Le Monde publie avec une belle liberté d'esprit une anthologie de la contre-Révolution. À ne surtout pas bouder !
La collection Les rebelles est une publication du quotidien Le Monde, placée sous la direction éditoriale de Jean-Noël Jeanneney, naguère responsable des festivités du bicentenaire de la Révolution française (c'était en 1989). Au sein de cette collection, l'un des volumes est consacré, sous la direction de Jérôme Besnard, à une anthologie de la Contre-révolution. Le choix des textes, de Rivarol à Chateaubriand, du Comte de Chambord à Charles Maurras, est extrêmement large et à dominante littéraire.
Ce qui frappe, c'est l'importance du catholicisme dans la Contre-révolution. Balzac donne l'exemple, qui prétend travailler « à la lueur de deux vérités éternelles, l'Eglise et la Monarchie » dans la Préface de sa Comédie humaine. Un peu plus loin, dans ce choix de texte, on découvre la préface de Jules Barbey d'Aurevilly à Une vieille maîtresse, avec ces mots magnifiques : « Ce qu 'il y a moralement et intellectuellement de magnifique dans le catholicisme, c'est qu'il est large, compréhensif, immense ; c'est qu'il embrasse la nature humaine tout entière, et ses diverses sphères d'activité, et que, par dessus ce qu 'il embrasse, il déploie encore la maxime : "Malheur à celui qui se scandalise". Le catholicisme n'a rien de prude, de bégueule, de pédant, d'inquiet. Il laisse cela aux vertus fausses, aux puritanismes tondus... »
Et le vieux Maurras, dans une lettre à son disciple, le philosophe Pierre Boutang, qui date de février 1951 (le maître de l'Action Française mourra en novembre 1952) déclare avec force : « Il n'y a qu'à recréer un refuge spacieux et fort, digne du nom français et qui serait le modèle de tous les civilisés. Nous bâtissons l'arche nouvelle, catholique, classique, hiérarchique, humaine, où les idées ne seront plus des mots en l'air (...) où revivra ce qui mérite de revivre, en bas les républiques, en haut la royauté et par delà tous les espaces la papauté. » Étrange profession de foi politique d'un agnostique !
Le catholicisme est la première cible de la Révolution
On découvre dans cette anthologie la vigueur de la prose d'un La Varende dans Les manants du roi, l'étrange clairvoyance d'un Bernanos, sur la future société des machines « systématiquement contre toutes formes de vie intérieure ». Même Roger Nimier, très opportunément cité, ou Michel Mohrt dans son assez récent Tombeau de La Rouerie (2000) redisent, chacun à leur manière, l'empreinte du christianisme sur la France qu'ils aiment et dont ils veulent défendre la pérennité.
La question aujourd'hui est de savoir en quoi peut bien consister une contre-révolution. Mais alors que l'esprit laie semble se radicaliser dans la revendication infinie de liberté et d'égalité, il est temps de retrouver les classiques, les Maistre, les Bonald, les Veuillot, qui ont prédit la nocivité, qui ont craint l'inhumanité de la Révolution. Pour les catholiques plus encore que pour les autres, car depuis deux siècles et demi, le catholicisme est la première cible de la Révolution.
Joël Prieur monde & vie 10 novembre 2012
Jérôme Besnard, La contre-révolution, collection Les rebelles, éd. Le Monde, disponible en kiosques ou sur le site : http://boutique.lemonde.fr/la-contre-revolution-7061 .html 5,90 euros.