Manuel Valls a raison de mettre en garde : la politique française n’est plus un jeu qui se joue à deux et où, à la fin, c’est le PS ou l’UMP qui gagne. Une tribune de Philippe Guibert, ancien directeur du SIG.
La sphère politico-médiatique continue de tourner sur elle-même comme si le FN n’était qu’un mauvais cauchemar et que la politique française demeurait ce jeu qui se joue à deux, et où, à la fin, c’est l’UMP ou le PS qui gagne. Manuel Valls a eu raison de mettre en garde : oui, Marine Le Pen devient une vainqueur possible de la présidentielle 2017.
Le FN incarne l’alternative, et la seule, dans un moment d’affaiblissement historique de la démocratie française et du clivage gauche-droite. Il est l’expression d’une rupture profonde dans l’allégeance à notre système politique, fondé sur l’alternance gauche/droite, soutenu par les grands médias d’opinion comme par la haute fonction publique. Comme le PCF en son temps, il incarne une véritable contre-société, mais à l’intérieur cette fois d’un pays qui doute profondément de son modèle économique et social comme de sa vie politique, et ce, bien au-delà de l’électorat du FN.
Là est le danger : un FN qui fait écho à une déception et à une désorientation politiques qui vont bien au-delà des électeurs lepénistes, lesquelles s’expriment pour le moment à travers l’abstention.
La fin des duels droite/gauche
La Ve République était parvenue à faire du duel droite/gauche le cadre démocratique privilégié de notre vie politique. Cette période s’achève.
Les élections départementales, avant les régionales, vont constituer une étape supplémentaire dans la déstructuration de ce clivage.
Au premier tour, tout d’abord, où en pourcentage des exprimés, le FN risque de progresser par rapport aux européennes (24,9%), pour obtenir le résultat le plus élevé de son histoire. L’alliance entre l’UMP et l’UDI peut certes leur permettre d’égaler voire de le dépasser (c’eût été le cas aussi aux européennes, s’ils s’étaient alliés). Il n’empêche, un parti « hors système » qui approcherait des 30%, seul le Parti communiste y était parvenu, dans ses plus belles années d’immédiat après-guerre (28,2% en 1946, lors d’élections législatives).
Mais ce n’est pas tout : le FN va devenir, de fait, un acteur majeur de second tour, ce qui est nouveau et peut-être plus décisif encore.
Le changement profond que portent ces départementales, c’est en effet le grand nombre de duels de second tour où le FN sera présent : les duels FN contre UMP ou PS risquent d’être au moins aussi nombreux que les classiques duels gauche/droite. La règle de qualification de 12,5% des inscrits provoquera, le plus souvent, l’élimination des candidats arrivés en troisième position –qui sera rarement celle du FN. Jusqu’à présent, celui-ci a presque toujours été battu en duel, quel que soit son opposant, grâce à un sursaut électoral, notamment des électeurs de gauche, comme on l’a vu dans le Doubs. [....]
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