"Je souhaite qu'aucun conseiller de Paris ne soit locataire d'un logement attribué par la Ville ou un de ses bailleurs", tweetait Anne Hidalgo en décembre 2013. Quelques heures plus tôt, Mediapart révélait que cinq adjoints de Bertrand Delanoë occupaient un logement social. Six mois plus tard, rien n'a changé ou presque. Des élus de Paris, à l'image d'Antoinette Guhl, adjointe EELV à l'économie solidaire, continuent de bénéficier des mêmes avantages. À une différence près : Anne Hidalgo a fait du logement sa grande priorité. Pas plus tard que lundi 23 juin, la maire présentait sa nouvelle politique du logement. Parmi les mesures phares ? Un nouveau système d'attribution des logements sociaux. Son but ? Rendre "plus fiable, juste, transparente et lisible" l'attribution des logements.
Obtenir un logement social à Paris relève de l'exploit. Et pour cause, il faut compter en moyenne 42 mois d'attente. En 2013, 148 000 Parisiens ont déposé un dossier en vue de l'attribution d'un logement social, selon la DRIHL (Direction régionale et interdépartementale de l'hébergement et du logement). Seuls 12 000 d'entre eux ont obtenu une réponse favorable. Un faible taux qui n'empêche pas certains privilégiés de continuer à profiter de ces logements trop rares. Précision importante, à l'exception de Raphaëlle Primet, les élus incriminés sont tous locataires de logements sociaux financés par un prêt locatif intermédiaire, dit PLI. Une catégorie réservée aux familles dont le revenu annuel est compris entre 41 434 euros et 118 782 euros.
113 mètres carrés pour 1 900 euros, une affaire en or
Antoinette Guhl, adjointe à mairie de Paris et conseillère générale, occupe un appartement géré par la Régie immobilière de la Ville de Paris (RIVP) dans le 20e arrondissement. Dans cette résidence, calme et arborée, située à deux pas de Ménilmontant, elle bénéficie de l'un des plus grands appartements, à en croire ses voisins. Mais l'élue a bonne conscience. Selon les informations du Point.fr, c'est son mari qui a obtenu en 2001 ce logement en tant que fonctionnaire au ministère de l'Agriculture. L'appartement faisant partie du contingent préfectoral réservé à ces mêmes fonctionnaires. Le cumul des avantages ? Et des scandales... Contactée, Antoinette Guhl n'a pas donné suite à nos sollicitations.
Pas plus bavard, Didier Guillot, conseiller municipal PS du 18e arrondissement, n'a pas jugé utile de répondre à nos questions. Déjà épinglé par Mediapart (article payant) en 2013, cet élu vit depuis 2000 dans un appartement de 113 mètres carrés, géré par la RIVP, loué 1 900 euros. Dans le privé, il lui en coûterait au minimum 2 500 euros. Chose aggravante, il s'agit là de son deuxième logement social. Didier Guillot avait obtenu le premier en 1997 alors qu'il était salarié du conseil régional d'Ile-de-France.
Conseillère de Paris déléguée à la petite enfance et à l'innovation citoyenne, Anne-Christine Lang bénéficie d'un logement social dans le 13e arrondissement parisien. Obtenu en 1999, lorsqu'elle n'exerçait aucun mandat, cet appartement de 110 mètres carrés serait là encore loué à un prix inférieur à celui du marché. "Vous arrivez trop tard. Je suis déjà dans mes cartons", ironise-t-elle. Anne-Christine Lang a en effet prévu de quitter les lieux en juillet 2014. Une décision motivée par le départ du foyer familial de ses trois enfants et par sa nouvelle fonction de parlementaire. L'élue du 13e arrondissement ayant hérité en mai 2014 du siège de Jean-Marie Le Guen à l'Assemblée nationale, nommé dans le gouvernement de Manuel Valls.
La précarité d'un mandat politique
Mais tous ne sont pas aussi pressés de quitter leur logement. Conseillère Front de gauche de Paris et conseillère générale, Raphaëlle Primet occupe un appartement HLM "de base" dans le 20e arrondissement de Paris. Contactée par Le Point.fr, elle s'en défend : "Ma situation est très particulière. Mon mari est chômeur de longue durée. Je dois bientôt passer devant une commission. Il se peut que je sois contrainte de payer un surloyer", se justifie-t-elle. Mais Raphaëlle Primet n'est pas prête à quitter cet appartement obtenu au bout de dix longues années d'attente. Partir reviendrait à trahir ses électeurs. "Cette mesure (voulue par Anne Hidalgo, NDLR) est injuste et populiste", conclut-elle.
Les élus de gauche ne sont pas les seuls à bénéficier de logements sociaux. Dans l'opposition municipale, Nathalie Fanfant, élue UMP du 20e arrondissement, bénéficie elle aussi d'un logement géré par la RIVP dans le 19e arrondissement. Jointe par Le Point.fr, elle indique être à la recherche d'un bien dans le privé. Mais pour l'heure, elle n'a pas dégoté la perle rare. La faute aux loyers prohibitifs. "Me priver de mon appartement reviendrait à interdire la politique à toutes les personnes gagnant moins de 10 000 euros par mois", réplique-t-elle. Avant de raccrocher, Nathalie Fanfant tient à rappeler "la précarité d'un élu pour qui une réélection n'est jamais assurée". Une précarité politique à 4 186 euros bruts par mois.
Du côté de l'Hôtel de Ville, tout est fait pour minimiser la situation : "Dès le premier conseil de Paris de cette mandature, nous avons fait voter une charte de déontologie très claire en la matière. Les élus ont quatre mois pour la signer. Dès l'été, une commission de déontologie va étudier au cas par cas les situations des conseillers de Paris. Elle sera saisie en priorité de la situation de ces élus. Nous leur demandons de lui fournir toutes les explications nécessaires. Si une irrégularité est constatée, il leur sera demandé de se mettre sans délai en conformité." Mais rien ne les obligera à faire leurs bagages. Ces élus ont obtenu leur appartement en toute légalité. Si bien qu'ils ne semblent pas réaliser l'ampleur du conflit d'intérêts dont ils se rendent coupables aux yeux des électeurs. C'est à croire que la Mairie de Paris est aveugle.
Source
http://www.oragesdacier.info/2014/07/ces-elus-de-paris-qui-beneficient-de.html