De Jean-Marie Guénois dans Le Figaro Magazine :
"L'Eglise de France traîne une mauvaise conscience. Elle regrette d'avoir «perdu» la classe ouvrière au cours du XXe siècle… Mais aujourd'hui, elle pourrait bien avoir perdu sa propre jeunesse! La cécité d'une partie des évêques à ne pas lire ce que leur vocabulaire appelle pourtant les «signes des temps» est accablante. Depuis des mois, en effet, des catholiques de base, jeunes ou vieux, essentiellement des familles, se sont mobilisés par centaines de milliers face à des évolutions de société voulues par le pouvoir socialiste. Cependant certains prélats, et non des moindres, font mine de ne pas voir ce mouvement…
Une partie des évêques a certes compris et accompagné cette indignation massive en encourageant ouvertement la résistance, et en allant même manifester en personne. Mais une autre, dont l'actuelle direction de l'épiscopat français, est restée sur la réserve. En considérant que l'enjeu-la survie ou la disparition de la cellule familiale composée d'un homme et d'une femme et de ses enfants-ne valait pas ce dérangement. Pour trois raisons. L'Eglise, selon eux, avait d'abord tout à perdre, en termes d'image, dans ce combat «perdu d'avance» et d'arrière-garde, parce qu'il importerait, aujourd'hui, de «faire avec» l'évolution de la société. En s'engageant, l'Eglise risquait ensuite, d'après eux, de se faire récupérer, dans un combat purement politique, par la droite et l'extrême droite. Certains évêques, enfin, plutôt bienveillants pour le gouvernement socialiste, ne voulaient pas gêner son action, considérant la question du mariage homosexuel comme un débat de société mineur.
Seul problème : en composant avec le politiquement correct, ces évêques perdent leur crédit chez une partie des catholiques, surtout chez les jeunes qui, loin d'être «réacs», sont devenus d'authentiques «rebelles». Des insoumis «intérieurs» qui n'entrent dans aucune catégorie politique, encore moins celles de l'extrême droite. Mais qui comprennent mal pourquoi la hiérarchie catholique est si réticente à s'engager franchement sur les grands sujets de société, préférant se réfugier dans le non-dit plutôt que de mettre sur la table les désaccords qui divisent entre eux les évêques. [...]
La discussion franche de Lourdes, le 8 avril, n'a rien changé. Si les évêques partent du même constat - la famille classique est battue en brèche par les évolutions de société -, les uns, comme les cardinaux Vingt-Trois et Barbarin et beaucoup d'évêques, tels Mgr Brouwet et Mgr Rey, pensent que c'est une raison de ne pas baisser les bras ; d'autres, comme Mgr Brunin, estiment que l'Eglise ne doit plus privilégier une vision unique de la famille, mais prendre en compte toutes ses formes en les mettant sur même plan. Cette prudence, voire cette peur, la jeune génération des catholiques français ne la comprend pas.