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La guerre des mots

(Source : Kulturkampf, Vibrion Cholérique)

Ex: http://deflandres.over-blog.com/
« La perversion de la cité commence par la fraude des mots ». Cette citation peu connue du célèbre philosophe grec Platon (Athènes, 427 - id., 347 av. J.-C.), premier grand penseur du monde occidental, est aujourd’hui plus que jamais d’actualité. En effet, personne n’échappe à l’immense entreprise d’aseptisation du vocabulaire qui pullule dans les médias et autres instances du politiquement correct.

Pour la bonne forme, rappelons qu’un mot est généralement utilisé pour désigner des objets ou des réalités consacrés par l’usage. Ce qui fait que chacun peut comprendre autrui sans trop de malentendus.

Ça, c’est pour le principe, car dans les faits, il en va tout autrement. En effet, les convenances terminologiques du politiquement correct, nous ont plongé dans l’euphémisme trompeur.

Ainsi, le balayeur de rue est devenu un technicien de surface, le chômeur un demandeur d’emploi, le prolétaire un salarié, la grève un mouvement social, le clochard un sans domicile fixe, le cul-de-jatte un handicapé moteur, le nain une personne de petite taille, le pédéraste un gay, le nègre un black, le maghrébin un jeune, la prostituée une travailleuse du sexe, le bordel un salon de massage, l’avortement une interruption volontaire de grossesse (ou pire : une IVG), le trafiquant de drogue un dealer (traduction : un revendeur), le réfugié un requérant d’asile, le clandestin un sans-papiers, le vol une expropriation, la prison un espace carcéral, le vandalisme une incivilité, le viol collectif une tournante, etc. La liste est interminable !

Comment en est on arrivé à de tels abus de langages, proches d’une véritable novlangue [1] ?

Modeste analyse :

L’émasculation du vocabulaire naît – et ce n’est pas étonnant – à l’époque des Lumières. Un arrêt du conseil du parlement de Rouen en date du 12 juin 1787 interdit d’appeler bourreaux les «  exécuteurs des jugements criminels », et l’Assemblée nationale recommande, le 24 décembre 1789, de les appeler «  citoyens exécuteurs ».

De prime abord, on pourrait penser que cette « périphrase angélique » n’est qu’un petit glissement sémantique, un petit allégement verbal de la disgrâce, destiné à éviter de choquer les âmes sensibles. En somme, d’utiliser de jolis mots pour contourner une réalité qui n’est pas très folichonne…évidemment, il n’en est rien.

Quiconque a vaguement étudié les techniques de manipulations et de désinformations, sait que le choix partial du vocabulaire agit comme forme de pensée préfabriquée. En clair, en apprenant à parler politiquement correct, on apprend à penser politiquement correct ! Le langage aseptisé ne sert donc plus à décrire la réalité en tant que tel, mais est utilisé comme une arme dialectique au service d’une idéologie. En l’occurrence celle de l’utopie égalitaire qui a engendré des absconseries technocrates comme le droitsdelhommisme ou la Démocratie à vocation universelle…

Jean-Jacques Rousseau préfigure déjà bien le politiquement correct lorsqu’en 1755, il déclara : « Celui qui chantait ou dansait le mieux, le plus beau, le plus fort, le plus adroit, ou le plus éloquent, devint le plus considéré ; et ce fut là le premier pas vers l’inégalité et vers le vice ». [2] En associant l’inégalité et le vice, il associe de facto les hommes véritablement supérieurs aux vices. Pour supprimer le vice, il faut donc éliminer l’inégalité, donc la conscience que l’on a de la supériorité de certains, donc cette supériorité elle-même.

L’euphémisation du vocabulaire n’est que la prolongation de cette logique de négation des réalités et de nivellement des différences. A noter que c’est également à l’époque des Lumières que des termes qui ont toujours été péjoratifs comme « cosmopolites » ou « tolérance » sont peu à peu devenus des termes positifs…d’où l’immense confusion de ces concepts que l’on connaît aujourd’hui.

