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Benoît XVI et les Katholik parks

 

J’ai écrit ce texte il y a deux ans, le 16 avril 2011, après avoir découvert deux sublimes passages écrits par l’ancien pape, et qui m’ont renforcé dans une intuition déjà ancienne maintenant. L’oasis de la foi face au désert mondain de la société païenne avancée. La situation était déjà grave ; elle devient désespérée, mais pas désespérante. On va voir pourquoi maintenant.

Il y a un moment où l’on croit que l’on peut encore changer le monde, le métamorphoser, en ralentir la course folle. Car on a peur sinon de se montrer égoïste, de tourner le dos au réel, de ne pas assez lever sa coupe de champagne en l’honneur de la république ou de la démocratie-marché mondialisée.

Les récentes décisions de l’assemblée et du sénat de droite concernant l’eugénisme ou la culture de l’être humain comme semis ou pièce de rechange précisent le débat. Jamais une société, jamais des pouvoirs, même plus occultes d’ailleurs, n’avaient à ce point défié le divin, le vivant et l’humain. Pour eux nous sommes des machines, ou de la volaille en batterie. Il vaut mieux le savoir et en prendre son parti. On peut toujours espérer mieux. Mais, comme le rappelle Soljenitsyne :

« Nous avons tendance à attendre les instructions d’un monarque, ou d’un guide, ou d’une autorité spirituelle ou politique ; or, cette fois, il n’y a rien, personne, que du menu fretin qui s’agite dans les hautes sphères. »

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C’est ici que je repense à tous mes amis, pères de famille plus ou moins nombreuses, mais au moins nombreuses, et qui ont appris depuis une trentaine d’années, à vivre en marge, à s’organiser en réseaux, comme on dit, ou en communautés ; pas dans la volonté de constituer des sectes mais dans celle de créer un monde, comme dit Chesterton, où l’on crée et l’on aime ses citoyens. Ce monde, c’est la famille chrétienne, c’est tout ce que la démocratie-marché va nous laisser, jusqu’à ordre ou désordre nouveau, qu’on se le dise. Mes amis créent alors leurs écoles, leurs communautés parallèles, leurs Katholik parks qui finissent vite par rassembler des centaines d’écoliers. On se surprend aussi en France à voir ces photos de familles où l’on dénombre cent ou deux cents têtes blondes autour du ou des arrière-grands-parents : et l’on se dit qu’il y a encore dans la terre de France des forces de résistance concrètes qui affrontent la culture de mort et de destruction.

Et c’est Benoît XVI, pape de l’après-chrétienté, honni puis ignoré des médias, qui vient nous consoler et nous montrer la route à suivre ("L’Essence de la Foi, une parole pour tous") :

« Etant donné qu’il existe une culture hédoniste qui veut nous empêcher de vivre selon le dessein du Créateur, nous devons avoir le courage de créer des îlots, des oasis, puis de grands terrains de culture catholique, dans lesquels vivre les desseins du Créateur. »

Dans "le Sel de la terre", le cardinal Ratzinger écrivait déjà :

« L’Eglise prendra d’autres formes. Elle ressemblera moins aux grandes sociétés, elle sera davantage l’Eglise des minorités, elle se perpétuera dans de petits cercles vivants où des gens convaincus et croyants agiront selon leur foi. Mais c’est précisément ainsi qu’elle deviendra comme le dit la Bible, le sel de la terre. »

Je vois d’ici nos cathos bien modernes et bien bourgeois, bien intégrés à la société moderne, bons cadres mondialisés, bons électeurs de Bayrou ou Simone Veil, hausser les épaules : "ce pape est vieux, on le remplacera, il y en aura un plus cool". Mais ce ne sont pas eux qui lui survivront. Ceux qui lui survivront, ce seront ceux qui n’ont pas voté le PACS, qui n’auront pas succombé au désespoir, et qui auront eu des enfants dans une cité chrétienne. La culture de l’amour contre l’inculture de la mort. La vierge sage contre la vierge folle.

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Le paganisme, l’irrespect de la vie, les tyrannies ont toujours existé. Mais pour la première fois un défi scientifique est lancé à l’humanité : celui de la remplacer. Il est anglo-saxon, comme d’habitude, la démonologie matérialiste étant une spécificité britannique, qu’il s’agisse de la "Nouvelle Atlantis" de Bacon, de son scientisme et de ses biotechnologies, ou du capitalisme luciférien si bien illustré par Milton (relire le chant I du "Paradis perdu", qui est programmatique à cet égard).

En marge de cette cité d’ennui et de terreur, propre à effarer en leur temps les visionnaires William Blake ou Hugo, on peut rêver de ces Katholik parks, formulation provocatrice pour ces communautés de chrétiens, ces oasis de la foi, qui seront les cités de demain, quand ce monde crépusculaire, tant du point de vue financier que démographique ou culturel aura disparu. Dans mon livre sur "Tolkien", publié en 1998, et qui m’a permis de rencontrer ma femme, chrétienne orthodoxe élevée secrètement dans le cadre des persécutions communistes, j’avais souligné le rôle fondamental de ces mondes elfiques marginaux comme Melian ou Gondolin, et qui servent de refuge contre le Mordor industriel et technoscientifique de la Fin des temps. Je ne pensais pas que l’on devrait si vite y arriver, dans nos bonnes vieilles démocraties sociales et libérales, dont la seule pierre de fondation, m’a dit un jour un chartreux espagnol témoin de l’anéantissement de son vieux pays, est l’antichristianisme.

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Je donnerai une dernière fois la parole au Saint-Père, aussi savant que poète, qui lui a décidé de ne plus prendre de gants pour rassurer ses brebis égarées ou non :

« Nous avons besoin d’îles où la foi en Dieu et la simplicité interne du christianisme vivent et rayonnent ; d’oasis, d’arches de Noé dans lesquelles l’homme peut toujours venir se réfugier. Les espaces de protection sont les espaces de la liturgie. Reste que même dans les différents mouvements et communautés, dans les paroisses, dans les célébrations des sacrements, dans les exercices de piété, dans les pèlerinages, etc., l’Eglise cherche à offrir des forces de résistance, puis à développer des zones de protection dans lesquelles la beauté du monde, la beauté de l’existence possible, devient de nouveau visible en contraste avec tout ce qui est abîmé autour de nous. »

(Benoît XVI, "Lumière du monde")

Nicolas Bonnal http://www.france-courtoise.info

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