Le journaliste Frédéric Taddeï fait partie d’une espèce en voie de disparition dans sa corporation. C’est un homme libre, ouvert, cultivé, curieux, soucieux de laisser s’exprimer ses invités dont beaucoup ne sont jamais (ou très rarement) invités ailleurs. C’est là tout le sel de son émission Ce soir ou jamais, dans laquelle, souvent, sont présents les porteurs d’une pensée dissidente ou atypique. Un refus du prêt-à-penser, et plus exactement encore un pari sur l’intelligence des téléspectateurs, leur sens critique, qui n’est du goût de tout le monde. En témoigne la désormais célèbre admonestation du journaliste de France Inter Patrick Cohen , énumérant à M. Taddeï sur France 5 une liste des « cerveaux malades », des infréquentables qui ont été un jour reçus dans son émission.
Un temps quotidienne sur France 3, l’émission de Frédéric Taddéï est devenue hebdomadaire puis a été déplacée sur France 2, alors que les rumeurs bruissent, démenties par l’intéressé, de son passage en troisième partie de soirée.
Une punition qui lui serait infligée pour avoir consacré son avant-dernière émission à l’affaire Dieudonné (il fut d’ailleurs le dernier journaliste à l’inviter sur un plateau face à la Licrail y a trois ans) en présence d’un soutien de l’humoriste, l’universitaire belge antisioniste Jean Bricmont. Facteur aggravant, Taddeï interrogea aussi en aparté l’écrivain Marc- Edouard Nabe (qui n’a pourtant pas défendu l’humoriste ) à qui est fait une réputation d’antisémite depuis son premier livre de facture célinienne, « Au régal des vermines » (1985).
Dans un entretien accordé à Monde & vie et que nous citions sur ce blog en Juin 2012, Jean-Yves Le Gallou se félicitait que «nombre d’authentiques intellectuels sont en train de basculer à droite, comme Richard Millet, Christophe Guilluy, Chantal Delsol, Philippe Nemo, Jean-François Mattéi, Aymeric Chauprade , Michèle Tribalat, Régis Debray, Jean-Louis Harouel, Jean Clair, Michel Maffesoli, Aude de Kerros, Christine Sourgins…». « On assiste aujourd’hui à une révolte des intellectuels contre le système dominant, mais les médias étouffent leur voix. La seule émission qui les reçoive, celle de Frédéric Taddeï sur France 3, a vu son temps de parole divisé par quatre – et ce n’est pas un hasard. Les vrais intellectuels sont de droite – mais sont placés sous l’étouffoir. »
Frédéric Taddeï était justement dimanche invité de Maïtena Biraben dans l’émission Le Supplément de Canal Plus afin, rapporte le Nouvel Obs, de se « justifier sur le choix de ses invités». Le journaliste chroniqueur politique Bruno-Roger Petit, qui s’était déjà signalé en décembre par ses amalgames lourdingues et ridicules dans son traitement de la polémique sur la « quenelle », récidive sur le site de l’hebdomadaire.
Il s’échine à pointer un retour de la Bête qui se manifesterait par « la convergence entre les manifestants de Jour de colère, et à la télévision, Frédéric Taddeï. Les premiers réclamant une liberté d’expression sans limite, pour défendre Dieudonné» (ce qui est réduire cette manifestation à un seul de ses thèmes, NDLR), « le second réclamant, pour son émission de France 2, le droit à une liberté d’expression sans limite ».
Rendez-vous compte s’émeut M. Petit, M. Taddéï s’est refusé sur canal Plus à « contextualiser (sic) les invités, afin que l’on sache d’où ils parlent.» « Contextualiser, c’est prendre parti, c’est ce que je refuse, tout à coup je vais devenir le défenseur des uns ( …). Ce n’est pas moi qui vais désigner les bons et les méchants (…) En quoi ce que je pense moi-même à de l’importance ? » explique l’animateur de Ce soir ou jamais qui à en effet l’audace de s’effacer en laissant parler ses invités…
Le chroniqueur politique du Nouvels Obs s’arrête sur le cas de Jean Bricmont cité plus haut, que l’animateur refuse justement de contextualiser, alors que cet « essayiste » « demande l’abolition de la loi Gayssot». S’opposer à cette loi liberticide serait ainsi un signe certain de son infamie ? M. Petit ne dit pas à ses lecteurs que le refus de celle-ci n’est pas l’apanage des méchants extrémistes, mais aussi de très nombreuses personnalités au dessus de tout soupçon, comme Simone Veil, Pierre Vidal-Naquet… ou encore le fondateur du Nouvel obs, Jean Daniel.
