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Discordances sur la défense européenne

Ce 8 janvier, l'ancien ministre allemand de la Défense Thomas de Maizière passait le relais à Ursula von der Leyen qui lui a succédé dans le cadre du nouveau gouvernement de "grande coalition". La cérémonie traditionnelle de l'extinction des feux lui a donné l'occasion de rendre publiques de vraies discordances entre alliés. Celles-ci séparent, depuis plusieurs dernières années, les conceptions de l'Allemagne d'une part, de Londres et Paris d'autre part. Elles portent pourtant sur la défense du même continent européen.

La clarté particulière de son propos résultait en cette circonstance de son changement de statut. En tant que nouveau ministre de l'Intérieur depuis trois semaines, il s'exprimait en l'occurrence hors langue de bois diplomatique.

 

Il semble nécessaire que l'opinion française éclairée prenne la mesure de cette divergence.

 

Depuis les accords de Saint-Malo de 1998, en effet, une idée semble s'être enracinée dans l'esprit des dirigeants parisiens. Ceux-ci feignent de ne pas remettre en cause le partenariat franco-allemand, encore qu'ils le cantonnent désormais à la sphère économique. Mais ils considèrent d'abord un allié militaire qu'ils croient possible de privilégier en désignant la Grande-Bretagne. Cette symétrie des fausses fenêtres procède de plusieurs pétitions de principes. Et elle conduit à de parfaits contresens.

 

Tout d'abord elle préempte la doctrine britannique.

 

Il faut se souvenir en effet que, dès le lendemain de la rencontre entre Chirac et le Premier ministre de Sa Gracieuse Majesté, à l'époque Tony Blair, celui-ci avait tenu à démentir l'interprétation que l'Élysée avait prétendu donner à leur convergence technique du moment. Non, l'Angleterre ne renonçait pas à son choix fondamental du "Grand Large" en matière de défense. Non, elle n'imaginait pas substituer un accord transmanche à la communauté atlantique des deux grandes puissances maritimes.

 

Mais rien n'y fait. Une certaine droite française, ou ce qui en tient lieu, persiste toujours à prendre ses désirs pour des réalités. Elle s'inscrit délibérément ainsi dans une tradition qu'elle fait elle-même remonter à De Gaulle, lui-même décédé pourtant depuis plus de 40 ans.

 

On doit noter aussi que, durant de longues et nombreuses années, un investissement tout aussi illusoire avait été rêvé en direction de nos amis d'Outre-Rhin. À plusieurs reprises, à Bonn d'abord, et par la suite plus encore à Berlin, on avait démenti l'idée de placer dans une structure exclusivement européenne la défense du Vieux Continent.

 

Plusieurs raisons militaient et militent encore contre ce schéma réputé "gaullien".

 

Dans son allocution d'hier Thomas de Maizière les a évoquées à nouveau.

 

Tout d'abord, dit-il, "l'Allemagne n'a de leçons à recevoir de personne en Europe, sur la portée et l'ampleur de ses engagements internationaux. Ce que je dis s'adresse aussi bien à la France qu'à la Grande-Bretagne." (1)⇓

 

Aux Français il est reproché outre-Rhin non seulement d'être partis d'Afghanistan de façon solitaire et non concertée, sur un moment difficile pour les troupes de l'OTAN, mais d'intervenir en fonction de leurs seuls centres d'intérêts nationaux. Ceci fait directement allusion à la politique hasardeuse de Monsieur Normal en Afrique.

 

S'agissant des Anglais M. de Maizière rappelle que, depuis qu'au lendemain du 11 septembre 2001 l'intervention extérieure des soldats allemands a été légitimée au titre de l'OTAN, jamais il n'était advenu qu'un gouvernement de son pays ne soit amené à se défausser de sa parole pour des raisons électorales.

 

La Grande Bretagne prétendait intervenir en Syrie, la chambre des Communes l'a refusé. La Bundeswehr est présente, à sa place, sur la frontière turque.

 

Passant le témoin du ministère allemand de la Défense à Ursula von der Leyden, première femme à exercer cette fonction, Thomas de Maizières lui a souhaité beaucoup de succès à la tête des responsabilités considérables qui allaient lui incomber désormais.

 

Il en a souligné l'importance. Aucun autre ministre du gouvernement fédéral, par exemple, n'est responsable de centaines de milliers des collaborateurs.

 

Tant qu'elle restera signataire du traité de l'OTAN c'est dans ce cadre qu'elle conçoit la défense de l'Europe. C'est ainsi que l'Allemagne intervient actuellement en Afghanistan, au Kossovo, en Méditerranée dans le cadre de la mission antiterroriste Active Endeavour, dans la Corne de l'Afrique, en Turquie, au Soudan, au Sud Soudan, au Liban et au Mali.

 

Il a rappelé que dans l'armée allemande, beaucoup de choses doivent encore évoluer. Le principe qu'il rappelle, et qu'il dit s'appliquer à lui-même signifie "qu'un soldat, en cas de doute, reste toujours en service".

JG Malliarakis  http://www.insolent.fr/2014/01/discordances-sur-la-defense-europeenne.html

Apostilles

 

  1. cf. texte officiel de son discours in "Die Welt" en ligne le 8.1.2014

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