Au reste, mes frères, fortifiez-vous dans le Seigneur et dans la puissance de sa force ; revêtez-vous de l’armure complète de Dieu, afin que vous puissiez tenir ferme contre les artifices du diable : car notre lutte n’est pas contre le sang et la chair, mais contre les principautés, contre les autorités, contre les dominateurs de ces ténèbres, contre la [puissance] spirituelle de méchanceté qui est dans les lieux célestes.
Ephésiens, 6, 10
Deux éléments m’ont frappé dans les combats qui nous occupent, et qui opposent notre jeune élite catholique au gouvernement mondialiste aux abois :d’une part la Foi, car nous avons là une jeunesse solide (la solidarité vraie contre la liquidité des gens et des marchés) et fidèle, audacieuse et tourmentée à la fois par l’Ennemi et la cause qu’elle défend ; la condition physique d’autre part, qui ne correspond en rien avec ce que la démocratie-marché, du sexe drogue et rock’n’roll, des centres commerciaux et des jeux vidéo, attend de la jeunesse.
L’important est la terre que nous laisserons à nos enfants ; mais l’avenir c’est surtout les enfants que nous laisserons à la terre. Cela les soixante-huitards et leurs patrons des multinationales l’ont oublié. On a ainsi vu des dizaines milliers de jeunes Français - qui pourraient demain être des millions, car il n’y a pas de raison pour que cette jeunesse ne devienne mimétique, pour reprendre un terme girardien - affronter la nuit, le froid, la pluie, les gaz (que le petit ministre invente un autre mot), l’attente, le temps, l’insulte, la grosse carcasse du CRS casqué nourri aux amphétamines, aux RTT et aux farines fonctionnaires. Et ici encore le système tombe sur une élite physique qu’il n’avait pas prévue. La mondialisation abrutit et inhibe physiquement - je l’ai vu partout - des millions si ce n’est des milliards de jeunes par la malbouffe, la pollution, la destruction psychique, le reniement de la famille, de la nation, des traditions, toutes choses très bien analysées par Tocqueville à propos des Indiens :
« En affaiblissant parmi les Indiens de l’Amérique du Nord le sentiment de la patrie, en dispersant leurs familles, en obscurcissant leurs traditions, en interrompant la chaîne des souvenirs, en changeant toutes leurs habitudes, et en accroissant outre mesure leurs besoins, la tyrannie européenne les a rendus plus désordonnés et moins civilisés qu’ils n’étaient déjà. »
Et bien les Indiens c’est nous maintenant, perclus de besoins, de faux messages, de bouffes désastreuses, de promotions, et oublieux de l’essentiel.
Et voici qu’une jeunesse montre des qualités que l’on croyait perdues jusqu’alors, et surtout dans la France anticléricale et libertine à souhait ; des qualités telluriques, écrirai-je en attendant d’expliquer ce terme. Ce sont des qualités glanées au cours des pèlerinages avec les parents ; aux cours des longues messes traditionnelles et des nuits de prières ; au cours de longues marches diurnes et des veillées nocturnes ; de la vie naturelle et de la foi épanouie sous la neige et la pluie. On fait alors montre de résistance, de capacité physique, sans qu’il y rentre de la dégoûtante obsession contemporaine du sport qui débouche sur la brutalité, sur l’oisiveté, l’obésité via l’addiction à la bière. On est face aux éléments que l’on croyait oubliés, comme des Américains qui croyaient voir des extra-terrestres au cours d’une fameuse nuit d’extinction des feux quand il n’y avait là-haut dans l’espace ouvert (et ce n’est déjà pas si mal) que des étoiles et des constellations, qu’il n’y pas si longtemps alors nous savions tous déchiffrer - au point que ce furent ces constellations qui décidèrent de l’emplacement ici de nos Notre-Dame au Moyen Age.
