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Règlement de comptes ? par Louis-Joseph Delanglade

La politique étant de nos jours ravalée au rang de la communication, l’annonce du placement de Mme Lagarde sous le statut de témoin assisté puis de la mise en examen pour escroquerie en bande organisée de M. Estoup, l’un des trois juges du tribunal arbitral qui a octroyé 403 millions d’euros (dont 45 pour préjudice moral !) à M. Tapie, fait presque oublier « l’affaire Cahuzac ».

 

On se rappelle qu’en 2007 M. Tapie avait, avec d’autres personnalités classées à gauche (comme MM. Séguéla et Allègre), soutenu M. Sarkozy, jetant un peu plus le trouble dans la campagne de Mme Royal. Et même si, dans le meilleur des cas pour lui, on peut considérer que M. Tapie avait été quelque peu floué par le Crédit Lyonnais, il est tentant de considérer l’arbitrage rendu comme un retour d’ascenseur. Certains ne s’en privent pas. Sans doute pour mieux marquer son territoire au centre (notamment contre M. Borloo, premier et éphémère ministre de l’Economie et des Finances de M. Sarkozy), M. Bayrou a frappé vite et fort, accusant explicitement le sommet de l’Etat (c’est-à-dire, implicitement, M. Sarkozy) de malversation.

 

 

Lui aussi maître en communication et soucieux de garder le beau rôle, M. Tapie vient d’affirmer que « si on découvre la moindre entourloupe […] ou quoi que ce soit d’anormal, alors, dans la seconde, à [son] initiative, [il] annule l’arbitrage ». Le risque est minime car, dans les faits, vu l’imbroglio juridique dans lequel on pourrait se trouver, il semble très peu probable, en tout cas très compliqué, que quoi que ce soit puisse vraiment bouger à court et moyen terme.

 

 

Resterait la question « morale ». Est-ce un scandale ? Oui, bien sûr, si les faits sont avérés. Un de plus. Mais faudrait-il s’en étonner ? Non, bien sûr, la nature humaine étant ce qu’elle est. Que s’indignent ceux qui ont foi en une impossible République vertueuse et exemplaire ! Cette approche n’est pas la nôtre. Y a-t-il eu magouille ? Peut-être, mais vrai ou faux, qu’importe ? Ce qui compte, c’est que ce soit vraisemblable.

 

 

On ne compte plus les innombrables affaires qui semblent consubstantielles à notre république parlementaire. Aux yeux du pays, une fois de plus, la res publica apparaît comme aux mains de clans qui se la disputent. Tous les coups (surtout les coups bas) sont bons. Ceux qui dénoncent aujourd’hui ont été mouillés hier, ou le seront demain, et leur indignation relève de l’opportunisme politicien le plus méprisable. Les fraudes et manipulations ont toujours existé, y compris sous l’Ancien Régime – mais l’Etat royal ne pouvait pas être leur objet. Ce qui est grave, ce n’est pas que les politiciens factieux aient les dents longues, c’est que l’Etat est leur terrain de chasse : c’est là l’insupportable rançon de la démocratie à la française.

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