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Les transformations silencieuses contre la gouvernance par le chaos

Eurasisme versus Atlantisme

Dans son ouvrage « La quatrième théorie politique » (Ars Magna Éditions, 2012), Alexandre Douguine définit les bases de ce que l’on pourrait appeler une « géopolitique archétypale ». Cette géopolitique décrit un antagonisme entre deux grands modes d’organisation politique. D’une part, l’Eurasisme, fondé sur un enracinement tellurique dans la Terre continentale eurasiatique, du Finistère au Kamtchatka ; d’autre part, l’Empire atlantiste et maritime, d’origine anglo-saxonne mais partagé par tout groupe sociologique ayant à voir avec le déracinement, le nomadisme, le « bougisme », la transgression des frontières et des limites, en un mot l’hybris caractéristique du postmodernisme libéral et occidental.

D’un point de vue archétypal, Douguine dépeint donc une tendance eurasiste à la stabilité minérale, au conservatisme, au sens de la mesure et de la Tradition, entendue comme principe de « hiérarchie hétérophile », alliance de la Loi et de l’Amour, définissant un ordre par l’ordre, qui s’oppose à un atlantisme progressiste de la démesure, une anti-Tradition aux valeurs inversées, comme on parle de l’anti-Christ, adepte d’une « anarchie homophile », combinaison d’anomie et de narcissisme, définissant son ordre dans le chaos. Soit, dans les termes d’un Zygmunt Bauman, un modèle de « société solide » opposé à un modèle de « société liquide ».

Cet anti-modèle de société liquide atlantiste (et sioniste) identifié à l’Occident postmoderne est profondément contre-nature et toxique pour la majorité. Il ne bénéficie qu’à une oligarchie morbide qui essaye d’entraîner le monde entier dans son suicide au moyen d’une ingénierie sociale négative, un « reality-building » visant à déconstruire toute forme de civilisation traditionnelle solide pour lui substituer une nouvelle réalité plastique et mondialisée, un Nouvel ordre mondial, dont elle contrôlera tous les paramètres après les avoir elle-même définis et qu’elle pourra dès lors façonner à sa guise. En raison de son caractère pathologique et dysfonctionnel, cette société liquide qui tente de se globaliser doit être combattue et annihilée totalement. Rien ne doit en rester, et rien n’en restera.

Il est désormais acquis que l’Empire atlantiste cherche à gouverner par le chaos. Son élément naturel est l’hystérie, la crise, la destruction, la guerre, en un mot l’entropie, comme le souligne aussi la revue De Defensa, mettant l’accent sur le fait qu’un nombre croissant d’observateurs et d’acteurs géopolitiques importants, à commencer par Vladimir Poutine lui-même, accusent désormais les gouvernements occidentaux de propager intentionnellement le désordre et le chaos, notamment en Syrie. À ce stade, la question qui s’impose est : comment agir contre l’Empire sans obéir aux règles définies par l’Empire lui-même ? Donc comment agir de manière proprement eurasiste ? C’est-à-dire de manière réellement constructive et néguentropique ?

Pour une pensée stratégique eurasiste

Il nous faut définir ici une « méthodologie eurasiste », qui aurait le visage d’une ingénierie sociale positive, en tant que fabrique de pérennité, de paix et de vie, fabrique de Tradition, donc de hiérarchie hétérophile, s’opposant à l’ingénierie négative de l’Empire, en tant que fabrique de précarité, de guerre et de mort, fabrique d’inversion de la Tradition, donc d’anarchie homophile. Le concept de Base Autonome Durable pose le cadre général de notre action. Mais afin de ne pas se pétrifier dans une rigidité trop dogmatique et de reconnaître leurs droits relatifs au changement et à l’évolution, nous voulons lui adjoindre le concept de « transformation silencieuse ». Cette notion nous vient du Taoïsme et de ses applications dans le domaine de la stratégie et des divers arts de la guerre. François Jullien, éminent sinologue, travaille depuis de longues années à faire passer cette pensée chinoise en Occident, en montrant comment elle correspond aussi à une certaine tradition occidentale, mais minoritaire, qui va de Héraclite à Bergson en passant par Nietzsche et les courants mystiques des monothéismes.

