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La France sans tête de Manuel Valls (1789-2015)

Toujours en campagne, Manuel Valls a deux axes de discours : la lutte contre le Front national ; et la mise des religions sous la tutelle de la laïcité. Ce que le premier ministre appelle ainsi des valeurs, et qui ne sont que des affirmations négatives, ne saurait fonder, comme il le prétend, un programme, fut-il électoral. D'autant qu'il a, de la France, une vision réductrice.

Parmi ces rencontres à but électoral que Manuel Valls affectionne désormais, et qui font toute sa politique, il est allé, début mars, à la rencontre des responsables musulmans de Strasbourg. Le choix du lieu n'avait rien d'innocent, puisque c'est là que réside Francis Messner, ce spécialiste du droit des religions, auquel il avait commandé un rapport lorsqu'il était encore place Beauvau, rapport qui préconise notamment de renforcer la formation à la laïcité des responsables religieux.

En l'espèce, le premier ministre est à son affaire, et peut appeler à la création d'un « islam de France », qui soit, dans son esprit, un islam soumis à la laïcité.

L'examen de conscience de l'islam

« Les choses petit à petit se structurent. Des mosquées plus grandes, plus dignes, se sont construites », affirme, avec satisfaction, Manuel Valls. II appelle, en réponse, l'islam à « faire son examen de conscience » - pratique qu'on ignorait appartenir aux rites des sectateurs de Mahomet -, et leur demande notamment de faire en sorte que « ce réflexe consistant à demander le soutien d'Etats étrangers se perde ». Comme si l'islam n'était pas, pour ses fidèles, au-dessus des nations.

Mais c'est ainsi que Valls comprend un « islam de France » : une intégration dans la société française « avec ses valeurs ». Qui sont, pour le premier ministre, l'affirmation de l'égalité hommes-femmes, et le droit de croire et de ne pas croire. Pour y parvenir, il est prêt à mettre « des moyens » au service de la formation qui est « la clé d'un islam qui se construit en France, en toute indépendance, libéré d'influences néfastes ». Et tout particulièrement de « l'obscurantisme » - qui est bien, dans son esprit, l'exercice d'une religion hors de la laïcité. Autrement dit, il faut libérer les religieux de ce qui fait le fondement même de la religion. Mais ça, Manuel Valls ne peut pas le comprendre.

Et de dénoncer, pour enfoncer le clou, « la montée de l’islamisme radical et la montée de l'extrême droite, (...) deux dangers majeurs qui se nourrissent l'un l'autre », et contre lesquels « la seule réponse, c'est la laïcité ».

A l'intention des naïfs, précisons tout de suite que la laïcité de Manuel Valls est une laïcité militante, une laïcité de combat : « La France est la seule démocratie occidentale dont l'identité politique moderne s'est construite contre la religion. »

Au moins, les choses sont claires, il ne lui manque sans doute, pour être Robespierre, que la machine du bon docteur et jésuite Guillotin. Mais il lui reste, en définitive, la possibilité de mener des inventaires non plus de patrimoine, mais des esprits.

Certes, il n'est pas faux que la démocratie française moderne se soit construite contre la religion, et même dans le sang des catholiques. Mais réduire la France à cette république, revenir à l'an I, c'est revenir à la Terreur, en laissant de côté le baptême de Clovis, la longue cohorte des saints et le « blanc manteau » d'abbayes, de couvents et d'églises ; c'est décapiter la fille aînée de l'Eglise.

La laïcité de Manuel Valls, c'est ni plus ni moins que la fille reconnue de la déesse Raison...

Traiter le musulman comme le catholique ?

Mais, ce faisant, espérant et revendiquant, le premier ministre commet une toute petite erreur d'anachronisme : nous sommes au XXIe siècle, et il paraît pour le moins délicat de comparer les musulmans de 2015 aux catholiques de 1792, ou même de 1905. On ne peut comparer la bible au coran, ni le dogme catholique à la charia, dans laquelle le seul martyr musulman qui soit est celui qui meurt en tuant les infidèles. Et, assurément, aux oreilles du dernier des fils d'Allah, le discours de Manuel Valls sonne comme celui d'un infidèle.

 

Olivier Figueras monde & vie  18 mars 2015.

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