l'heure, ils se fourvoient dans les chemins de l'erreur et de l'infidélité », écrit le pape. Cette erreur et cette infidélité sont clairement désignées : « Quiconque prend la race, ou le peuple, ou l'État, ou la forme de l'État, ou les dépositaires du pouvoir, ou toute autre valeur fondamentale de la communauté humaine - toutes choses qui tiennent dans l'ordre terrestre une place nécessaire et honorable,- quiconque prend ces notions pour les retirer de cette échelle de valeurs, même religieuses, et les divinise par un culte idolâtrique, celui-là renverse et fausse l'ordre des choses créé et ordonné par Dieu : celui-là est loin de la vraie foi en Dieu et d'une conception de la vie répondant à cette foi. »
Il faudrait être aveugle pour ne pas voir que la race est bien divinisée dans Mein Kampf « La conception raciste, écrit Hitler, répond à la volonté la plus profonde de la nature, quand elle rétablit ce libre jeu des forces qui doit amener le progrès par la sélection. Un jour ainsi une humanité meilleure, ayant conquis ce monde, verra s'ouvrir librement à elle tous les domaines de l'activité. » Pour lui, l'Aryen est « le prométhée de l'humanité ».
S'il parait ménager l'Eglise, c'est pour mieux la ruiner, convaincu qu'elle s'écroulera d'elle-même. Au demeurant, les précautions qui prévalent en Allemagne ne concernent pas la slave Pologne, par exemple, où les églises sont fermées et le culte catholique interdit dans une large partie du pays. Les persécutions contre l'Eglise polonaise coïncident avec la destruction des élites nationales (les Soviétiques s'employant à la même tâche, à Katyn notamment). 4 évêques, 1996 prêtres, 113 clercs, 238 religieuses sont assassinés, et 3 642 prêtres, 389 clercs, 341 religieux, 1117 religieuses déportés.
Face à ces exactions, Pie XII observe la même prudence que devant la persécution des Juifs, pour la même raison : éviter d'aggraver la persécution. Le pape garde présent à l'esprit l'exemple de la Hollande, où la dénonciation par les églises catholique et protestantes des mesures prises contre les Juifs a eu pour immédiate conséquence la déportation des Israélites convertis au christianisme - parmi lesquels Edith Stein - et de nombreux Juifs, jusqu'alors cachés par les ordres religieux.
Si l'on compare les deux totalitarismes, rouge et brun, plusieurs similitudes sautent aux yeux. L'un et l'autre, comme l'a souligné Alain Besançon, ont projeté de fonder « un régime nouveau et un homme nouveau, par n'importe quels moyens ». Côté brun, cet homme nouveau est l' Aryen, et l'adversaire se présente sous les traits de l'ennemi de race ; côté rouge, l'homme nouveau est le Prolétaire et son adversaire un ennemi de classe. Dans l'un et l'autre cas, la régénération du monde passe par leur élimination.
Les deux systèmes se rendent coupables de génocide. A cet égard, cependant, la persécution du peuple juif par les nazis est unique en ce qu'elle frappe le peuple de l'ancienne Alliance, celui qui fut élu par Dieu pour accueillir l'Incarnation de Son Fils. À terme, il n'était d'ailleurs pas possible pour le nazisme de tolérer le christianisme, religion fondée par un Juif. C'est ce que disait déjà, dans le Mythe du XXe siècle, Alfred Rosenberg, théoricien du nazisme et ce que devaient confirmer des dignitaires du régime comme Himmler : « Nous n'aurons pas de repos avant d'avoir détruit le christianisme », ou Bormann : « Le national-socialisme et le christianisme sont incompatibles » .
C'est aussi ce que constatait le cardinal Ratzinger en 1996 : « II est important que l'Holocauste n'ait pas été commis par des chrétiens et au nom du Christ, mais par des anti-chrétiens et aussi comme phase préalable à l'extermination du christianisme. »
Une autre ressemblance entre le nazisme et le communisme tient au rapport au Mal de Hitler et de Staline. On sait que ce dernier, ancien séminariste, s'adonnait à l'occultisme. Quant à Hitler, Benoît XVI observe dans Voici quel est notre Dieu : « On ne peut certainement pas dire que Hitler était le diable : il était un homme. Mais il existe des rapports crédibles de témoins oculaires affirmant qu'il avait des sortes de rencontres démoniaques et qu'il disait en tremblant : "Il était de nouveau là" ou d'autres expressions semblables. Nous ne pouvons pas en savoir plus. Il était toutefois, d'une manière ou d'une autre, profondément ancré dans le démoniaque. Je crois qu'on le voit à la façon dont il exerçait le pouvoir et à la mesure de la terreur et du malheur qu'il a provoqués. »
Reste que le mal n'est pas mort avec le nazisme - moins encore avec le communisme, toujours vivant. Et notre monde moderne, confortable et aseptisé, en favorisant l'avortement, la recherche sur les embryons et l'eugénisme, participe lui aussi de la culture de mort.
Eric Letty monde et vie 13 mars 2010

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