Cette tradition majoritaire en Chine mais minoritaire en Occident est une pensée du Devenir, où les choses et les identités ne sont pas fixes mais correspondent à des processus, des transformations graduelles et imperceptibles, comme la croissance des plantes ou l’érosion naturelle des pierres, et sont donc difficilement objectivables ou discrétisables en unités de représentations. En termes de stratégie, cette tradition « processualiste » dit qu’une chose ou qu’un comportement n’ont pas besoin d’être « distincts », c’est-à-dire perceptibles ou concevables immédiatement, pour être efficaces. L’action n’a pas besoin de se voir pour être prise au sérieux. L’essentiel est invisible, ou silencieux, et ne s’impose pas à l’esprit. La « petitesse » est la constante de cette méthode, comme l’expriment certains proverbes, « Les petits ruisseaux font les grandes rivières », « Petit à petit, l’oiseau fait son nid », ou encore la fable du colibri qui a inspiré le mouvement de Pierre Rabhi.

À l’opposé, la culture occidentale majoritaire est imprégnée d’ontologie grecque et monothéiste. Il s’agit d’une pensée de l’Être, opposé au non-Être et sans rien entre les deux, pensée du « tiers exclu » et des substances pures et sans mélange, 0 ou 1, « vrai » ou « faux », « oui » ou « non », « bien » ou « mal », « noir » ou « blanc », où les choses et les identités sont fixes, et correspondent à des essences. Cette pensée « essentialiste » s’étend de Parménide jusqu’à aujourd’hui, en passant par Platon, Aristote, Descartes et l’interprétation courante des textes monothéistes. La conséquence ultime en est le Spectacle au sens situationniste, c’est-à-dire l’exigence de visibilité ontique décriée par Heidegger, le « se tenant devant », ou « au-dessus », par lequel on résume la substance des choses dans nos sphères culturelles conventionnelles occidentales et islamiques. En termes de stratégie, cette tradition gréco-monothéiste majoritaire dit qu’une chose ou qu’un comportement doivent être « distincts », donc perceptibles ou concevables immédiatement, pour être efficaces. L’action doit se voir pour être prise au sérieux. L’essentiel est visible, ou en tout cas bruyant, et doit s’imposer à l’esprit. La « grandeur », dans tous les sens du terme, est la constante de cette méthode.

Dans le champ de la stratégie, ces deux traditions, essentialiste ou processualiste, induisent deux modes d’action bien distincts. L’essentialisme se dramatise dans un espace spectaculaire : c’est la tendance Clausewitz. Le processualisme, quant à lui, préfère agir dans l’invisible et viser le trivial : c’est la tendance Sun-Tzu. Loin de se résumer à des considérations théoriques ou historiques abstraites, il se trouve que ce double cadre méthodologique possède une actualité brûlante. Dans les milieux politiques dissidents, la question de la méthodologie du renversement du Pouvoir oligarchique est souvent évoquée selon cette même alternative duelle : d’une part, la manière typiquement gréco-monothéiste, c’est-à-dire l’action d’éclat de type révolutionnaire, la guerre civile, le coup d’État, le putsch, avec ou sans le soutien d’un réseau paramilitaire déjà constitué ; d’autre part, la manière asiatique, ou l’action discrète de type psychologique, la guerre culturelle et l’influence indirecte.

L’action directe : une voie de garage balisée par l’ennemi

En France en 2012, quelle est la faisabilité pratique de l’option dite « révolutionnaire » ? Quel est le potentiel de réussite d’une action consistant à prendre les armes pour déclencher une insurrection populaire débouchant sur un renversement du régime en place ? Sachant que les insurgés se retrouveront rapidement opposés à des professionnels de la violence physique, les fameuses « forces de l’ordre » (bien souvent « forces du désordre » en réalité) de la police et de l’armée, cette option requiert au minimum un entraînement spécifique aux techniques de combat, ainsi qu’une condition physique aguerrie capable de tenir tête à l’adversaire. L’auteur de ces lignes, s’appliquant à lui-même la méthode scientifique expérimentale dans le cadre d’un test de faisabilité dont il a été son propre cobaye, a pris le temps, pendant plusieurs années, de se former physiquement et mentalement aux méthodes paramilitaires en pratiquant les armes à feu et en s’initiant au combat rapproché (close-combat), en allant « sur le terrain » des manifestations et mouvements sociaux qui dégénèrent en vitrines cassées, voitures incendiées et sabotages divers, enfin, en mettant ses pieds dans certains milieux sociologiques dits « marginaux » ou « extrémistes » eux-mêmes placés sous surveillance, le tout complété par une approche historique et conceptuelle (lectures et conférences) des questions de Renseignement et de stratégie militaire.

