Plus les bons gros média menteurs, falsificateurs, hargneux, et pourtant arbitres des convenances par eux-mêmes désignés, tempêtent contre les dictatures illégitimes et plus on peut être assuré que derrières ces grimaces et gesticulations s'organisent des totalitarisme peut-être pires. Rêve-ton éveillé quand on entend l'Union Européenne ou l'un quelconque des 27 glapir contre tel autocrate coréen ou syrien, alors que Bruxelles s'est insensiblement muée en dictature. Et la Politique Agricole Commune en insupportable bras de cette tyrannie. J'ai sous les yeux un document - polychrome, imprimé sur papier plastifié - distribué aux dizaines de milliers d'éleveurs ovins/caprins - y compris ceux qui n'ont qu'une chèvre ! - réalisé par l'Institut de l'Elevage, organisme spécialisé dans la recherche et le développement dont les 200 ingénieurs travaillent sur la filière herbivore : bovins, ovins, caprins, équins. Deux de ses fonctions, allant dans le sens d'un progressisme technologique extrêmement pernicieux, retiendront ici notre attention. L'amélioration prétendue des conditions d'exercice du métier d'éleveur et l'adaptation de la production et des systèmes d'élevage aux attentes de la société. Sauf que tout cela se fait au détriment du confort et des libertés élémentaires du paysan.
Ce dépliant, intitulé « L'identification électronique des ovins », traite de cette nouvelle technique de contrôle électronique de l'agriculture et de l'élevage, mise en place par l'Union Européenne depuis 2010, avec application obligatoire a partir de 2013. Fallait-il pour autant que, par une insupportable infantilisation rédactionnelle, mise en page et illustrations dignes d'une garderie, l'arrogance parisienne et bruxelloise montre encore tout le mépris dans lequel ces messieurs du château tiennent la populace des campagnes ? Qu'on en juge.
« Je réalise l'identification de mes ovins, peut-on lire... Je dois avoir réalisé "l'électronisation" de tous les ovins de mon élevage pour le 1er juillet 2013 ». Pour autant je ne suis pas un imbécile : « Je choisis (sic) déposer une boucle électronique... C'est un chantier que j'engage sous ma propre responsabilité (resic) et que j'effectue moi-même, sous le contrôle de mon EDE ». Acronyme désignant l'Etablissement De l'Elevage départemental dont l'omniprésence tatillonne et la référence répétée donnent à cette opération un petit air de bureaucratie soviétique et la rendent éminemment détestable. « J'utilise impérativement la pince et le pointeau recommandés par le fabricant... Je désinfecte la boucle et l'oreille de l'animal... Je consulte la notice du conseil de pose fournie dans mon colis de boucles ». Parce que, ne l'oublions pas, tout cela est d'abord une lucrative opération commerciale qui sert à soutirer de l'argent à l'éleveur. La boucle électronique coûte jusqu'à 1,39 € la paire. Appliquée à des animaux qui pacagent beaucoup dans des landes et des taillis, elle tient rarement en place plus de quelques mois. Allons, tout est prévu... « OBLIGATION - Je pose un repaire provisoire rouge - et je dois reboucler mes animaux aussitôt par le remplacement à l'identique de la boucle perdue. » C'est même plus précis : « Je réidentifie immédiatement mon agneau avec une boucle électronique prise dans mon stock ». Ah, d'où l'intérêt de posséder un stock garni de boucles de différentes sortes. Voyez plutôt ! « Je pose une boucle électronique dans l'oreille gauche de mon animal... Dans un délai de 6 mois, je lui pose dans l'oreille droite une boucle conventionnelle (non électronique) comportant le même numéro d'identification que la boucle électronique ». Et bien entendu « Je continue à noter la date de pose des repères dans mon registre d'élevage ».
CRIMINALISER L'ÉLEVEUR DE BON SENS
Primordial, ça, le registre d'élevage. En effet « en cas de perte de repère électronique je dois noter dans ce registre la date dépose de la boucle provisoire ».
