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Tout à gauche, des recettes pour la résistance

Les jeunes qui sont descendus dans la rue pour dire non à la dénaturation du mariage veilleurs, campeurs ou autres, ont montré leur efficacité et leur créativité militante. Et pourquoi ne pas puiser aussi des idées et des recettes dans le champ d'expérience de l'ultra-gauche ?
Le pouvoir démocratique, dans son déni de la réalité, dans son adhésion brutale au marché, dans sa mainmise totalitaire sur la production médiatique de masse, a provoqué depuis longtemps des résistances organisées : l'époque est aujourd'hui favorable à l'émergence d'une version « catho de droite » pérenne et décomplexée.
À ce titre, l'extrême gauche représente un laboratoire intéressant puisque, hormis le meurtre, tout y est toléré et faiblement réprimé par le pouvoir. Cette tolérance est le fruit de la collusion entre la gauche extrême et les corps intermédiaires (syndicats, partis, médias) et de la « victoire morale » de la gauche bourgeoise sur la droite bourgeoise, qui lui amène un flot continu de personnalités (politiques, scientifiques, universitaires, intellectuels, histrions...), comme caution médiatique et gage de financements.
Mais l'extrême gauche vit aussi alternativement selon d'autres modalités, moins spectaculaires, dans une résistance quotidienne, intellectuelle et communautaire - qui risque d'ailleurs de finir par transformer les gauchistes en affreux réacs, façon « révolution moulée à la louche » et « contestation à l'ancienne, garantie faite main ». Résistance communautaire, dans la reconnaissance mutuelle et la capacité à oublier très régulièrement les divergences théoriques au profit d'actions concertées: mise à disposition du réseau, forte implication des militants, affichage égalitaire des différents groupuscules organisateurs...
Investir les médias collaboratifs
Résistance intellectuelle, dans la capacité à réfléchir en permanence la société, à critiquer sans relâche les pouvoirs en place, quels qu'ils soient, sans prétendue et illusoire concession tactique, à proposer en continu séminaires, colloques, universités d'été, à créer des médias alternatifs (sites, revues et blogs) riches en contenus, mais surtout à investir les médias collaboratifs : Wikipédia, blogs asiles dans les plateformes de presse, site à la « rue89 », longs commentaires dans les forums, etc.
Par comparaison, si la révolution digitale réactionnaire est bien en route - avec une faiblesse dans le collaboratif -, il lui manque sans doute encore un véritable écosystème éditorial, capable de proposer une offre culturelle complète (le réactionnaire est individuel, farouche et vétilleux : difficile de lancer avec lui une librairie-imprimerie coopérative).
Un terrain d'expérimentation riche en perspectives militantes
Résistance quotidienne, enfin, dans ses modes de vie. Si la vocation catholique a tendance à interdire les réflexes identitaires, qui seraient une abdication, la résistance au marché et à ses sbires, dans l'esprit de non-violence des veilleurs, autorise en revanche des comportements communautaires de refus et de survie : utilisation intelligente du chômage pour donner des cadres bénévoles aux mouvements, constitution de groupements de production/consommation (comme les AMAP), habitat collectif raisonné (ne serait-ce que saisonnier), préférence pour les acteurs économiques acquis à la cause, la gamme est large qui permet de constituer un « entre soi » économique tout en promouvant un « vivre ensemble » universel. Les jeunes générations, économiquement sacrifiées, digitalisées à outrance et biberonnées au tribal ont devant elles un terrain d'expérimentation riche en perspectives militantes. Pour ne rien lâcher.
Hubert Champrun Monde & Vie mai 2013

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