De cette étude menée sur la durée, plusieurs conclusions s’imposent : sans une condition physique optimum et une expérience vécue et pratique des situations de stress, donc sans un conditionnement spécifique de l’esprit et du corps dont l’approche ne peut être fournie que par un entraînement quotidien sur le long terme avec un encadrement de niveau professionnel du type « Forces spéciales », on ne tient guère que dix minutes face à l’ennemi. Un véritable fossé sépare l’amateur du professionnel, que l’on ne soupçonne même pas avant de s’y être frotté réellement, et qui rend modeste quand on en a eu ne serait-ce qu’un avant-goût.

Par ailleurs, afin de finir de décourager nos lecteurs d’emprunter la voie de l’action directe et violente, notons que toutes les révolutions apparemment populaires et venant de la base, de 1789 au pseudo printemps arabe, en passant par 1917 et Mai 68, sont toujours en fait pilotées au sommet par des « minorités actives », services de renseignement, « sociétés de pensée » plus ou moins discrètes ou secrètes, mafias et lobbies divers. La nature du Peuple étant conservatrice et pacifique, jusqu’à la résignation, elle ne se lance jamais spontanément dans des entreprises de subversion et de déstabilisation de l’ordre commun établi. En outre, les putschs, coups d’État et révolutions diverses sont des opérations qui supposent un haut degré d’organisation centralisée, donc un petit nombre d’acteurs fortement coordonnés, et s’avèrent donc techniquement irréalisables par les masses.

Évidemment, aucun régime politique n’a jamais réuni 100% de satisfaits. (Chercher le consensus total est, du reste, un fantasme utopique et politiquement immature, nostalgie de l’univers homogène et homéostatique de l’utérus maternel.) Il existe toujours une raison, bonne ou mauvaise, de ne pas être content, aliment d’un substrat d’opposition à tout système, quel qu’il soit. Mais dès lors qu’un mouvement de contestation authentiquement populaire se dessine et risque de représenter une menace réelle pour le régime en place, il est récupéré et désamorcé ou instrumentalisé par des minorités actives locales et/ou étrangères dans une perspective d’ingérence et de renversement du régime en place. « Agiter le peuple avant de s’en servir », résumait Talleyrand. Pour aller plus loin sur ce sujet, voir aussi Roger Mucchielli, « La subversion ».

Le Pouvoir, quel qu’il soit, se pose toujours la même question : comment va-t-il réussir à gérer sa propre extériorité, sa propre contradiction ou opposition ? Plutôt que d’attendre qu’elle apparaisse pour tenter de l’infiltrer et de la retourner, le meilleur moyen consiste encore à la créer de toute pièce. À cette fin, un énorme travail de scrutation et d’anticipation des pensées et des comportements est appliqué aux populations chaque jour. Pour ne parler que de la France, tout notre beau pays a été placé depuis longtemps sous surveillance totale, vidéo, téléphonique, électronique (Echelon), et sous influence idéologique notamment par le « trolling rémunéré » sur les forums Internet afin d’enregistrer les tendances émergentes (veille des signaux mémétiques faibles), mais surtout pour y pratiquer de la désinformation, par exemple au moyen de faux profils Facebook chargés de donner l’illusion du nombre en faveur de telle idée ou de telle figure médiatique. On lira à ce propos deux textes accessibles sur Internet : « Les techniques secrètes pour contrôler les forums et l’opinion publique » (http://korben.info/techniques-secre...) et « Confessions d’un troll rémunéré » (http://lafilleducapitaine.revolublo...).

Ce travail de surveillance et d’influence de la population serait bien sûr insuffisant sans le renseignement humain (Humint), c’est-à-dire l’infiltration et le noyautage des groupes politiques ou associatifs présentés comme « critiques », tels que le NPA, le Front de gauche, les syndicats, les « identitaires » de toutes sortes (racialistes, régionalistes, séparatistes, féministes, homosexuels), sans oublier la diffusion par les think-tanks du Pouvoir d’éléments de langage à fonction incapacitante tels que l’antiracisme, l’antifascisme, l’anti-conspirationnisme, l’anti-homophobie, le sans-frontiérisme, etc. Cette guerre culturelle pour la conquête des discours et des cerveaux s’appuie également sur un « renseignement d’ambiance » au moyen d’agents chargés de prendre la température en passant des soirées entières à écouter et discuter dans les bistrots des quartiers névralgiques. Parfois, le patron de bar lui-même…

