L'euro fort serait à la source des difficultés économiques françaises. Et permet au gouvernement de masquer son impuissance...
Le chemin vers la croissance est difficile ; les économies s'impatientent et s'épuisent et les efforts consentis peinent à trouver une récompense. Les seules promesses du candidat Hollande n'ayant pas suffi à relancer la machine économique, la monnaie commune, après les questions sociétales, est devenue le nouveau cheval de bataille de l'équipe Ayrault. Une stratégie de diversion qui, comme sur le prétendu « mariage pour tous », pourrait coûter très cher.
Le président de la République et le ministre de l’Économie français se sentent actuellement bien seuls dans les sommets internationaux. Précisant la pensée de François Hollande, Pierre Moscovici a estimé début février que l'euro était « fort, probablement trop fort » et que l'évolution récente de la monnaie commune représenterait une menace pour la croissance française, évaluée à pratiquement 0,3 % du PIB. Alors que la production pourrait au mieux stagner en 2 013 et que le retour du déficit budgétaire à 3 % est désormais différé, on comprend mieux l'inquiétude d'un gouvernement confronté au principe de réalité : en fait de croissance, les promesses de lendemains qui chantent n'ont jamais remplacé ne serait-ce qu'une heure de travail productif.
Le Japon a une dégradation inquiétante de ses excédents extérieurs
Las ! Dans le sillage de la BCE qui estime que l'euro évolue sur sa moyenne de long terme, la réaffirmation par les pays du G20 de leur attachement à un système monétaire international évoluant au gré des forces de marché a achevé d'isoler la position française, déjà fragilisée lors de la négociation sur les perspectives budgétaires 2014-2020 de l'UE. À cet égard, il est d'ailleurs impensable que les stratèges de Bercy ignorent que la dépréciation du taux de change d'un pays ne serait d'aucun secours si ses partenaires commerciaux décidaient d'en faire autant.
Car en effet, cette sortie n'est pas innocente et s'inscrit dans la thématique renouvelée de « guerre des changes ». Confronté à une dégradation inquiétante de ses excédents extérieurs, le Japon est actuellement au centre d'une polémique sur l'utilisation de sa politique monétaire particulièrement accommodante à des fins de dépréciation du yen ; ce qui n'a pas manqué de réactiver dans les principales instances de négociation internationale sur l'utilisation par un pays de sa politique économique pour soutenir de manière artificielle la compétitivité-prix de ses produits nationaux.
Le débat sur la force de l'euro est ouvert mais il serait bon de ne pas négliger quelques éléments structurants.
À première vue, il semble paradoxal de déplorer la force de l'euro tout en prédisant sa fin prochaine sous le poids de ses contradictions internes. A cet égard, il semble que les évolutions institutionnelles récentes au sein de la zone euro aient au contraire redonné confiance aux investisseurs demandeurs d'actifs libellés en euros.
Sans compter que cet euro fort nous permet encore de contenir la menace que fait peser notre dépendance énergétique sur la reprise qui pourrait s'amorcer dès le deuxième semestre 2013 dans la zone euro.
L'absence de volonté politique des élites politiques françaises
Au-delà, c'est l'absence de volonté politique des élites politiques françaises, manifestement incapables d'aborder la question de fond, à savoir la compétitivité de l'économie française. Non seulement, le taux de change n'a aucune incidence sur nos échanges au sein de la zone euro (+ de 50 % du commerce extérieur français) mais il n'est pas un obstacle pour une économie comme l'Allemagne qui a su procéder à des réformes structurelles profondes de son marché du travail dès 2000 : comme un désaveu cinglant, la santé insolente de son industrie automobile lui permet de caracoler alors que PSA affiche des pertes records pour 2012.
Antoine Michel monde&vie février 2013