Ces qualités peuvent être dites cosmiques, puisqu’elles s’inspirent des pères de l’Eglise (je pense à Jean Damascène) et de la réflexion des Grecs et sur les astres, elles sont aussi telluriques, parce que cette résistance, ce courage physique et cette patience aussi, digne du soldat chrétien de saint Paul, dont cette jeunesse a fait preuve durant les épreuves, relèvent du tellurisme appris par les parents et par la foi, qui a continué de respecter l’héritage immortel de l’Eglise. Cela c’est le cadeau, cela c’est la gifle pour l’adversaire qui croyait en avoir fini avec notre jeunesse avec sa culture jeune. Mais ce n’est pas notre faute si Jeanne d’Arc a la vie plus dure que Lara Croft.
Je relis un écrivain marxiste émouvant et oublié, Henri Lefebvre, dénonciateur de la vie ordinaire (et Dieu sait qu’elle est nulle) dans le monde moderne. Lefebvre est un bon marxiste antichrétien mais il sent cette force. D’une part l’URSS crée par manque d’ambition politique le même modèle de citoyen petit-bourgeois passif attendant son match et son embouteillage ; d’autre part la société de consommation crée des temps pseudo-cycliques, comme dira Debord et elle fait aussi semblant de réunir, mais dans le séparé, ce qui était jadis la communauté. Lefebvre rend alors un curieux hommage du vice à la vertu ; et il s’efforce alors à plus d’objectivité sur un ton grinçant :
« Le catholicisme se montre dans sa vérité historique un mouvement plutôt qu’une doctrine, un mouvement très vaste, très assimilateur, qui ne crée rien, mais en qui rien ne se perd, avec une certaine prédominance des mythes les plus anciens, les plus tenaces, qui restent pour des raisons multiples acceptés ou acceptables par l’immense majorité des hommes (mythes agraires). »
Le Christ s’exprime par images agraires, il ne faut jamais l’oublier. Il est lié au sol et nous sommes liés à son sang. Ce n’est pas un hasard si Lefebvre en pleine puissance communiste s’interroge sur la résilience absolue de l’Eglise et de notre message :
« Eglise, Saint Eglise, après avoir échappé à ton emprise, pendant longtemps je me suis demandé d’où te venait ta puissance. »
Oui, le village chrétien qui subsiste avec sa paroisse et son curé, cinquante ans après Carrefour et l’autoroute, deux mille ans après le Christ et deux cents ans après la Révolution industrielle et l’Autre, tout cela tient vraiment du miracle. C’est que comme dit l’Autre ce qui ne nous tue pas nous rend plus fort...
Le monde postmoderne prône lui une absence de nature, une vie de banlieue, une cuisine médiatique et de fastfood. Enfermé dans un studio à mille euros et connecté dans l’espace virtuel du sexe, du jeu, de l’info. Et cela donne l’évangélisme, cette mouture de contrôle mental qui a pris la place du christianisme dans pas mal de paroisses, surtout hélas en Amérique du Sud. Ce désastre est lié bien sûr à l’abandon par une classe paysanne de ses racines telluriques. Je me souviens aux bords du lac Titicaca de la puissance et de la présence catholique au magnifique sanctuaire de Copacabana (rien à voir avec la plage, mais rien) ; et de son abandon à la Paz, où justement on vit déjà dans la matrice et le conditionnement. Mais cette déchristianisation par l’évangélisme avait été programmée en haut lieu, comme me le confessa un jour le jeune curé de Guamini dans la Pampa argentine.
J’en viens à un autre auteur, Carl Schmitt, qui cherchait à s’expliquer dans un fameux ouvrage, le comportement et surtout les raisons de la force des partisans qui résistèrent à Napoléon, à Hitler, aux puissances coloniales (presque toutes des démocraties postchrétiennes) qui essayèrent d’en finir avec des résistances éprouvées ; et ne le purent pas.
Schmitt relève quatre critères : l’irrégularité, la mobilité, le combat actif, l’intensité de la l’engagement politique (tout son lexique a des racines latines, ce qui n’est pas fortuit). Toutes qualités de nos jeunes chrétiens qui refusent de baisser les bras ou d’aller dormir ; car on a bien lu l’Evangile dans nos paroisses et l’on sait ce qu’il en coûte de trop dormir.