Le travail de repérage des individus « borderline  » susceptibles d’un passage à l’acte physique, à commencer par le simple agitateur de manif, éventuellement casseur et brûleur de voitures, jusqu’au criminel toxicomane, permet de les neutraliser mais aussi de les récupérer pour s’en servir. Les méthodologies de profilage psychologique, ainsi que d’« anticipation pré-cognitive » et d’induction comportementale, sont arrivées aujourd’hui à un haut degré de perfectionnement. En termes de cybernétique, quand une turbulence locale apparaît spontanément et menace de déstabiliser tout le système, il peut être indiqué de provoquer artificiellement une autre turbulence locale plus forte juste à côté pour y absorber et y résorber la première. Ce qui s’appelle aussi un « contre-feu ». Le grand art de cette sorte d’ingénierie du chaos consistant à provoquer en amont TOUTES les turbulences locales, de sorte à ne même plus laisser la place suffisante pour que se forment des turbulences spontanées et non maîtrisées, et se rendre ainsi propriétaire de toutes les zones de turbulence. En termes de cyndinique (sciences du danger et gestion de risque), afin de réduire sa propre zone d’incertitude, on provoque des zones d’incertitude pour autrui, zones d’instabilité apparente mais dont on tirera les ficelles car on en aura conçu soi-même les paramètres.

La fabrique proactive de l’ennemi

Ces méthodologies, ou « manières de faire », s’inscrivent dans une logique proactive de construction « a priori » de l’ennemi afin de mieux le contrôler, logique aboutissant au façonnage (« shaping ») de pseudos groupes révolutionnaires (d’ultragauche) ou terroristes (islamistes), quand ce n’est pas leur création complète ex nihilo par les services secrets occidentaux : counter-gangs d’origines et d’obédiences diverses, d’Al-Qaïda à l’Armée syrienne libre (A.S.L.), sans oublier tout le fatras de racailles sous contrôle que le Qatar, l’entité sioniste et les anglo-saxons travaillent à mettre sur pieds dans nos banlieues, avec la complicité active (et déplorable) d’une partie de nos Renseignements hexagonaux.

Pour résumer : le moindre petit revendeur sous le manteau de 9 .mm est connu et fiché, de la plus petite mosquée aux plus grandes centrales syndicales en passant par la moindre cité HLM, tout est noyauté, infiltré, sous contrôle. Le quadrillage du territoire national par les loges maçonniques qui, en France, détiennent tout l’État profond, la haute fonction publique, les préfectures, les sous-préfectures et les organes du Renseignement, est assez exhaustif. Il faut l’admettre : s’il subsiste encore de l’insécurité dans notre pays en 2012, c’est bien parce que la police en a besoin et la cultive pour divers usages, de la mise en scène politico-médiatique d’une « menace terroriste » fictive (Tarnac, Mohammed Merah) jusqu’au maintien d’un niveau constant d’anxiété dans la population par le laisser-faire intentionnel des incivilités et l’entretien d’un taux minimum de délinquance et de criminalité. Nul besoin de flics ripoux pour normaliser ces pratiques de contrôle social par la peur et le stress, la criminologie scientifique officielle s’en est chargée en appliquant certains résultats de psychologie sociale (« Terror management theory ») ou de sociobiologie (Henri Laborit) sur le rôle joué par l’anxiété dans l’inhibition de l’action et la production de soumission dans les comportements. Aussi longtemps que nous vivons comme des souris effrayées, au moins nous ne dérangeons pas Goldman-Sachs…

Aujourd’hui, tout individu qui se lancerait dans un passage à l’acte violent finirait donc comme Jean-Marc Rouillan ou Anders Breivik, c’est-à-dire chez les sous-prolétaires du Système, intégralement manipulé mais convaincu d’être un rebelle, et qui donne des prétextes au Système pour sévir encore plus fort. Toute initiative spectaculaire est destinée à finir en prison, à l’asile, ou au cimetière. C’est très exactement à cause de cette stérilité de l’action d’éclat que le Pouvoir cherche à y orienter toute initiative critique à son égard… pour la neutraliser. En effet, le Pouvoir n’aime ni l’invisibilité, ni la discrétion, ni le long terme, car il n’a aucune prise sur des processus dissidents qui cultivent ces qualités.

En revanche, le Pouvoir maîtrise tout le champ de l’action visible et violente de court terme, raison pour laquelle il veut nous y pousser et nous y retenir. Il veut nous obliger à « sortir du bois » et à nous découvrir pour nous attirer sur son territoire. En un mot : il veut nous pousser à la faute. Dans ces conditions, le premier principe de l’action révolutionnaire pertinente doit être de ne pas se laisser entraîner sur le terrain de l’ennemi. Il a besoin que nous devenions visibles et violents. Soit, restons invisibles et non-violents. Il veut imposer son ordre par le chaos. Soit, infusons de l’ordre par l’ordre dans nos vies et dans celles des autres. Appliquons pour nous-mêmes la double éthique de ce que certains appellent l’Art royal, l’art de se faire oublier et de devenir invisibles, tout en poussant autrui à se montrer dans l’éclat du jour.