D'ailleurs tout doit être inscrit dans ce précieux document à conserver au moins cinq ans, c'est le mouchard, le cafeteur, le sale petit corbeau que l'on doit pouvoir présenter à tout contrôle inopiné. Parce qu'il y a des contrôles inopinés, vous pensez bien. Ce registre se compose d'une fiche descriptive de l'exploitation. Une autre détaillant les traitements et vaccins effectués. Un carnet sanitaire. Toute information relative aux aliments achetés. Ainsi que le répertoire d'identification avec la liste des boucles et leur date de pose et tous les justificatifs des déplacements des animaux. S'y ajoutent « un certain nombre de formalités administratives ». « Chaque année, avant le 1er mars, je retourne à mon EDE le formulaire de recensement des animaux de mon exploitation ». Puis « je notifie les mouvements d'animaux qui entrent ou sortent de mon exploitation, dans un délai de 7 jours ». Vous penseriez que ces crétins se satisferaient d'une liste des numéros inscrits sur les boucles ? Ou que l'électronique allait servir à éliminer la plupart des fastidieuses opérations administratives ? Allons donc. Voici ce que doit comporter le bon de décharge, en 5 exemplaires, d'un arrivage d'animaux : numéro EDE de l'exploitation. Type d'exploitation. Nombre d'ovins vivants déchargés. Nombre de morts constatés. N° DDSV du transporteur. N° d'immatriculation du véhicule. N° EDE de l'exploitation de provenance. Date d'entrée dans l'exploitation.
Ces immatriculations, fournies par l'EDE sont de trois sortes : la première concerne le propriétaire des animaux, la seconde est attachée au lieu de détention, la troisième, portée sur les boucles, identifie l'animal.
On pourrait penser à l'énoncé de tels dérapages bureaucratiques par lesquels on ne cesse d'asphyxier et d'appauvrir le peu qu'il reste de paysans, qu'il s'agit de cette bêtise à front de taureau qui depuis un demi-siècle croît et embellit du côté de Bruxelles. Cette réforme a été instituée dès 2005 par le règlement (CE) n°21/2004 avec pour objet proclamé « d'améliorer la gestion des crises sanitaires afin de préserver la santé des animaux et des consommateurs. » Belle façon de camoufler ce qui n'est qu'un racket administratif doublé d'un fliquage généralisé de la filière. « Santé humaine et santé animale sont liées, peut-on lire sur des documents de l'EDE. De nombreuses maladies animales... se transmettent par contact avec les animaux ou par ingestion des produits issus d'animaux malades. D'autres maladies, spécifiques aux animaux, peuvent désorganiser des filières entières ». On voit bien ce qui est désigné : la propagation de pandémies - brucellose, fièvre aphteuse, vache folle, grippes aviaires et porcines, fièvre catarrhale ovine, etc. Toutes maladies qui se sont développées ces dernières décennies dans des élevages industriels hors sols, justement soumis à d'innombrables prophylaxies et contrôles. En fait plus il y a de traitements et plus les animaux, fragilisés, sont à la merci du moindre microbe.
Or, peu de gens savent que la simple détention d'un seul ovin ou caprin sur sa pelouse déclenche tout le processus défini plus haut. Au prétexte que, « en cas de crise sanitaire, il est nécessaire de connaître vos animaux ». Afin bien sûr qu'aucun n'échappe aux campagnes de vaccination dont par exemple la FCO a prouvé à quel point elles pouvaient être dangereuses pour les troupeaux en même temps qu'onéreuses et inefficaces. Or les gnomes de Bruxelles ne plaisantent pas. L'absence d'identification peut entraîner l'abattage du troupeau aux frais du propriétaire, des pénalités de retard et 750 € d'amende. Même si vous n'avez qu'une chèvre !
Il y a quelques années, lors d'une crise aviaire, les particuliers avaient été mis en demeure de remplir des questionnaires indiquant le nombre de volailles dont ils disposaient au fond de leur jardin. Beaucoup s'en abstinrent et seront éventuellement l'objet de dénonciations auprès de la bureaucratie policière. Mais tous ceux qui ont déféré à l'injonction seront rattrapés par l'obligation d'identification. Prélude à la taxation et à l'abattage de masse.
Quant à la faune sauvage, chevreuils notamment qui pullulent dans les régions d'élevage, poussera-t-on l'imbécillité jusqu'à les baguer et les vacciner ?
Petrus AGRICOLA. Rivarol du 27/1/2012