Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

Aux sources du capitalisme indien

Aujourd’hui la 10e puissance mondiale en termes de valeur nominale du PIB, l’Inde reste largement absente des travaux comparatifs sur les variétés du capitalisme contemporain. L’historien de l’économie Claude Markovits revient ici sur le rôle du colonialisme, de la diaspora ou encore de la caste sur l’évolution de l’industrie et du capitalisme en Inde.

Quel a été l’impact de la période coloniale britannique sur le développement de l’industrie et l’expansion du capitalisme après l’indépendance ?

Claude Markovits: C’est une idée fort répandue en Inde que l’héritage de la période coloniale a pesé lourd sur le développement industriel et l’expansion du capitalisme après l’indépendance. Mais, quand on cherche à définir plus précisément les aspects négatifs de l’héritage colonial, on se heurte à certaines difficultés.

La vulgate nationaliste indienne associe la période coloniale à un processus de «désindustrialisation », qui renvoie surtout au déclin de certaines productions artisanales, en particulier dans le textile. Cette question a fait l’objet de nombreux débats dans les années 1980, mais la notion de désindustrialisation a été contestée plus récemment par Tirthankar Roy (Roy, Traditional Industry in the Economy of Colonial India, Cambridge UP, 1999), qui a souligné la résilience de certains secteurs artisanaux.

Par ailleurs une assez puissante industrie moderne s’est développée en Inde à partir du milieu du XIXe siècle, d’abord dans le textile, puis dans d’autres branches (sidérurgie avec les usines Tata inaugurées en 1911, cimenteries, sucreries). Bien que les capitaux britanniques aient joué un rôle dominant dans certains secteurs comme l’industrie du jute, c’est le capital indien qui a été le moteur principal de ce processus de développement industriel colonial, et la période 1860-1947 a vu la naissance d’un certain nombre de grands groupes capitalistes, dont les deux plus connus sont Tata et Birla.

Capitalisme et domination coloniale

À l’indépendance donc l’Inde était le seul parmi les pays coloniaux à disposer d’une certaine infrastructure industrielle et d’une classe d’entrepreneurs déjà ancienne.

Cependant cette avance apparente masquait des déséquilibres profonds, dont le poids allait se faire sentir de façon durable. L’Inde restait un pays agraire, et l’archaïsme des structures agraires mises en place pendant la période coloniale constituait un formidable obstacle au développement d’une économie moderne.

L’industrie, après des débuts difficiles, s’était largement édifiée à partir de 1918 à l’abri de barrières douanières, et était donc peu compétitive au niveau international. Par ailleurs la plupart des branches avaient une structure fortement oligopolistique, qui faisait obstacle à l’entrée de nouveaux venus.

Enfin le secteur industriel était largement aux mains de firmes qui opéraient selon une logique plus financière qu’industrielle, et le secteur bancaire, pour sa part, encore dominé par des intérêts étrangers, n’était pas du tout orienté vers le soutien à l’industrie. Donc la nature même du secteur capitaliste privé qui s’était édifié pendant la période coloniale le rendait peu à même d’enclencher un processus de développement rapide.

Lire la suite

Les commentaires sont fermés.