La manipulation du vocabulaire est ensuite devenue une spécialité marxiste-léniniste. En effet, comme le dit Vladimir Volkoff, avec son talent habituel : «  le communisme ne s’est pas contenté d’exiger que l’on agît comme il fallait et que l’on pensât comme il fallait : il a voulu que l’on parlât comme il fallait, sachant bien que la pensée est impuissante sans parole et qu’un certain vocabulaire condamne non seulement au mensonge exprimé mais au raisonnement tordu. » [3] Un seul exemple : en Russe le terme « bolchevik » signifie « majoritaire », pourtant Lénine en a décoré sa faction alors que celle-ci était…minoritaire !

Les marxistes ont systématiquement recours à ce procédé parce qu’ils ont toujours refusé la réalité pour en créer une autre, en accord avec leur idéal personnel de l’existence. C’est que leur vision égalitaire et indifférenciée de la société s’accorde assez mal avec la nature humaine (et la Nature en général d’ailleurs). Car celle-ci n’est pas vraiment spontanément « ouverte sur l’autre », tolérante, et anti-raciste. D’où cette idée d’un « homme nouveau » cartésien, domestiqué, censé sublimer ses instincts « animaliers » (jugés sales et irrationnels), afin de s’épanouir dans un utopique bonheur collectif transcendé par la fraternité universel et le progrès illimité. Malheureusement comme on n’a encore jamais fait rentrer une pièce carrée dans un trou rond sans en arrondir les angles, le résultat de l’opération c’est soldé au bas mot par une centaine de millions de morts [4] , soit la plus grande boucherie de l’Histoire...

Les choses se sont véritablement gâtées pour le monde occidental lorsqu’au début des années soixante, de Gaulle déclara sous forme d’une boutade : « Donnons la culture à la gauche, ça les occupera ! ». Ce faisant, il a mine de rien laissé le terrain culturel complètement libre a des gens qui, depuis Gramsci (1891 - 1937), avaient compris que la culture et le vocabulaire, c’était ce qu’il y a de plus important ! Pas étonnant donc, qu’après quarante-cinq ans d’hégémonie culturelle et de monopolisation du métapolitique, on en soit arrivé quasiment à une novlangue. Cette domination totale du champ culturel a favorisé le règne de la Pensée Unique et l’instauration du consensus qui rassemble aujourd’hui, dans une commune adhésion au Système, tous les partis politiques démocratiques…Merci Général !

Le triomphe définitif du politiquement correct sur la Vérité, a eu lieu au début des années septante, avec l’avènement de l’économie sociale de marché, et l’idée de « l’Etat Providence », fortement influencées par les théories hédonistes de lord Beveridge. « L’État Providence » place au centre de ses préoccupations le « bien-être » comme l’indique l’expression dans sa version anglaise : « Welfare State ». Soit le triomphe de l’esprit bourgeois vaniteux qui donne la priorité à son intérêt et son confort personnels sur l’intérêt général. En corollaire à cette vision « pantouflarde » de l’existence s’est opéré une immense féminisation des esprits et de la morale. De la langue de bois marxiste, on est passé à la langue de coton social-démocrate. Les mots cherchent à embellir, et le négatif est toujours présenté sous son meilleur jour, bienvenue à l’ère de la « communication positive » ! L’art des formules floues et de l’euphémisation deviennent les armes préférées des politiciens (ou de leur conseiller en communication pour être exact). Tous les domaines de l’activité humaine se retrouvent gangrenés par cette sournoise mentalité moralisante qui consiste à adoucir la réalité pour en dissimuler les caractères désagréables.

A ce propos, il est assez révélateur de constater que le champ lexical de l’immigration est particulièrement touché par l’aseptisation du langage. Ah ! Ces fameux « jeunes » des «  banlieues difficiles » qui provoquent une «  montée de l’insécurité » ! Langue du plus beau bois, en chêne massif ! Avec une telle prudence rhétorique, on peut légitimement conclure que le « débat » sur l’immigration évolue dans un univers particulièrement déconnecté du réel ! Moins la réalité correspond à la Weltanschauung social-démocrate, plus il faut la travestir, n’est-ce pas.

Les euphémismes sirupeux trahissent donc non seulement une certaine répugnance à voir et nommer clairement la réalité, mais surtout une volonté de diminuer le domaine de la pensée afin de verrouiller le débat. La réduction au minimum du choix des mots aide indirectement à atteindre ce but. D’ailleurs Pierre Gripari l’avait bien compris lorsqu’il affirma que « la dictature commence toujours par la lâcheté des mots ».

