C'est le 1er juillet que l'armée égyptienne a publié un communiqué que l'on peut considérer comme un ultimatum à destination du pouvoir en place.
Cette prise de position fut la conséquences des gigantesques manifestations populaires contre le gouvernement de l'époque, ce dernier étant incapable de résoudre les problèmes auxquels l'Egypte était confrontée.
On ne peut d'ailleurs oublier le résultat de la pétition lancée en Egypte visant le gouvernement qui finit par receuillir 22 millions de signatures. Rien de surprenant quant à ce raz de marée puisque Morsi n'a jamais été considéré comme le chef des Egyptiens mais comme un homme partisan, lié qu'il était, aux frères musulmans. On peut aussi noter que l'opposition a toujours fait preuve de fermeté vis à vis du pouvoir en place, refusant par exemple toute forme de participation. L'étude du processus historique qu'a connu l'Egypte a particulièrement bien été étudié par Alexandre Latsa, dans le cadre d'un excellent article publié ici même (1).
Evidemment, le cas égyptien qui n'est nullement le seul dans l'histoire, pose la question de ce qu'est réellement la démocratie. Si on vient à faire une comparaison avec la France, on sait que les élections législatives de par leur organisation, constituent le plus souvent un plébiscite, envoyant donc une majorité de députés représentant le président nouvellement élu. Ce résultat n'est en fait valide que le jour où se déroule l'élection et, bien malheureusement, il ne l'est plus durant les mois et années suivants. Si on voulait que la démocratie soit réelle, il faudrait donc que le nombre de députés soit réactualisé au quotidien (position des anarchistes si mes souvenirs sont exacts, ceux-ci considérant qu'un élu du peuple puisse être révoqué à chaque instant). Si on se souvient de l'impopularité des gouvernements de François Mitterrand entre 1982 et 1986, on ne peut oublier le désamour dont fut victime lui aussi Nicolas Sarkozy, dont les sondages indiquaient qu'il n'était crédité que de 40% d'intentions de vote au début de la campagne électorale de 2012.
Cependant, les gouvernements et assemblées, continuent de prendre des décisions, comme s'ils disposaient de la même légitimité initiale. Autre aspect, d'une part le président élu ne l'est jamais suite à un triomphe – déjà 55% passe pour être un grand succès – mais de plus son élection ne signifie adhésion du corps électoral à l'intégralité de son programme. C'est donc dans ce cadre qu'il faut replacer la prise de pouvoir par l'armée égyptienne et savoir donc, si son putsch, appuyée par l'opinion populaire, était légitime ou non.
Le problème majeur que nous posent les pays arabo-musulmans et de façon plus générale toute structure du même type, c'est que l'on ne peut avoir une position tranchée sans les étudier en détail, la sphère proche et moyenne orientale étant particulièrement complexe. C'est ainsi que tirer dans le domaine de la géopolitique, une conclusion spontanée suite à l'évocation des termes «arabe» et «musulman» est ridicule. Les arabes comme les musulmans, se situent dans les deux camps, côté nouvel ordre mondial comme du côté de ses opposants. C'est ainsi que personne n'ignore que l'Arabie saoudite est pro-américaine alors que l'Iran ou la Syrie sont en pointe dans la lutte contre l'hégémonie us.
Dans le cadre des très fameuses révolutions arabes, l'occident a joué les apprentis sorciers. On peut penser ce que l'on veut de la Tunisie, de la Lybie ou de l'Egypte de naguère mais au moins, force est de constater que ces pays étaient à bien des égards contrôlables. Tel n'est plus le cas pour des pays ouvertement islamistes. On sait aussi le jeu des uns et des autres et les alliances malsaines entre intégristes musulmans et matérialistes américains. Ces derniers ne prennent aucun risque à installer au voisinage de l'Europe des structures islamistes et il est vrai que les états unis sont bien à l'abri géographiquement de la poudrière qu'ils ont installée au voisinage de l'Europe. On constate donc une fois de plus, la divergence d'intérêt entre Européens et américains. Et puis s'il faut un argument décisif, pourquoi donc des relations si cordiales entre Morsi symbolisant les frères musulmans, que l'on présente si judeophobes, et Israel ?
Depuis les accords de Camp David, l'Egypte a cessé de s'opposer et aux américains et aux israéliens. En ce sens, on ne peut plus considérer ce pays comme l'un de nos alliés et ne pouvons que regretter la personnalité phare que fut celle de Nasser. Soucieux de préserver la stabilité de cette zone géographique, les Etats Unis inondent l'Egypte de capitaux par dizaine de milliards depuis plusioeurs décennies, mais aussi forment dans les écoles militaires américaines beaucoup d'officiers égyptiens. Le lecteur comprendra bien qu'une structure dépendant financièrement d'une autre, ne peut plus être autonome. Si l'on peut donc approuver le coup d'état militaire en Egypte, au motif qu'il nous a débarrassé des frères musulmans, la méfiance pour nous, se doit d'être
Childéric Fonteney http://www.voxnr.com
note :
(1) Printemps arabe : l’échec de la démocratie en Orient ? http://www.voxnr.com/cc/etranger/EFZFulykVuWCDbZpiS.shtml