Schmitt reconnaît en fait la force paysanne et nationale des résistances communistes ; et il rend hommage à des peuples antinapoléoniens comme le peuple russe et le peuple espagnol : deux peuples telluriques, enracinés dans leur foi orthodoxe et catholique, encadrés par leur clergé, et accoutumés à une vie naturelle et dure de paysan. Ce sont ceux-là et pas les petit-bourgeois protestants qui ont donné du fil à retordre aux armées des Lumières. Notre auteur souligne à la suite du théoricien espagnol Zamora (il faudra un jour réhabiliter la philosophie espagnole, certainement la plus raisonnable du siècle écoulé) le caractère tellurique de ces bandes de partisans, prêts à tous les sacrifices, et il rappelle la force des partisans issus d’un monde autochtone et préindustriel. Il souligne qu’une motorisation entraîne une perte de ce caractère tellurique, même si bien sûr le partisan - ici notre jeune militant catholique - est entraîné à s’adapter et maîtrise mieux que tous les branchés la technologie contemporaine (mais pas moderne, il n’y a de moderne que la Foi, et par définition) pour mener à bien son ouvrage. La surprise des médias de plus en plus crétins (et avec eux nos services ou sévices secrets qui prévoyaient cent mille manifestants au roquet ministre) sur la capacité qu’avaient nos jeunes d’utiliser leur portable ou leur ordinateur a fait la mienne. Ils sont vraiment si bêtes ? O Flaubert et tes bourgeois ! En lisant la presse bourgeoise, Libé, Le Monde, Le Nouvel Obs, Charlie Hebdo, on a l’impression de redécouvrir l’idiotie scientiste de l’époque de Léon Bloy :
« Autrefois, il y a cinquante ans à peine, la nuit ou, si on veut, les ténèbres du Moyen Age étaient rigoureusement exigées dans les examens. Un jeune bourgeois qui aurait douté de l’opacité de ces ténèbres n’aurait pas trouvé à se marier. »
C’est tout comme aujourd’hui ! Schmitt reconnaît en tant qu’Allemand vaincu lui aussi en Russie que le partisan est un des derniers soldats - ou sentinelles - de la terre (einer der letzten Posten der Erde) ; qu’il signifie toujours une part de notre sol (ein Stück echten Bodens), ajoutant qu’il faut espérer dans le futur que tout ne soit pas dissous par le melting-pot du progrès technique et industriel (Schmelztiegel des industrielltechnischen Fortschritts). En ce qui concerne le catholicisme, qui grâce à Dieu n’est pas le marxisme, on voit bien que le but de réification et de destruction du monde par l’économie devenue folle (Guy Debord) n’a pas atteint son but. Et qu’il en faut encore pour en venir à bout de la vieille foi, dont on découvre que par sa démographie, son courage et son énergie spirituelle et tellurique elle n’a pas fini de surprendre et d’écoeurer l’adversaire.
J’ai un ami père de huit enfants qui a emmené ses quatre aînés trois jours et deux nuits au pèlerinage de Chartres. Je lui dédie ce texte car je sais que c’est lui comme dit le Christ qui a la meilleure part.
Et si l’on m’a trouvé trop martial, on relira saint Paul. On ne sait jamais, contre un CRS trop casqué, petit-bourgeois et socialiste de surcroît...
« C’est pourquoi prenez l’armure complète de Dieu, afin que, au mauvais jour, vous puissiez résister, et, après avoir tout surmonté, tenir ferme. Tenez donc ferme, ayant ceint vos reins de la vérité, et ayant revêtu la cuirasse de la justice, et ayant chaussé vos pieds de la préparation de l’évangile de paix ; par-dessus tout, prenant le bouclier de la foi par lequel vous pourrez éteindre tous les dards enflammés du méchant.
Prenez aussi le casque du salut, et l’épée de l’Esprit, qui est la parole de Dieu. »
Ephésiens,6,13-17
Nicolas Bonnal http://www.france-courtoise.info