Alors que la limitation de vitesse pourrait passer à 80 km/h sur les routes, l'écrivain fait le bilan des normes qui existent en France et sur la planète. Bienvenue dans le Meilleur des mondes.
Le vieux fauteuil de cuir craquelé, le dernier polar dans une main, le fond de verre d'armagnac ou de cognac dans l'autre, les pieds allongés devant le feu qui danse joyeusement dans la cheminée et dans son panier le toutou fidèle qui fait de beaux rêves tandis que dehors, le vent siffle et le froid gèle à pierre fendre…
D'un coup, les bons clichés de nos petits bonheurs «à la française» viennent de s'envoler.
Un arrêté préfectoral bouillotte sur le poêle qui devrait interdire dès 2015 en Ile de France l'ancestral feu de cheminée qui a traversé les siècles, les régimes et même les révolutions. Pour notre bien, pour notre bien, braves gens! Ecolo, le feu de bois? C'est ce qu'on croyait naïvement mais nenni, chers petits lapins! Les grands humanistes qui surveillent jour et nuit l'air que nous avons le culot de respirer ont découvert que les cheminées à foyer ouvert balanceraient autant de particules fines dans l’atmosphère que le pot d'échappement des engins assassins à quatre roues qui défient dans les rues nos vélos libres, conviviaux et républicains .
C'est également en pleine conscience citoyenne qu'afin de respecter les besoins physiologiques des footballeurs, les communes vont devoir modifier la superficie des vestiaires, au prix de coûteux travaux ,dés qu'un club changera de division; ou que désormais l'immatriculation des Mercedes de classes A, B et C est interdite en raison de la nocivité de leurs gaz de refroidissement qui causent de graves dommages aux poumons de nationalité française mais, pour des raisons encore inexpliquées, aucun système respiratoire d’origine étrangère.
Réjouissons nous également que nos pouvoirs publics se soient enfin émus du danger que fait courir aux adeptes des arts martiaux le capitonnage insuffisant sur les murs des salles où ils pratiquent leurs sport.Les Français ayant pris un certain nombre de centimètres au fil des ans, il devenait urgent d'imposer les mesures appropriées.Le coût du relèvement du capitonnage pour les collectivités est évalué à la somme, fort modeste, de 5 millions d'euros, soit le coût d'un rond- point et demi.
Autre mesure qui s'imposait pour la santé de nos enfants: dans les cantines scolaires, le poids obligatoire de la saucisse est de 50 grammes et pour les oeufs durs, la portion est d'un quart d'oeuf pour les enfants de plus de 18 mois en crèche, un demi oeuf pour la maternelle, un oeuf entier pour les classes élémentaires et de 1 à 1,5 oeuf au collège. Les plateaux-repas et petits fours non consommés qui jusqu’ici étaient redistribués à des associations charitables devront être soit jetés , soit arrosés de détergents afin de les rendre impropres à la consommation.
Applaudissons enfin les recommandations qui nous sont faites de consommer du vin sans alcool, l'interdiction imposée aux coqs de chanter avant le lever du soleil dans des communes phares telles qu'Oléron Sainte Marie et Lalleu en Île et Vilaine ou le projet déjà bien avancé de bannir sur tout le territoire la pratique du barbecue dominical, qui représente un véritable danger pour notre vivre-ensemble.
Au dernier pointage, le Journal Officiel recensait 400.000 normes diverses sur lesquelles pèse une grave menace. En effet, à la demande du président Hollande, le gouvernement s'interrogerait sur la nécessité d'en réduire le nombre . Une aberration totale à laquelle, heureusement, nous devrions échapper, connaissant la sagesse des princes qui nous gouvernent.
Pas touche à notre modèle français, s'il vous plaît !
Nous sommes fiers et heureux d'être 65 millions à vivre dans une nurserie de zouzous qui jouent avec des éoliennes, sont nourris au biberon du sirop, équitable, de la chaîne citoyenne, de l'écoute à l'Autre, de la diversité, et de l'espace partagé. On y rénchante le monde, on y broie rien que du vert, on fait son lit sur un nuage et on se dit bonne nuit en s'échangeant des tas de bisous.
Nous sommes fiers et heureux de vivre dans une société solidaire et humaniste qui prend soin de notre santé en nous obligeant à mourir d'autre chose que du tabac, à bouffer cinq fruits et légumes par jour version bio, à siffler notre coup de tutu «avec modération», à devenir centenaire, à ne plus fonder de famille mais à «faire famille» , et à permettre à nos enfants de ne plus se sentir discriminés à l'école où les notes «encourageantes» devront remplacer les notes «vraies», c'est à dire les 2/20 et les zéros pointés infligés aux cancres .
Oui, nous sommes fiers et heureux qu'on nous mette dès le berceau un anneau dans le nez et que nous puissions fêter à longueur d'année, les mères, les pères, les grands-mères, les grands-pères, le vélo, la musique, les pompiers, les gardiens de prison, les évadés des centrales, le cinéma, les chevaux de trait, les ânes du Poitou, les trans et les bi, les autobus, les châteaux branlants, les premières dames, les esclaves morts il y a trois siècles, la guillotine et le gaz à tous les étages. En attendant la fête de la banqueroute et celle d'Alzheimer.
Après le devoir de mémoire, il ne nous reste plus qu'à être promus au bonheur à perpétuité. Certains disent, sous le manteau, que dans l'Histoire, tous ceux qui ont promis le bonheur sont ceux qui ont le plus massacré leurs semblables. Sûrement des ragots.
En revanche, nous devrions être plus exigeants. Nos gouvernants n'en font pas assez. En fouinant de ci de là, j'ai découvert que dans bien des domaines, nous avions beaucoup à apprendre de l'étranger, en matière de protection sociale et de joie de vivre.
Par exemple pourquoi ne pas faire comme dans cette ville du Colorado où il est interdit d'embrasser les femme qui dorment ; en Floride, de chanter en maillot de bain ; dans le Nevada, d'obliger les épouses à demander à leur mari l'autorisation de porter un râtelier; en Alaska, de punir ceux qui donneraient à boire de l'alcool à des souris; à Chicago, de pêcher à la ligne en pyjama ; à Eureka ,dans le Nevada, de coller une forte amende à tout moustachu qui embrasserait une dame sur la bouche; ou bien encore à Portland, de trainer devant les tribunaux les hommes qui chatouillent leur femme avec un plumeau.
Je signale aux chercheurs que des exemples comme ceux là, j'en ai des dizaines qui ont cours dans le monde entier. Savez -vous, par exemple, qu'en Grande Bretagne, les femmes n'ont pas le droit de manger du chocolat dans les transports publics ?
Rien n'arrêtant le progrès , le genre humain appartient aujourd'hui à une espèce protégée, tout comme le moustique de Camargue ou le requin-marteau. Dans sa sagesse, le législateur a toutefois prévu des exceptions. Il est par exemple permis aux hommes de se massacrer entre eux quand ça leur chante.