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Fred, ancien boulanger : "Comment je suis devenu zadiste à Sivens"

Ancien militaire puis boulanger à Toulouse, Fred, 35 ans, est devenu zadiste à Notre-Dame-des-Landes puis à Sivens, où le combat contre le barrage lui paraît «le plus louable qui soit». 

C'est lui qui le dit : «Je ressemble à un flic.» Coupe militaire et blouson noir, Fred ne colle en rien à l'image chevelue qu'on se fait des zadistes. Comme quoi, il faut se méfier des clichés. Et pourtant cela fait huit mois que ce Brestois de 36 ans a intégré la «zone à défendre» (Zad) du Testet à Lisle-sur-Tarn. Le combat contre le barrage de Sivens ? «C'est le plus louable qui soit», considère le zadiste. Il ne l'a pas toujours été. Dans une autre vie, Fred fut boulanger, puis militaire (dont il a gardé la coiffure sans un cheveu qui dépasse), puis à nouveau boulanger à Toulouse. Sa prise de conscience qu'un autre monde est possible, avec le passage à un mode de vie plus pauvre, est venue «en tenant une soupe populaire à Toulouse. Le soir, je retrouvais mon appartement avec ma télé à 2000€. Je me suis dit que je n'étais pas en accord avec les gens qui sont dehors. J'ai voulu être plus utile, tout en étant plus libre. J'ai commencé par faire une marche de 800 km, en 2012. J'ai passé six mois à Madrid avec les indignados. J'ai compris qu'en étant unis, on est plus forts. Puis j'ai tenu pendant six mois une soupe populaire avec un pote à Paris.» 

«Sans cesse expulsé» 

Franchissant un nouveau cap, le jeune Breton a rejoint les occupants qui luttent contre l'aéroport de Notre-Dame-des-Landes à Nantes, où il est resté six mois avant d'embrayer sur Sivens. Fred a découvert la vie à la fois «très difficile» et exaltante des Zad. «Tu es réveillé à 5 heures du matin par les flics. Sans cesse expulsé, on te détruit tout ce que tu as construit et il faut recommencer. Sans compter les poursuites judiciaires. À Nantes, j'ai été jugé pour violence avec arme et rébellion. Je n'avais que l'appareil de photo, qui ne me quitte jamais. Devant le juge, j'ai demandé : où est l'arme ? J'ai quand même pris deux mois de prison avec sursis. Parmi les zadistes, tu en as 90 % qui sont là pour construire et 10 % pour en découdre. En général, ce sont les moins violents qui se font prendre. Ceux qui font le coup de main se retirent plus vite, car ils ont anticipé. Zadiste, c'est très fatigant au quotidien. Certains ne tiennent pas et sont obligés de partir se reposer avant de revenir. En regard de ça, tu as une fraternité extraordinaire. Tous ceux qui viennent pour la première fois aiment aussitôt et veulent rester. C'est une société sans chef et qui fonctionne quand même. Il y a des petits conflits, comme partout, mais ça se gère. Autogestion et respect, ce sont les maîtres mots. Les zadistes se regroupent par affinités, il y a plein de courants : hippies, carnivores, végans, ceux qui ne veulent rien utiliser qui provienne d'un animal, etc. Moi, je ne suis ni végétarien, ni écolo. Je me considère seulement comme citoyen. Pour moi, la citoyenneté, ce n'est pas seulement voter tous les cinq ans… C'est tous les jours. Fier de ce que je fais, je pense au monde que nous allons laisser à nos enfants. Dans trente ou quarante ans, le pétrole se raréfiera. Il y aura de plus en plus de conflits, pour la nourriture, pour les ressources. Nous travaillons à une transition douce», d'abord en préservant les terres. 

«Présence légitime» 

Si l'occupation est illégale, Fred réplique qu'à ses yeux, «tout ce qui se fait ici à Sivens est illégal, la moitié du déboisement sans compter le conflit d'intérêts avec la triple casquette d'André Cabot (conseil général du Tarn, CAGG et agence de l'eau Adour-Garonne). C'est ce qui rend notre présence légitime. Dès que ces points seront réglés, on s'en ira. Nous ne sommes pas là pour chercher un toit.» 

«Toujours plus de Zad» 

Pour lui, le phénomène zadiste n'en est qu'à ses débuts : «Les politiques ont peur de nous, et ils ont raison, car on les remet en cause dans leur pratique du pouvoir. Il y aura de plus en plus de Zad. C'est une contagion. Des Grecs, des Espagnols, des Portugais, viennent nous voir pour faire des Zad chez eux. Pour arrêter le mouvement, il faudrait que les politiques cessent de penser à court terme, et pour eux-mêmes. Si c'était le cas, les Zad disparaîtraient, d'un claquement de doigts…»

Source

http://www.oragesdacier.info/

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