Il donne aussi raison à la saillie ridicule de la piètre, et décidemment bien mauvaise Caroline Fourest, qui assénera dans cette émission de Canal Plus que la « ligne éditoriale (de Taddeï) est bien celle définie par Godard : L’objectivité, c’est cinq minutes pour les Juifs, cinq minutes pour Hitler». Et même « six minutes pour Hitler » précisera même l’hébergeuse de Femen, dans l’hypothèse bien improbable ou elle ne serait pas fait comprendre…
Comme le notait Bruno Gollnisch lorsqu’il était victime en août dernier des basses insultes de Frédéric Haziza, nous voyons ici à l’œuvre une parfaite application du point Godwin (ou loi Godwin). Mike Godwyn, avocat et écrivain américain, explique que « plus une discussion sur internet se prolonge, plus la probabilité de voir un intervenant comparer un autre (ou un des arguments échangés) à Hitler ou à des méthodes nazies s’approche de 1 ». Avec Mme Fourest le point Godwin est atteint tout de suite.
Le procureur Petit s’étonne pour finir « qu’il n’y ait pas un patron de France Télévisions pour (…) rappeler qu’être animateur sur le service public, c’est afficher une position, sans ambiguïté aucune, sur son attachement aux principes du système démocratique et républicain issu de 1789, quand bien même on peut, s’il le faut, accueillir dans un cadre contradictoire des ennemis de ces principes (…) ».« France 2, hélas, s’est fait une spécialité d’engendrer ces télévisuels monstres de Frankenstein... France 2 est l’antenne où se reproduit à la chaîne (jeu de mots) le chroniqueur réactionnaire et nationaliste, de Éric Zemmour dans On n’est pas couché de Laurent Ruquier, à Natacha Polony, dans la même émission, en passant par Élisabeth Lévy dans la Semaine critique de Franz-Olivier Giesbert».
« La concordance est frappante : la liberté d’expression que réclament les manifestants de Jour de colère épouse la conception que s’en fait Taddeï, donc France 2, chaîne qui ne dit mot et qui consent (…). La convergence est là, et bien là, inquiétante et ambiguë à la fois. Et elle explique, sans aucun doute, que la fachosphère et bien des extrémistes se retrouvent en première ligne dans la défense de l’émission de Taddeï. La posture a-républicaine (sic) de l’animateur de France 2, pourtant chargé par cette même République de défendre ses valeurs, rejoint celle dans anti-républicains de Jour de colère à Dieudonné ».
De l’article de M. Petit ressort de manière assez limpide, naïve même, la conception de la démocratie et de la république qui est celle de beaucoup de ses semblables et des autorités morales, que l’on peut résumer par cette boutade : nous n’avons jamais empêché personne de penser comme nous…, pour les autres ce sera plus dangereux et compliqué !
Cette polémique autour du concept de l’émission de M Taddéï en dit long sur la peur d’un Système décadent, sclérosé, qui perd chaque jour davantage son hégémonie sur les consciences, son emprise sur «le temps de cerveau disponible » de nos compatriotes. Le mauvais brouet européiste, cosmopolite, immigrationniste est devenu indigeste, trop déconnecté du réel vécu par les Français qui aspirent à autre chose.
Pour le pire comme pour le meilleur, internet est passé par là, apportant des audiences très conséquentes aux défenseurs d’une alternative politique, sociale, économique, culturelle. A titre d’exemple dans le domaine purement politique, la vidéo de la présidente du FN mise en ligne sur youtube le 13 janvier, « Marine Le Pen alerte les Français : nos libertés sont en péril » a d’ores et déjà été visionné plus de 216 000 fois.
Bref, la pensée unique mondialiste, déclinée dans ses différentes nuances, défendue par les sempiternels mêmes porte-paroles et autres spécialistes sur des médias parfaitement interchangeables, n’est plus acceptée comme une évidence. Et ça c’est une vraie bonne nouvelle.
http://gollnisch.com/2014/01/28/nous-navons-jamais-empeche-personne-de-penser-nous/