Toute ressemblance avec des faits réels relevés dans un État voisin continental ne serait que pure et fortuite coïncidence :
– difficultés au sein du parti majoritaire ;
– impossibilité de réduire le déficit public ;
– soutien au mariage homosexuel ;
– embarras avec l’Europe ;
– rejet de l ‘usage du referendum ;
– mécontentement du peuple
– etc.
Polémia
Le Parti conservateur britannique semble être entré en phase d’autodestruction. Après treize années d’opposition, il n’est revenu au pouvoir que depuis mai 2010, avec l’élection de David Cameron. Mais, depuis un an, une centaine de députés tories, soit le tiers d’entre eux, tirent à boulets rouges sur leur propre leader.
Le premier ministre britannique est accusé pêle-mêle de ne pas réussir à réduire le déficit public, de promouvoir les fermes éoliennes, de soutenir le mariage homosexuel… Mais comme toujours chez les tories, c’est l’Europe qui est au cœur des désaccords.
Les divisions ont repris de plus belle depuis le revers des élections locales du 2 mai. Les conservateurs n’y ont obtenu que 25 % des voix, très loin des 36 % récoltés en 2010. Dans le même temps, le United Kingdom Independence Party (UKIP), qui milite pour sortir de l’Union européenne, a réussi une étonnante percée, avec 23 %. Dans ces conditions, la perspective d’une réélection de M. Cameron en 2015, date des prochaines élections législatives, s’éloigne à grands pas.
Depuis, l’aile dure des conservateurs réclame un virage à droite. Plus que tout, elle veut un référendum sur l’appartenance à l’Union européenne. M. Cameron en a promis un, mais seulement d’ici à la fin de 2017, après une possible – et très incertaine – réélection.
Trop lointain et improbable, estiment les rebelles. Ils réclament une loi garantissant l’organisation de la consultation populaire et, après avoir longtemps refusé, le premier ministre britannique vient de céder : mardi 14 mai, le Parti conservateur a publié une proposition de loi dans ce sens.
Calmer son aile dure
Le geste est avant tout politique, puisque le texte sera presque certainement bloqué à la Chambre des communes par les travaillistes et les libéraux-démocrates. Mais si M. Cameron espérait ainsi calmer son aile dure, il est loin d’être certain d’y parvenir. “La boîte de Pandore a été ouverte, et c’est désormais très difficile de contrôler la situation”, estime Tim Bale, politologue à la Queen Mary University, à Londres.
La colère des “ultras” remonte aux dissensions des conservateurs sous Margaret Thatcher. Dans leur esprit, ce sont les europhiles qui ont eu la peau de la “Dame de fer” en 1990, en s’opposant ouvertement à sa politique sur le système monétaire européen.
Leur rébellion relève aussi du calcul politique : ces députés, qui bénéficient souvent d’une assez faible majorité dans leur circonscription, craignent que l’UKIP ne grignote leur électorat sur la droite et ne fasse gagner les travaillistes.
M. Cameron n’avait pas besoin de cet étalage de divisions. La situation est déjà assez difficile pour lui : son principal problème résulte de la crise économique. Lors de son arrivée au pouvoir, sa promesse était simple : avec une sévère cure d’austérité, les finances du pays seraient assainies au bout de cinq ans et l’économie rebondirait.
La réalité est bien loin de cette ambition. La croissance est au point mort et le déficit stagne autour de 7 % du PIB, plus que la Grèce ou le Portugal. Le retour à l’équilibre des comptes publics a été repoussé à 2018 : c’est trois ans de plus que prévu… il y a trois ans.
Creux du mi-mandat
Pour les Britanniques, la crise signifie un pouvoir d’achat en baisse depuis cinq ans. Dans la fonction publique, 600 000 emplois ont été supprimés, soit environ 10 % des fonctionnaires. Et les économistes ne prévoient pas de retour à une croissance dynamique avant 2015. Politiquement, cela sera sans doute trop tard.
À cela s’ajoute l’habituel creux du mi-mandat : après trois années au pouvoir, le leader britannique convainc de moins en moins quand il affirme que le gouvernement précédent est responsable des problèmes actuels.
Dans ces conditions difficiles, la crise de nerfs des conservateurs est un magnifique cadeau offert aux travaillistes. Ed Miliband, leur leader, n’a qu’à se frotter les mains en assistant à l’implosion de la majorité. Un de ses proches conseillers résume ainsi la situation : “A chaque fois que les conservateurs parlent de l’Europe, ils renforcent l’UKIP. Et c’est autant de voix qu’ils perdent.” Pour lui, le scénario idéal serait une percée du parti antieuropéen lors des élections législatives de 2015.
Cette stratégie est cependant un peu courte. Lors des élections locales, les travaillistes n’ont obtenu qu’une petite victoire, avec 29 % des voix. Peu charismatique, intellectuel, emprunté, M. Miliband peine à convaincre. Sa popularité est aussi faible que celle de M. Cameron, alors même qu’il n’est pas au pouvoir et que le pays traverse une crise économique. Son discours en faveur d’une social-démocratie à l’européenne demeure inaudible. Avec à peine une dizaine de points de plus que les conservateurs dans les sondages, son avance actuelle risque de s’effriter. Les Britanniques doutent de son sérieux budgétaire.
Entre un gouvernement impopulaire et une opposition qui ne convainc pas, le jeu politique britannique est donc grand ouvert. Si bien que l’un des scénarios les plus probables est qu’aucun des deux grands partis traditionnels n’obtienne de majorité absolue.
Comme en 2010, cela ouvrirait la porte à une coalition. À l’époque, c’était une première depuis presque un siècle. Cela semble désormais appelé à devenir la norme.
Eric Albert, Le Monde
15/05/2013 http://www.polemia.com