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Est-ce la faute de l'Europe ? (art du 23 mai)


Nous allons bientôt devoir opérer des choix décisifs, d'abord par notre vote puis par nos actes collectifs. Nous devrions en théorie nous prononcer entre deux, trois, on nous dit même cinq conceptions possibles de la gouvernance au sein de l'Union européenne.

Mais, dans la pratique cette campagne nous a interpellés, du fait surtout d'une certaine véhémence, d'avoir à nous prononcer contre notre appartenance à l'Europe et de lui préférer un glissement, observable à vue d'œil, vers la tiers-mondisation.

Sans doute faut-il, de toute manière, s'efforcer de voter. En particulier, on ne saurait s'abstenir à des élections si cruciales pour notre avenir. La très courte et très médiocre campagne de ce printemps n'est même pas parvenue à nous en dissuader.

Mais il faut aussi aller plus loin, se mobiliser durablement sur des principes et sur des vérités.

Reconnaissons quand même que l'on a entendu un nombre incroyable de sottises, ou de contresens. Il semble utile de les repérer et de contribuer à les corriger.

Certes, depuis plusieurs semaines les sondages hexagonaux relatifs au scrutin continental du 25 mai nous annoncent et traduisent le discrédit du personnel gouvernemental parisien. L'enjeu théorique et pratique de ce vote correspond à un choix que les gros médias centralisés voudraient réduire à bonnet blanc ou blanc bonnet.

Mais d'abord il faut quand même beaucoup d'aplomb pour appliquer cette vieille formule cynique, qui fit en 1969 le bonheur du communiste Duclos, aux deux plus notoires candidats : Jean-Claude Juncker et Martin Schulz représentent en effet des politiques fort différentes. Un de mes correspondants va aussi jusqu'à considérer Alain Lamassoure et Marielle de Sarnez comme deux clones. Quel mépris pour la différence des personnes, de leurs engagements, de leurs idées, de leurs propositions !

Certains considèrent aussi le Parlement européen comme une chambre d'enregistrement, ce à quoi, en 35 années de fonctionnement, il a totalement cessé de ressembler.

Le traité de Lisbonne, critiqué, perfectible, mais signé le 13 décembre 2007 et ratifié en France, grâce à un vote du Congrès le 4 février 2008, le transforme pratiquement en assemblée législative.

Le jour où l'on considérera que le Conseil des chefs d'États et de gouvernements constituerait le socle d'une sorte de Sénat, l'ordre constitutionnel continental se trouvera en état de marche largement démocratique, ou en tout cas aussi respectable que la constitution Debré-Capitant de 1958.

Revenons quand même aux sottises entendues et interrogeons-nous :

Parmi les choses évoquées on nous a parlé de la Paix.

Ce mot très vague désigne en général la période séparant deux conflits. Or, son emploi semble particulièrement peu approprié en un temps où, même sur notre continent, que nous pensons béni des dieux, les affrontements territoriaux se profilent à l'horizon. Les accords d'Helsinki de 1971 les avaient relégués aux oubliettes. Ils réapparaissent.

Les formes nouvelles de danger confèrent un rôle nouveau à l'arme dite du Renseignement : déstabilisations, réseaux, cyber-attaques, désinformations, actes de terrorisme, etc. On ne peut pas dire que les petits cochons roses et les petits hommes gris de nos bureaucraties et de nos salles de rédaction en aient pris la mesure.

Est-ce donc la faute des Polonais si l'indispensable effort de défense européenne n'a été évoqué pendant cette campagne par aucun appareil centralisé parisien. De Gaulle mettait en cause les gnomes de Zürich. Ses épigones aiment à fustiger la prétention des petits États à nous régenter. Les petits ? Ce sont tous les autres !

Est-ce la faute des Lituaniens si la gouvernance française se dégrade d'année en année, si le pouvoir hexagonal a délégué la rédaction des grandes lois nationales, beaucoup plus lourdes que les réglementations bruxelloises, aux bureaux ministériels parisiens ?

Est-ce la faute des Belges si notre enseignement républicain, nos écoles étatisées, laïcistes, égalitaristes en paroles, mandarinales en fait, servent surtout à reproduire les élites des différentes castes, dont la plus à gauche, la caste universitaire reste la plus fermée et la plus sectaire.

Est-ce la faute des Slovaques si notre monopole ferroviaire et de transports collectifs coûte infiniment plus cher que le rognage des quais de gare pour faire passer des trains fabriqués par le monopole lui-même déficitaire des locomotives.

Est-ce la faute des Autrichiens si les accords de Schengen, qui ne devraient pas permettre au scandale Leonarda de se renouveler, ne sont pratiquement jamais appliqués par l'administration française, laquelle ne parvient pas à limiter à 3 mois le séjour dans notre pays des Étrangers sans ressource.

Est-ce la faute des Italiens si la magistrature syndiquée libère les délinquants, absout les récidivistes et développe, au contraire, des tracasseries à l'encontre de tous ceux qu'elle affiche à son mur des imbéciles, employant à cet égard un mot beaucoup plus grossier.

Est-ce la faute des Finlandais si Paris devient une capitale de plus en plus sale et de plus en plus dangereuse.

Est-ce la faute des Tchèques si les syndicats de nos prétendus services publics en sabotent le fonctionnement.

Mais regardons aussi l'actualité.

Est-ce la faute des Allemands si ce 23 mai Mme Balkany peut être mise en examen avec une caution d’un million d'euros.

Est-ce la faute des Luxembourgeois si, pour 180 000 employés de la SNCF, plus d'un million de leurs parents, ascendants et conjoints bénéficient de tarifs privilégiés qui permettent de remplir fictivement les trains à grande vitesse dont on subventionne la fabrication.

