Journaliste et écrivain, rédacteur en chef du bi-mensuel catholique conservateurL’Homme nouveau, Philippe Maxence est également l’un des meilleurs connaisseurs français de l’œuvre de Gilbert Keith Chesterton (photo). C’est afin de mieux connaître ce penseur original et profondément iconoclaste que nous avons souhaité interroger Philippe Maxence.
Propos recueillis par Pierre Saint-Servant
Pourquoi Chesterton, vivant dans l’Angleterre de 1900, a priori peu concernée, s’est-il préoccupé de l’Islam ?
D’abord parce que l’Angleterre étant un empire, était confrontée directement à la réalité de l’islam. Mais l’aspect prophétique de Chesterton tient au fait d’avoir compris que l’islam étant par nature une religion conquérante, menacerait les vieilles nations occidentales chez elles. Mais il faut aller plus loin : il voyait aussi que notre propre lâcheté favoriserait cette conquête. Il a vu que le libéralisme ferait tout pour permettre à l’islam de pénétrer chez nous, ou pour le laisser pénétrer chez nous, dès lors que les intérêts financiers s’en trouveraient confortés. C’est le cas aujourd’hui. Le patronat a fait appel massivement aux immigrés dans les années 1970. Et, aujourd’hui, nous sommes confrontés à une alliance objective entre les grandes surfaces et l’islam qui passe par la vente des produits halal.
Chesterton s’attaque à l’islam avant tout en tant qu’hérésie, en faisant un parallèle avec l’unitarisme britannique très vivace à son époque, pouvez-vous développer ce point ?
Au fond de toute erreur politique se trouve une erreur théologique. C’est fort de cette conviction que Chesterton aborde l’islam, qui est d’abord une religion. L’unitarisme n’était pas particulièrement répandu en Angleterre à l’époque, mais il se trouve que venant de l’unitarisme, avant sa conversion, Chesterton perçoit que l’islam est une hérésie chrétienne et que cette hérésie refuse toute idée de relation en raison même de sa conception de Dieu. Au Dieu unique en trois personnes des chrétiens, l’islam comme l’unitarisme, hérésie chrétienne, oppose le Dieu unique et seul. Son passé unitarien permet à Chesterton de saisir l’essence même de l’islam.
Il voyait aussi que notre propre lâcheté favoriserait cette conquête. Il a vu que le libéralisme ferait tout pour permettre à l’islam de pénétrer chez nous, ou pour le laisser pénétrer chez nous, dès lors que les intérêts financiers s’en trouveraient confortés. C’est le cas aujourd’hui. Le patronat a fait appel massivement aux immigrés dans les années 1970. Et, aujourd’hui, nous sommes confrontés à une alliance objective entre les grandes surfaces et l’islam qui passe par la vente des produits halal.
Il décrit ailleurs l’islam comme“un théisme forcené qui ne voit partout que la divinité et qui renie complètement les principes de la personnalité et de la volonté humaines”. Ce dont le djihadisme actuel donne un cruel exemple aujourd’hui …
Oui, effectivement. Il y a une pesanteur de la divinité dans l’islam alors que Dieu dans le christianisme, en s’incarnant, sauve l’homme et le restaure dans son innocence. Le djihadisme est toujours au terme d’un islam qui s’impose de plus en plus, même si au point de départ, il peut apparaître comme pacifique et tolérant.
Le musulman est celui qui fondamentalement “offre aux hommes le choix entre le Coran et l’épée”. Au-delà de la théologie, n’est-ce pas cette dimension liberticide qui repousse le fils de la civilisation européenne qu’est Chesterton ?
Ce n’est pas au-delà de la théologie ! La vision théologique que Chesterton pose sur l’islam lui permet d’en saisir le fondement irréductible. Irréductible parce que théologique. Seul un regard vraiment théologique sur l’islam permet de comprendre la profondeur de ce danger.
Dans le petit florilège que vous donnez dans votre ouvrage, vous consacrez une entrée au mot “frontière”, que ne connait justement pas l’islam. N’est-ce pas un fait que devraient considérer tous les apôtres de la “réconciliation” et de “l’union des croyants” qui font ici preuve d’autant de naïveté que la gauche bobo mondialisée ?
Oui, vous avez raison ! Dans l’islam, la seule frontière qui existe est celle entre la communauté des croyants et le reste du monde. L’unicité anti-trinitaire de la conception de Dieu dans l’islam l’empêche de saisir ce qui relève du Ciel et ce qui est de la terre, et de travailler à l’union des deux. Comme le dit Chesterton, la seule paix que connaît l’islam est la paix des cimeterres qui conduit à la paix des cimetières.
Première partie de l’entretien