L’option révolutionnaire « classique » est donc non seulement impraticable pour les raisons d’impréparation et d’amateurisme évoquées plus haut, mais elle doit en plus être prise exactement à contre-pied dans la mesure où elle nous est suggérée par l’ennemi. Dans « Choc et simulacre », Michel Drac évoque également cette création préemptive (proactive) par des services secrets ou des officines diverses du visage de leur propre ennemi pour mieux le neutraliser, dans la lancée du programme états-unien COINTELPRO (Counter-intelligence program), à l’origine de la contre-culture de gauche libertaire des années 1960-70, ou la « méthode Kitson » britannique, fondée sur l’usurpation d’identité et l’opération sous faux drapeau (false-flag).

Concept de « révolution lente »

Si l’attaque frontale du Système est évidemment vouée à l’échec, que nous reste-t-il comme mode d’action ? Ce qui reste, c’est la « guerre culturelle », c’est-à-dire l’influence sociologique diffuse, virale ou capillaire, la guerre psychologique de longue haleine par la réinformation de nos concitoyens, ainsi que la reconquête des réseaux et des structures institutionnelles déjà existantes, sans oublier l’organisation concrète en B.A.D., de sorte à reconstituer de la souveraineté alimentaire, énergétique, économique et… cognitive, tous ces efforts combinés permettant d’aboutir à des « révolutions lentes », apparemment invisibles mais pourtant bien réelles. Ajoutons à cela l’éducation populaire, le travail social, la démocratie locale dans les conseils de quartier, le jardinage collectif, bref tout ce qui permet de rayonner et de reconstituer le lien social pacificateur que le Pouvoir passe son temps à détricoter pour nous dresser les uns contre les autres. Redevenir des sujets parlants, des sujets structurés, c’est-à-dire de la logique indexée sur des faits, autrement dit du langage (du « logos ») indexé sur du réel, de sorte à court-circuiter les « captures imaginaires » en termes lacaniens, c’est-à-dire les rivalités identitaires, narcissiques et émotionnelles, et les séparatismes qui en découlent.

Concept de « psy-arme »

Sur le plan intellectuel, il nous incombe, à nous, l’« avant-garde du prolétariat », de mettre en méthode de manière scientifique ces techniques de renversements graduels et insensibles dans les rapports de force. En particulier, il nous reste à fournir une conceptualisation avancée des « transformations silencieuses », en nous appuyant sur la notion d’arme silencieuse, ou « arme psychologique » (psy-arme), inspirée du célèbre texte intitulé « Armes silencieuses pour guerres tranquilles » (« Silent weapons for quiet wars »). Nous sommes en guerre, et les armes utilisées ne sont pas exclusivement matérielles. Le concept général d’une arme offensive, arme physique comme arme psychologique, pourrait être défini ainsi : « Tout ce qui accélère artificiellement l’entropie d’une cible », ou encore « Tout ce qui permet de déstructurer intentionnellement quelque chose d’autre que soi-même ». En inversant les places et les signes, on trouve le concept général d’une arme défensive : « Tout ce qui neutralise l’entropie qu’un ennemi nous applique », donc « Tout ce qui entretient notre capacité de conservation et de résilience ».

Les pays Non-alignés, que l’Iran a eu l’intelligence de remettre au goût du jour, attaquent l’oligarchie atlantiste et sioniste par le haut. Afin de la prendre en tenaille, notre rôle sera de l’attaquer par en bas en mettant sur pieds une sorte de Hezbollah à la française, qui pourrait également ressembler au parti politique grec « Aube Dorée », mouvement enraciné dans le social mais aussi capable de se défendre physiquement, et dont l’inspiration pourrait être trouvée dans la philosophie « par-delà droite et gauche » du Conseil National de la Résistance et de son célèbre programme de 1944. Ou encore « Gauche du travail, droite des valeurs », selon l’heureuse formule d’Alain Soral. Travaillons donc à ce que « Égalité et réconciliation » et tous ceux qui voudront bien en être les supporters, amis et compagnons de route, deviennent les fers de lance de cette reconquête.

Lucien Cerise

Source: Égalité et Réconciliation

http://cerclenonconforme.hautetfort.com/archive/2013/11/14/les-transformations-silencieuses-contre-la-gouvernance-par-l.html

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