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Euro : la Lettonie, sacrifiée pour l’exemple ?

par Pierre Marchand

C’est à présent chose faite : malgré une opinion publique défavorable et l’absence de consultation par referendum, la Lettonie a intégré la zone euro ce 1er janvier 2014.

Une adhésion sans déluge de communication, à l’image de l’enthousiasme qu’elle suscite chez les Letton. Les arguments du gouvernement (« cela aidera l’économie lettone en facilitant les échanges et en renforçant la confiance des investisseurs ») ne convainquent pas même les moins virulents d’entre eux qui, se contentant d’observer la zone euro, s’inquiètent de sa pérennité et prônent une posture prudente qui consisterait au minimum à attendre avant de l’intégrer ; les autres s’opposent plus fermement à ce qu’ils considèrent comme une perte d’identité, une mise à contribution au sauvetage des pays en difficulté et l’assurance d’une augmentation des prix à la consommation.

Dans ces circonstances, pourquoi la classe politique Lettone tient-elle absolument à intégrer la zone euro ? Ou peut-être faut-il plutôt se demander pourquoi les instances européennes veulent-elles à tout prix de la Lettonie dans cette zone ? La réponse tient sans doute dans la question, qui mérite que l’on s’attache au contexte de cette adhésion, initialement prévue en 2008 après trois années de convergence. Mais 2008, point d’orgue de la crise des subprimes et année de la chute de Lehman Brothers, bloque le processus et voit la Lettonie frappée de plein fouet, au point de solliciter une aide du FMI à hauteur de 7,5 milliards d’euros. Evidemment, ce sauvetage était conditionné à la mise en œuvre de mesures d’austérité drastiques. C’est donc 6 ans plus tard qu’une Lettonie économiquement saine s’apprête à finalement adopter l’euro. Et avec 4 à 5% de croissance annuelle, une inflation quasi inexistante et un déficit public contenu (1,5% environ), le pays fait figure de bon élève. Peut-être même du bon élève, l’élève exemplaire, celui qui réussit là ou d’autres (Grèce, Irlande...) sont encore à la peine. Celui dont l’UE et l’Allemagne avaient besoin non seulement pour améliorer le visage de la zone euro, mais surtout comme démonstration du caractère vertueux et efficace de l’austérité, ce dont Christine Lagarde n’a pas manqué de se féliciter : « La Lettonie peut servir d’inspiration aux leaders européens pour prendre en main la crise européenne ».

Le problème, c’est que la réalité de cette cure d’austérité est loin de faire l’unanimité : plusieurs chercheurs américains et un prix Nobel prétendent que c’est précisément parce que la Lettonie n’a pas suivi les mesures d’austérité requises par le FMI que le pays a pu se redresser si rapidement. En tout état de cause, une autre question mérite aujourd’hui d’être posée : que sa cure d’austérité ait été réelle ou supposée, en quoi un pays qui s’en sort apparemment mieux que les autres a-t-il besoin de l’euro aujourd’hui ? C’est précisément la question que le gouvernement letton, victime ou complice des instances européennes, ne s’est pas risqué à poser à son peuple qui, comme les autres, saura certainement lui rappeler en temps voulu.

L’AF 2877

http://www.actionfrancaise.net/craf/?Euro-la-Lettonie-sacrifiee-pour-l

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