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Bougez votre argent !

Fin 2010, le footballeur Eric Cantona, choqué par les pratiques irresponsables des banques, proposait que chaque citoyen retire son argent de celles-ci pour les punir de leur cupidité. Il aurait fallu, pour que son intuition aboutisse, qu’il s’appuie sur des compétences et une stratégie dont il ne disposait pas. Ailleurs, des citoyens, journalistes, entrepreneurs et investisseurs s’y sont attelés, lançant le mouvement “Move your Money” (“Bougez votre argent”). Avec des résultats impressionnants.

Quelques jours avant Noël 2009, Arianna Huffington -propriétaire du journal internet éponyme-, écrit sur son blog « si suffisamment de gens qui ont mis de l’argent dans l’une des six grandes banques (Américaines ndlr) le déplacent dans les banques plus petites, plus locales, alors, nous, le peuple, aurons collectivement fait un grand pas vers le rétablissement du système financier, afin qu’il redevienne ce qu’il est censé être: le moteur productif et stable de la croissance».

Réduire la puissance des banques multinationales

La fondation Move Your Money est lancée, ainsi qu’un site et un blog. Le spot très efficace d’Eugene Jarecki fait un gros buzz.

La principale motivation de ce grand ‘déménagement’ bancaire est de réduire la puissance des banques multinationales et leur rôle sur les marchés financiers. Aux états Unis quitter une grande banque pour une banque locale est avantageux pour le consommateur, car le coût des services y est plus faible (en 2009, les frais de découvert étaient de 35 $ en moyenne dans les grandes banques, et 25 $ dans les petites.

Un écart semblable existe pour les frais de chèque sans provision [1]) et, depuis plusieurs années, la satisfaction des clients y est régulièrement mieux notée [2].

Les petites banques en prêtant plus aux entreprises (34% des prêts consentis) que les grandes (28%) [3] favorisent davantage l’économie réelle. Étroitement insérées dans une communauté locale envers qui elles sont redevables ces banques sont également plus fiables.

A l’été 2012, 10 millions de comptes [4] avaient déjà été transférés des ‘Six Grosses’ banques de Wall Street [5] vers une banque publique (appartenant à une ville, un comté ou un État), une banque locale ou une coopérative de crédit.

Des entreprises, églises, syndicats, universités, municipalités (Los Angeles…) et des États (Massachusetts, Nouveau Mexique…) rejoignent aussi cette relocalisation financière.

Les britanniques rejoignent le mouvement

Au Royaume Uni, Move Your Money UK est apparu en janvier 2012, lors d’une assemblée de citoyens organisée par la New Economics Foundation, Compass et le South Bank Centre. La campagne invite les Britanniques à retirer leur argent des grandes banques -qui ont toutes, à un certain degré, été impliquées dans la crise et les scandales financiers et n’ont toujours pas changé de comportement- pour le confier à des entreprises plus honnêtes : coopératives de crédit, mutuelles, entreprises vertes, etc.

En juillet 2012, la révélation du scandale LiborGate (manipulation des taux interbancaires par Barklays et d’autres banques) met le feu à la campagne. Les banques vertueuses en profitent : la Cooperative Bank voit le nombre de demandes d’ouverture de comptes croître de 25% en une semaine.

Chez Nationwide, il grimpe de 85%. « Ce sont les gens qui ont le pouvoir de changer la banque, pas les politiciens et moins encore les régulateurs, dit Bruce Davis, cofondateur de Zopa, un site de prêt mutuel en ligne. Plus qu’une décision de consommateur, c’est un choix démocratique, celui de retirer le pouvoir de l’argent à ceux qui croient qu’il leur est acquis » [6].

Allemagne : Micro-banque coopérative

Loin des produits financiers complexes et des parachutes dorés, Peter Breiter, 41 ans, est le seul employé de sa banque, Raiffeisen Gammesfeld. Il écrit à la main des bordereaux pour les 500 habitants du petits village allemand de Gammesfeld. La banque coopérative Raiffeisen Gammesfeld en Allemagne du Sud est une des plus petites banques du pays en termes de dépôts. Elle est aussi la seule à être tenue par un seul et unique employé.

Les petites banques de ce type dominent dans le paysage bancaire allemand. Enracinées dans les communautés, elles offrent un éventail limité de services, de comptes bancaires et de prêts aux clients locaux, qu’ils soient entrepreneurs ou particuliers. Elles constituent même de sérieuses rivales pour les deux plus grandes banques allemandes, Deutsche Bank et Commerzbank.

