Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

La droite a eu tort de ne plus défendre la Nation, l'autorité, l'identité, la souveraineté

A l'occasion de la sortie de son livre De gaulle au présent, Henri Guaino a accordé un long entretien à FigaroVox. Extraits : 

"[...] L'idée de fusionner tous les peuples européens, toutes les nations européennes en un seul peuple, en une seule nation, au mépris de l'Histoire, de la culture, ne conduit qu'à la révolte des citoyens, à la crispation identitaire et à la résurgence des populismes et des extrémismes dans une Europe qui avait pourtant douloureusement appris les leçons de l'entre-deux-guerres. L'échec se lit dans la politique internationale et le conflit entre la Russie et l'Ukraine où l'Europe et les Etats-Unis n'ont pas pris en compte la géographie et la culture. L'échec est encore dans le chaos du Moyen-Orient qui ne cesse de s'étendre. Dans la politique économique on a occulté les leçons de la grande crise et celles du volontarisme gaullien des 30 glorieuses. L'idée selon laquelle l'économie est une force contre laquelle on ne peut rien conduit également à l'échec qui se reflète dans le désordre financier, monétaire, social et politique. Au regard des crises que nous affrontons le volontarisme gaullien retrouve toute sa valeur face au laisser-faire et au laisser-aller. Jamais peut-être, depuis les années 70, la combinaison, qui avait eu tant de succès au début de la Ve République, entre le Colbertisme et une forme civilisée de libéralisme, cette capacité à combiner initiative privée et publique, à chercher à maitriser la situation économique, plutôt qu'à la subir n'a été autant d'actualité alors que l'Europe est le continent du monde où la dépolitisation de l'économie est la plus avancée. 

Derrière la polémique du volontarisme, la question qui a toujours été au cœur de la démarche gaullienne,celle de la souveraineté des peuples,est de nouveau posée à tous les responsables politiques. Les peuples peuvent-ils toujours se gouverner, écrivent-ils leur propre histoire ou cette histoire est-elle écrite par d'autres? C'est la question la plus grave de ce début de XXIe siècle qui conduit à la montée de tant d'extrémismes. [...]

Mais, la droite, peut-être tétanisée par Mai 68 et contaminée par la vague libéralo-libertaire qui a submergé l'occident,a eu tort de ne plus défendre suffisamment, pendant des décennies, la Nation, l'autorité, l'identité, la souveraineté du peuple. Il est clair aussi que le volontarisme gaullien et la morale gaullienne ont déserté la vie politique française. Il est clair que de plus en plus la pratique politique s'éloigne de celle de la République gaullienne pour se rapprocher de celle de la fin de la IVe République. [...]

L'Europe ne pouvait pas se construire contre ces derniers. Elle ne peut pas se construire dans la négation totale de la souveraineté des peuples qui la composent. Elle ne peut pas se construire sur les ruines des identités, des cultures et des histoires nationales.Il faut être capable de dire «non» lorsque c'est nécessaire, ce qui oblige tout le monde à faire des efforts pour trouver de nouveaux accords. Etre capable d'opposer un refus à ce qui menace d'asservir une personne ou un peuple, voilà, la première leçon du Gaullisme qu'on pourrait appliquer à la refondation de l'Europe. Ce n'est d'ailleurs pas seulement vrai pour l'Europe.Est-on obligé d'accepter tous les diktats de la finance et du libre-échange?Lorsque le traité transatlantique va être mis que la table, nous ne serons pas obligés de tout accepter. Nous ne sommes pas obligés d'accepter de nous ouvrir lorsque les autres ne s'ouvrent pas, d' accepter que les charges sur les travailleurs détachés soient calculées selon les règles du pays d'origine, ni d'accepter la disparition totale des frontières, ou de renoncer à notre mode de vie, à nos valeurs, à nos principes: «Seul l'esclave dit toujours oui!» [...]

Comme le disait déjà le général de Gaulle, aujourd'hui, les féodaux ne sont plus dans les donjons, mais dans les partis, dans les groupes de pression et dans les médias. Ils sont aussi dans les principautés qu'on est en train de faire renaitre à travers ces régions soi-disant de taille européenne.Les féodalités sont dans les autorités indépendantes, dans les bureaucraties, dans les organisations qui prétendent s'exprimer au nom de minorités ou de communautés, dans les corps intermédiaires lorsque ces derniers sortent de leur rôle, lorsqu'ils confisquent la parole et la souveraineté du peuple.Lorsque l'institution judiciaire s'érige en contre-pouvoir en guerre contre le pouvoir politique, elle devient une féodalité qui confisque la démocratie. C'est ce qui s'est passé avec les conséquences dramatiques que l'on sait, à la fin de l'ancien régime avec les Parlements qui étaient les cours de justice de l'époque. C'est pour empêcher cette dérive que le général de Gaulle a voulu l'élection du président de la République au suffrage universel et le référendum. Cela a provoqué à l'époque l'opposition violente de tous les corps intermédiaires qui ont hurlé au Césarisme et à la forfaiture. Ils sont, bien sûr, nécessaires à l'équilibre de la société. Mais le fait est qu'ils ont repris une place excessive au fur et à mesure que reculait l'autorité de l'Etat. Ils font de nouveaux écrans entre le souverain et le peuple rendant indispensable un retour à la pratique référendaire. 

Comme sous l'ancien régime, cela peut-il mal se terminer? 

Quiconque ne voit pas que la profondeur des crises, la colère et la souffrance de tant de Français et tant d'Européens peut mal se terminer, et même très mal, est aveugle. Ceux qui ne mesurent pas l'importance des questions intellectuelles et morales qui sont posées aujourd'hui à la politique et l'impérieuse nécessité qui lui est faite d'y apporter des réponses ne comprennent rien à l'état de la société et conduisent la France et l'Europe à l'abîme. L'urgence n'est pas seulement de reconstruire la République mais aussi de reconstruire une Nation tant l'effritement de la société, la balkanisation du pays, le désordre qui s'installe dans toutes les institutions mettent en péril notre capacité à bien vivre ensemble, à être solidaires, à assumer un destin collectif."

Michel Janva http://lesalonbeige.blogs.com/my_weblog/web.html

Les commentaires sont fermés.