Pat Buchanan parle toujours très bien du suicide américain, codirigé par les libéraux et les néoconservateurs : faire des guerres ruineuses pour satisfaire quelques commanditaires ; remplacer la population de l’Amérique par l’immigration de couleur (j’en ai décrit les effets en Californie, depuis en faillite, pour ne pas parler du reste) et détruire l’appareil industriel, ce qui fut fait comme pour nous, à partir des années 90, avec les signatures incessantes des traités de libre-échange. Le tournant ici fut le NAFTA avec le très illuminé père Bush puis Clinton aux commandes. Une explication ? On sait que les politiques américains vont vite se recycler dans les entreprises qu’ils ont arrangées, eux ou à leur suite les commissaires européens ; on sait aussi que les fonctionnaires européens se servent la soupe les premiers et que dans l’indifférence générale ils prennent leur retraite à cinquante ans (on peut aussi toucher cinq mille euros mensuels à vie après cinq ans de commissariat...). La "presse sérieuse", appartenant à trois ou quatre grands groupes sert la soupe, en discréditant toute alternative ou en étouffant tout foyer de résistance. La liquidation de la population, la liquidation de l’industrie et les guerres à outrance sur commande sont donc les trois piliers du système actuel, que l’on vote pour la droite ou pour la gauche, et ce quelle que soit la "démocratie". Comme disait l’autre, qui diable peut bien gouverner en démocratie ? Je jure que je le demanderai à Chesterton après cette vie-même.
Pour me consoler, j’ai téléchargé sur le web québécois, beaucoup plus achalandé que le français, quelques oeuvres de Gramsci, fameux théoricien marxiste devenu une icône dans les milieux nationalistes et néo-droitiers au cours des années 70 et 80. Il est très inégal, mais voici ce qu’il dit et écrit en 1920, que je trouve bien sûr très actuel :
« Le capitaine d’industrie est devenu chevalier d’industrie, il se niche dans les banques, dans les salons, dans les couloirs des ministères et des parlements, dans les bourses. Le propriétaire du capital est devenu une branche morte de la production. »
Comme on était alors lucide à gauche !
Gramsci voit donc le problème de la désindustrialisation apparaître, le règne de la finance arriver avec les coups en bourse. Voyez 2013. Il n’y a plus d’usines en Amérique mais Wall Street n’a jamais été si élevé, avec un Dow Jones à 14.000, cherchez pourquoi ! Nos amis Bill Bonner et Pat Buchanan expliquent bien pourquoi : on a siphonné la richesse américaine comme on siphonne maintenant la richesse européenne, sauf peut-être l’allemande plus maligne et surtout familiale (j’allude aux dynasties industrielles comme les Piech, les Porsche ou les Quandt). A Londres et Bruxelles en tout cas la politique et la finance se disputent comme à New York le cadavre de l’industrie.
Gramsci, dans un bon clin d’oeil aux libertariens de tout poil, voit aussi l’intrusion de l’Etat se produire et produire une dégénérescence systémique. La part de prélèvement est passé je le rappelle de 8 à 20 % en France entre 1914 et 1920. L’Etat intervient partout et va créer des générations maudites, pardon des générations perdues de gens oisifs. C’est la société du docteur Mabuse ou bien d’Henry Miller.
« L’Etat devient ainsi l’unique propriétaire de l’instrument de travail, il assume toutes les fonctions traditionnelles de l’entrepreneur, il devient la machine impersonnelle qui achète et distribue les matières premières, qui impose un plan de production, qui achète les produits et les distribue : l’Etat bourgeois, celui des bureaucrates incompétents et inamovibles ; l’Etat des politiciens, des aventuriers, des coquins. Conséquences : accroissement de la force armée policière, accroissement chaotique de la bureaucratie incompétente, tentative pour absorber tous les mécontents de la petite-bourgeoisie avide d’oisiveté, et création à cet effet d’organismes parasitaires à l’infini. »
Ce ne serait pas les bobos, cette petite-bourgeoisie avide d’oisiveté ?
Gramsci décrit très bien la dégénérescence systémique aussi dans les lignes qui suivent. Le nombre de fonctionnaires avait décuplé en France en un siècle (l’observation avait déjà été faite par Marx dans son "Dix-huit Brumaire") :
« Le nombre des non-producteurs augmente de façon malsaine, dépasse toute limite tolérable pour le potentiel de l’appareil productif. On travaille et on ne produit pas, on travaille durement et la production ne cesse de décroître. C’est qu’il s’est formé un gouffre béant, un gosier immense qui engloutit et anéantit le travail, anéantit la productivité.
Les heures non payées du travail ouvrier ne servent plus à augmenter la richesse des capitalistes : elles servent à nourrir l’avidité de l’énorme multitude des agents, des fonctionnaires, des oisifs, elles servent à nourrir ceux qui travaillent directement pour cette foule de parasites inutiles. »
La dette, l’industrie de la dette alimente les inactifs, les fonctionnaires et surtout les pseudo-actifs, ceux que l’on a nommé les manipulateurs de symboles, les joueurs de poker (new dealers) qui détruisent la richesse en prétendant la redistribuer ou bien la faire circuler. Bill Bonner explique aussi très bien que ce sont les politiques et avocats régulateurs qui ont crée la folle ploutocratie actuelle en Amérique : l’euphorie boursière profite à vingt mille gros actionnaires, alors que le niveau de vie général a bien sûr baissé depuis Nixon. Bonner estime que Bernanke l’a fait sciemment, comme Gramsci qui voit la collusion des financiers et politiques.
Après bien sûr, la dette, les bons pourris, les notes des agences de notation, et la Grèce à l’encan, ainsi que tout le bataclan !
« Et personne n’est responsable, personne ne peut être frappé : toujours, partout, l’Etat bourgeois avec sa force armée, l’Etat bourgeois qui est devenu le gérant de l’instrument de travail qui se décompose, qui tombe en morceaux, qui est hypothéqué et sera vendu à l’encan sur le marché international des ferrailles dégradées et inutiles... »
Il ne faut donc plus s’affoler car ce ne sont pas les partis politiques fonctionnarisés et financés par l’électeur contribuable qui nous sortiront de l’ornière. Si la situation était aussi cauchemardesque en 1920 et qu’elle l’est toujours autant aujourd’hui, c’est que Joyce avait raison : l’histoire est un cauchemar dont il faut tenter de se réveiller.
En lisant l’Evangile, peut-être ?
Et il trouva dans le temple les vendeurs de boeufs et de brebis et de colombes, et les changeurs qui y étaient assis.
Et ayant fait un fouet de cordes, il les chassa tous hors du temple, et les brebis et les boeufs ; et il répandit la monnaie des changeurs et renversa les tables.
Nicolas Bonnal http://www.france-courtoise.info