Pourquoi utiliser un distributeur automatique ?“, demande Friedrich Feldmann, un client patientant dans la petite salle d’attente de la banque lors de sa visite hebdomadaire pour retirer de l’argent liquide. “Elle coûtent de l’argent de toute façon“. Peter Breiter fournit de l’argent liquide aux habitants pour leurs besoins quotidiens et négocie de petits prêts pour les entreprises locales.

L’employé de banque n’a même pas besoin d’ordinateur : sa machine à écrire et sa calculatrice lui suffisent amplement. Il connait tous ses clients personnellement, et joue aussi un rôle de conseiller professionnel et personnel.

La prospérité des coopérative est étroitement liée à l’existence du Mittelstand, ces petites et moyennes entreprises, souvent familiales, qui sont au cœur de l’économie allemande et représente la clé des succès allemands à l’exportation. “Le Mittelstand est la sève de l’Allemagne, et ces entreprises sont souvent nos clients“, explique Steffen Steudel, porte-parole de l’association des banques coopératives, BVR, interrogé par Reuters.

Parmi les clients de Gammesfeld : des fermiers, une entreprise de construction de panneau solaires d’environ 100 employés, une entreprise de fenêtres, celle qui a fourni les fenêtres de la banque.

Si de nombreuses banques coopératives ont souffert de la crise financière, elle sont mieux résisté que d’autres banques car elles ne sont pas tombées dans le piège de l’expansion trop rapide, et ne se sont pas engagées dans des opérations à risque.

Face au choc de l’effondrement de nombreuses grandes banques, la population porte un intérêt renouvelé aux coopératives, perçues comme stables et fiables, selon BVR. “Tout comme les consommateurs veulent savoir d’où viennent leurs aliments, ils veulent aussi voir ce que leur banque fait de leur argent”, analyse Steffen Steudel.

Raiffeisen Gammesfeld limite ses activités à la banque de détail classique- pas de cartes de crédit, pas d’actions, pas de fonds, ni même de services bancaires en ligne. Les profits annuels s’élèvent à 40.000 euros environ et le plus gros prêt jamais accordé a été de 650.000 euros.

En France, pas de banques locales, mais des banques plus éthiques

En France, les banques locales ont peu ou prou disparu, elles ont du s’adosser à de grands groupes pour survivre, et sont passées, petit à petit, dans le giron d’un des huit grands réseaux bancaires. Néanmoins le collectif Sauvons les riches à créé, après l’appel de Cantona, le site internet jechangedebanque.org dans l’esprit de Move Your Money.

Pour Les Amis de la Terre et ATTAC, deux établissements bancaires se détachent quand il s’agit d’éthique de gestion des fonds : la NEF et le Crédit Coopératif.

La Nef agit en toute transparence, elle publie chaque année la liste nominative des prêts consentis à ses sociétaires ; on y croise le développement d’un collectif d’habitat groupé dans la Drôme qui côtoie la création d’un salon de coiffure itinérant en zone rurale dans le Finistère et la reprise d’une activité de Reliure dans l’Ain.

Le Crédit Coopératif ne présente pas le nom de tous les emprunteurs mais c’est la première banque française à proposer aux particuliers de choisir la destination des fonds déposés sur leur compte à vue. Les sociétaires peuvent, sur leur compte chèque Agir, choisir que leurs dépôts soient prêtés « pour la planète », « pour une société plus juste » et/ou « pour entreprendre autrement ».

Grâce à ces dépôts, la Biocoop Scarabée de Cesson, l’usine de méthanisation Geotexia à Saint Gilles du Mené ou encore le centre d’accueil et de protection infantile Raymond Lerch au Harve on pu bénéficier de prêts pour développer leurs activités. Pour la partie des fonds investie sur les marchés, le Crédit Coopératif travaille avec ECOFI une société d’investissement qui affiche ses convictions et son action pour la « finance patiente et non spéculative ». Elle figure parmi les pionniers de la finance éthique et solidaire.

Le Label Finansol est un autre moyen pour identifier les produits financiers qui œuvrent pour l’économie humaine. Décerné par un comité indépendant depuis 1997, il évalue les caractéristiques éthiques et solidaires des produits de placement. Actuellement, 119 produits de finance solidaire sont labellisés par Finansol.

Mettre son argent au service de sa vision du monde devient plus facile. Investissons dans nos idées !

Notes :

[1] Source : Moebs Economic Services
[2] Source : JD Power & Associates
[3] Source : Federal Deposit Insurance Corporation
[4] Source : projet Move your Money
[5] Il s’agit de JP Morgan/Chase, Citibank, Bank of America, Wells Fargo, Goldman Sachs et Morgan Stanley
[6] Cité par Zoé Williams, The Guardian, 4 juillet 2012

REUTERS et Kaizen-Magazine Via l’excellent blog Au Bout De La Route

http://fortune.fdesouche.com

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