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L'ABCD de l'égalité : une utopie éducative

Lu sur le site des enseignants pour l'enfance :

"Première remarque, l’ABCD de l’égalité est une entreprise qui repose sur une conception restrictive de l’égalité des sexes. On pourra s’étonner, à la simple consultation du site internet qui lui est consacré, de n’y voir que des femmes. Celles-ci, pédagogues ou enseignantes, sont représentantes d’un féminisme unique, qui est le féminisme de genre. Ainsi, Claire Pontais, professeur agrégée d’EPS, est responsable d’une séquence intitulée « Danser : le Petit Chaperon rouge », qui a été recommandée par l’ A. R. G. E. F. (Association de Recherche sur le Genre en Éducation et Formation). De même, Geneviève Guilpain, professeur de philosophie qui explique dans une vidéo du site comment « former les enseignants à combattre les stéréotypes », se félicite, dans une interview donnée à l’association « Adéquations », d’ « aborder la question de genre dans la langue » et de poser à ses élèves la question qui suit : « Comment une langue genrée modèle-t-elle notre vision de la réalité ? » Enfin, Véronique Rouyer, interrogée par les promoteurs de l’ABCD au sujet de la « Construction de l’identité sexuée de l’enfant », a pu être auteur d’un ouvrage collectif intitulé Genre et socialisation de l’Enfance à l’âge adulte. Sans qu’il soit ici question de discuter de la pertinence de ces travaux, soulignons-en seulement la convergence idéologique : fondé sur une exclusivité des positionnements, l’ABCD de l’égalité, qui laissait espérer la possibilité d’une ouverture, laisse place à la réalité d’une fermeture. L’égalité promise en ce projet ouvre ses portes à un abécédaire de la partialité. [...]

Deuxième point, le programme, qui se donne pour ambition de changer les mentalités, déroge à la vocation de l’institution scolaire. [...]

Il est une chose enfin, sur laquelle nous aimerions conclure, à l’appui de l’expérience : l’ABCD de l’égalité, qui entend changer les consciences, est une chimère qui semble vouée à l’échec. Pour avoir participé à bien des projets de ce type, pour être entrés dans bien des expériences similaires, nous sommes en mesure d’affirmer qu’à l’école la vertu ne s’enseigne pas par des leçons, mais se montre par l’exemple. Quelque chose au contraire nous dit que, à vouloir empêcher la construction des identités par le discours, il est à parier que celle-ci ne s’établisse par des moyens détournés, qui seront autrement plus violents. Le petit garçon, qui se verra bousculé en son identité, ne sera-t-il pas tenté, quand l’adulte aura le dos tourné, de faire preuve comme il l’entend de sa virilité naissante ? La petite fille, dont on suspectera la féminité, n’éprouvera-t-elle pas le désir de se réfugier vers des stéréotypes caricaturaux et aliénants ? Vouloir éradiquer les repères qui construisent les personnes, c’est aussi prendre le risque de laisser à chacun d’imposer les siens par le fait de l’arbitraire. Égalitaire en sa visée, cet abécédaire inédit risque de susciter, dans les cours de nos écoles, bien des vocations de despotes. Ainsi, une égalité des sexes qui souhaiterait passer outre les archétypes aurait pour corollaire le retour d’un sexisme arrogant, endigué par nulle culture. « Le courage », écrivait Jaurès, « c’est d’aller à l’idéal et de comprendre le réel. » Privilégiant l’un, sans tenir compte de l’autre, les promoteurs de l’ABCD de l’égalité risquent de faire naître, au sein même de notre école, de grandes déceptions, probable prélude à d’imprévisibles colères. [...]"

Michel Janva

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