Est-ce la faute des Chypriotes si nous sommes incapables de simplifier la réglementation franco-française, si nos hôpitaux se trouvent en situation de surendettement, si les alignements disgracieux le long de nos routes de poteaux électriques et de lignes téléphoniques dépareillés enlaidissent le paysage de nos campagnes.

Est-ce la faute des Croates si les socialistes français n'ont toujours pas accompli la rupture claire et nette avec le discours marxiste répudié par les sociaux-démocrates allemands lors de leur congrès de Bad-Godesberg.

Est-ce la faute des Anglais, des Écossais et des Gallois si nos technocrates, nos banquiers et nos syndicalistes agricoles ont pendant des années organisé le dépeuplement rural.

Est-ce la faute des Hollandais si un président de notre république au gracieux patronyme évoquant le pays des tulipes se révèle incapable de prendre une décision réformatrice.

Est-ce la faute des Espagnols si un Meyssier a pu si impunément s'emparer du contrôle de la Générale des Eaux et tromper les actionnaires de Vivendi.

Est-ce la faute des Portugais si nos médias s'ingénient à nous cacher la vérité, même quand il s'agit de la météo que l'on présente comme un ensemble de phénomènes s'arrêtant aux frontières de la république, comme on le fit aussi pour le nuage de Tchernobyl bloqué par la ligne bleue des Vosges.

Est-ce la faute des Lettons, des Hongrois, des Suédois, des Danois, des Estoniens et de leurs cousins finlandais si nous avons tant de tendresse historique pour le communisme.

On m'objectera que ce ne sont pas ces peuples pris isolement auxquels on prétend faire grief, mais aux institutions communes qui les rendraient, eux et leurs dirigeants stupides ensembles alors qu'ils ne commettent séparément aucune des fautes sur lesquelles nous nous interrogeons. Je reconnais d'ailleurs que leurs innocences respectives ont été énumérées par votre serviteur de façon aléatoire, interchangeable et pour tout dire, rhétorique.

On voudrait imputer sur l'avenir les fautes collectives de l'Europe et non les lumières nationales, sublimes, irréprochables, surtout quand il s'agit de la France, exempte comme chacun sait, comme chacun doit le savoir et le proclamer, de tout chauvinisme.

Des erreurs collectives de l'Europe, reconnaissons-en quelques-unes. Considérons à cet effet l'Histoire contemporaine du continent. (1)⇓

Deux siècles s'y sont écoulés depuis le traité de Chaumont de 1814. L'attitude généreuse et chrétienne du tsar Alexandre Ier, décidé à préserver la France, allait conduire à la Sainte-Alliance, scellée par le congrès de Vienne. Après 25 années de guerres révolutionnaires et napoléoniennes, de feu, de sang et de pillages les vainqueurs renonçaient à une paix punitive.

Erreur incontestable de n'avoir point sanctionné les jacobins à la mesure de leurs crimes, ce parti patriote qui se définissait dans le massacre de la Vendée. (2)⇓

On peut voir, néanmoins, dans cette indulgence sans doute un peu fautive, et dans ces traités de 1814 et 1815, le point de départ de l'idée européenne contemporaine. Pendant plus d'un demi-siècle l'Europe connut un essor et un rayonnement exceptionnels.

Celle-ci reprendrait un vieux flambeau qui ne s'était jamais vraiment éteint depuis le Moyen-Âge. Bien que victorieuse à Waterloo, l'Angleterre seule refusa d'ailleurs de se rallier à tout projet institutionnel. Bien vite elle concentra ses intérêts sur le Nouveau Monde et sur la Route des Indes.

Au titre des erreurs continentales, on regrettera sans doute aussi que toutes les commémorations de la première guerre mondiale ne remettent pas en cause l'erreur inverse. Elle fut commise à Versailles en 1919, sous l'influence des idées sectaires, vengeresses et jusqu'au-boutistes de Clemenceau, acharné à détruire l'Autriche-Hongrie et berçant ses compatriotes dans l'illusion que "l'Allemagne paierait". Cette politique, monstrueuse et stupide, permit à la dictature soviétique de survivre à ses innombrables échecs. Elle conduisit au second conflit mondial et aux horreurs que l'on sait. Merci à Clemenceau, bravo à ses admirateurs.

Faut-il continuer ? Acceptera-t-on enfin de guérir ce pays de son jacobinisme ? La vraie faute des Européens consisterait à ne pas l'imposer. La faute des Grecs, je ne les oublie pas, car qui aime bien châtie bien, c'est d'être si longtemps demeurés à l'école du modèle socialiste français. Ils s'en guérissent mais à quel prix ! La faute des Français enfin consiste à ne pas se corriger eux-mêmes.

JG Malliarakis

Apostilles

  1.  cf. Suivons ici le conseil de l'historien britannique Philip Mansel : "d'abord il vous faut oublier pré¬jugés nationaux et préjugés politiques pour revenir en 1814, quand les choses sont bien moins définies, surtout en 1814, dirais-je, car il n'y a pas d'histoire française, il n'y a qu'une histoire européenne."cf. sa conférence "Louis XVIII, la Restauration, l'Europe et la Liberté"donnée le 26 mars à l'invitation de l'institut Duc d'Anjou, du Centre d'études historiques et de Vexilla Galliæ, retranscrite dans l'excellent Lien Légitimiste n° 56 mars-avril 2014 p. 11. 
  2.  cf. Histoire de la Vendée militaire de Crétineau-Joly. 

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http://www.insolent.fr/2014/05/est-ce-la-faute-de-leurope-.html

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