Alors que Jean-Marie Le Pen annonce la création d'un nouveau mouvement, ses partisans de la première heure se déchaînent contre sa fille, avec une extrême virulence.
Leurs langues se sont déliées. Ils, ce sont les adversaires de Marine Le Pen au sein de l’extrême-droite française. Depuis l’éviction du patriarche de 86 ans, lundi 4 mai, à la suite d’un bureau exécutif houleux, ces anti-mariage pour tous, anti-Europe, anti-immigration… se déchaînent.
Le premier à tirer à vue est Roger Holeindre, 86 ans, ancien de l’OAS, figure de l’extrême-droite. D’emblée, il n’y va pas quatre chemins : "Marine Le Pen, c’est une M !!!", lâche-t-il tout de go avant de se reprendre : "Non, n’écrivez pas cela. Mais ce qu’elle a fait à son père relève du parricide. Il lui a tout donné. Et voyez comment elle le remercie… En le virant manu militari".
Auteur d’un livre de quelque 600 pages au titre évocateur, Ca suffit, il a quitté le FN il y a quatre ans. "Marine Le Pen a tué les idées de la droite nationale. Elle est contre les cathos, contre les anciens combattants, contre les anciens d’Indochine et contre les pieds noirs. C’est une véritable chasse aux sorcières. Elle nous dit, à nous les fondateurs du parti, que l’on est tous des cons", explique-t-il sans fard.
"Marine Le Pen n'est entourée que d'homosexuels"
Surtout, il ne supporte pas l’entourage de la présidente du Front national. Dans sa ligne de mire : Florian Philippot, le vice-président du parti. "Je reproche à Marine Le Pen de n'être entourée que d’homosexuels. Je n’ai rien contre eux. Mais aujourd’hui tout le monde est d’accord avec cela. Et en plus il faudrait applaudir ! Moi je ne vais pas à la Gay Pride, si vous voyez ce que je veux dire", lâche-t-il avant de conclure sèchement l’entretien : "En plus, il va à Colombey-les-deux-Eglises prier Dieu le père [il évoque le général De Gaulle, ndlr] toutes les deux semaines. Pour quelqu’un qui a fait l’Algérie française comme moi, cela commence à bien faire."
Ce vieux routier de l’extrême-droite française n’est pas le seul à éructer contre Marine Le Pen. Yvan Benedetti, ex-dirigeant du groupuscule d'extrême droite radicale L'Œuvre française - dissout en juillet 2013 à la suite de la rixe entre militants d’extrême-droite et militants d’extrême gauche qui a coûté la vie à Clément Méric – est dans la théorie du complot. Il pense que Florian Philippot est un "infiltré pour venir détruire de l’intérieur le Front national." Et, il voit dans l’éviction du père "l’emprise du lobby juif". Pour ce négationniste, membre du FN jusqu’en 2011 et ancien proche de Bruno Gollnisch, la stratégie de la fille de Jean-Marie Le Pen conduit à l’impasse. "Pour le système politico-médiatique, elle n’en fera jamais assez. Elle ne donnera jamais assez de gages", poursuit-il.
Mais celui qui se lâche sans vergogne ni pudeur contre Marine Le Pen, c’est Jérôme Bourdon, directeur de la publication et patron de Rivarol. "Elle a un côté cage aux folles. C’est une madone à PD et l’esclave des sionistes. Elle incarne le Sentier et Gaylib à la fois", balance-t-il d’un seul trait à Challenges, sans prendre de gants pour enrober ses horreurs. Lui aussi ne se reconnaît pas dans "le nouveau FN", dédiabolisé.
Jean-Marie Le Pen traité comme un "kleenex"
Il est encore scandalisé par l’éviction la suspension du statut d’adhérent du FN de Jean-Marie le Pen. "Elle a traité son père comme elle traite ses amants. C’est-à-dire comme un kleenex", poursuit-il, sur un ton quelque peu machiste. Ce petit homme, ancien professeur de français, a fait de Rivarol, journal de l’extrême-droite la plus dure, vendu à 5 000 exemplaires, l’organe officiel de la riposte contre Marine Le Pen. A tel point que cette dernière a poursuivi à trois reprises "ce torchon antisémite", dixit Louis Alliot son compagnon et vice-président du FN.
De son côté, le patron de Radio Courtoisie, Henry de Lesquen, fustige lui la stratégie électorale du "ni PS, ni UMP". Il plaide pour unir les droites. Ancien supporter de Marine Le Pen, il a cessé de lui apporter son soutien quand Sébastien Chenu, ex-UMP et fondateur de Gaylib, est arrivé au Front national en décembre 2014. "Le Front national est dirigé par une coterie d’homosexuels. Ces derniers privilégient leur intérêt personnel plutôt que celui du parti", avance-t-il.
Lui qui refuse d’être étiqueté comme d’extrême-droite, voit surtout dans la stratégie de Philippot, un non-sens qui conduit le parti à échouer à chaque élection aux scrutins majoritaires à deux tours. "Il n’y a qu’à voir les départementales : malgré de bons scores au premier tour, le FN n’a pas réussi à faire tomber un département. C’est à cause des mauvais reports de voix des électeurs de l’UMP, effrayés par le discours étatiste et chevènementiste du Front national de Florian Philippot", ajoute-t-il. Paul-Marie Coûteau, un souverainiste de droite, un temps conseiller au FN, est sur la même ligne. Celui qui avait présenté Florian Philippot à Marine Le Pen, a depuis quitté le FN suite à un désaccord profond avec son ancien protégé…
Réunifier l'extrême-droite française
Ce constat aiguise les ambitions à la droite du Front national. Carl Lang, ancien numéro deux du FN, parti en 2009, après s’être présenté contre Marine Le Pen aux européennes, souhaite occuper cet espace. Avec son micro-mouvement, Le Parti de La France, il pense qu’il peut réunifier l’extrême-droite française. "Jean-Marie Le Pen peut être un catalyseur pour reconstruire un mouvement portant les idées de la droite nationale. Il a toujours une aura et tout le monde connaît", souffle-t-il. Reste à savoir si le vieux patriarche qui avait unifié en 1972 les différents mouvements de l’extrême-droite française à encore assez de force…
Florian Fayolle - challenges.fr :: lien
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