Source : Boulevard Voltaire Pour Laurent Joffrin, les parents de Vincent Lambert sont comparables à des islamistes.
Il fallait y penser. Comparer deux personnes âgées qui se battent quotidiennement au chevet de leur fils avec les égorgeurs sanguinaires de l’État islamique, c’est une idée qui n’aurait traversé la tête de personne avant lui, sauf peut-être les intellectuels de Canal+.
« L’affaire Vincent Lambert » n’en finit pas de rebondir. Affaire, parce que l’obstination du Centre hospitalier de Reims à conserver Vincent sous bonne garde – deux policiers sont en faction devant sa chambre – et à refuser le transfert dans un autre établissement qui n’attend que cela pour prendre en charge cet homme lourdement handicapé n’a trouvé, jusque-là, qu’une seule justification : arrêter tout traitement. Et, au risque de nous répéter (ce qui peut devenir lassant), Vincent ne reçoit aucun traitement. C’est bien ce qui est reproché par sa famille à l’hôpital. Il est nourri et hydraté comme tout un chacun. Il n’y a donc pas besoin de le débrancher, ni de mettre fin à un quelconque acharnement thérapeutique que la morale réprouve. Il faut, pour ces gens dont le devoir d’humanité semble céder devant les exigences d’une société devenue folle, le mettre à mort, littéralement. Par la faim et surtout la soif.
Par bonheur, ou par une intervention providentielle – chacun en jugera -, l’équipe médicale de Reims a compris que l’exécution de la sentence serait rendue malaisée par les multiples recours envisagés par une famille qui n’en peut plus. Et elle a prudemment reculé, en saisissant le procureur d’une demande de protection judiciaire, c’est-à-dire la nomination d’un tuteur. Un tuteur n’a aucun pouvoir de vie ou de mort sur la personne protégée. Il ne pourra donc pas signer, les yeux pudiquement détournés, une sentence de mort et s’en laver les mains, tel Ponce Pilate, en se retranchant derrière l’avis des tribunaux. L’équipe médicale a compris aussi qu’un immense scandale était en train de sortir : celui d’un médecin qui a délibérément, et sans prévenir personne, interrompu alimentation et hydratation en 2013, avant d’être contraint de la reprendre sur décision judiciaire ; qui s’est présenté par la Cour européenne des droits de l’homme comme le conseil de Rachel Lambert, l’épouse – en droit – de Vincent et qui, de partie, devient juge susceptible de décider la mort de son patient ; celui d’un hôpital qui refuse à tout prix de laisser sortir cet homme pour le placer ailleurs, là où il gênera moins…
Mais l’ineffable Laurent Joffrin, dans Libération, voit dans ce retournement de dernière minute le résultat de l’intégrisme catholique. Sans aucune crainte du ridicule, il expose que la décision « d’arrêt des soins » [Privons-le d’eau pendant 48 heures pour qu’il comprenne ce que ces mots signifient] ne peut pas être prise dans la sérénité car « les parents de Vincent Lambert sont liés à la fraternité Saint-Pie-X, secte catholique d’extrême droite dont le Vatican, en dépit de certaines tentatives de négociations, a toujours déclaré l’illégitimité. Ainsi, c’est une phalange intégriste qui a réussi, par la menace, à faire dévier la procédure légale. Elle n’a rien à envier aux groupes équivalents dans les autres religions, par exemple les intégristes musulmans. »
Il fallait y penser. Comparer deux personnes âgées qui se battent quotidiennement au chevet de leur fils avec les égorgeurs sanguinaires de l’État islamique, c’est une idée qui n’aurait traversé la tête de personne avant lui, sauf peut-être les intellectuels de Canal+. Dresser un parallèle entre la lutte pour la vie et la haine de toute vie, c’est faire poser Hitler à côté d’Anne Frank.
Monsieur Joffrin peut-il un instant comprendre ce qu’est l’amour de parents pour leur fils ? Peut-il imaginer qu’il existe encore, dans notre monde terrorisé par la mort, des gens capables de donner leur vie pour un autre ? Peut-il concevoir qu’aux yeux de monsieur et madame Lambert, le confort de leur existence, de leurs certitudes et du repos qu’ils méritent à leur âge cède devant le devoir d’assurer à leur fils une vie aussi paisible que possible, ce qui implique de l’arracher aux griffes de ceux qui veulent le faire mourir ?
Je ne souhaite qu’une chose à Laurent Joffrin : qu’il soit un jour secouru par un « intégriste » catholique. Je parie qu’il sera surpris d’être soigné plutôt qu’égorgé.
François Teutsch