D’autre part, la langue de bois démocratique est le chef-d’œuvre de la désinformation puisqu’il est impossible de la parler sans devenir, par l’effet du vampirisme, désinformé et désinformant en même temps. Des individus de bonne foi – les fameux « idiots utiles » de Lénine - se transforment alors, sans s’en rendre compte, en « caisses de résonances » et se mettent à propager, en toute bonne conscience, un vocabulaire orienté idéologiquement. Dès lors, s’offusquer contre ce genre de manipulation du langage ne s’apparente pas qu’à de la branlette intellectuel pour étudiants en lettres désespérés.

Alors qu’il aurait fallu renforcer le sens critique face à cette entreprise de décérébralisation collective, les cours d’étymologies sont purement et simplement supprimés de l’école obligatoire (car jugés peu utile sur le marché du travail). N’importe quel linguiste vous dira que pour connaître le sens réel des mots il faut en avoir étudié l’étymologie, à savoir leur origine dans les langues anciennes.

Sans âme et sans histoire, les mots deviennent alors de plus en plus désincarnés, de plus en plus vide de sens, de plus en plus libérés du lest inutile et même encombrant de l’étymologie, de l’histoire de la langue, bref de tout réaliste linguistique, et par conséquent n’opposent plus guère d’obstacles à la propagation d’idées abstraites ou nouvelles.

Que faire face à cette manipulation des esprits et ce conditionnement des masses ?

Premièrement nous devons faire très attention de ne pas servir de « caisse de résonance » à la démocrature. Autant de chapeaux de Gessler que nous devons refuser de saluer. Accepter l’euphémisation c’est adopter un vocabulaire orienté idéologiquement.

Nous devons ensuite impérativement investir le champ métapolitique, dont Alain de Benoist donne la définition suivante : « domaine des valeurs qui ne relèvent pas du politique, au sens traditionnel de ce terme, mais qui ont une incidence directe sur la constance ou l’absence de consensus social régi par la politique » [5] . Un concept que, formulés en d’autres termes et en d’autres temps, un Gramsci n’aurait pas renié.

Cela amène une nouvelle question : comment investir le champ métapolitique ? En préparant la relève de demain, c’est-à-dire en constituant notre propre élite intellectuelle. Une génération capable d’assumer le réel sans traficoter lâchement le vocabulaire et qui ne prends pas ses vessies pour des lanternes.

En investissant le champ métapolitique nous imposerons notre propre vocabulaire qui véhicule notre vision du monde, afin que les neutres et les sceptiques puissent définitivement s’affranchir des barrières mentales que leur impose le politiquement correct. C’est pourquoi on insiste beaucoup chez Avant-Garde, et parfois lourdement, sur des mots comme « allogène », « ethno-masochiste » ou encore «  droisdelhommisme ».

Ce faisant nous rendrons notre discours légitime - à défaut d’être légal. Comme je l’ai répété plusieurs fois dans mon papier, quiconque possède les mots, possède la pensée, et si on possède la pensée, on possède tout le reste. Le combat culturel, c’est avant tout la guerre des mots. D’ailleurs le philosophe Chinois Confucius (551 - 479 av. J.-C.) ne disait-il pas que « toute subversion commence par celle du vocabulaire » ?

http://euro-synergies.hautetfort.com/
Notes :

[1] Ce néologisme de George Orwell désigne le langage destiné à rendre impossible l’expression des idées subversives.

[2] Jean-Jacques Rousseau, discours sur l’origine et les fondements de l’inégalité parmi les hommes - seconde partie (page 52 de la collection classiques Garnier : Œuvres politiques).

[3] Vladimir Volkoff, Petite histoire de la désinformation. Du Cheval de Troie à Internet, Éditions du Rocher.

[4] Stéphane Courtois, Le livre noir du communisme, Editions Robert Laffont.

[5] Alain de Benoist, Les idées à l’endroit, Editions Libres Hallier

[Avant-Garde Suisse, 15 Juillet 2004]
vu sur News of Tomorrow

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